Assurance-emploi (AE)

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Citation : TB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 917

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (658831) datée du 30 avril 2024 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mylène Fortier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 juin 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 2 juillet 2024
Numéro de dossier : GE-24-1730

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant dans cette affaire est T. B. Il a quitté son emploi le 10 mars 2024 et a demandé des prestations d’assurance‑emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de l’appelant pour quitter son emploi. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, l’appelant aurait pu demander un congé ou tenter de régler la situation qu’il a mentionnée en s’adressant à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) ou une autre instance liée au Code du travail.

[6] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi, car son employeur exerçait des pratiques contraires à la loi et son syndicat ne l’appuyait pas dans ses démarches. Il ne voulait pas déposer une plainte pour ne pas divulguer des informations confidentielles reliées à son employeur.

Question en litige

[7] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[9] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant reconnaît qu’il a quitté son emploi le 10 mars 2024. Un courriel de démission daté du 13 mars 2024 rédigé par l’appelant le confirmeNote de bas de page 1. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[10] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[11] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[12] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 4.

[13] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 5.

[14] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui‑ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 6.

Les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi

[15] Les déclarations et le témoignage de l’appelant laissent entendre qu’il croit que certaines des circonstances énoncées dans la loi peuvent s’appliquer. J’examinerai ces circonstances précises dans les sections qui suivent.

Pratiques de l’employeur contraires au droit

[16] La loi prévoit que les pratiques de l’employeur contraires au droit sont une circonstance qui devrait être prise en compte au moment d’évaluer si une personne est fondée à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 7.

[17] L’appelant affirme que son employeur avait certaines pratiques contraires au droit. Plus précisément, il affirme que son employeur le forçait à signer des rapports d’inspections alors que les travaux n’étaient pas conformes.

[18] Il dit que cela allait à l’encontre de son code de déontologie en tant que technicien en essais non destructifs certifié. Dans le cadre de son travail, ses tâches consistent, entre autres, à approuver et signer des rapports d’inspection de fabrication de pièces spécialisées.

[19] Il a expliqué que son employeur lui a demandé de signer un rapport et qu’il a refusé puisqu’il jugeait la pièce non conforme. Il avait déjà fait cela dans le passé, mais cette fois il a refusé.

[20] Lors de l’événement final, il a refusé, car il avait déjà auparavant signalé que cette pièce n’était pas conforme et avait recommandé des corrections. Cependant, les correctifs n’avaient pas été réalisés et on lui demandait de signer le rapport de conformité quand même. Son employeur l’a suspendu un jour pour avoir refusé de signer.

[21] Il a expliqué qu’il est soumis à un code de conduite et que de signer ce rapport d’inspection allait à l’encontre de ce code. Il a fourni une copie de ce code avec sa demande de révision à la Commission ainsi qu’un extrait de sa description de tâchesNote de bas de page 8.

[22] L’employeur a de son côté expliqué à la Commission que l’appelant a refusé de signer un rapport d’inspection parce qu’il a dit qu’un inspecteur avant lui n’avait pas bien fait son travail. L’appelant aurait signé des centaines de rapports du même genre auparavant et il devait signer ceux-ci même s’il décèle des anomalies.

[23] Ils ont tenté de lui expliquer que cela ne nuirait pas à son nom, car la responsabilité revient à l’employeur. Il a de plus été rencontré avec son syndicat pour lui faire comprendre que cela est dans ses tâches, selon la convention, mais qu’il a refusé de signer et donné sa démission.

[24] Le syndicat a expliqué à la Commission que l’appelant ne voulait pas comprendre ni signer les documents comme la convention l’explique. Il a toujours signé les rapports, mais cette fois il refusait de le faire, sans que personne ne comprenne pourquoi, car il doit signer même s’il décèle une anomalie. Cette situation serait du jamais vu en 15 ans, le syndicat n’a pu aider l’appelant à défendre sa position.

[25] À ce jour, la Cour d’appel fédérale n’a rendu aucune décision spécifiquement à ce type de circonstances entourant un départ volontaire. Cependant, j’estime raisonnable de conclure que le non-respect par l’employeur des dispositions d’un code de conduite peut être assimilé à une pratique contraire au droit.

[26] J’estime que l’appelant n’a pas démontré que l’employeur le forçait à ne pas respecter son code de conduite. À la lecture du code de conduite et de l’extrait de la description de tâches, je ne peux retenir la position de l’appelant selon laquelle signer ce rapport d’inspection allait à l’encontre de ce code.

[27] Le fait que le syndicat de l’appelant n’ait pu le soutenir dans son refus de signer le rapport démontre aussi à mon avis que l’appelant n’a pas réussi à prouver que les pratiques de l’employeur allaient à l’encontre de son code de conduite.

[28] Bien que je conclue que cette circonstance ne correspond pas à l’une des circonstances prévues par la loi, j’estime que celle-ci était quand même présente au moment où l’appelant a quitté son emploi. Je vais donc quand même en tenir compte dans la poursuite de mon analyse.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[29] Je dois maintenant examiner si le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[30] L’appelant affirme que c’était le cas parce qu’il ne voulait plus signer ce type de rapport. Il ne voulait pas signaler la situation aux normes du travail parce qu’il ne voulait pas être en froid avec l’employeur et ne voulait pas divulguer d’informations confidentielles. Il ne voulait pas demander de congé, car l’employeur faisait tout pour le sanctionner.

[31] L’appelant a expliqué qu’à la suite de la rencontre avec l’employeur qui a eu lieu le 29 février 2024, il a été suspendu un jour pour avoir refusé de signer. Il n’est pas rentré le jour suivant sa suspension. Il y a eu une nouvelle rencontre le 5 mars, cette fois avec l’employeur et le syndicat. Il a encore une fois refusé de signer le rapport. Il avait très mal à la tête et a demandé 3 jours de congés. Il n’avait pas eu de réponse de son supérieur à sa demande de congé et il a donc cru que le congé était autorisé.

[32] Les ressources humaines l’ont contacté le 13 mars 2024 pour lui demander pourquoi il était absent, alors qu’il pensait que son congé était autorisé. Il a décidé de donner sa démission, car il ne voulait pas être questionné sur son absence ni signer le rapport.

[33] La Commission affirme que même si l’appelant a le droit de s’opposer aux pratiques de son employeur, il doit avoir utilisé toutes les solutions raisonnables afin de régler la situation. L’appelant aurait pu signaler la situation à son syndicat, faire une plainte à la CNESST ou à une autre instance liée au Code du travail.

[34] Je conclus que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Une solution raisonnable dans son cas aurait été de signaler la situation à la CNESST et à l’organisme régissant son code de conduite. En effet, sur celui-ci, on peut lire qu’il est de son devoir de signaler toute infraction au code de conduite ou tentative d’exercer des pressions ou d’obliger une personne certifiée à enfreindre le codeNote de bas de page 9.

[35] Je ne peux retenir la version de l’appelant voulant qu’il ne fût pas possible pour lui de dénoncer la situation pour préserver la confidentialité de certaines données de l’employeur. En effet, ces organismes sont justement mis en place pour gérer ce type de situation, même en présence d’information sensible ou confidentielle.

[36] Aussi, je note que l’appelant ne voulait pas non plus faire face à un questionnement sur son absence non autorisée. Cependant, une solution raisonnable aurait été de discuter avec les ressources humaines de cette situation plutôt que de donner sa démission.

[37] Compte tenu des circonstances qui existaient quand l’appelant a quitté son emploi, l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment.

[38] Par conséquent, l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[39] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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