Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1070

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Représentante ou représentant : N. O.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (446273) datée du
8 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 4 septembre 2024
Numéro de dossier : GE-23-2736

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs. L’appelant n’est donc pas passible d’une pénalité.

[3] L’appelant n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler du 30 mars 2018 au 2 avril 2018. Il a démontré sa disponibilité pour travailler le 29 mars 2018 et le 3 avril 2018.

Aperçu

Appel renvoyé à la division générale pour une nouvelle audience

[4] Le 8 janvier 2022, la division générale du Tribunal a décidé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi du 30 mars 2018 au 2 avril 2018 parce qu’il était à l’étranger. De plus, elle a décidé qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler du 29 mars 2018 au 3 avril 2018 et qu’il avait sciemment fourni de faux renseignements dans ses déclarations bimensuelles.

[5] L’appelant a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Le 20 septembre 2023, la division d’appel a accueilli l’appel en partie et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une autre audience afin de décider si l’appelant était disponible pour travailler, s’il avait fait une fausse déclaration et comment la Commission avait déterminé la pénalité appropriée.

[6] J’ai prévu une audience le 21 décembre 2023. L’appelant a dit au Tribunal qu’il ne pourrait pas assister à une audience en raison de ses problèmes de santé continus. À la suite de deux conférences préparatoires tenues le 8 juillet 2024 et le 29 juillet 2024, j’ai décidé de tenir une audience par écrit et j’ai donné à l’appelant jusqu’au 30 août 2024 pour envoyer de nouveaux documents.

[7] L’appelant a écrit au Tribunal le 29 août 2024 pour dire qu’il n’avait aucun nouveau document à envoyer et pour me demander de rendre la décision en me basant sur les documents déjà au dossier.

Question no 1 : Pénalité

[8] Pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, les prestataires remplissent des déclarations en ligne. Les déclarations contiennent une série de questions. La Commission tient compte des réponses à ces questions pour décider de l’admissibilité aux prestations.

[9] La Commission a examiné les réponses que l’appelant a fournies dans ses déclarations bimensuelles pour savoir s’il était à l’étranger du 29 mars 2018 au 3 avril 2018. Elle a décidé qu’il avait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans ses déclarations, parce qu’il a déclaré qu’il n’avait pas été à l’étranger. Elle lui a imposé une pénalité non financière.

[10] L’appelant dit qu’il n’a pas sciemment fourni de faux renseignements. Il était à l’étranger seulement pendant la longue fin de semaine de Pâques, pour un événement sportif. Il ignorait qu’il devait signaler une absence du Canada les jours fériés.

Question en litige no 2 : Disponibilité pour travailler

[11] La Commission a également décidé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations du 29 mars 2018 au 3 avril 2018 parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler.

[12] Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Une partie prestataire doit donc être à la recherche d’un emploi.

[13] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler, puisqu’il était en vacances du 29 mars 2018 au 3 avril 2018. L’appelant fait valoir qu’il ne savait pas qu’il devait être disponible pour travailler durant les longues fins de semaine.

Questions en litige

[14] La Commission a-t-elle prouvé que l’appelant a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans ses déclarations de prestations? Si c’est le cas, je dois aussi décider si la Commission avait raison d’imposer une pénalité non financière.

[15] L’appelant était-il disponible pour travailler du 29 mars 2018 au 3 avril 2018?

Analyse

Question no 1 : Pénalité

L’appelant a-t-il sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs?

[16] Pour imposer une pénalité, la Commission doit prouver que l’appelant a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeursNote de bas de page 1. Il ne suffit pas que les renseignements soient faux ou trompeurs. Pour qu’une pénalité soit applicable, la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a fourni les renseignements en toute connaissance de cause, en sachant qu’ils étaient faux ou trompeursNote de bas de page 2.

[17] S’il ressort clairement de la preuve que les questions étaient simples et que l’appelant y a mal répondu, je peux déduire qu’il savait que les renseignements étaient faux ou trompeurs. L’appelant doit alors expliquer pourquoi il a donné des réponses incorrectes et démontrer qu’il ne l’a pas fait sciemmentNote de bas de page 3. La Commission peut donner une pénalité pour chaque déclaration fausse ou trompeuse que l’appelant a faite en toute connaissance de cause.

[18] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant avait l’intention de frauder ou de tromper la Commission pour décider s’il est passible d’une pénalitéNote de bas de page 4.

[19] Dans chacune des déclarations, l’appelant devait répondre à la question suivante : [traduction] « Étiez-vous à l’étranger du lundi au vendredi pendant la période visée par la présente déclaration? ». L’appelant a répondu « Non » dans deux déclarations pour les semaines du 25 mars 2018 et du 1er avril 2018Note de bas de page 5.

[20] La Commission a décidé que l’appelant avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses parce qu’il était à l’étranger, sans le dire dans ses déclarations bimensuelles. Elle affirme que, s’il s’agissait d’une erreur, l’appelant aurait modifié ses déclarations par la suite pour signaler correctement son absence du Canada.

[21] L’appelant a témoigné qu’il n’a pas déclaré qu’il était à l’étranger, parce qu’il s’est seulement absenté pour la longue fin de semaine de Pâques et qu’il avait fait ses déclarations avant de partir. Il ne pensait pas devoir informer la Commission de son absence les jours fériés. Il a dit à la Commission avoir reçu une invitation de dernière minute à un tournoi sportif et avoir quitté le Canada en soirée le jeudi 29 mars 2018Note de bas de page 6.

[22] J’ai d’abord examiné les questions du formulaire auxquelles l’appelant a répondu. L’appelant a répondu « Non » à la question simple suivante : [traduction] « Étiez-vous à l’étranger du lundi au vendredi pendant la période visée par la présente déclaration? ».

[23] J’ai ensuite examiné l’argument de l’appelant selon lequel il a été invité à un tournoi sportif aux États-Unis et n’était pas au courant qu’il devait signaler son absence du Canada pendant une longue fin de semaine. Personne ne conteste le fait qu’il a quitté le Canada en soirée le 29 mars 2018 et que son absence a duré du vendredi saint au soir qui a suivi le lundi de Pâques.

[24] L’appelant a aussi dit à la Commission qu’il se souvenait d’avoir rempli ses déclarations avant son départ. Cependant, la preuve montre que sa déclaration pour la semaine du 1er avril 2018 a été remplie le 11 avril 2018.

[25] J’ai déjà décidé que l’appelant n’a pas correctement déclaré son absence. Je n’ai pas accordé d’importance au fait que l’appelant a affirmé à la Commission avoir rempli ses déclarations avant son départ du Canada. En effet, cette affirmation était fondée sur des souvenirs, trois ans après le dépôt des déclarations.

[26] J’ai accordé beaucoup d’importance à l’explication donnée à la Commission. L’appelant lui a dit qu’il croyait inutile de signaler une absence du Canada pendant une longue fin de semaine. Il supposait que le vendredi saint et le lundi de Pâques étaient des jours fériés, car il avait congé ces jours-là dans ses emplois précédents. Il a rapidement reconnu l’erreur dans ses déclarations quand la Commission a fait un suivi en 2021.

[27] L’explication de l’appelant pour ne pas avoir déclaré son absence concorde avec d’autres affirmations qu’il a faites à la Commission. Le fait qu’il n’ait pas modifié ses déclarations par la suite n’est pas pertinent pour décider s’il a sciemment fait une fausse déclaration. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant n’a pas sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs dans ses déclarations bimensuelles.

[28] Puisque j’ai décidé que l’appelant n’a pas sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse, la décision de la Commission d’imposer une pénalité non financière est annulée.

Question en litige no 2 : Disponibilité pour travailler

[29] Deux articles de loi différents exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles.

[30] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 7. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer le sens de « démarches habituelles et raisonnables ».

[31] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9.

[32] La Commission a décidé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations régulières parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi. Je ne tire aucune conclusion au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, car rien ne prouve que la Commission a rendu une décision sur cette question.

[33] Je vais vérifier si l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable pendant qu’il était temporairement à l’étranger du 29 mars 2018 au 3 avril 2018.

[34] La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 10 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner travailler.

L’appelant souhaitait-il retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert?

[35] L’appelant a démontré qu’il voulait travailler. Il a déclaré qu’il travaillait déjà à temps partiel et il a indiqué cette rémunération dans ses déclarationsNote de bas de page 11. J’estime donc que la preuve démontre qu’il avait le désir de retourner sur le marché du travail.

L’appelant a-t-il fait des démarches pour trouver un emploi convenable?

[36] Dans sa déclaration bimensuelle pour la semaine du 1er avril 2018, l’appelant a indiqué avoir commencé un nouvel emploi pendant la période de déclaration. Il a aussi travaillé à temps partiel pendant cette période. La Loi sur l’assurance-emploi n’exige pas qu’une partie prestataire cherche un emploi à temps plein.

[37] Rien ne prouve que l’appelant a cherché du travail les jours où il participait au tournoi sportif, du 30 mars 2018 au 2 avril 2018. Cependant, il y a assez d’éléments de preuve pour démontrer que l’appelant faisait des démarches les jours où il était au Canada. Il a quitté le Canada le soir du 29 mars 2018 après les heures de travail et est revenu tôt le matin du 3 avril 2018. J’estime donc que ses démarches de recherche d’emploi répondent aux exigences liées à ce deuxième élément pour le 29 mars 2018 et le 3 avril 2018.

L’appelant a-t-il établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[38] L’itinéraire de vol de l’appelant montre qu’il a quitté le Canada à 20 h 55 le 29 mars 2018 et qu’il devait revenir à 23 h 05 le 2 avril 2018Note de bas de page 12.

[39] Les parties conviennent que l’appelant a participé à un tournoi sportif du 30 mars 2018 au 2 avril 2018. Il s’agissait d’une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner travailler pendant cette période.

[40] La preuve démontre que l’appelant a quitté le Canada plusieurs heures après la fin des heures de travail le 29 mars 2018. Il est arrivé à la maison tard en soirée le 2 avril 2018 ou tôt le matin du 3 avril 2018. Je conclus donc que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler le 29 avril 2018 et le 3 avril 2018.

L’appelant était-il donc disponible pour travailler du 29 mars 2018 au 3 avril 2018?

[41] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable le 29 mars 2018 et le 3 avril 2018.

[42] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il participait à un tournoi sportif du 30 mars 2018 au 2 avril 2018.

L’appelant a toujours un trop-payé de prestations

[43] L’appelant a toujours un trop-payé de prestations pour la période du 30 mars 2018 au 2 avril 2018. Je souligne que la décision de la division d’appel a confirmé la conclusion précédente de la division générale selon laquelle il ne peut pas recevoir de prestations pour cette période parce qu’il était à l’étranger.

[44] Je n’ai pas le pouvoir d’annuler en tout ou en partie les trop-payés. Seule la Commission peut le faire en vertu de l’article 43 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[45] Deux options s’offrent à l’appelant relativement au trop-payé. Il peut demander à la Commission d’annuler la dette en raison d’un préjudice abusif. S’il n’est pas d’accord avec la réponse de la Commission, il peut déposer un avis de demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 14.

[46] L’appelant peut aussi téléphoner au Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada au 1-866-864-5823 pour s’informer d’une réduction de dette en raison de difficultés financièresNote de bas de page 15. Il devra alors fournir des renseignements sur sa situation financière pour un examen de son dossier.

Conclusion

[47] L’appelant n’a pas sciemment fait de fausses déclarations, alors il n’est pas passible d’une pénalité.

[48] Il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler du 30 mars 2018 au 2 avril 2018, alors il est inadmissible aux prestations pour cette période.

[49] Cependant, il a démontré qu’il était disponible pour travailler le 29 mars 2018 et le 3 avril 2018. Il n’est donc pas inadmissible aux prestations à ces deux dates.

[50] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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