[TRADUCTION]
Citation : BH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1286
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | B. H. |
Représentante ou représentant : | M. R. |
Partie appelante : | Partie intimée |
Représentante ou représentant : | Daniel Crolla |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 28 avril 2024 (GP-24-68) |
Membre du Tribunal : | Kate Sellar |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 23 octobre 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-342 |
Sur cette page
Décision
[1] Je rejette l’appel. L’appel du requérant devant la division générale a été reçu trop tard pour aller de l’avant.
Aperçu
[2] Le requérant, B. H., est un survivant de maltraitance subie lorsqu’il était enfant. Il a un trouble de la personnalité antisociale et il pourrait possiblement avoir un trouble de stress post-traumatique. Il est aussi possible qu’il ait un trouble de l’apprentissage, ou bien un trouble déficitaire de l’attention.
[3] Le requérant a été sans-abri. Il est aussi allé en prison. Il n’est pas facile pour lui de lire et d’écrire. Il se rend à l’urgence lorsqu’il a des pensées suicidaires. Il a parfois l’impression qu’il doit supplier le gouvernement de l’aider, ce qui est désagréable. Il ne veut pas devoir le refaire.
[4] Le requérant n’a pas d’avocat ou d’avocate; c’est sa sœur qui l’aidait. Elle a de jeunes enfants, ce qui fait en sorte qu’elle est occupée. Il n’est pas facile pour le requérant de demander de l’aide. Le requérant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il a donné au ministre l’adresse de son oncle. Le ministre a écrit une lettre au requérant et l’a fait parvenir chez son oncle. La lettre mentionnait qu’il n’avait pas droit à la pension.
[5] Le requérant a demandé au ministre de revoir sa décision. Le ministre a envoyé au requérant une décision révisée lui mentionnant la même chose, soit qu’il n’était pas admissible à la pension d’invalidité. La lettre est datée du 15 janvier 2021. Le requérant a fait appel devant ce Tribunal le 9 janvier 2023.
[6] La division générale a eu une réunion téléphonique avec le requérant. La membre de la division générale lui a demandé quand il avait vu la décision révisée du ministre. Le requérant a répondu qu’il n’était pas certain du moment où il est allé chercher son courrier chez son oncle. Il n’était pas certain non plus des périodes durant lesquelles il était en prison ou sans-abri.
[7] La division générale a décidé de présumer que le requérant avait reçu la lettre 10 jours après la date figurant dessus. Le requérant avait donc plus d’un an de retard. La division générale a déclaré que l’appel ne pouvait pas aller de l’avant.
[8] J’ai accordé au requérant la permission de faire appel. Je lui ai dit qu’il était possible que la division générale ait commis une erreur à propos de la loi. J’ai aussi mentionné que le requérant avait peut-être soulevé une question suffisamment importante sur le moment où il avait vu la décision révisée pour que la division générale ne puisse pas simplement supposer qu’il avait reçu la décision dans les 10 jours suivant l’envoi de la lettre.
[9] J’ai eu une rencontre téléphonique avec le requérant. Je lui ai demandé à quel moment il avait reçu la lettre du ministre. Je lui ai également donné plus de temps après l’appel téléphonique afin qu’il puisse me faire parvenir l’information sur la date à laquelle il a reçu la lettre du ministre. Après avoir reçu l’information, je déciderais s’il est trop tard pour que l’appel puisse aller de l’avant. S’il est trop tard, l’appel est terminé. Si le délai est respecté, une audience est ensuite organisée afin de décider si le requérant peut avoir la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
Question en litige
[10] Je dois répondre à la question suivante :
- a) L’appel du requérant devant la division générale a-t-il été déposé avec plus d’un an de retard?
Analyse
L’appel du requérant devant la division générale a été déposé avec plus d’un an de retard
Le requérant a fait appel parce qu’il veut une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada
[11] Le requérant a fait appel parce qu’il veut une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il n’a pas aimé la décision de la division générale selon laquelle l’appel n’irait pas de l’avant, car il avait trop de retard.
La loi dit qu’une partie ne peut pas faire appel devant la division générale plus d’un an après la communication par le ministre de la décision révisée
[12] La loi sur les appels mentionne deux choses importantes sur le temps.
[13] En premier lieu, le requérant doit faire appel dans les 90 jours suivant la date où il reçoit la communication de la décisionNote de bas page 1.
[14] En deuxième lieu, le Tribunal ne peut en aucun cas aller de l’avant avec un appel reçu plus d’un an après que le ministre a communiqué la décision de révision au requérantNote de bas page 2.
Je dois décider si l’appel du requérant a été reçu trop tard pour aller de l’avant
[15] Afin de décider si l’appel du requérant a été reçu trop tard pour aller de l’avant, je dois décider quand la décision révisée du ministre a été communiquée au requérant.
Il n’y a pas de règle qui mentionne que je dois présumer que la lettre du ministre a été communiquée dans les 10 jours suivant son envoi
[16] Le ministre veut que je considère qu’il a communiqué la décision révisée dans les 10 jours suivant son envoi. En effet, le ministre veut que je suive les Règles des Cours fédérales et les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale qui traitent de l’envoi de documents par courrier. Ces règles mentionnent que les documents sont considérés comme reçus 10 jours après la date de l’envoiNote de bas page 3.
[17] Je n’ai pas pris en compte ces règles puisqu’elles ne s’appliquent pas aux décisions révisées du ministre. Les Règles des Cours fédéralestraitent de ce qui se passe à la Cour d’appel fédérale et à la Cour fédéraleNote de bas page 4. Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale traitent de ce qui se passe quand le Tribunal envoie des documents lors d’un appel, et non lorsque le ministre envoie des documents au requérant avant même qu’il n’y ait un appelNote de bas page 5.
[18] Bien que ces règles ne s’appliquent pas dans ce contexte précis, et qu’elles ne m’obligent pas à considérer que la lettre a été communiquée 10 jours après avoir été envoyée, je peux décider, en me basant sur tous les éléments dont je dispose, que le ministre a communiqué la lettre peu de temps après la date qui figure sur celle-ciNote de bas page 6.
Je vais décider à quel moment le ministre a communiqué la lettre en me basant sur les faits dont je dispose
[19] Je dois décider, dans les faits, à quel moment le ministre à communiquer la décision au requérant. C’est au ministre de démontrer qu’il a communiqué la lettre au requérant. Voici les faits dont je dispose :
- Le requérant a demandé une pension d’invalidité en septembre 2019.
- Le ministre a rejeté la demande en juillet 2020, et le requérant a fait une demande de révision en septembre 2020. Il n’a pas fallu longtemps au requérant pour demander une révisionNote de bas page 7.
- Le requérant ne sait pas à quel moment il est allé chercher la lettre chez son oncle.
- Le requérant affirme qu’il a été sans-abri et qu’il est allé en prison, mais ne se souvient pas quand c’était exactement. J’ai donné au requérant la chance, pendant une conférence, et puis par écrit, de me dire où il était entre le 15 janvier 2021 (date de la lettre) et le moment de son appel en janvier 2023. Il n’a pas été en mesure de me fournir cette information.
- Le requérant affirme qu’il a de la difficulté à lire. Il a besoin d’aide pour lire des lettres importantes.
- L’adresse indiquée par le requérant dans sa demande, dans sa lettre de demande de révision et dans l’appel qu’il a envoyé à la division générale était la même : celle de son oncleNote de bas page 8.
- Le ministre soutient qu’il a envoyé la lettre par courrier ordinaire chez l’oncle du requérant à la date indiquée sur la lettre, soit le 15 janvier 2021.
- La division générale a reçu l’appel du requérant le 9 janvier 2023, soit presque deux années entières après la date inscrite sur la décision révisée.
Selon les faits et la loi, le ministre a communiqué sa décision au requérant en janvier 2021
[20] En me reposant sur les faits et sur la loi, je pense qu’il est probable que la lettre soit arrivée chez l’oncle du requérant en janvier 2021. Le requérant a reçu d’autres lettres du ministre (comme la décision initiale) en temps voulu chez son oncle. Le ministre n’a pas reçu de mention disant que la lettre avait été retournée, ou que le requérant avait tenté de s’informer pour savoir où se trouvait la décision révisée.
[21] Je conclus que le ministre a communiqué la décision lorsqu’elle a été livrée chez l’oncle du requérant en janvier 2021. Je suis capable d’arriver à cette conclusion, dans ce cas, puisque le requérant n’a pas vraiment contesté cette idée. Il n’a pas été en mesure de déterminer, ni même d’estimer, la date à laquelle il aurait pu voir la lettre chez son oncle.
[22] Si le requérant était sans-abri, et non en prison, il donnait l’adresse de son oncle pour le courrier important. Dans ce cas, il est logique que l’envoi de courrier à cette adresse soit considéré comme une communication avec le requérant. Il revient au requérant de vérifier auprès de son oncle s’il a reçu du courrier, puisque c’est l’adresse qu’il a donnée à Service Canada.
[23] Le ministre dit qu’il était raisonnable d’envoyer la lettre à cette adresse si le requérant était sans-abri lorsque la lettre a été envoyée, puisque c’est l’adresse que le requérant a fournie. Je suis du même avis.
[24] Si le requérant était en prison, il ne pouvait pas vérifier le courrier chez son oncle. Cependant, je ne peux pas simplement supposer qu’il était en prison à un moment donné entre janvier 2021 et janvier 2023. Le requérant ne sait pas quand il est allé en prison, et il ne m’a donné aucune autre preuve pour m’aider à le découvrir.
[25] Le requérant m’a donné des raisons de me demander combien de temps s’est écoulé avant qu’il ne voie la lettre. Cependant, sans avoir plus de détails et sur la base de toutes les informations dont je dispose, je dois conclure que le ministre a communiqué la décision en janvier 2021.
[26] Le ministre dit qu’il a fait son travail en envoyant au requérant la décision réviséeNote de bas page 9. Le requérant a fourni au ministre l’adresse de son oncle. Le ministre a donc envoyé la décision révisée par courrier chez l’oncle du requérant.
[27] Le ministre affirme que les délais pour demander la permission de faire appel sont importants et je suis d’accord.
[28] Je pense qu’il est important de donner aux gens toutes les chances de montrer qu’ils n’étaient pas en retard. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles il est difficile pour le requérant de prouver ce qu’il devait prouver.
[29] Cependant, lorsque j’ai pris en compte toutes les preuves dont je disposais ainsi que l’importance des délais dans la loi, j’ai décidé que le requérant avait dépassé le délai d’un an pour faire appel. La loi ne me permet pas d’accorder plus de temps lorsqu’un requérant est en retard à ce point.
Le requérant a plus d’un an de retard et l’appel est terminé
[30] Ma décision ne change rien au fait que le requérant peut à nouveau demander une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
Conclusion
[31] J’ai rejeté l’appel du requérant. L’appel ne peut pas aller de l’avant parce que le requérant a fait appel à la division générale trop tard.