Assurance-emploi (AE)

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Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2079

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (604916) datée du 20 juillet 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 5 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2481

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi à partir du 30 mars 2023, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible parce qu’elle n’avait pas renouvelé son permis de travail avant sa date d’échéance et donc, qu’elle ne pouvait pas bénéficier du statut implicite accordé par Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC).Note de bas page 1

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle n’était que trois jours en retard puisque dès qu’elle s’est rendu compte que son permis avait expiré, elle est allée voir son avocate pour que celle-ci fasse les démarches nécessaires.

Question en litige

[7] L’appelante était-elle disponible pour travailler?

Analyse

[8] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible selon ces deux articles.

[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 3 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 4. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 5. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] Mais puisque je n’ai aucun élément au dossier me permettant de croire que la Commission a demandé à l’appelante de lui transmettre une liste « des démarches habituelles et raisonnables » qu’elle a effectuées, je ne traiterai pas des exigences de cet article.

[12] Par conséquent, je vais seulement examiner les exigences de l’article 18 pour décider si l’appelante était disponible pour travailler.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[13] Avant de me pencher sur les exigences propres à cet article, il me semble important de mettre en lumière la chronologie des événements. Ceux-ci sont importants dans ce dossier, qui diffère des dossiers habituels de disponibilité.

Chronologie des événements: renouvellement du permis de travail

[14] Les dates les plus importantes pour bien comprendre la présente décision sont les suivantes :

  • 9 juin 2022 : Expiration du permis de travail
  • 12 juin 2022 : Contacte une avocate pour renouveler la demande.
  • 2 septembre 2022 : Demande de renouvellement du permis de travail déposée
  • 17 mars 2023 : Dernier jour travaillé et demande d’assurance-emploi présentée
  • 20 mars 2023 : Inadmissibilité indéterminée imposée par la Commission
  • 15 juin 2023 : Demande de renouvellement envoyée au centre de traitement
  • 23 août 2023 : Obtention du nouveau permis de travail.

[15] L’appelante a témoigné lors de l’audience qu’en mai et juin 2022, elle était surtout préoccupée par sa demande de résidence permanente. Lorsqu’elle a constaté que son permis de travail arrivait à échéance, elle a tout de suite contacté son avocate.

[16] Elle indique que son avocate a tardé à déposer ses papiers et que c’est ce qui explique que sa demande de renouvellement de permis n’a été déposée que le 2 septembre 2022.

[17] Je considère que l’appelante est crédible lorsqu’elle relate ces faits. Sa version des faits est constante à travers toutes ses déclarations. De plus, la période estivale entraine souvent quelques délais, ce qui est compatible avec un dépôt au 2 septembre.

[18] Même si un délai de trois jours est suffisant pour que le statut implicite ne puisse lui être accordé, il ne démontre pas une témérité ou une insouciance importante envers son statut de travail.

[19] De plus, il est possible que l’appelante n’ait pas été consciente de l’importance de renouveler son permis de travail malgré la présentation d’une demande de résidence permanente.

[20] Finalement, et c’est ce qui me semble le plus important dans ce dossier, son employeur lui a permis de continuer à travailler pendant près de 10 mois après l’expiration de son permis.

[21] Si elle avait été mise à pied au moment où son permis de travail a expiré, il y a fort à parier que l’appelante aurait fait des démarches supplémentaires, comme présenter une demande de rétablissement de son statut.Note de bas page 6 Par conséquent, je ne retiens pas contre l’appelante le délai important pris par l’IRCC pour renouveler son permis de travail.

Capable de travailler et disponible pour se faire

[22] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si l’appelante était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas page 7 : 

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[23] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas page 8.

Vouloir retourner travailler

[24] L’appelante a montré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Elle a témoigné lors de l’audience avoir fait plusieurs démarches pour trouver un autre emploi, sans succès. Elle a aussi témoigné avec émotions des difficultés vécues du fait de n’avoir aucun revenu. À mon avis, ces éléments sont suffisants pour satisfaire ce premier critère.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[25] L’appelante a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[26] Comme je l’ai mentionné plus tôt, les démarches que l’appelante a faites pour trouver un emploi comprenaient doivent être évaluées dans le contexte global de l’affaire. L’appelante venait de subir un congédiement qu’elle considère comme injuste et se retrouvait alors toujours en attente du renouvellement de son permis de travail.

[27] Compte tenu du délai déjà écoulé depuis sa demande de renouvellement, elle était en droit de s’attendre à ce que celui-ci soit renouvelé sous peu. Or, elle a dû attendre plus de cinq autres mois avant que sa demande ne soit finalement traitée.

[28] Il est alors normal que ses démarches aient été moins intensives que pour un autre prestataire. Elle a tout de même témoigné lors de l’audience avoir contacté diverses agences de placement, mais sans succès.

[29] Dans les circonstances du présent dossier, je considère que ces démarches étaient suffisantes pour satisfaire aux exigences liées à ce deuxième élément.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[30] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[31] La Commission affirme que le retard de l’appelante à demander le renouvellement de son permis de travail constitue une condition personnelle qui limite indûment ses chances de retourner travailler.

[32] Je conclus que ce n’est pas le cas. Tel que mentionné dans les paragraphes précédents et compte tenu du contexte particulier de la présente affaire, le fait que son permis de travail ne soit pas renouvelé ne constitue pas une condition personnelle limitant indûment ses chances de travailler.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[33] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[34] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus que l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations.

[35] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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