Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1318

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (677229) datée
du 20 août 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 septembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 septembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-2965

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada avait le pouvoir de réexaminer les prestations de l’appelant. Elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable lorsqu’elle a décidé de le faire.

[3] En ce qui concerne la question de la disponibilité, l’appel est accueilli. L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler du 11 novembre 2021 au 19 novembre 2021, alors qu’il était à l’étranger.

[4] L’appelant était à l’étranger du 3 novembre 2021 au 19 novembre 2021. Il bénéficie d’une exception à l’inadmissibilité pour avoir été à l’étranger. Cela signifie qu’il peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant sept jours alors qu’il était à l’étranger. Il demeure toutefois inadmissible du 11 novembre 2021 au 19 novembre 2021. L’appel sur cette question est rejeté.

Aperçu

[5] L’appelant a quitté le Canada le 3 novembre 2021. Il s’est rendu au Royaume‑Uni pour voir sa grand-mère, qui était gravement malade. Elle est décédée pendant son séjour, puis il est revenu au Canada le 20 novembre 2021.

[6] La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations à l’appelant parce qu’il était à l’étranger et qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ce temps. Elle lui a imposé une pénalité parce qu’elle a dit qu’il avait fait de fausses déclarations dans ses déclarations en n’indiquant pas qu’il était à l’étranger.

[7] Après révision, la Commission a décidé que l’appelant pouvait recevoir des prestations pour une semaine où il était à l’étranger parce qu’il bénéficiait d’une exception à l’inadmissibilité. Elle a aussi retiré la pénalité.

[8] L’appelant affirme avoir communiqué avec Service Canada avant son voyage. Il s’est renseigné sur son admissibilité aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Service Canada lui a dit qu’il s’agissait d’une zone grise et qu’il devrait pouvoir recevoir des prestations pendant son absence. L’appelant a suivi ses conseils et a fait tout ce qu’il était censé faire. Le remboursement des prestations lui causerait aujourd’hui de graves difficultés financières.

Questions en litige

[9] La Commission avait-elle le pouvoir de réexaminer les prestations de l’appelant? Si oui, a-t-elle correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé de le faire?

[10] L’appelant était-il disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger?

[11] L’appelant peut-il recevoir des prestations pour la période où il était à l’étranger?

[12] La Commission a-t-elle agi équitablement en imposant une pénalité à l’appelant?

Analyse

La Commission avait-elle le pouvoir de réexaminer les prestations de l’appelant?

[13] La loi donne à la Commission de vastes pouvoirs lui permettant de réexaminer toute décision concernant les prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. Cependant, la Commission doit respecter les délais établis par la loi. Habituellement, la Commission dispose de trois ans pour réexaminer ses décisionsNote de bas de page 2. Si la Commission a versé des prestations d’assurance-emploi à une partie prestataire auxquelles elle n’avait pas vraiment droit, elle peut lui demander de les rembourserNote de bas de page 3.

La Commission avait le pouvoir de réexaminer la disponibilité de l’appelant

[14] J’estime que la Commission a respecté la loi concernant les délais lorsqu’elle a réexaminé l’admissibilité de l’appelant aux prestations. En effet, la Commission a versé des prestations d’assurance-emploi à l’appelant en novembre 2021. Elle a terminé son réexamen et a avisé l’appelant de sa décision le 12 juin 2024, dans un délai de trois ans.

La Commission a agi correctement lorsqu’elle a réexaminé la disponibilité de l’appelant

[15] Même si la loi donne ce pouvoir à la Commission, elle ne dit pas que la Commission doit l’utiliser. La Commission a le choix de le faire ou non. Autrement dit, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire.

[16] Lorsque la Commission décide d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations d’assurance-emploi, elle doit démontrer qu’elle l’a fait correctement. C’est ce qu’on appelle utiliser son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[17] Pour démontrer qu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, la Commission doit démontrer ce qui suit :

  • elle a agi de bonne foi;
  • elle n’a pas ignoré de facteurs pertinents;
  • elle n’a pas tenu compte de facteurs non pertinents;
  • elle n’a pas agi dans un but irrégulier;
  • elle n’a pas agi de manière discriminatoireNote de bas de page 4.

[18] La preuve montre que la Commission savait que l’appelant avait voyagé à l’étranger en novembre 2021. En juillet 2023, la Commission a envoyé à l’appelant un questionnaire lui demandant de confirmer les dates de son voyage et de répondre aux questions sur la raison de son voyage et sur sa disponibilité pendant son séjour à l’étranger. Il a renvoyé le questionnaire le 3 août 2023 en précisant qu’il s’était rendu au Royaume‑Uni pour voir une membre de sa famille qui était gravement malade.

[19] Près d’un an plus tard, le 12 juin 2024, la Commission a envoyé à l’appelant une lettre de décision et un avis de dette. La lettre précisait que la Commission avait décidé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi lorsqu’il était à l’étranger et qu’il n’était pas disponible pour travailler à ce moment-là. Cela a créé un trop-payé, qui a été reflété dans l’avis de dette.

[20] La lettre de décision indiquait aussi que l’appelant avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses dans ses déclarations. Cela est probablement dû au fait qu’il n’a pas précisé qu’il était à l’étranger dans ses déclarations bimensuelles, comme il l’a déclaré à l’audience.

[21] Après avoir examiné tout ce qui se trouve dans le dossier d’appel, je crois que la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable. Elle a tenu compte de tous les facteurs et de toutes les circonstances entourant le séjour de l’appelant à l’étranger, y compris le fait qu’il n’a pas déclaré son absence du pays. Elle ne s’est pas fondée sur des facteurs non pertinents ou non importants. L’appelant ne m’a pas démontré que la Commission a agi de façon discriminatoire ou de mauvaise foi.

[22] Cela signifie que la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable lorsqu’elle a décidé de réexaminer les prestations de l’appelant.

L’appelant était-il disponible pour travailler?

[23] Pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, la partie prestataire doit prouver qu’elle était disponible pour travaillerNote de bas de page 5. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[24] Dans le cas de l’appelant, il doit prouver qu’il était disponible pour travailler du 11 novembre 2021 au 19 novembre 2021, lorsqu’il était à l’étranger.

[25] La jurisprudence énonce trois facteurs que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 6 :

  1. a) il voulait recommencer à travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  2. b) il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de recommencer à travailler.

[26] En examinant chacun de ces facteurs, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de l’appelantNote de bas de page 7.

Désir de recommencer à travailler

[27] L’appelant a démontré qu’il voulait recommencer à travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[28] L’appelant a déclaré que son retour au travail était sa priorité. Il a continué à chercher du travail pendant son absence et était prêt à revenir au Canada immédiatement s’il recevait une offre d’emploi.

[29] Je considère que l’attitude et la conduite de l’appelant démontrent son désir de recommencer à travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[30] L’appelant a fait des efforts suffisants pour trouver un emploi convenable.

[31] L’appelant affirme avoir continué à chercher du travail pendant qu’il était à l’étranger. Il consultait régulièrement le site Web de recherche d’emploi Indeed et a postulé plusieurs emplois pendant son absence. Tout employeur potentiel pouvait aussi le joindre par téléphone ou par courriel.

[32] Je crois que l’appelant cherchait du travail. Je suis convaincue que sa recherche d’emploi démontre son désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

Limitation indue des chances de recommencer à travailler

[33] L’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de recommencer à travailler.

[34] La Commission a affirmé que le fait d’être à l’étranger limitait trop les chances de l’appelant de retourner travailler.

[35] L’appelant n’est pas d’accord. Il a pu continuer à chercher du travail et à postuler des emplois pendant qu’il était à l’étranger. Il était prêt à revenir au Canada immédiatement s’il recevait une offre d’emploi.

[36] La preuve appuie le fait que l’appelant ne limitait pas sa recherche d’emploi ni sa volonté d’accepter un emploi parce qu’il était à l’étranger. Il a pu poursuivre ses efforts de recherche d’emploi pendant qu’il était à l’étranger. De plus, même s’il était à l’étranger pour voir sa grand-mère gravement malade, il était prêt à revenir au pays aussitôt qu’il recevrait une offre d’emploi.

[37] Compte tenu de ces facteurs, je ne suis pas convaincue que le séjour de l’appelant à l’étranger a indûment limité ses chances de recommencer à travailler.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[38] Selon mes conclusions sur les trois facteurs, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable du 11 novembre 2021 au 19 novembre 2021.

L’appelant peut-il recevoir des prestations pour la période où il était à l’étranger?

[39] En général, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle est à l’étrangerNote de bas de page 8. Cependant, la loi prévoit des exceptions. Par exemple, une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle est à l’étranger pour prendre soin d’un proche parent qui est gravement malade ou blesséNote de bas de page 9.

[40] Les faits de base ne sont pas contestés. L’appelant était à l’étranger le 3 novembre 2021. Il est revenu au Canada le 20 novembre 2021. Le but de son voyage était de rendre visite à sa grand-mère, qui était gravement malade.

[41] Habituellement, le jour où la personne voyage n’est pas inclus dans l’inadmissibilité aux prestationsNote de bas de page 10. L’appelant a quitté le Canada le 3 novembre 2021. Son inadmissibilité a donc commencé le 4 novembre 2021. Comme il est revenu au Canada le 20 novembre 2021, cela signifie que son inadmissibilité a pris fin le 19 novembre 2021.

[42] La Commission affirme que l’appelant répond à l’une des exceptions à l’inadmissibilité pendant qu’il était à l’étranger. Il a voyagé pour rendre visite à une membre de sa famille gravement malade ou blessée. Cela signifie qu’il est exempté de l’inadmissibilité pendant un maximum de sept jours de voyage.

[43] L’appelant affirme qu’il devrait recevoir des prestations pendant toute la période où il était à l’étranger, parce qu’il rendait visite à sa grand-mère malade et qu’il s’est fié à des renseignements erronés de Service Canada.

[44] Il est clair que l’appelant a agi avec prudence et diligence avant de voyager. Il a communiqué avec Service Canada et a suivi les conseils qu’on lui a donnés. Malgré cela, Service Canada a donné à l’appelant des renseignements erronés sur sa capacité de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était à l’étranger. L’appelant s’est fié aux renseignements de Service Canada pour voyager à l’étranger, tout en comptant sur le soutien financier des prestations d’assurance-emploi qu’on lui avait assuré.

[45] Il est vraiment malheureux que l’appelant ait reçu des renseignements erronés de Service Canada. Malheureusement, le fait qu’il ait reçu des renseignements erronés ne change rien à ma décision. Les tribunaux ont déclaré que les responsables de Service Canada ne peuvent pas promettre quelque chose que la loi ne permet pas. Si c’est le cas, la loi prévaut toujours. La parole des responsables de Service Canada ne peut pas donner droit à des prestations, alors que la loi l’interditNote de bas de page 11.

[46] Je suis sensible à la situation de l’appelant. Cependant, la loi est claire : une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle est à l’étranger. Les seules exceptions sont celles qui sont énumérées dans le Règlement sur l’assurance-emploi, et celles-ci s’appliquent seulement pour une certaine période où la personne est à l’étranger, et non pendant toute la durée de son séjourNote de bas de page 12.

[47] Je n’ai pas le pouvoir de modifier la loi. De plus, je ne peux pas interpréter la loi ou les règles sur l’assurance-emploi d’une manière qui soit contraire à leur sens ordinaire, même lorsque les circonstances le justifieraientNote de bas de page 13.

[48] L’appelant est exempté de l’inadmissibilité pendant sept jours pour avoir été à l’étranger. Autrement dit, il peut recevoir des prestations d’assurance-emploi du 4 novembre au 10 novembre 2021, mais pas du 11 novembre au 19 novembre 2021.

Puis-je réduire ou annuler le trop-payé?

[49] L’appelant demande au Tribunal de la sécurité sociale de réduire le trop-payé pour des raisons de compassion. Tout a commencé pendant la pandémie de la COVID-19, lorsque les règles étaient ambiguës. L’appelant a reçu des renseignements erronés de Service Canada auxquels il s’est fié lorsqu’il s’est rendu dans un autre pays. De plus, le fait de devoir rembourser ce trop-payé lui causerait des difficultés financières importantes.

[50] Je comprends les préoccupations de l’appelant quant à sa capacité de rembourser cette dette. Je suis sensible à sa situation, mais je ne peux pas l’aider.

[51] La loi précise que toute décision concernant l’annulation d’une somme due à la Commission est expressément exclue du processus de révisionNote de bas de page 14. Comme ma compétence se limite aux décisions qui ont été réexaminées par la Commission, le trop‑payé de l’appelant n’est pas une question que je peux examiner.

[52] Je n’ai pas non plus le pouvoir discrétionnaire de renoncer au trop-payé, de l’effacer ou de l’annuler, peu importe à quel point les arguments de l’appelant peuvent être convaincants. La loi ne me permet tout simplement pas de dégager une partie prestataire de sa responsabilité liée à un trop-payéNote de bas de page 15, et je ne peux pas ignorer la loi, même si le résultat semble injusteNote de bas de page 16.

[53] L’appelant peut demander l’annulation de cette dette de deux façons :

  • il peut demander à la Commission d’envisager d’annuler la dette en raison d’un préjudice abusifNote de bas de page 17;
  • il peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada au 1‑866‑864‑5823 et s’informer sur l’allégement d’une dette en raison de difficultés financièresNote de bas de page 18.

Conclusion

[54] En ce qui concerne la question de la disponibilité, l’appel est accueilli.

[55] En ce qui concerne la question du séjour à l’étranger, l’appel est rejeté. Même s’il était disponible pour travailler pendant cette période, l’appelant n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi lorsqu’il était à l’étranger du 11 novembre 2021 au 19 novembre 2021.

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