[TRADUCTION]
Citation : GS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1027
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | G. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision (640597) rendue le 15 mars 2024 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Linda Bell |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 30 avril 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 2 mai 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-1314 |
Sur cette page
Décision
[1] G. S. est l’appelant. J’accueille son appel.
[2] La Commission n’a pas démontré qu’il a quitté son emploi de façon volontaire. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi peu de temps après sa dernière journée de travail. Il a dit avoir cessé de travailler en raison d’un manque de travail.
[4] Le 20 novembre 2023, la Commission a reçu un relevé d’emploi indiquant que l’appelant avait quitté son emploi. Elle a donc regardé pourquoi l’appelant avait cessé de travailler. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. En conséquence, elle a fait suspendre les versements (ou imposé une exclusion) à compter du 5 novembre 2023.
[5] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Il admet avoir demandé son relevé d’emploi, mais affirme n’avoir jamais quitté son emploi.
[6] Je dois décider si la Commission a prouvé que l’appelant a quitté son emploi de façon volontaire. Si je conclus que oui, je dois décider si son départ était justifié au sens de la loi.
Question que je dois examiner en premier
Partie pouvant être mise en cause
[7] Le Tribunal a constaté qu’il pouvait peut-être mettre une autre partie en cause dans l’appel : l’employeur de l’appelant. Il a envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il voulait devenir une partie à l’appel. Pour devenir une partie mise en cause, l’employeur doit démontrer qu’il a un intérêt direct dans l’appel.
[8] L’employeur n’a pas répondu à la lettre du Tribunal. Comme rien dans le dossier d’appel n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause.
Question en litige
[9] L’appelant a-t-il quitté son emploi de façon volontaire?
Analyse
Départ volontaire
[10] Je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant n’a pas quitté son emploi de façon volontaire. J’explique mes motifs plus bas.
[11] La responsabilité de prouver que l’appelant a volontairement quitté son emploi revient à la CommissionNote de bas page 1.
[12] D’après la loi, pour savoir si les prestataires ont volontairement quitté leur emploi, je dois poser la question suivante : la personne avait-elle le choix de rester ou de partirNote de bas page 2?
[13] Quand les renseignements se contredisent, je dois décider quelle version est la plus probable. Je dois examiner tous les éléments de preuve et rendre une décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas page 3.
[14] Dans la présente affaire, je préfère m’appuyer sur la preuve présentée par l’appelant à l’audience plutôt que sur les notes versées au dossier par la Commission. Je pense que le témoignage de l’appelant est la preuve la plus fiable pour savoir s’il a quitté son emploi de façon volontaire.
[15] En premier lieu, l’appelant a une connaissance personnelle des événements. J’ai jugé son témoignage crédible et fondé sur la preuve documentaire. Cela comprend les documents qu’il a envoyés au Tribunal le 29 avril 2024. Ses réponses étaient simples et directes. Il a su répondre de façon cohérente aux questions portant sur ses déclarations et ses éléments de preuve.
[16] En deuxième lieu, les notes de la Commission ont été rédigées par le personnel de Service Canada. Ainsi, elles ne constituent pas une transcription objective des propos de l’appelant. Comme les conversations n’ont pas été enregistrées, il n’y a aucun compte rendu neutre. J’ai aussi tenu compte du fait que les notes prises durant les conversations n’ont pas été relues ni approuvées par l’appelant au moment de leur consignation. Cela en réduit la fiabilité.
[17] Je reconnais que l’appelant avait de la difficulté à ne pas s’éloigner du sujet quand il a raconté ce qui s’était passé. Il se peut donc que le personnel de la Commission ait vécu une certaine frustration. En conséquence, il semble que l’appelant ait réagi de la mauvaise façon en parlant à la Commission. Cet accroc a peut-être aussi empêché la Commission de bien comprendre les explications de l’appelant.
[18] Je reconnais que la Commission ne précise pas pourquoi elle a préféré les déclarations de l’employeur à celles de l’appelant. Je ne vois pas non plus de preuve que la Commission a interrogé l’employeur au sujet de ce que l’appelant a dit sur le caractère familial de l’entreprise ou sur le possible contrat de cinq ans par lequel l’employeur s’engage à embaucher un conducteur de remplacement à temps plein et à le payer 10 $ de l’heure de moins que l’appelant.
[19] L’appelant conteste les observations de la Commission. Il affirme qu’elle n’a pas compris à quel point il était triste, contrarié et nerveux de ne plus recevoir de chèque de paie. Il n’aurait jamais quitté cet emploi parce qu’il a des factures à payer. Il a demandé son relevé d’emploi parce que l’employeur avait un contrat de cinq ans avec un nouvel employé, qui était là pour le remplacer. Comme l’employeur a réduit ses heures, il fallait que l’appelant demande des prestations d’assurance-emploi. Il explique qu’il n’a pas eu la chance de continuer à travailler pour cet employeur.
[20] Durant son témoignage, l’appelant a dit qu’il a déménagé dans cette ville éloignée avec sa famille pour travailler pour cet employeur. C’était une entreprise familiale. On lui avait dit que c’était un emploi à temps plein, 40 heures par semaine, mais l’employeur n’a jamais eu assez de travail pour le faire travailler à temps plein. La période la moins occupée allait de novembre à février. Cette information est appuyée par les heures indiquées pour chaque période de paie de deux semaines à la case 15C du relevé d’emploiNote de bas page 4.
[21] L’appelant a raconté que, quand le conducteur précédent est parti, il était le seul employé à avoir le permis et le certificat appropriés pour conduire le gros camion-grue. Ses tâches consistaient notamment à faire les vérifications de sécurité, à s’occuper de l’entretien, à charger et à décharger de la marchandise et à conduire le camion-grue pour les livraisons.
[22] Durant son témoignage, l’appelant a expliqué que, vers novembre 2022, l’employeur a embauché un nouveau conducteur. Celui-ci a dit à l’appelant qu’il avait signé avec l’employeur un contrat de 5 ans pour environ 22 $ de l’heure si l’employeur acceptait de payer pour que l’employé obtienne son permis de conduire de classe 3 et un certificat de conducteur de grue de classe B.
[23] Selon l’appelant, en octobre 2023, l’employeur lui a demandé de former le nouvel employé pour utiliser le gros camion-grue. L’appelant a accepté parce que l’employeur avait besoin de le remplacer pendant ses vacances en novembre 2023. Cependant, comme le nouvel employé n’avait pas toutes les autorisations requises pour conduire le gros camion-grue, l’appelant a dû rester en contact avec lui par téléphone cellulaire tout au long de ses vacances.
[24] L’appelant devait rentrer travailler le mardi 14 novembre 2023. Mais l’employeur l’a appelé pour faire une livraison le 13 novembre 2023. Il est allé travailler ce jour-là, mais après avoir chargé le camion et conduit jusqu’au chaland, on lui a dit que le nouvel employé avait annulé la livraison.
[25] Le lendemain matin, à son arrivée au travail, l’appelant a vu le nouvel employé partir dans le camion-grue qu’il devait conduire. Mais l’équipement de sécurité de l’appelant se trouvait dans le camion et il ne pouvait pas travailler sans cet équipement. Il affirme que c’est à ce moment‑là qu’il s’est rendu compte que l’employeur voulait le remplacer par le petit nouveau.
[26] L’appelant admet qu’il s’est énervé. Il s’est mis à crier et il a injurié le nouvel employé et l’employeur. Ce dernier lui a dit d’aller démarrer le vieux camion-grue, qui est plus petit. Mais ce camion n’était pas en état de circuler sur les routes et il n’y avait aucune autre tâche pour lui. L’appelant a expliqué que le pare-brise du camion était brisé et que le véhicule avait des problèmes mécaniques, alors il était stationné depuis un bon bout de temps.
[27] L’appelant a déclaré qu’il s’est rendu au bureau situé dans la cour arrière pour voir l’ordinateur de travail. L’employeur lui a montré qu’il y avait seulement deux commandes prévues pour le 14 novembre 2023. Les deux devaient se faire avec le gros camion-grue, que le nouvel employé conduisait. Il n’y avait rien de prévu pour le petit camion ce jour-là et rien du tout pour les deux camions le 15 novembre 2023. C’est à ce moment-là que l’appelant a demandé son relevé d’emploi, car il voulait demander des prestations d’assurance-emploi pour s’assurer d’avoir de l’argent pour payer ses factures.
[28] L’appelant a toujours dit que, comme c’était une entreprise familiale, tout le monde s’est entendu sur ce qu’il fallait dire pour éviter de lui verser une indemnité de départ. L’examen du courriel dans lequel C. M. décrit les événements de ce matin-là montre que le courriel a seulement été envoyé à 9 h 49. C’est deux heures après ce qui s’est passé le matin du 14 novembre 2023Note de bas page 5.
[29] L’appelant a toujours dit qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il aimait beaucoup son travail et n’a jamais manqué une journée de travail. Il a demandé son relevé d’emploi pour pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi et payer ses factures. Il était évident pour lui que l’employeur avait décidé de laisser le nouvel employé, qui avait seulement un certificat de classe B, conduire le gros camion-grue, car il le payait 10 $ de l’heure de moins que l’appelant. Selon lui, le fait que l’employeur a chargé le nouvel employé de conduire le seul camion qui était en service le jour même où l’appelant devait revenir travailler à temps plein confirme ce qu’il pensait. Il n’y avait pas assez de travail pour que lui-même continue à travailler à temps plein. Alors il n’y avait certainement pas assez de travail pour que les deux puissent travailler à temps plein. Il croit que l’employeur a planifié le tout pour se débarrasser de lui sans avoir à lui verser une indemnité de départ.
[30] L’appelant n’est pas d’accord avec les déclarations de la Commission selon lesquelles l’employeur lui a demandé de rentrer travailler après le 14 novembre 2023. Il a dit que l’employeur ne l’a jamais contacté et ne lui a jamais demandé de revenir au travail. En fait, c’est lui qui a tenté de parler à l’employeur à plusieurs reprises, mais ce dernier a refusé de répondre à ses appels téléphoniques ou à ses messages textes. Il explique que personne là-bas ne veut lui parler parce que l’employeur lui doit plusieurs heures de salaire, une paie pour le 13 novembre 2023, son indemnité pour ses deux semaines de vacances et une indemnité de départ.
[31] J’ai fait un examen minutieux des éléments de preuve portés à ma connaissance, et je conclus que la Commission n’a pas réussi à prouver que l’appelant a quitté son emploi de façon volontaire. La preuve appuie plutôt la conclusion suivante : il y a eu un manque de travail après que le nouvel employé a reçu la formation nécessaire pour conduire le gros camion-grue, car il avait un contrat de cinq ans avec l’employeur pour travailler à temps plein pour beaucoup moins d’argent. Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.
Conclusion
[32] L’appel est accueilli.