[TRADUCTION]
Citation : SZ c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 1268
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | S. Z. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (621727) datée du 18 octobre 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Rena Ramkay |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 27 mars 2024 |
Personne présente à l’audience : |
Date de la décision : | Le 15 avril 2024 |
Numéro de dossier : | GE-23-3281 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelanteNote de bas de page 1.
[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. Autrement dit, elle n’a pas donné d’explication que la loi accepte. Par conséquent, la demande initiale de l’appelante ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 2. C’est donc dire qu’elle n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi le 15 août 2023. Elle demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 29 juillet 2012Note de bas de page 3. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé la demande de l’appelante le 22 août 2023. Elle affirme en effet qu’elle n’a pas prouvé, entre le 23 juillet 2012 et le 15 août 2023, qu’elle avait un motif valable de présenter une demande tardive de prestationsNote de bas de page 4.
[4] La Commission a reçu la demande de l’appelante de réviser sa décision le 27 septembre 2023. Le 18 octobre 2023, la Commission a écrit à l’appelante pour l’informer qu’elle maintenait sa décision sur la question de l’antidatationNote de bas de page 5.
[5] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant de ne pas avoir demandé de prestations plus tôt.
[6] La Commission affirme que l’appelante n’avait pas de motif valable parce qu’elle n’a pas agi comme une personne raisonnable dans sa situation l’aurait fait pour vérifier ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Plus précisément, selon ce que la Commission soutient, l’appelante a reconnu qu’elle ignorait qu’elle pouvait présenter une demande de prestations. Elle a aussi admis qu’elle n’a pas communiqué avec Service Canada pour s’enquérir de ses droits à des prestations. La Commission affirme que l’appelante n’a pas fourni de raison valable pour justifier son retard de 11 ans à présenter une demande de prestations d’assurance-emploi. Il est indiqué que la prétention de l’appelante selon laquelle ses relevés d’emploi étaient frauduleux ne constitue pas une raison valable de ne pas avoir vérifié rapidement si elle avait droit à des prestations d’assurance-emploi. La Commission souligne également que le relevé d’emploi du 1er septembre 2009 au 31 juillet 2012 a été établi le 12 novembre 2012, soit moins de quatre mois après la mise à piedNote de bas de page 6.
[7] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit avoir découvert de graves erreurs dans ses relevés d’emploi le 9 août 2023. Elle affirme que les erreurs présentaient de manière inexacte sa situation d’emploi et ses paiements. Elle soutient qu’elle n’a pas demandé de prestations d’assurance-emploi avant le 15 août 2023, parce qu’elle ignorait l’existence de ces relevés d’emploi. Selon ses dires, elle croyait qu’elle était employée au cours du mois d’août 2012 parce qu’elle était sous contrat permanent. L’appelante affirme que c’est l’employeur et non elle-même qui est responsable du retard. Elle ajoute que la Commission devrait enquêter sur l’employeur parce qu’il a établi de faux relevés d’emploi et des relevés d’emploi avec trois ans de retard.
Questions que j’ai examinées en premier
La requête en partialité de l’appelante
[8] Une décision interlocutoire a déjà été rendue dans ce dossier. La requête en partialité de l’appelante et sa demande visant à ce que je me récuse de l’audition de son appel ont été rejetées dans cette décision motivéeNote de bas de page 7.
L’appelante n’était pas présente à l’audience
[9] L’appelante n’était pas présente à l’audience. Une audience peut avoir lieu en l’absence de la partie appelante si cette dernière a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 8.
[10] Le Tribunal a envoyé à l’appelante des renseignements sur la date et l’heure de l’audience le 4 mars 2024, puis de nouveau le 18 mars 2024Note de bas de page 9. Le Tribunal a également envoyé un avis d’audience le 18 mars 2024, portant le code GD45. Ces avis ont été envoyés à l’adresse courriel fournie par l’appelante au Tribunal.
[11] Je crois que l’appelante a reçu l’avis d’audience parce que je ne vois aucune preuve que les trois courriels indiquant la date et l’heure de l’audience n’ont pas été livrés avec succès. De plus, l’appelante a réussi à envoyer des documents au Tribunal et a répondu aux documents envoyés par le Tribunal par courriel.
[12] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que l’appelante a reçu des avis d’audience et qu’elle connaissait la date et l’heure de son audience, mais qu’elle a choisi de ne pas comparaître. L’audience a donc eu lieu à la date à laquelle elle était fixée, mais en l’absence de l’appelante.
L’appelante m’a demandé de reporter l’audience à plusieurs reprises.
[13] L’appelante a envoyé deux observations au Tribunal de la sécurité sociale le 11 décembre 2023 et le 14 décembre 2023. Il s’agissait dans le premier cas d’un document de 57 pages qui fournissait des renseignements généraux sur l’emploi qu’elle occupait, les échelles salariales et la politique de rémunération de l’employeur. Elle y a également déclaré que son employeur avait modifié les formulaires d’intervention du personnel, l’avait mal classée, l’avait maltraitée et avait falsifié des relevés d’emploiNote de bas de page 10. La deuxième observation demandait au Tribunal de mener une enquête sur les faux relevés d’emploi et la violation par son employeur de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a également demandé une remise d’audience jusqu’à ce que toutes les erreurs soient corrigées. Elle a aussi demandé un relevé d’emploi corrigéNote de bas de page 11.
[14] J’ai prévu une conférence préparatoire par téléphone le 11 janvier 2024. La conférence préparatoire visait à établir que la question faisant l’objet de l’appel était l’antidatation, à clarifier la compétence du Tribunal et à discuter des prochaines étapes de l’appelNote de bas de page 12. Le 9 janvier 2024, le Tribunal a envoyé à l’appelante et à la Commission un avis d’audience pour le 6 février 2024.
[15] Avant la tenue de la conférence préparatoire, l’appelante a envoyé au Tribunal six autres observations. En voici un bref résumé :
- Dans le document GD09, l’appelante a demandé une enquête au sujet des documents faux et contrefaits de son employeur, de sa classification erronée, de la falsification des heures de travail, de la retenue de rémunération et de la correction des relevés d’emploi de 2008‑2009, 2009‑2012, 2014 et 2017. Elle a demandé une ordonnance contre son employeur pour avoir enfreint les dispositions de la Loi sur les normes d’emploi et de la Loi sur l’assurance-emploi.
- Dans le document GD10, l’appelante a demandé que la conférence préparatoire soit reportée jusqu’à ce que son employeur réponde à ses questions au sujet de son salaire et modifie les formulaires d’intervention du personnel. Elle a soutenu que les réponses de l’employeur favoriseraient l’économie des ressources judiciaires ou procédurales.
- Dans le document GD11, l’appelante a déclaré que l’article 52(5) de la Loi sur l’assurance-emploi confère à la Commission le pouvoir d’enquêter ou d’infliger une pénalité si son employeur a fourni sciemment des renseignements faux ou trompeurs et a omis d’établir un relevé d’emploi en temps opportun. Elle a demandé à l’« intimé » (c’est-à-dire son employeur) de répondre à des questions sur les raisons de son retard à établir ses relevés d’emploi.
- Dans le document GD12, l’appelante a formulé des objections et a apporté des corrections à certains des documents figurant dans le dossier de révision GD03, dans le document GD04, intitulé Observations de la CAEC et dans le document GD07, Observations supplémentaires soumises par la Commission. Elle a invoqué le pouvoir de la Commission en vertu de l’article 39 de la Loi sur l’assurance-emploi d’infliger une pénalité à l’employeur, faisant valoir que le délai de prescription de 72 mois s’applique parce que l’appelante a présenté sa demande le 15 août 2023.
- Dans le document GD14, l’appelante a indiqué une correction mineure au document GD12.
- Dans le document GD15, l’appelante a soutenu qu’elle avait agi de façon raisonnable dans sa situation et que l’inadmissibilité imposée par la Commission n’est pas justifiée. Elle a demandé que l’appel soit suspendu jusqu’à ce que la Commission produise ses registres d’appels auprès de l’employeur. L’appelante a également déclaré que l’employeur est responsable du retard et qu’elle ne peut être blâmée du retard de trois ans de l’employeur à établir des relevés d’emploi.
[16] La conférence préparatoire a eu lieu le 11 janvier 2024 en présence de l’appelante et de la CommissionNote de bas de page 13.
[17] Le 17 janvier 2024, j’ai informé l’appelante que l’audience ne serait pas reportée. En effet, je n’ai pas conclu qu’une audience équitable sur la question de l’antidatation serait compromise si les registres d’appels entre la Commission et l’employeur de l’appelante n’étaient pas produitsNote de bas de page 14.
[18] Dans le document GD19, l’appelante a réitéré sa demande en vue d’obtenir les registres d’appels de la Commission le 16 janvier 2024. Elle a renvoyé à SG c Commission de l’assurance-emploi du Canada (29-03-2020) comme exemple de la communication, par la Commission, de tous ses comptes rendus de conversations pendant l’enquête après une audience sur demandeNote de bas de page 15.
[19] J’ai examiné la décision désignée par l’appelante dans le document GD19 dans laquelle le membre du Tribunal a demandé « à la Commission de fournir tous les comptes rendus de ses conversations avec la prestataire » [je souligne]Note de bas de page 16. Dans la présente décision, comme la Commission a fourni deux dossiers de ses conversations avec l’appelante dans son dossier de révision, je n’ai pas jugé nécessaire de demander ces dossiers.
[20] Le 17 janvier 2024, l’appelante a déclaré qu’elle soumettait de nouveau sa lettre du 12 janvier 2024. Le Tribunal n’a reçu aucune observation datée du 12 janvier 2024 de l’appelante. Dans son observation du 17 janvier 2024 portant le code GD20, l’appelante a de nouveau demandé une remise et les registres téléphoniques des communications de la Commission avec l’employeur. Elle souligne qu’ils ont été invoqués comme éléments de preuve dans d’autres appels entendus au Tribunal. Elle ajoute que la division d’appel ne tiendra pas compte de nouveaux éléments de preuve parce qu’elle ne tient pas de nouvelles audiences. Elle a fourni neuf décisions du Tribunal pour étayer sa demande de registres d’appels entre la Commission et l’employeurNote de bas de page 17.
[21] J’ai informé l’appelante le 19 janvier 2024 que l’audience se déroulerait comme prévu le 6 février 2024, car ses observations dans les documents GD19 et GD20 ne renfermaient rien de nouveau pour m’amener à modifier ma décision de ne pas reporter l’audienceNote de bas de page 18. Je n’étais pas convaincue que l’appelante avait démontré en quoi les registres téléphoniques des communications de la Commission avec l’employeur étaient pertinents quant aux dispositions législatives sur l’antidatationNote de bas de page 19.
[22] L’appelante a envoyé une observation le 19 janvier 2024 dans laquelle elle demande le report de l’audience du 6 février 2024 pour les raisons suivantes :
- Documents non divulgués;
- Incapacité de répondre à la preuve;
- Demande de conseils juridiques et recherche d’un avocatNote de bas de page 20.
[23] Le 23 janvier 2024, j’ai informé l’appelante que je reporterais l’audience de 30 jours afin qu’elle puisse envisager d’obtenir des conseils juridiques et trouver un conseiller juridique. Toutefois, je ne retardais pas l’audience pour d’autres raisons. J’ai réitéré le rôle du Tribunal et le critère juridique de l’antidatation. De plus, j’ai examiné les décisions du Tribunal présentées par l’appelante, qui, à mon avis, n’étaient pas pertinentes. J’ai également informé l’appelante que je ne donnerais plus suite à des demandes à la Commission visant à obtenir ses registres d’appels auprès de son employeur, ni à d’autres décisions du Tribunal qui, selon elle, appuient sa position au sujet des registres d’appels. J’ai écrit que si elle estime que ces renseignements sont pertinents, elle peut en parler à l’audienceNote de bas de page 21.
[24] L’appelante et la Commission ont reçu un nouvel avis indiquant que l’audience aurait lieu le 7 mars 2024Note de bas de page 22.
[25] L’appelante a présenté un document le 24 janvier 2024Note de bas de page 23. Elle a demandé la remise de l’audience du « 7 février 2024 » jusqu’à ce que des témoins soient ajoutés au dossier d’appel. Elle a aussi demandé que les observations de la Commission à partir du 5 décembre 2023 soient officiellement exclues de son dossier d’appel et qu’elle puisse parler à un avocat.
[26] Le 29 janvier 2024, j’ai informé l’appelante que son audience avait déjà été remise au 7 mars 2024 pour lui permettre d’obtenir un avis juridique ou les services d’un avocat. J’ai dit que le Tribunal n’avait pas le pouvoir de contraindre des témoins, si c’était ce qu’elle demandait. J’ai mentionné que je n’exclurais pas les observations de la Commission du dossier. J’ai ajouté que l’appelante peut repérer les erreurs et les omissions qu’elle voit dans ses observations et réfuter les arguments et la preuve de la Commission à l’audience. J’ai informé l’appelante que toute autre observation devrait être présentée à l’audience du 7 mars 2024 et que l’audience ne serait pas remise, sauf si l’appelante démontre des circonstances exceptionnelles ou si que je crois qu’il est dans l’intérêt de la justice naturelle de le faireNote de bas de page 24.
[27] L’appelante a envoyé une observation au Tribunal le 26 janvier 2024 pour demander une copie de l’enregistrement de la conférence préparatoire tenue le 11 janvier 2024. L’enregistrement lui a été envoyé le 31 janvier 2024.
[28] Le 29 janvier 2024, l’appelante a demandé une remise de l’audience du 7 février 2024. Elle a alors repris les motifs qu’elle avait déjà fournisNote de bas de page 25. Elle a également demandé un endroit précis souhaité pour la tenue de l’audience en personne.
[29] Le 9 février 2024, j’ai informé l’appelante qu’un seul endroit dans sa région accueillait les audiences du Tribunal et que nous ne pouvions pas tenir l’audience à l’endroit qu’elle a demandé. On lui a demandé d’informer le Tribunal d’ici le 26 février 2024 si elle préférait une forme d’audience différente. Sinon, l’audience se déroulerait le 7 mars 2024, à l’heure et au lieu indiqués dans l’avis d’audienceNote de bas de page 26.
[30] Dans le document GD30, l’appelante a demandé une remise de l’audience du 7 mars 2024Note de bas de page 27. Elle dit qu’elle a communiqué avec la Commission pendant quelques semaines et qu’elle lui a fourni des renseignements par écrit pour son enquête sur la question de sa classification erronée en matière d’emploi. Elle a déclaré que sa demande de remise ne causerait pas de préjudice aux autres parties.
[31] Le 16 février 2024, l’appelante a été informée que sa demande de remise avait été refusée parce qu’un ajournement antérieur avait été accordé et que des circonstances exceptionnelles n’avaient pas été établies. J’ai souligné que l’appelante a été informée dans le document GD26 que son audience ne serait remise que si elle démontrait des circonstances exceptionnelles ou si je croyais qu’il est dans l’intérêt de la justice naturelle de le faire. Or, à mon avis, rien dans le document GD30 ne répondait à ces critèresNote de bas de page 28.
[32] L’appelante a envoyé une observation portant le code GD32 le 16 février 2024. Elle demandait de nouveau d’accorder une remise. Elle demandait en outre au Tribunal d’exclure des observations de la Commission du dossier d’appel. Dans ses observations, l’appelante a repris certains arguments et a déclaré ce qui suit : [traduction] « L’enregistrement audio de l’audience de la division générale en date du 11 janvier 2024 indique clairement que le membre du Tribunal croyait déjà que je n’avais pas de motif valable justifiant le retard pendant toute la période de celui-ci ». De plus, l’appelante a fait remarquer que [traduction] « l’employeur vient de fournir des éléments de preuve et me les fournira; j’ai besoin de temps pour examiner les éléments de preuve ou pour consulter un nouvel expertNote de bas de page 29. »
[33] Le 20 février 2024, j’ai répondu à l’appelante en soulignant qu’elle avait soulevé une allégation de partialité contre moi et que cette allégation serait traitée comme une question préliminaire à l’audience du 7 mars 2024. J’ai informé l’appelante qu’en vertu de l’article 43(3) des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, je ne peux procéder à la remise d’une audience que si elle prouve, selon la prépondérance des probabilités, que la remise est nécessaire pour tenir une audience équitable. Elle a dit avoir reçu de son employeur des éléments de preuve qu’elle devait examiner. Cependant, elle n’a pas fourni assez de renseignements pour démontrer que les éléments de preuve étaient de nature à rendre nécessaire la remise de l’audience pour des raisons d’équité procédurale. Je lui ai donné jusqu’au 23 février 2024 pour fournir des détails au sujet des éléments de preuve comme tels et de leur pertinence dans le cadre de l’appel. J’ai également demandé à l’appelante d’indiquer la durée de la remise demandée et les raisons pour lesquelles cette période est nécessaire pour accorder aux parties une audience équitable sur la question de l’antidatationNote de bas de page 30.
[34] Dans le document GD34, soumis le 20 février 2024, l’appelante a réitéré des raisons antérieures d’une remise et a ajouté qu’elle avait un rendez-vous avec la CIPVP (sic) le 21 février 2024 concernant la preuve que l’employeur lui a fournie et lui fournira. Elle n’a pas fourni d’autres renseignements sur la preuve. Elle dit avoir demandé à la Commission d’enquêter sur les problèmes de classification erronée et de statut d’entrepreneur indépendant le 19 février 2024. Elle a demandé un délai de trois mois pour la tenue de l’audience.
[35] Le 26 février 2024, j’ai informé l’appelante que je ne reporterais pas l’audience, car elle n’a pas fourni assez de détails pour que je puisse statuer sur la pertinence des éléments de preuve supplémentaires liés à l’antidatation. J’ai dit que l’appelante aurait l’occasion de s’expliquer davantage à l’audience du 7 mars 2024 et que je poserais alors des questions pour mieux comprendre l’affaire. J’ai informé l’appelante que, si je décide qu’il faut plus de temps, je peux ajourner l’audienceNote de bas de page 31.
[36] Le 26 février, l’appelante a envoyé au Tribunal une demande de mise en attente de l’affaire. Elle a répété des arguments antérieurs en faveur de la remise. Elle a également demandé au Tribunal que l’audience ait lieu de façon virtuelle plutôt qu’en personne. Elle demande que l’audience soit remise jusqu’à ce que les conditions suivantes soient réalisées :
- Les dossiers d’enquête et les éléments de preuve de la Commission sont fournis.
- Elle a examiné la preuve ou les notes d’enquête de la Commission avant une audience.
- Une nouvelle enquête est terminée.
- Elle a fourni des éléments de preuve supplémentaires démontrant qu’elle avait un motif valable justifiant le retard.
- L’employeur a fourni de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 32.
[37] Le 28 février 2024, j’ai refusé la demande de remise de l’audience présentée par l’appelante, puisqu’un ajournement antérieur a été accordé et que des circonstances exceptionnelles n’ont pas été établies. J’ai indiqué que l’audience se tiendrait désormais par vidéoconférence plutôt qu’en personne, comme elle l’a demandé. J’ai répété que les points suivants ne seront pas abordés davantage avant l’audience :
- Ses allégations de partialité d’un membre du Tribunal.
- Ses désaccords avec la preuve et les observations de la Commission.
- Les registres d’appels que la Commission pourrait avoir à partir des appels avec son employeur concernant la demande d’antidatation.
- Des éléments de preuve supplémentaires au sujet des mesures prises par son employeur relativement à sa demande d’antidatation.
J’ai également informé l’appelante que je ne répondrais pas à ses observations sauf en présence de circonstances exceptionnelles ou si je suis d’avis qu’une réponse écrite est requise. Sinon, ses préoccupations seront discutées à l’audienceNote de bas de page 33.
[38] Un nouvel avis d’audience indiquant la tenue de l’audience par vidéoconférence plutôt qu’en personne a été envoyé le 28 février 2024. La date de l’audience est établie au 7 mars 2024. Elle doit débuter à 13 h (HNE) tel qu’il était déjà prévuNote de bas de page 34.
[39] Le 28 février 2024, l’appelante a demandé que le membre du Tribunal se retire de l’affaire, que l’audience du 7 mars 2024 soit annulée et qu’elle soit traitée de façon égale en vertu de la loi conformément à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). C’est comme si l’on me demandait de me récuser de l’audience de l’appel. La demande de l’appelante est fondée sur son allégation selon laquelle je suis partiale.
[40] Le 4 mars 2024, un avis a été envoyé à l’appelante et à la Commission selon lequel l’audience du 7 mars 2024 serait convertie en vidéoconférence pour entendre exclusivement le témoignage de l’appelante au sujet de ses allégations de partialité du membre du Tribunal et de sa demande que je me récuse de son appelNote de bas de page 35. Comme l’appelante a présenté une demande de récusation fondée sur une allégation de partialité, je suis tenue de répondre. J’ai fourni à l’appelante le critère pour prouver une crainte raisonnable de partialité. J’ai également indiqué que la date de l’audience sur le fond de l’appel relatif à l’antidatation serait remise au 27 mars 2024 par vidéoconférence et que moi-même ou un autre membre serait saisi de l’appel, selon ma décision sur l’allégation de partialité et la demande de récusation de l’appelante.
[41] À la vidéoconférence du 7 mars 2024, j’ai attendu l’appelante pendant 30 minutes, et elle n’a pas pris part à la conférence préparatoire. La Commission a assisté à la vidéoconférence et a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations sur la partialité ni d’objection à ce que je continue d’instruire et de juger l’appelNote de bas de page 36.
[42] L’appelante a présenté de nouveau le document portant le code GD40 le 7 mars 2024. Cette observation a été codée GD42 et a été prise en compte lorsque j’ai rendu ma décision sur la requête de partialité de l’appelante au document GD44 le 18 mars 2024.
[43] L’appelante a demandé une copie de la preuve du membre avant l’audience dans l’observation portant le code GD46. Elle affirme que la division d’appel ne peut accepter de nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été soumis à la division générale et qu’elle ne peut pas participer à une audience sans savoir quels éléments de preuve seront présentés.
[44] Dans l’observation portant le code GD47, envoyée le 22 mars 2024, l’appelante a réitéré qu’elle avait besoin d’une copie de la preuve de l’agent de la Commission et/ou des notes du registre téléphonique pour l’examiner et y répondre avant de fixer une audience. Elle a répété qu’elle croyait que le membre du Tribunal préjugeait la situation et avait nommé à plusieurs reprises les observations de la Commission comme « preuve », tout en refusant sa demande d’une copie de ses dossiers. Et l’appelante a présenté de nouveau le document portant le code GD46 le 22 mars 2024 sous le code GD48.
[45] L’appelante a souligné dans ses observations sous le code GD49, datées du 26 mars 2024, que le membre du Tribunal a utilisé à plusieurs reprises l’expression des observations et de la preuve de la Commission, mais qu’il ne lui a pas donné accès à la preuve. Elle trouve « incompréhensible » de ne pas avoir accès à la preuve de la Commission avant une audience.
[46] J’ai procédé à l’audience comme prévu, car les documents GD42, GD46 et GD48, GD47 et GD49 n’ont soulevé aucune nouvelle question ni aucune circonstance exceptionnelle. De plus, je ne croyais pas qu’une remise était dans l’intérêt de la justice naturelle.
Les autres arguments soulevés par l’appelante ne sont pas inclus dans la présente décision.
[47] L’appelante a présenté beaucoup de renseignements sur ce qu’elle dit être des relevés d’emploi et des formulaires d’intervention du personnel (FAP) falsifiés de son employeur, des incidents qui se sont produits à son lieu de travail pendant qu’elle y travaillait, des détails sur les politiques de classification et de paiement de son employeur et le calendrier de ses interactions avec son employeur après le 15 août 2023. Elle a demandé des enquêtes sur de faux relevés d’emploi établis par son employeur en 2008 et 2009, de 2009 à 2012, en 2014 et en 2017Note de bas de page 37. Elle a également fourni des renseignements sur la période antérieure au 29 juillet 2012.
[48] Je n’ai pas abordé ses arguments relatifs à cette information dans ma décision. Je ne suis pas en mesure d’en tenir compte parce qu’ils excèdent la portée du critère juridique applicable à l’antidatation, soit la question faisant l’objet de l’appel dont je suis saisie. La cour a dit que je n’ai pas besoin d’aborder des arguments qui ne relèvent pas de mon mandatNote de bas de page 38.
[49] L’appelante a déclaré que ses observations relatives à l’appel peuvent se résumer à trois relevés d’emploi de septembre 2008 à avril 2009 et de septembre 2012 à décembre 2013Note de bas de page 39. La loi me permet d’examiner uniquement la question dont je suis saisie. Il s’agit de l’appel de l’appelante à l’encontre du refus de la Commission d’accueillir sa demande d’antidatation au 29 juillet 2012Note de bas de page 40. C’est donc dire que mon pouvoir se limite à décider si la demande de prestations d’assurance-emploi de l’appelante peut être antidatée au 29 juillet 2012. Je ne tiendrai pas compte des demandes de l’appelante au sujet des deux autres relevés d’emploi pour rendre ma décision.
Question en litige
[50] La demande de prestations de l’appelante peut‑elle être traitée comme si elle avait été faite le 29 juillet 2012? C’est ce que l’on appelle l’antidatation de la demande.
Analyse
[51] Pour que sa demande de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux éléments suivantsNote de bas de page 41 :
- a) Qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période de celui‑ci. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi.
- b) Qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle était admissible aux prestations.
[52] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si l’appelante avait un motif valable. Je vais donc commencer par cette question.
[53] Pour prouver qu’elle avait un motif valable, l’appelante doit démontrer qu’elle a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblablesNote de bas de page 42. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de façon aussi raisonnable et prudente que l’aurait fait toute autre personne si elle s’était trouvée dans une situation semblable.
[54] L’appelante doit démontrer qu’elle a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 43. Cette période va de la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée à la date à laquelle elle a effectivement présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelante s’étend du 29 juillet 2012 au 15 août 2023.
[55] L’appelante doit également démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 44. C’est donc dire que l’appelante doit démontrer qu’elle a essayé de se renseigner au sujet de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle le pouvait. Si l’appelante n’a pas pris de telles mesures, elle doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéeNote de bas de page 45.
[56] L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant le retard.
[57] L’appelante affirme qu’elle avait un motif valable justifiant le retard parce qu’elle n’a appris que le 9 août 2023 que son employeur a établi un faux relevé d’emploi pour la période entourant juillet 2012, période pour laquelle elle aimerait que sa demande soit antidatéeNote de bas de page 46. Selon ses dires, elle ignorait que son employeur avait soumis un relevé indiquant une pénurie de travail à compter du 29 juillet 2012. Elle n’a donc pas demandé de prestations d’assurance-emploi plus tôt parce qu’elle ignorait que son employeur avait mis fin à son emploi à ce moment-là.
[58] L’appelante affirme avoir travaillé du 29 juillet 2012 au 2 septembre 2012 parce qu’elle croyait avoir un contrat permanent du 1er septembre 2011 au 31 août 2012. Elle dit avoir découvert plus tard en 2012 qu’elle n’avait pas été payée du 29 juillet 2012 au 2 septembre 2012Note de bas de page 47.
[59] L’appelante affirme qu’elle a découvert récemment qu’elle avait reçu 5 760 $ pour la période d’août à septembre 2012Note de bas de page 48. Elle soutient donc que la date de fin du 31 juillet 2012 sur son relevé d’emploi ne reflète pas les faits. Pour étayer son argument, l’appelante a présenté une copie d’un formulaire sur les détails de l’emploi indiquant un changement à son emploi et ce que son employeur lui a versé du 3 août 2012 au 1er septembre 2012 à titre de paiement uniqueNote de bas de page 49.
[60] L’appelante explique qu’elle n’a pas cherché en ligne si son employeur avait établi un relevé d’emploi avant août 2023. Elle affirme qu’elle n’a pas communiqué avec un agent du service à la clientèle ni visité un centre de Service Canada avant le 15 août 2023 pour savoir ce qu’elle devait faire pour toucher des prestationsNote de bas de page 50.
[61] L’appelante affirme que la Commission n’a pas abordé le défaut de l’employeur de fournir des relevés d’emploi en temps opportun. Elle dit qu’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir demandé des prestations à temps alors qu’il a fallu plus de trois ans à l’employeur pour établir un relevé d’emploi. Elle affirme qu’elle n’a appris que le 9 août 2023 que son employeur avait établi le relevé d’emploi pour la période du 1er septembre 2009 au 31 juillet 2012, alors qu’elle a obtenu le relevé d’emploi dans un centre de Service CanadaNote de bas de page 51. L’appelante affirme qu’elle examinait les relevés d’emploi à ce moment‑là parce qu’elle traitait avec l’employeur et cherchait à être indemnisée pour ce qu’il lui a faitNote de bas de page 52.
[62] L’appelante affirme qu’elle a rapidement pris les mesures nécessaires dès qu’elle a pris connaissance des relevés d’emploi et qu’elle a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans une situation semblableNote de bas de page 53.
[63] La Commission affirme que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard parce qu’elle n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission indique que l’appelante n’a pas démontré que quelque chose l’empêchait de demander des prestations d’assurance-emploi pendant le délai de 11 ans, soit du 29 juillet 2012 au 15 août 2023Note de bas de page 54.
[64] Au dire de la Commission, le relevé d’emploi de l’appelante pour la période du 1er septembre 2009 au 31 juillet 2012 a été établi le 13 novembre 2012, moins de quatre mois après la pénurie de travail, ce qui montre qu’il n’était pas en retard de trois ans. Si l’appelante avait présenté une demande tout de suite après avoir cessé de travailler, la Commission affirme qu’elle aurait pu l’aider à obtenir le relevé d’emploi à ce moment-là pour établir une demandeNote de bas de page 55.
[65] La Commission affirme qu’il incombe à l’appelante de s’enquérir de ses droits et responsabilités et de demander des prestations d’assurance-emploi. Elle indique que le retard de l’employeur à soumettre le relevé d’emploi n’est pas pertinent parce que la question à l’étude consiste à décider si l’appelante avait un motif valable justifiant le retardNote de bas de page 56.
[66] Voici ce que la Commission souligne : même si l’appelante semble vouloir que la Commission enquête sur les relevés d’emploi erronés et les renseignements sur l’emploi falsifiés fournis par son employeur et y donne suite, la Commission n’a pas pris de décision à ce sujet dans le présent appel. Elle ajoute que la question qui fait l’objet de l’appel est l’antidatation. De plus, le délai dans lequel la Commission pouvait enquêter sur les allégations de l’appelante concernant des renseignements faux ou frauduleux figurant dans les relevés d’emploi a expiréNote de bas de page 57.
Mes conclusions
[67] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant d’avoir tardé à demander des prestations. Je crois qu’une personne raisonnable et prudente aurait tenté d’en apprendre davantage sur son droit à des prestations et sur ses responsabilités sous le régime de la loi plus tôt que l’appelante l’a fait.
[68] L’obligation et le devoir de déposer rapidement une demande d’assurance-emploi sont très exigeantsNote de bas de page 58. Le critère juridique relatif au motif valable est rigoureuxNote de bas de page 59. Les tribunaux nous ont dit à maintes reprises que le manque de connaissance ou l’ignorance de la loi d’un prestataire ne suffit pas à démontrer un motif valableNote de bas de page 60. Dans la jurisprudence, constituée des décisions des tribunaux, il a également été statué que l’attente par un prestataire d’un relevé d’emploi modifié de son employeur ne représentait pas un motif valableNote de bas de page 61. Les critères et principes énoncés dans les décisions des tribunaux, que je dois respecter, me guident dans la prise de ma décision.
[69] Le dossier d’appel ne comporte pas de relevés d’emploi. L’appelante affirme que son employeur a commis des erreurs dans les relevés d’emploi. Elle veut qu’il y ait une enquête à leur sujet. J’ai pris en considération les arguments de l’appelante. Toutefois, la question de savoir si les relevés d’emploi sont exacts ou non n’est pas pertinente pour établir si elle a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable occupant le même poste. C’est donc dire que les renseignements contenus dans les relevés d’emploi, qu’ils soient exacts ou non, ne sont pas des renseignements sur lesquels je peux me fonder pour décider si l’appelante a satisfait au critère à respecter pour faire antidater sa demande initiale.
[70] L’appelante affirme que l’employeur est responsable d’avoir établi les relevés d’emploi avec trois ans de retard. La Commission prétend que le relevé d’emploi couvrant la période du 9 septembre 2009 au 31 juillet 2012 a été établi le 13 novembre 2012Note de bas de page 62. Je ne vois aucune preuve que l’appelante conteste la date du 13 novembre 2012, car il s’agit de la date à laquelle le relevé d’emploi a été établi. Comme le relevé d’emploi est établi en cas d’interruption d’emploi, je m’attendrais à ce que l’employeur de l’appelante l’établisse quelque temps après le 31 juillet 2012. Une date de délivrance le 13 novembre 2012 constituerait un retard de quatre mois et non de trois ansNote de bas de page 63.
[71] Je n’accepte pas la déclaration de l’appelante selon laquelle son employeur est à blâmer parce qu’il a tardé à présenter une demande de prestations du fait qu’il n’a pas établi de relevé d’emploi en temps opportun. Je conclus qu’il incombait surtout à l’appelante d’obtenir de la Commission des renseignements sur son admissibilité à des prestations le 29 juillet 2012. De plus, la preuve montre que l’appelante n’a fait aucune demande de renseignements au sujet de sa demande de prestations d’assurance-emploi et de ses droits et responsabilités pendant toute la période pour laquelle elle demande une antidatation, soit du 29 juillet 2012 au 15 août 2023.
[72] À mon avis,l’ignorance par l’appelante de l’établissement d’un relevé d’emploi pour son emploi du 9 septembre 2009 au 31 juillet 2012 ne constitue pas un motif valable justifiant le retard à demander des prestations. Il incombe à l’appelante d’en apprendre davantage sur l’assurance-emploi et de présenter rapidement une demande lorsqu’elle veut recevoir des prestations. La Commission aurait pu l’aider à obtenir le relevé d’emploi si elle avait présenté une demande peu après sa cessation d’emploi. De plus, si le relevé d’emploi était erroné à ce moment-là, la Commission aurait pu collaborer avec l’appelante pour en obtenir un exempt d’erreurs.
[73] L’appelante indique qu’elle a demandé des prestations en 2016. Il existe donc des preuves qu’elle avait une certaine expérience du régime d’assurance-emploiNote de bas de page 64. Pourtant, l’appelante n’a pas effectué de recherches en ligne, appelé Service Canada ou visité un centre Service Canada pour s’informer de son admissibilité aux prestations avant le 15 août 2023. Je ne peux conclure que l’appelante a rapidement pris des mesures, dès qu’elle s’est retrouvée sans revenu d’emploi, pour se renseigner sur ses droits et responsabilités en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.
[74] L’appelante a fourni des renseignements contradictoires sur la question de savoir si elle a été payée ou non par son employeur du 29 juillet 2012 au 3 septembre 2012. D’une part, l’appelante affirme qu’elle a appris qu’elle n’avait pas été payée pour la période comprise entre le 29 juillet 2012 et le 2 septembre 2012 un peu plus tard en 2012Note de bas de page 65. Lorsque la Commission a demandé plus tard à l’appelante si elle se souvenait du moment où elle avait appris qu’elle ne serait pas payée, elle a répondu qu’elle ne s’en rappelait pasNote de bas de page 66. D’autre part, l’appelante dit avoir découvert plus tard qu’elle avait effectivement été payée pendant cette périodeNote de bas de page 67.
[75] À mon avis, une personne raisonnable aurait tenté d’en apprendre davantage sur ses droits et ses responsabilités à l’égard de l’assurance-emploi lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle ne recevait pas de revenu. L’appelante a déclaré qu’elle s’est aperçue plus tard en 2012 qu’elle n’avait pas été payée du 29 juillet au 3 septembre 2012. Par conséquent, elle savait en 2012 que son revenu d’emploi était problématique. Et elle n’a pas tenté d’en apprendre davantage sur les prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle a appris que quelque chose clochait sur le plan de son revenu d’emploi en 2012. Dans ces circonstances, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable en s’informant de son admissibilité à l’assurance-emploi.
[76] Je ne crois pas que l’appelante ait établi des circonstances exceptionnelles justifiant le retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi entre le 29 juillet 2012 et le 15 août 2023. Je ne vois aucune preuve que quoi que ce soit l’empêchait de communiquer avec la Commission pour voir quelles options, le cas échéant, lui étaient offertes si elle n’avait pas reçu de revenu d’emploi entre le 29 juillet 2012 et le 3 septembre 2012.
[77] Je reconnais que l’appelante a des préoccupations au sujet des actions de son employeur et qu’elle croit que celles-ci peuvent justifier en partie son retard à demander des prestations. Cependant, il ne s’agit pas d’un motif valable justifiant le retard de l’appelante. En effet, l’appelante savait dès 2012 que son revenu présentait des problèmes. En outre, elle n’a pris aucune mesure avant août 2023 pour s’informer de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. La responsabilité de prendre des « mesures raisonnablement rapides » pour déterminer son admissibilité à des prestations d’assurance-emploi incombe à l’appelante et non à son employeur.
[78] Bien que l’appelante puisse choisir de blâmer son employeur pour sa propre inaction, le critère subsiste : il s’agit d’établir ce qu’une personne raisonnable dans la même situation ferait pour s’acquitter de ses obligations et pour exercer ses droits en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 68. La preuve montre que l’appelante savait dès 2012 qu’il y avait un problème avec son revenu et qu’elle serait peut-être sans revenu du 29 juillet au 3 septembre 2012.
[79] La seule explication de l’appelante pour justifier son retard réside dans les mesures prises par son employeur. Elle n’a examiné l’incidence des mesures prises par son employeur sur ses prestations que bien après 2012. À mon avis, une personne raisonnable qui a pris connaissance de problèmes liés à son revenu n’aurait pas attendu 11 ans pour s’informer de ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’existe aucune preuve de circonstances exceptionnelles au cours de ces 11 années qui auraient empêché l’appelante de découvrir ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, l’appelante n’a pas établi qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance-emploi.
[80] Bien qu’il faille satisfaire aux deux volets du critère d’antidatation pour antidater une demande de prestations, comme l’appelante n’a pas démontré de motif valable pour toute la période du retard, je conclus qu’il n’est pas nécessaire de décider si elle était admissible à la date antérieure.
Conclusion
[81] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard à présenter une demande de prestations pendant toute la période du retard, soit du 29 juillet 2012 au 15 août 2023.
[82] L’appel est rejeté.