[TRADUCTION]
Citation : EM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1312
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | E. M. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (665421) datée du 22 mai 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Teresa M. Day |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 4 septembre 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 13 septembre 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-2283 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] La demande d’antidatation de l’appelante est rejetée parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pour son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi. Comme elle n’a pas fourni d’explication acceptable selon la loi, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée à la date antérieure qu’elle a demandéeNote de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelante a été suspendue de son emploi le 15 octobre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi 13 mois plus tard, soit le 22 novembre 2022.
[4] La défenderesse, la Commission, a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pour cette demandeNote de bas de page 2.
[5] L’appelante a ensuite demandé que sa demande soit antidatée afin que ses prestations puissent commencer à compter du 17 octobre 2021 pour coïncider avec son dernier jour de travailNote de bas de page 3.
[6] C’est ce qu’on appelle antidater une demande. La loi dit qu’une personne doit démontrer qu’elle avait un motif valable pour son retard à présenter une demande de prestations si elle souhaite que sa demande soit antidatéeNote de bas de page 4. Il existe un critère juridique précis pour prouver l’existence d’un motif valable.
[7] L’appelante a dit qu’elle avait un motif valable pour son retard parce qu’elle a été dissuadée de demander des prestations d’assurance-emploi plus tôt en raison des renseignements qu’elle a vus sur le site Web de l’assurance-emploiNote de bas de page 5. Elle s’est aussi fait dire qu’elle ne serait pas admissible à l’assurance-emploi par des personnes qu’elle connaissait qui avaient fait une demande et dont la demande avait été refusée parce qu’elles n’étaient pas vaccinées. Elle dit qu’elle n’avait donc aucune raison valable de faire une demande lorsqu’elle a perdu son emploiNote de bas de page 6. Par la suite, son avocat lui a dit qu’elle aurait quand même dû demander des prestations d’assurance-emploi, alors elle l’a fait.
[8] La Commission a rejeté sa demande d’antidatation. Elle a dit qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle avait un motif valable pour son retard à présenter sa demandeNote de bas de page 7.
[9] L’appelante a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
Question en litige
[10] La demande de prestations d’assurance-emploi de l’appelante peut-elle être antidatée et traitée comme si elle avait été présentée le 17 octobre 2021?
Analyse
[11] Pour trancher cette question, je dois établir si l’appelante a satisfait au critère juridique pour que sa demande soit antidatée au 17 octobre 2021.
[12] Pour ce faire, elle doit prouver 2 chosesNote de bas de page 8 :
- a) elle avait un motif valable pour son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi pendant toute la période écoulée;
- b) elle remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations.
[13] Pour qu’elle ait un motif valable, l’appelante doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 9. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait si elle se trouvait dans une situation semblable. Et elle doit le démontrer pour toute la période du retardNote de bas de page 10.
[14] La période de retard de l’appelante est la période de 13 mois qui s’étend du 17 octobre 2021 (date à laquelle elle veut que sa demande de prestations d’assurance-emploi commence) au 22 novembre 2022 (date à laquelle elle a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi).
[15] L’appelante doit également démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 11. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’elle a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle pouvait. Et si elle n’a pas fait ces démarches, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui l’ont empêchée de le faireNote de bas de page 12.
[16] Ainsi, pour qu’elle obtienne gain de cause en appel, l’appelante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable tout au long de son retard de 13 mois à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.
Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pour son retard?
La réponse courte :
[17] Non. L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pour son retard de 13 mois à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi.
La preuve :
[18] L’appelante a été interrogée sur les raisons de son retard lorsqu’elle a présenté sa demande d’antidatation. Elle a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 14 :
- Elle ne pensait pas être admissible aux prestations d’assurance-emploi étant donné qu’elle a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’avait pas été vaccinée contre la COVID-19.
- Elle s’est rendue sur le site Web du gouvernement du Canada et a vu que si une personne était suspendue parce qu’elle n’avait pas été vaccinée, elle pourrait ne pas obtenir de prestations d’assurance-emploi.
- De plus, elle a parlé à des connaissances qui n’étaient pas non plus vaccinées et qui n’ont pas reçu de prestations d’assurance-emploi. Elle a donc cru qu’elle n’avait aucune raison valable de présenter une demande.
- Ces éléments l’ont dissuadée de présenter une demande lorsqu’elle a cessé de travailler.
- Cependant, en novembre 2022, elle parlait à son avocat du fait de ne pas recevoir de prestations d’assurance-emploi et il lui a dit qu’elle aurait quand même dû présenter une demande. C’est donc ce qu’elle a fait.
[19] Au cours du processus de révision, elle a déclaré ce qui suitNote de bas de page 15 :
- Elle était stressée et en état de choc lorsqu’elle a perdu son emploi parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner. Elle a embauché un avocat pour contester cette décision de son employeur.
- Elle n’a pas communiqué avec Service Canada au sujet de son droit aux prestations d’assurance-emploi.
- Elle a consulté le site Web de Service Canada et les renseignements qu’elle a trouvés l’ont amenée à croire qu’elle ne pourrait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle avait été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner. Elle n’a donc pas pris la peine de présenter une demande.
- Cependant, en novembre 2022, son avocat l’a incitée à demander de l’assurance-emploi, alors elle l’a fait.
[20] À l’audience, l’appelante a déclaré ce qui suit :
- Au début de la pandémie, elle travaillait au lieu de recevoir la « PCUNote de bas de page 16 ».
- Par la suite, l’employeur a modifié sa politique et rendu la vaccination contre la COVID obligatoire. Lorsqu’elle ne s’est pas fait vacciner, elle a été renvoyée à la maison sans indemnité de congé, indemnité de préavis ou indemnité de départ après 33 ans de travail pour l’employeur.
- Peu de temps après sa suspension, elle a embauché un avocat pour se battre en vue d’obtenir une [traduction] « indemnité de départ équitable » pour ses 33 ans de service. Son avocat se bat toujours contre l’employeur pour cela.
- Elle a également consulté le site Web de l’assurance-emploi, où l’on peut lire : [traduction] « Si vous avez perdu votre emploi parce que vous n’avez pas été vacciné, vous pourriez ne pas être admissible aux prestations d’assurance-emploi ».
- Elle a supposé que demander des prestations d’assurance-emploi n’avait aucun sens.
- Elle se sentait intimidée et traumatisée par son employeur ainsi que par le gouvernement et la société en général, simplement parce qu’elle n’était pas vaccinée. Elle se sentait attaquée.
- Après sa suspension, elle a utilisé son REER et d’autres économies pour subvenir à ses besoins. Elle a aussi eu 60 ans alors elle a pris sa pension du Régime de pensions du Canada « plus tôt ».
- Elle a ensuite dû déménager à un endroit moins cher afin de réduire ses dépenses. En décembre 2021, des membres de sa famille sont venus vivre avec elle et ils payaient les [traduction] « repas ». Cela l’a aidée à rester où elle vivait.
- Cependant, rien de tout cela n’est arrivé à remplacer son revenu d’emploi.
- En novembre 2022, elle avait presque épuisé ses REER et ses autres économies.
- Elle a parlé à son avocat de sa situation financière difficile et il lui a dit qu’elle aurait dû demander des prestations d’assurance-emploi de toute façon. C’est donc ce qu’elle a fait.
[21] J’accepte le témoignage de l’appelante comme étant crédible. Il a été fait d’une manière franche et directe. Il concordait également avec les déclarations qu’elle a faites à la Commission pour appuyer sa demande d’antidatation et pendant le processus de révision.
Mes conclusions :
[22] L’appelante n’a pas satisfait au critère juridique pour prouver qu’elle avait un motif valable pour son retard à demander des prestations d’assurance-emploi.
L’appelante ne s’est pas comportée comme une personne raisonnable l’aurait fait dans des circonstances semblables.
[23] Pendant la période de retard de 13 mois de l’appelante (du 17 octobre 2021 au 22 novembre 2022), sa situation était la suivante :
- Elle a été suspendue de son emploi sans solde.
- Elle n’avait reçu aucune indemnité de cessation d’emploi (comme une indemnité de congé, une indemnité de préavis ou une indemnité de départ) de la part de l’employeur, malgré ses 33 années d’emploi.
- Elle a retenu les services d’un avocat et se battait contre l’employeur pour obtenir une indemnité de départ équitable.
- Elle utilisait son REER et ses économies pour subvenir à ses besoins.
- Elle a été forcée de déménager à un endroit moins cher.
- Elle n’était pas capable de payer pour ses dépenses sans l’aide de membres de sa famille, qui ont emménagé avec elle et payé les repas.
[24] Lorsque l’appelante a été suspendue de son emploi le 15 octobre 2021, il aurait été raisonnable qu’elle attende de 2 à 4 semaines avant de demander des prestations d’assurance-emploi. Par la suite, l’appelante aurait dû se rendre compte qu’elle devait s’informer et chercher à obtenir des prestations d’assurance-emploi.
[25] Une personne raisonnable dans la situation de l’appelante aurait pris des mesures pour communiquer avec Service Canada afin de s’informer de si elle pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle avait été suspendue de son emploi, ou elle aurait demandé des prestations d’assurance-emploi dans les 4 semaines suivant sa suspension de son emploi le 15 octobre 2024, surtout si elle devait faire face sous peu à la perspective d’épuiser ses économies de retraite, de déménager pour épargner de l’argent et de compter sur l’aide de membres de sa famille pour ses dépenses. Une personne raisonnable aurait reconnu la nécessité de s’informer auprès de Service Canada du délai de présentation d’une demande de prestations d’assurance-emploi, ou elle aurait simplement consulté Internet et présenté sa demande à ce moment-là.
[26] Pourtant, l’appelante a attendu 13 mois sans prendre de mesures pour présenter une demande de prestations d’assurance-emploi ou sans communiquer avec la Commission pour s’informer du processus de demande ou des dates limites pour présenter une demande.
[27] Une personne raisonnable et prudente n’aurait pas attendu 13 mois pour vérifier si elle avait raison de croire qu’elle ne serait pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 17. Surtout si elle avait déjà eu une année sans revenu et qu’elle avait été forcée de modifier ses conditions de vie pour cette raison.
[28] Si l’appelante avait consulté plus attentivement le site Web de Service Canada dans les quatre semaines suivant son dernier jour de travail, le 15 octobre 2024, elle aurait vu qu’une personne pouvait demander des prestations d’assurance-emploi même si elle n’était pas certaine d’être admissible.
[29] De plus, si elle avait communiqué avec Service Canada par téléphone ou en personne et s’était renseignée dans les 4 semaines suivant son dernier jour de travail, elle aurait pu demander des prestations d’assurance-emploi à compter de son dernier jour payé et la Commission aurait pu commencer son enquête sur sa cessation d’emploi pour vérifier si elle était admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant sa suspensionNote de bas de page 18.
[30] Le fait que l’appelante n’a rien fait de cela signifie qu’elle n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pendant toute sa période de retard.
L’appelante n’a pas vérifié assez rapidement si elle avait droit aux prestations d’assurance-emploi et quelles obligations lui imposait la loi.
[31] Les tribunaux ont affirmé qu’il s’agit d’une exigence pour les demandes d’antidatationNote de bas de page 19.
[32] L’appelante essentiellement fait valoir ce qui suit :
- a) Elle avait beaucoup de choses stressantes dans sa vie et ne devrait pas être pénalisée pour ne pas avoir demandé des prestations d’assurance-emploi plus tôt.
- b) Elle ne savait pas si elle était admissible aux prestations d’assurance-emploi étant donné les circonstances de sa suspension, ou qu’il y avait un délai pour présenter une demande de prestations. Si elle l’avait su, elle aurait présenté sa demande plus tôt.
[33] Aucun de ces arguments n’exonère l’appelante de sa responsabilité personnelle de savoir comment et quand demander des prestations d’assurance-emploi.
[34] Elle était responsable de vérifier ses droits auprès de Service Canada dès que possible et du mieux qu’elle pouvait. Pourtant, elle a attendu 13 mois après avoir été suspendue sans solde pour demander des prestations d’assurance-emploi, sans avoir une seule fois communiqué avec Service Canada pour demander des prestations pendant sa suspension ou pour savoir quand le faire. Elle n’a donc pas fait de son mieux pour s’informer de ses droits.
[35] L’appelante affirme avoir été dissuadée de présenter une demande en raison d’un avertissement qu’elle a vu sur le site Web de Service Canada et en raison de ce que lui ont dit des connaissances qui ont également perdu leur emploi parce qu’elles ne se sont pas fait vacciner.
[36] Cependant, les tribunaux ont affirmé que la bonne foi et l’ignorance de la loi ne constituent pas en soi des motifs valables pour justifier le retard d’une demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 20.
[37] Les tribunaux ont également déclaré que le fait de retarder la présentation d’une demande de prestations en se fondant sur une hypothèse erronée et non vérifiée selon laquelle une partie prestataire ne serait pas admissible ne constitue pas un motif valable justifiant le retard aux fins de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 21. Cela signifie que l’appelante se devait de vérifier ses hypothèses concernant le programme d’assurance-emploi, son admissibilité et les dates limites pour présenter une demande en temps opportun.
[38] L’appelante a déclaré qu’elle s’est rendue sur le site Web de Service Canada et qu’elle a vu un avertissement aux personnes qui avaient été suspendues ou congédiées parce qu’elles ne s’étaient pas fait vacciner, à savoir qu’elles pourraient ne pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. Elle a dit que, selon ce qu’elle entendait d’autres personnes non vaccinées au sujet de leurs expériences avec l’assurance-emploi, elle avait interprété cet avertissement comme signifiant que ça ne valait même pas la peine qu’elle présente une demande.
[39] Je ne vois aucune preuve montrant que le site Web de Service Canada a expressément conseillé aux parties prestataires de ne pas prendre la peine de présenter une demande si elles perdaient leur emploi parce qu’elles ne respectaient pas la politique de vaccination de leur employeur. Tout au plus, on a laissé entendre que chaque cas serait tranché sur le fond et que les personnes suspendues ou congédiées pour ne pas avoir respecté les politiques de vaccination de leur employeur pourraient ne pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.
[40] Une personne raisonnable aurait communiqué avec Service Canada dans les 2 à 4 semaines suivant sa suspension pour vérifier si elle pouvait demander des prestations dans les circonstances de sa suspension et confirmer les dates limites pour le faire.
[41] Une personne raisonnable ne se serait pas fiée aux renseignements obtenus de connaissances pour décider si elle devrait faire une demande de prestations d’assurance-emploi. Compte tenu de tous les renseignements et les faux renseignements qui étaient communiqués à la population canadienne à ce moment-là, il était important que l’appelante vérifie son admissibilité directement auprès de Service Canada. Pourtant, elle a décidé de s’appuyer sur ses propres suppositions et opinions et elle a seulement fait de telles démarches plus d’un an plus tard, lorsque son avocat a souligné à juste titre qu’elle aurait quand même dû demander des prestations d’assurance-emploi.
[42] Puisqu’elle ne l’a pas fait, je juge qu’elle n’a pas fait de son mieux pour s’informer de ses droits.
[43] Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait le droit de demander des prestations d’assurance-emploi et quelles étaient les règles et les dates limites pour le faire, comme il est exigé pour les demandes d’antidatation.
Rien n’empêchait l’appelante de communiquer avec Service Canada pendant toute la période de son retard.
[44] Rien dans la preuve ne démontre que quelque chose a empêché l’appelante de communiquer avec Service Canada ou de demander des prestations d’assurance-emploi en ligne.
[45] L’appelante a déclaré qu’elle était traumatisée et en état de choc en raison de la façon dont son employeur l’a traitée après 33 ans de service. Elle a aussi dit qu’elle se sentait attaquée personnellement par son employeur, le gouvernement et la société pour sa décision de ne pas se faire vacciner.
[46] Cependant, elle a tout de même pu retenir les services d’un avocat peu après sa suspension et travailler avec lui pour réussir à obtenir une indemnité de départ équitable de l’employeur. Elle a également pu parler à d’autres personnes qui avaient perdu leur emploi parce qu’elles ne s’étaient pas fait vacciner et s’informer de leur expérience avec les prestations d’assurance-emploi. Elle a ajouté qu’elle avait accès à Internet et au téléphone pendant toute la période de son retard.
[47] D’après ces éléments de preuve, je conclus que l’appelante aurait pu communiquer avec Service Canada pour vérifier si elle pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi à la suite de sa suspension et des dates limites pour présenter une demande de prestations avant le 22 novembre 2022.
[48] Elle aurait aussi pu simplement se rendre sur le site Web de Service Canada et présenter une demandeNote de bas de page 22, ce qui n’est ni difficile ni long (comme elle l’a fait immédiatement après que son avocat lui a dit qu’elle aurait quand même dû demander des prestations).
[49] L’appelante s’est plutôt appuyée sur ses hypothèses non vérifiées (selon lesquelles elle n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle n’était pas vaccinée et que sa demande serait rejetée pour cette raison) pendant plus d’un an. Ce faisant, elle a délibérément choisi de ne pas communiquer avec Service Canada et de ne pas présenter de demande en ligne.
[50] Par conséquent, je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’il y avait des circonstances spéciales qui expliquent pourquoi elle ne s’est pas informée assez rapidement de ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.
Question en litige no 2 : Que signifient mes conclusions pour l’appelante?
[51] L’appelante doit prouver qu’elle avait un motif valable pendant toute la période du retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi.
[52] Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation et qu’elle s’est informée assez rapidement de ses droits et ses obligations pendant la période du retard (ou que des circonstances exceptionnelles l’ont empêchée de le faire).
[53] Il s’agit du critère juridique de l’antidatation. De plus, cela ne dépend pas si l’appelante a travaillé fort et cotisé au régime d’assurance-emploi pendant de nombreuses années ou si elle estime avoir été traitée injustement en raison de sa décision de ne pas se faire vacciner.
[54] J’ai conclu que l’appelante n’a satisfait à aucune partie du critère juridique pendant toute la période de son retard. Par conséquent, sa demande de prestations d’assurance-emploi ne peut pas être antidatéeNote de bas de page 23.
[55] Cela signifie également qu’elle n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant la période de son retard, soit du 17 octobre 2021 au 22 novembre 2022.
[56] Je reconnais la situation financière difficile de l’appelante. Cependant, la Cour suprême du Canada a déclaré que je dois suivre la loi, même si le résultat semble injusteNote de bas de page 24. Par conséquent, je ne peux pas faire d’exception pour l’appelante, peu importe la gravité de sa situation. De plus, je n’ai pas le pouvoir d’ordonner à la Commission de lui verser des prestations d’assurance-emploi auxquelles elle n’a pas droit.
Conclusion
[57] L’appelante ne peut pas faire antidater sa demande de prestations d’assurance-emploi. En effet, elle n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable pour toute la durée de son retard à présenter sa demande de prestations.
[58] Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle l’avait présentée à la date antérieure qu’elle a demandée.
[59] L’appel est rejeté.