Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SZ c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 1267

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Mélanie D’Aquanno

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 avril 2024
(GE-23-3281)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 24 septembre 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 18 octobre 2024
Numéro de dossier : AD-24-349

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Décision

[1] Je rejette l’appel.

Aperçu

[2] S. Z. est l’appelante. Je l’appellerai la prestataire parce que cet appel concerne sa demande de prestations d’assurance‑emploi.

[3] La prestataire a demandé des prestations en 2023, affirmant que son « dernier jour de travail » était le 31 juillet 2012. Elle a demandé une antidatation au 29 juillet 2012 en disant qu’elle venait tout juste d’obtenir de son employeur des renseignements qui lui ont permis d’établir que son employeur avait cessé de la payer pour une période commençant en juillet 2012.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a refusé sa demande d’antidatation au 29 juillet 2012. Elle affirme qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle avait un motif valable de présenter une demande tardive de prestations.

[5] La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale, mais celle-ci a rejeté son appel. Elle a convenu qu’elle n’avait pas de motif valable pour toute la période du retard.

[6] Dans son appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la prestataire a demandé à la division générale d’envisager également d’autres dates d’antidatation, y compris juillet 2009 (soit avant l’arrêt de rémunération qu’elle a mis de l’avant dans sa demande de prestations) et juin 2013Note de bas de page 1. La division générale a dit qu’elle ne pouvait examiner que les refus de la Commission d’antidater sa demande au 29 juillet 2012Note de bas de page 2.

[7] La prestataire a fait appel devant la division d’appel après avoir obtenu la permission.

[8] Je rejette l’appel de la prestataire. Elle ne m’a pas démontré que la division générale a commis l’une ou l’autre des erreurs que je pourrais prendre en considération.

Questions préliminaires

Remise

[9] La prestataire avait demandé une remise avant l’audience en personne, ce que j’avais refusé. À l’audience, j’ai demandé à la prestataire si elle souhaitait présenter des observations supplémentaires sur sa demande de remise, afin de décider si un ajournement était nécessaire.

[10] Conformément aux Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, je ne peux reporter une audience que si j’admets qu’elle est nécessaire pour tenir une audience équitableNote de bas de page 3.

[11] La prestataire a déclaré qu’elle attendait une décision de l’Agence du revenu du Canada concernant ses heures et ses gains assurables en 2013 et 2014, et concernant la question de savoir si elle avait été une employée ou une entrepreneure indépendante. Elle attendait également une décision ou des directives des Relations de travail. Toutefois, elle n’a pas été en mesure d’établir le lien entre les décisions attendues et sa demande d’antidatation. J’ai informé la prestataire que je n’étais pas convaincu que les décisions étaient telles qu’elles pouvaient influer sur ma décision. Je lui ai dit que je n’acceptais pas qu’il soit injuste de refuser sa demande de remise ou d’ajournement.

[12] Dans sa demande de remise, la prestataire a également déclaré qu’elle ne croyait pas que l’enquête de la Commission avait été suffisante. Elle demande à la division d’appel d’attendre que la Commission termine son enquête. J’ai informé la prestataire que l’enquête de la Commission était terminée – en ce qui concerne celle-ci – et que je ne possédais pas de pouvoir de surveillance sur la Commission ni la capacité de lui ordonner d’enquêter davantage. Son désir que la Commission mène une enquête plus approfondie ne justifiait pas non plus une remise ou un ajournement.

Nouveaux éléments de preuve

[13] Après le dépôt de sa demande à la division d’appel, mais avant son audience, la prestataire a envoyé à la division d’appel huit observations écrites distinctesNote de bas de page 4. Certaines de ces observations renferment de nouveaux documents ou de nouvelles assertions de fait, qui n’ont pas été soumis à la division générale. Je n’examinerai aucune partie des observations de la prestataire qui décrit ou joint des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale, ou encore qui fait référence à ceux-ci.

[14] La division d’appel peut seulement se demander si la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a examiné la preuve dont elle était saisie. Par conséquent, en général, les nouveaux éléments de preuve ne sont pas pertinents pour décider si la division générale a commis une erreur. Les tribunaux ont confirmé qu’il n’appartient pas à la division d’appel d’examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 5.

[15] Il existe des exceptions étroites en vertu desquelles la division d’appel peut examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 6. Toutefois, la division d’appel ne peut tenir compte des éléments de preuve fournis pour aider une partie à établir des faits ayant un rapport direct avec les questions en litige.

Observations après l’audience

[16] La prestataire a également présenté trois nouvelles observations à la division d’appel après l’audience oraleNote de bas de page 7. Je n’examinerai aucune des observations postérieures à l’audience.

[17] La prestataire a eu amplement l’occasion d’exposer ses arguments dans les nombreuses observations écrites qu’elle a présentées avant l’audience et dans ses observations orales. De plus, une grande partie de ce qu’elle a fourni dans ses observations postérieures à l’audience est répétitive, intègre de nouveaux éléments de preuve ou ne concerne pas la question de l’antidatation.

[18] L’équité exige que les parties aient la possibilité d’être entendues. Cela ne signifie pas que le Tribunal doit continuer à recevoir des observations indéfiniment.

Questions en litige

[19] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) Équité procédurale
    1. i. La division générale a-t-elle agi d’une manière qui laissait croire qu’elle avait préjugé l’affaire ou ses actions ont-elles donné lieu à une perception de partialité?
    2. ii. La division générale a-t-elle par ailleurs agi injustement en :
      1. a. Refusant de divulguer des éléments de preuve?
      2. b. Omettant d’ordonner à la Commission de terminer son enquête?
  2. b) Compétence
    1. iii. La division générale a-t-elle omis d’exercer sa compétence lorsqu’elle n’a pas examiné si la Commission avait agi de façon judiciaire?
    2. iv. La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en se demandant si la prestataire avait un motif valable justifiant le retard d’une date d’antidatation du 29 juillet 2012 (ou a-t-elle commis une erreur de fait en omettant de tenir compte du témoignage de la prestataire selon lequel elle travaillait et avait une rémunération le 29 juillet 2012)?
    3. v. La division générale a-t-elle omis d’exercer sa compétence en ne se fondant pas sur la question de savoir si la prestataire était admissible à des prestations à la date d’antidatation du 29 juillet 2012?
    4. vi. La division générale a-t-elle omis d’exercer sa compétence en négligeant ou en refusant de décider si la prestataire pouvait obtenir une antidatation à une date plus récente que le 29 juillet 2012?
  3. c) Droit applicable
    1. vii. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)?

Analyse

Principes généraux

[20] La division d’appel ne peut tenir compte que des erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 8.

[21] La prestataire a présenté des arguments concernant tous les moyens d’appel disponibles.

Erreur d’équité procédurale

[22] On se demande quel est l’objet de l’appel. La Commission estime que l’appel porte sur la question de savoir si la prestataire avait droit à une antidatation au 29 juillet 2012 seulement. La prestataire affirme qu’elle n’est plus intéressée à demander une antidatation au 29 juillet 2012, mais laisse entendre que la division générale aurait dû envisager d’autres antidatations possibles.

[23] Quelle que soit la partie qui a raison au sujet de la question juridique ou factuelle, la prestataire a soutenu que la division générale a agi d’une manière inéquitable sur le plan procédural. Une erreur d’équité procédurale pourrait invalider la décision de la division générale. J’examinerai donc cette seule erreur avant de me pencher sur la façon d’aborder ces points de vue divergents sur le fond de l’appel.

[24] La prestataire a fait valoir que la division générale a agi de manière à laisser entendre qu’elle avait un parti pris à son égard. Elle a également affirmé qu’elle avait refusé de façon inappropriée de mener une enquête (ou d’exiger que la Commission termine son enquête) et qu’elle avait refusé de lui divulguer certains éléments de preuve en lien direct avec son appel.

Préjugé

[25] Je n’admets pas que la membre de la division générale ait fait ou dit quoi que ce soit qui ferait en sorte qu’une personne raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, ait une crainte raisonnable de partialité.

[26] La prestataire a dit à la division générale qu’elle croyait que la membre avait déjà pris sa décision avant d’entendre l’appel. La principale raison pour laquelle elle a fait cette affirmation était que la division générale avait refusé de reporter son audience. La prestataire a présenté de multiples demandes de remise en raison de son désir d’obtenir des éléments de preuve. La division générale lui a accordé une remise pour obtenir des conseils juridiques, mais elle ne lui a pas accordé d’autres demandes. La membre n’était pas convaincue que la prestataire cherchait à obtenir des éléments de preuve liés directement aux questions qu’elle devait trancher.

[27] La prestataire croyait que la membre ne pouvait pas lui accorder une audience équitable, de sorte qu’elle a demandé à la membre de la division générale de se récuser. Elle a fait valoir que la membre de la division générale aurait dû accepter ses motifs de remise et qu’elle s’est [traduction] « précipitée vers une audience ». Elle a également fait observer que la membre avait refusé d’ordonner à la Commission de fournir des éléments de preuve/notes ou de terminer son enquête, et qu’elle avait qualifié ses observations de « preuves »Note de bas de page 9.

[28] La division générale a fixé une audience pour décider si la membre devait se récuser, mais la prestataire ne s’est pas présentée. La membre de la division générale a rendu une décision interlocutoire le 18 mars 2024 fondée sur les observations écrites de la prestataire. Dans la décision, la membre a conclu que la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle ne pouvait pas entendre l’affaire équitablementNote de bas de page 10. Elle a refusé la demande de récusation.

[29] Comme l’a fait remarquer la division générale, la prestataire doit établir qu’elle a une crainte raisonnable que la membre de la division générale ait fait preuve de partialité. La division générale a décrit le critère comme suit :

« […] à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision justeNote de bas de page 11? »

[30] Je juge qu’une personne raisonnable ne conclurait pas, à la lumière des réponses et des actions de la division générale, que la membre avait un parti pris. La majeure partie de ce que la prestataire affirme maintenant comme une position partiale de la membre concerne les processus de la division générale et les mesures prises par les membres avant la décision interlocutoire du 18 mars 2024. Dans la mesure où ils se rapportent à ce délai, j’accepte et j’adopte les motifs de la membre de la division générale dans la décision du 18 mars.

[31] Je conclus également que les réponses et les mesures prises par la membre de la division générale depuis le 18 mars 2024 ne donnent pas lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[32] Bon nombre des actions subséquentes de la membre étaient simplement la poursuite de ses actions antérieures, y compris son refus de reporter l’audience ou d’ordonner à la Commission d’enquêter. Toutefois, la justification de la prestataire pour ces diverses demandes reposait sur des variations des demandes initiales qui avaient déjà été refusées. La division générale n’a pas fait preuve de partialité en maintenant une position cohérente en réponse aux demandes de la prestataire.

[33] De plus, la prestataire a affirmé que la membre de la division générale avait un parti pris parce qu’elle a déclaré que la division générale n’avait pas reçu d’observations le 12 janvier 2024, alors que la prestataire insiste pour dire qu’elle les avait bel et bien reçuesNote de bas de page 12. La prestataire a également fait observer que la membre a indiqué qu’un relevé d’emploi était daté du 12 novembre 2012, alors qu’il était en fait daté du 13 novembre 2012.

[34] J’ai accès au même dossier d’appel que celui dont disposait la division générale. La membre avait raison de dire que le Tribunal n’avait reçu aucune lettre ou observation datée du 12 janvier 2024. Toutefois, il a reçu l’observation du 12 janvier 2024 en pièce jointe à la correspondance datée du 17 janvier 2024. La division générale a reconnu la lettre du 17 janvier 2024, y compris la demande de remise. Cette demande se trouve dans la pièce jointe datée du 12 janvier 2024. Je n’admets pas que la membre ait voulu dire qu’elle n’avait pas été en mesure d’examiner l’information contenue dans la lettre du 12 janvier 2024. Elle voulait seulement dire que la lettre du 12 janvier ne lui était pas parvenue, sauf plus tard en pièce jointe.

[35] En ce qui concerne la date erronée, cela ne pouvait étayer une allégation de partialité que s’il y avait des éléments de preuve que la division générale avait délibérément énoncé cette date de manière erronée dans le but d’en arriver à un résultat privilégié. Il n’est pas manifeste à mes yeux en quoi la date exacte d’établissement du relevé d’emploi pourrait s’appliquer de façon pertinente à toute question qui devait être tranchée dans l’appel. Par conséquent, elle ne pourrait pas être mal énoncée pour étayer une issue en particulier. En outre, je n’ai aucune raison de croire que la division générale a inséré sciemment des erreurs dans sa décision. L’explication la plus probable est qu’il s’agissait d’un raté.

[36] La prestataire ne m’a pas convaincu que la membre de la division générale avait un parti pris ou que tous ses propos ou ses gestes pourraient raisonnablement être interprétés comme un parti pris.

Droit d’être entendu et de connaître l’affaire

Refus de divulgation

[37] Enfin, la prestataire a soutenu que la division générale disposait d’éléments de preuve de l’employeur qu’elle a refusé ou omis de divulguer. La prestataire a peut-être considéré qu’il s’agissait d’un autre indicateur de partialité. Cependant, l’équité procédurale exige que la prestataire ait une occasion équitable de connaître la preuve qu’elle doit réfuter, sans égard à la situation.

[38] Si la division générale avait retenu des éléments de preuve pertinents sur lesquels elle s’est fondée ou qui avaient pu aider la prestataire dans son appel, il s’agirait d’une erreur d’équité procédurale.

[39] Toutefois, l’affirmation de la prestataire selon laquelle la division générale a retenu des éléments de preuve n’est qu’une supposition. Elle a laissé entendre que la division générale a retenu les notes du registre téléphonique de la Commission. Elle a également fait référence à la preuve de communication avec l’employeur et aux dossiers de paiement de l’employeur à l’appui de ses relevés d’emploi. Cependant, elle n’a relevé aucun autre document précis.

[40] Je ne vois aucune preuve que la division générale a mentionné ou examiné des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la prestataire. La division générale a expliqué dans sa décision interlocutoire du 18 mars 2024 que toute preuve reçue par le Tribunal de la part de la Commission a été et sera communiquée à l’appelanteNote de bas de page 13.

[41] Les seules notes du registre téléphonique consignées dans le dossier d’appel sont les notes prises par les agents de la Commission qui se trouvent dans le dossier de révision GD3. Il n’y a pas de transcription des relevés téléphoniques dans le dossier d’appel. Il n’y a pas non plus de communications documentées avec l’employeur ou d’autres documents de l’employeur.

[42] La division générale n’a pas refusé de divulguer des éléments de preuve pertinents ou susceptibles de lui être connus. Elle n’a pas nui au droit de la prestataire d’être entendue ou à sa capacité de connaître l’affaire.

Refus d’enquêter

[43] Les arguments de la prestataire laissent croire qu’elle estime également que la membre de la division générale a agi injustement parce qu’elle a omis de chercher et d’obtenir des éléments de preuve, puis de les lui fournir. Toutefois, l’équité n’exige pas que la division générale fasse enquête ou cherche des éléments de preuve pour faciliter l’appel de la prestataire. Il incombe à la partie appelante de présenter dans le cadre de son appel les meilleurs éléments de preuve qu’elle peut obtenir.

[44] La division générale a signalé que la prestataire avait demandé à la Commission des notes du registre téléphonique, mais qu’elle ne les avait pas reçues, et que la prestataire lui demandait d’ordonner la production de ces notes. La division générale a expliqué qu’elle n’avait pas demandé les notes téléphoniques parce qu’elle n’était pas convaincue que le registre téléphonique était pertinent pour l’antidatation. Il s’agissait de la seule question en appelNote de bas de page 14. La membre a déclaré que la prestataire ne lui avait pas fourni assez de détails pour déterminer la pertinence d’autres éléments de preuve qu’elle cherchait à obtenir. Elle a dit que la prestataire aurait pu expliquer davantage à son audience et que l’audience pouvait être ajournée, au besoinNote de bas de page 15. La prestataire n’a pas assisté à son audience.

[45] La division générale a le pouvoir, en vertu des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale (les Règles), de demander à la Commission d’enquêter sur toute question liée à une demande de prestations et d’en faire rapport. Il s’agit toutefois d’un pouvoir discrétionnaire, ce qui signifie que la division générale ne peut être obligée de demander quoi que ce soit à la Commission. La Cour suprême du Canada a confirmé que les tribunaux contrôlent leurs propres procédures en tant que « maîtres chez eux »Note de bas de page 16. La division générale peut régir le processus d’appel comme elle l’entend, pourvu qu’il soit légal et équitable pour les parties.

Compétence

[46] La prestataire fait également valoir que la division générale a commis une erreur de compétence. Elle a déclaré que la division générale aurait dû se demander si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Lorsqu’elle formule une telle affirmation, elle renvoie aux pouvoirs de la Commission d’enquêter sur les réclamations.

[47] À l’instar de l’« équité procédurale », ce genre d’erreur de compétence pourrait influer sur le résultat de l’appel, peu importe si la division générale a dûment tenu compte de la date d’antidatation du 29 juillet 2012 ou si elle avait dû tenir compte d’une autre date d’antidatation.

[48] La prestataire soutient avec raison que la nature et l’étendue de l’enquête de la Commission sont discrétionnaires. Elle affirme également à juste titre que la division générale peut décider si la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire ». Agir de façon « judiciaire » signifie que la Commission ne doit pas agir dans un but illégitime ou de façon discriminatoire, et qu’elle doit faire preuve de bonne foi. Elle doit en outre tenir compte de tous les facteurs pertinents, mais non de ceux qui ne le sont pas.

[49] Cela dit, les limites de la compétence de la division générale sont établies par les questions examinées dans le cadre de la décision de révision. Si la décision de révision porte sur des questions de nature discrétionnaire (comme lorsque la Commission décide de réexaminer une décision relative aux prestations de sa propre initiative), la division générale a compétence pour décider si la Commission a agi de façon judiciaire en rendant sa décision de réexamen.

[50] La façon dont la Commission mène son enquête comporte également un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, le mode d’enquête ne représente pas une décision discrétionnaire. La division générale ne peut vérifier que si la Commission a tenu compte de tous les « facteurs » ayant un rapport direct avec une décision discrétionnaire. Elle n’examine pas la suffisance de la preuve dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est penchée sur les facteurs pertinents. La division générale ne possède pas le pouvoir d’imposer une norme d’enquête particulière à la Commission et ne lui ordonne pas de chercher des éléments de preuve supplémentaires qui pourraient être liés directement aux facteurs qu’elle doit prendre en compte lorsqu’elle prend des décisions discrétionnaires.

Erreurs liées à l’examen par la division générale d’un motif valable pour l’antidatation au 29 juillet 2012

[51] La prestataire a fait valoir que la division générale a commis à la fois une erreur de compétence et une erreur de fait lorsqu’elle s’est penchée sur la question de savoir s’il fallait lui accorder une antidatation au 29 juillet 2012.

La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en examinant si la prestataire avait droit à une antidatation au 29 juillet 2012?

[52] La division générale n’a pas outrepassé sa compétence.

[53] Comme je l’ai mentionné précédemment dans la décision, la compétence de la division générale est limitée par les questions abordées dans la lettre de réexamenNote de bas de page 17. Sa décision doit tenir compte des questions qui ont été réexaminées. Elle ne peut pas prendre en compte d’autres questions. La question qui fait l’objet de la lettre de réexamen est l’antidatation. Plus précisément, la Commission a rejeté la demande d’antidatation de la prestataire au 29 juillet 2012.

[54] Si la prestataire croyait qu’elle ne pouvait obtenir gain de cause, elle aurait pu retirer son appel. Elle souhaitait que la division générale aborde un certain nombre d’autres questions (y compris son droit à une antidatation en remplacement des « dates antérieures ») et elle n’a donc pas retiré son appel. Toutefois, comme elle n’a pas retiré son appel, la division générale n’avait d’autre choix que de se demander si elle avait droit à une antidatation au 29 juillet 2012. Elle aurait commis une erreur de compétence si elle ne l’avait pas fait.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en omettant de prendre en compte le témoignage de la prestataire selon lequel elle a conservé son emploi après le 29 juillet 2012?

[55] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante.

[56] Après avoir demandé l’antidatation au 29 juillet 2012, la prestataire a découvert qu’elle n’aurait pas été admissible à des prestations à cette date antérieure. Elle affirme que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage selon lequel elle travaillait tout au long de 2012.

[57] Elle a fait valoir devant la division d’appel qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une cessation d’emploi de la part de son employeur ou qu’elle n’avait pas vécu sept jours consécutifs sans travail ou sans salaire. En vertu de la loi, une partie prestataire doit avoir assez d’heures assurables pour être admissible à présenter une demande, mais un arrêt de rémunération doit en outre être survenu pour que la personne soit admissibleNote de bas de page 18. Pour subir un arrêt de rémunération en vertu de la loi, une partie prestataire doit être mise à pied ou faire l’objet d’une cessation d’emploi, et il doit s’écouler sept jours consécutifs ou plus pendant lesquels la partie prestataire n’a effectué aucun travail pour l’employeur et n’a reçu aucun paiement pour ce travailNote de bas de page 19.

[58] La division générale a été saisie de certains éléments de preuve, y compris la demande de prestations de la prestataire, selon lesquels la prestataire a cessé de travailler le 31 juillet 2012Note de bas de page 20. Il y avait aussi des preuves qu’elle n’était pas payée.

[59] Toutefois, la prestataire affirme à juste titre que la division générale n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve qui pouvaient avoir un lien direct avec son appel. La division générale n’a pas tenu compte du fait que la prestataire a contesté certains des renseignements fournis par l’employeur au sujet de sa situation d’emploi après le 29 juillet 2012 (y compris le relevé d’emploi W25236429). La prestataire a insisté sur le fait qu’elle n’avait pas quitté son employeur en juillet 2012. Elle a dit qu’elle continuait de travailler pour son employeur et qu’elle avait découvert qu’elle était rémunérée à ce moment-làNote de bas de page 21. Cette preuve était probablement pertinente pour décider si la prestataire était effectivement admissible à des prestations le 29 juillet 2012.

[60] Selon la loi, les prestataires doivent satisfaire à deux conditions avant que la Commission puisse accueillir une demande d’antidatation à une date antérieure. Ils doivent être admissibles à des prestations à cette date antérieure et ils doivent également avoir un motif valable justifiant leur retard à présenter une demande, pendant toute la période du retardNote de bas de page 22. Une partie prestataire ne peut recevoir d’antidatation sans satisfaire aux deux conditions.

[61] La raison pour laquelle la division générale n’a pas tenu compte du témoignage de la prestataire concernant son emploi le 29 juillet 2012 est que la division générale n’a pas abordé les deux conditions décrites dans le « critère » de l’antidatation. Elle n’a pas examiné l’admissibilité éventuelle de la prestataire parce qu’elle a conclu qu’elle ne satisfaisait pas à l’autre condition : elle a conclu que la prestataire n’avait pas de motif valable depuis le 29 juillet 2012.

[62] Je ne peux conclure que la division générale a commis une erreur de fait importante à moins de juger qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion selon laquelle elle a mal compris ou ignoré son témoignage. La prestataire affirme que la division générale a ignoré la preuve qu’elle a continué de travailler en 2012. Cette preuve aurait pu être pertinente pour décider si elle était admissible à des prestations le 29 juillet 2012, mais elle n’était pas pertinente pour juger si elle avait un motif valable à compter de juillet 2012. La décision de la division générale était fondée sur sa conclusion selon laquelle elle n’avait pas de motif valable justifiant de retarder sa demande, et non sur la question de savoir si elle était admissible.

[63] Une fois que la division générale a conclu que la prestataire n’avait pas de motif valable justifiant le retard, elle ne pouvait pas satisfaire au critère d’antidatation, qu’elle soit autrement admissible ou non.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou omis d’exercer sa compétence en ne statuant pas sur l’admissibilité de la prestataire à des prestations en date du 29 juillet 2012?

[64] La Commission a admis que la division générale avait commis une erreur en omettant d’exercer pleinement sa compétence, bien que la prestataire ne l’ait pas fait valoir. Elle a fait observer que la division générale n’avait pas examiné si la prestataire était admissible le 29 juillet 2012. Malgré son admission, la Commission a soutenu qu’elle n’aurait pas modifié la décision de la division générale.

[65] Je ne suis pas d’accord avec l’observation de la Commission selon laquelle la division générale n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire.

[66] Je reconnais que la division générale aurait été tenue de décider si la prestataire aurait été admissible à des prestations à la date antérieure, si elle avait conclu qu’elle avait un motif valable justifiant le retard. Toutefois, une partie prestataire ne peut faire antidater sa demande que si elle satisfait aux deux conditions nécessaires, comme je l’ai déjà expliqué.

[67] Une fois que la division générale a conclu que la prestataire ne satisfaisait pas à une condition, elle n’avait pas besoin de poursuivre son analyse et d’examiner si elle aurait satisfait à l’autre condition. Il n’était pas nécessaire d’établir si la prestataire était admissible le 29 juillet 2012, car une telle conclusion serait superflue pour en arriver au résultat de la décision.

La position déclarée de la prestataire dans son appel

[68] La prestataire insiste pour dire qu’elle n’était pas admissible aux prestations au 29 juillet 2012. Elle a demandé à la division d’appel de conclure que la division générale n’aurait pas dû tenir compte de son antidatation au 29 juillet 2012.

[69] Lors de son audience devant la division d’appel, la prestataire a répété qu’elle n’était pas admissible à des prestations en juillet 2012 parce qu’elle n’avait pas eu d’interruption de son emploi à ce moment-làNote de bas de page 23. Elle a également dit qu’elle ne se préoccupait plus de son droit à des prestations à compter de juillet 2012. Elle a dit qu’elle voulait que la division générale se concentre sur d’autres périodesNote de bas de page 24.

[70] La division générale s’est penchée sur la question de savoir si la prestataire avait droit à des prestations en date du 29 juillet 2012. La prestataire ne m’a pas convaincu que la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a décidé de refuser son antidatation au 29 juillet 2012.

[71] C’est donc dire que la prestataire n’a pas droit à une antidatation au 29 juillet 2012 ni à des prestations à compter du 29 juillet 2012. La prestataire elle-même est d’accord avec ce résultat et a milité en sa faveur. Pour l’essentiel, elle a admis que la division générale avait raison de conclure qu’elle n’avait pas droit à des prestations à cette date.

[72] Par conséquent, je n’ai pas besoin de tenir compte d’autres arguments ou erreurs invoquées qui portent précisément sur l’admissibilité éventuelle de la prestataire à des prestations à compter du 29 juillet 2012 ou sur l’existence d’un motif valable remontant jusqu’au 29 juillet 2012.

Erreur liée à l’examen par la division générale d’un motif valable à partir d’une « date antérieure » entre le 29 juillet 2012 et sa demande de prestations

Erreur de droit ou de compétence.

[73] Comme il a été mentionné, la prestataire reconnaît qu’elle n’aurait pas été admissible à des prestations le 29 juillet 2012 et qu’elle n’aurait pas eu droit à une antidatation à cette date. Elle affirme toutefois qu’il y a une autre période plus récente au cours de laquelle elle croit avoir été admissible.

[74] Elle soutient que la division générale n’a pas examiné s’il fallait lui accorder une antidatation jusqu’en juin 2013. Elle a soutenu qu’il s’agit d’une erreur de droit ou de compétence.

[75] La division générale a été saisie de certains éléments de preuve suggérant la possibilité que la prestataire ait été admissible à des prestations à une date « antérieure » plus récente, pour une période différente à partir de laquelle elle prétend avoir subi un arrêt de rémunération. Plus précisément, la prestataire a dit à la Commission qu’elle avait subi un arrêt de rémunération en 2013, et qu’elle avait été sans rémunération de mai ou juin à août 2013Note de bas de page 25. Dans le cadre de son appel, elle a demandé à la division générale d’antidater sa demande afin qu’elle puisse recevoir des prestations à compter de juin 2013Note de bas de page 26.

[76] La loi permet à un prestataire de faire considérer sa demande comme ayant été présentée à une « date antérieure » (à la date de sa demande) s’il peut démontrer qu’il était admissible à recevoir des prestations à la date antérieure et qu’il avait un motif valable justifiant le retard tout au long de la période commençant à la date antérieureNote de bas de page 27. En théorie, cela permet à un prestataire de faire antidater sa demande à n’importe quelle « date antérieure » à laquelle il était admissible et à partir de laquelle il pourrait démontrer un motif valable justifiant le retard.

[77] La prestataire affirme à juste titre que la division générale n’a pas examiné si la demande de la prestataire pouvait être antidatée à juin 2013 comme autre date possible « plus tôt ». Elle s’est seulement penchée sur la question de savoir si sa demande pouvait être antidatée au 29 juillet 2012.

[78] Si la division générale limitait son examen parce qu’elle a mal interprété le droit, il s’agirait d’une erreur de droit. Si la loi exigeait que la division générale décide également si d’autres antidatations étaient possibles, la division générale aurait peut-être omis d’exercer sa compétence.

[79] Toutefois, la division générale n’aurait pu commettre une erreur de l’une ou l’autre de ces façons que si la loi l’oblige à envisager d’autres antidatations possibles.

[80] L’article 10(4) de la Loi est ainsi libellé :

Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[81] Je n’ai découvert aucune décision de la Cour fédérale ou de la Cour d’appel fédérale qui a interprété le sens de « date antérieure » à l’article 10(4). Toutefois, la division d’appel s’est déjà penchée sur la façon dont la « date antérieure » devrait être comprise. D’autres décisions de la division d’appel ne me lient pas, mais elles peuvent être convaincantes.

[82] Dans l’affaire JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, la division d’appel a examiné une affaire mettant en cause un appelant qui avait quitté le Canada après avoir perdu son emploi. L’appelant avait l’intention de demander des prestations d’assurance-emploi à son retour. Il est revenu environ huit mois après avoir perdu son emploi et a présenté une demande de prestations. La Commission lui a dit qu’il n’était plus admissible. Elle a également mentionné qu’il ne pouvait pas antidater sa demande.

[83] La décision de la Commission sur l’antidatation ne précisait pas de date d’antidatation en particulier, mais elle était fondée sur une antidatation à la date de l’arrêt de rémunération de l’appelant. La Commission n’a pas admis qu’il avait un motif valable de retard à compter de la date de son arrêt de rémunération.

[84] Le membre qui a initialement entendu l’appel de la division générale dans l’affaire JC a dit à l’appelant qu’il était tenu par la loi de déposer sa demande dès qu’il était admissible pour la première fois à des prestations. Elle s’est seulement penchée sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable à compter de la date de son arrêt de rémunération.

[85] La division d’appel n’était pas d’accord. Elle a conclu que la division générale avait interprété l’article 10(4) comme s’il permettait une antidatation seulement à compter de l’arrêt de rémunération. La division d’appel a statué qu’il s’agissait d’une erreur de droit. Elle a indiqué qu’il n’y avait aucune obligation légale pour un prestataire de présenter une demande à la première occasion et que l’article 10(4) permet l’antidatation à une « date antérieure ». L’article 10(4) ne précise pas que la date antérieure doit être la date de l’arrêt de rémunération ou la date à laquelle le prestataire est devenu admissible pour la première fois.

[86] J’accepte l’interprétation de la loi que fait la division d’appel. Je conviens que la loi permet une antidatation à une date plus récente que la date à laquelle le prestataire a subi pour la première fois un arrêt de rémunération ou était admissible à des prestations.

[87] Dans l’affaire JC, la division d’appel a appliqué cette interprétation du droit aux faits particuliers et a conclu que l’affaire devrait revenir à la division générale pour qu’il soit établi si l’appelant avait droit à une antidatation à une ou plusieurs « dates antérieures » ultérieures. Toutefois, le résultat de l’affaire JC dépendait fortement des faits de l’affaire. La division d’appel a fait remarquer ce qui suit :

Bien qu’il n’incombe pas à la division générale de tenir compte par elle-même de chaque « date antérieure » possible pour une antidatation, elle aurait dû préciser la portée de la question relative à l’antidatation auparavant en examinant la question des autres antidatations en collaboration directe avec l’appelant à la lumière des circonstances de l’espèce : l’antidatation a été refusée dans son ensemble par la Commission; l’appelant n’a pas demandé une antidatation à la date d’interruption de la rémunération; il avait prévu présenter une demande à une date ultérieure à l’interruption de la rémunération; une antidatation à la date d’interruption de la rémunération risquait d’être désavantageuse étant donné que la période de prestations se serait terminée plus tôt; il existait d’autres dates évidentes d’antidatation qui auraient pu être prises en considération.

[88] Dans la décision JC, l’appelant n’a pas demandé à la Commission une antidatation à la date à laquelle il croyait avoir subi un arrêt de rémunération. Il n’a pas demandé de date particulière. De même, la Commission a refusé l’antidatation de façon générale. Elle n’a pas refusé une antidatation à une date précise.

[89] Dans l’affaire JC, l’appelant savait qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations pendant qu’il était à l’étranger, de sorte qu’il avait l’intention de présenter une demande de prestations à son retour. Il ne s’attendait jamais à recevoir des prestations tout de suite après le début de son arrêt de rémunération.

[90] Lorsque la division générale a rendu la décision qui a été portée en appel dans l’affaire JC, elle devait présumer que la demande de l’appelant et le rejet de sa demande concernaient une antidatation à la date de l’arrêt de rémunération. Il s’agissait d’une conséquence de la façon dont le membre de la division générale a mal interprété la loi.

[91] Malheureusement pour la prestataire, les faits de la présente affaire diffèrent sensiblement. La prestataire croyait avoir subi un arrêt de rémunération le 31 juillet 2012. Elle ne prévoyait pas recevoir de prestations à ce moment-là. Toutefois, lorsqu’elle a appris ce qu’elle croyait être un arrêt de rémunération, elle a demandé à recevoir des prestations pour la période suivant immédiatement l’arrêtNote de bas de page 28. En réponse à sa demande particulière, la Commission a expressément refusé l’antidatation au 29 juillet 2012.

[92] L’affaire JC était également différente à d’autres égards importants. Le retard de JC était d’environ 8 mois comparativement à 10 ans dans ce dossier. Il n’aurait pas eu besoin d’une antidatation s’il avait présenté sa demande seulement quelques jours plus tôt, car il aurait tout de même accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour être admissible. Par conséquent, l’appelant dans l’affaire JC n’aurait eu besoin de démontrer qu’il avait un motif valable que pour les quelques jours précédant sa demande afin d’obtenir une antidatation à une « date antérieure » alors qu’il aurait tout de même été admissible. Si une telle preuve existait, elle serait facile à évaluer.

[93] Dans la présente affaire, il est peu probable que la prestataire ait quand même été admissible beaucoup plus tard qu’au milieu de 2014, compte tenu d’un arrêt de rémunération survenu en juin 2013. Si la division générale avait considéré juin 2013 comme la date d’antidatation de la prestataire ou toute date à laquelle elle serait également admissible en raison de l’arrêt de juin 2013, la prestataire aurait quand même dû démontrer un motif valable pendant 9 à 10 ans.

[94] Il existe une dernière distinction importante entre l’affaire JC et la présente affaire. En effet, l’appelant dans l’affaire JC ne travaillait pas entre la date de l’arrêt de rémunération (utilisée comme date d’antidatation par la Commission) et la date de sa demande : la ou les « dates antérieures » auxquelles la membre de la division d’appel a fait référence auraient pu être évaluées en fonction des renseignements fournis par l’appelant dans sa demande. Quelle que soit la « date antérieure » retenue pour l’antidatation, la demande serait établie en fonction de l’admissibilité ou non du prestataire à cette date. Celle-ci serait fondée sur ses heures assurables au cours de la période de référence qui a précédé l’arrêt de rémunération.

[95] Dans le présent appel, la demande a d’abord été tranchée en fonction des renseignements contenus dans la demande de prestations du prestataire. Elle comprenait sa propre affirmation selon laquelle son dernier jour de travail était le 31 juillet 2012.

[96] Depuis, la prestataire a établi qu’elle n’avait pas subi d’arrêt de rémunération en juillet 2012 et que dans les faits, elle travaillait toujours et était rémunérée. Elle a conclu qu’elle n’aurait pas été admissible à des prestations à ce moment-là parce qu’elle travaillait toujours et était rémunérée, peu importe que le nombre d’heures ait été suffisant ou non. Par conséquent, elle a proposé une autre date d’antidatation afin qu’elle puisse obtenir des prestations pour une période différente au cours de laquelle elle croit maintenant avoir eu un arrêt de rémunération.

[97] Par conséquent, la division générale n’aurait pu envisager une antidatation à juin 2013 qu’en réévaluant la date de l’arrêt de rémunération, la date d’établissement de la période de prestations et le total des heures accumulées au cours de la période de référence (ce qui comprendrait toute heure assurable supplémentaire travaillée depuis le 29 juillet 2012).

[98] Autrement dit, la division générale aurait dû statuer sur l’antidatation à juin 2013 en se fondant sur ce qui serait effectivement une nouvelle demande.

[99] Je ne crois pas que je m’écarte de la décision rendue dans l’affaire JC. À mon avis, l’intention exprimée dans l’affaire JC n’a jamais été qu’un appel d’une décision d’antidatation doive obliger la division générale à envisager d’autres dates antérieures qui seraient fondées sur des circonstances très différentes de celles sur lesquelles la demande était fondée à l’origine.

[100] Il semble s’agir d’une situation dans laquelle la prestataire devrait présenter une nouvelle demande de prestations en raison de l’arrêt de rémunération qu’elle affirme avoir subi en juin 2013. Elle pourrait peut-être demander l’antidatation d’une nouvelle demande, comme l’a proposé la CommissionNote de bas de page 29.

[101] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit. Rien dans la décision de la division générale ne m’amène à croire qu’elle a interprété le droit de manière à obliger la Commission à antidater les demandes à la date de l’« arrêt de rémunération ».

[102] De même, la division générale n’a pas commis d’erreur de compétence.

[103] Je comprends que la prestataire ait mentionné à la Commission (dans le contexte d’un argument selon lequel son relevé d’emploi était erroné) qu’elle n’avait eu aucune rémunération de mai à août (ou de juin à août) 2013. Je comprends qu’elle ait demandé à la division générale de considérer juin 2013 comme autre date d’antidatation.

[104] Toutefois, j’admets que la division générale a bien compris sa compétence. La décision de la Commission (maintenue par la décision de révision) visait expressément le 29 juillet 2012, date d’antidatation demandée par la prestataire. Sa demande dépendait elle-même de la date à laquelle la prestataire croyait ou disait avoir quitté son emploi (selon sa demande de prestations). La décision de la Commission comprenait un certain examen des heures assurables qu’elle avait accumulées jusqu’au 29 juillet 2012.

[105] La division générale n’a pas manqué d’exercer sa compétence en omettant de décider si sa demande pouvait être antidatée à juin 2013.

Autres erreurs

[106] La prestataire a présenté de nombreuses observations distinctes qui se trouvent dans le dossier de la division générale et plusieurs observations à la division d’appel. Certaines de ces observations sont longues, mais elles présentent de nombreux dédoublements.

[107] À l’instar de la division générale, je n’ai pas abordé les arguments liés à des documents falsifiés ou inexacts de l’employeur de la prestataire ni les arguments ayant trait à la période antérieure au 29 juillet 2012. La division générale soutient à juste titre que de telles questions dépassent la portée du critère juridique qu’elle devait examinerNote de bas de page 30. De même, elles ne sont pas pertinentes pour décider si la division générale a commis une erreur que je peux prendre en considération.

[108] Dans la décision Faullem c Canada (Procureur général), la Cour d’appel fédérale a déclaré :

[…] le principe de transparence et de justification n’exige pas que le décideur écrive une thèse sur chaque question soulevée par une partie et traite de tous et chacun des arguments qu’elle met de l’avant pour appuyer une position. Je n’ai donc pas l’intention d’essayer de résumer les longues représentations faites par le demandeur, qui ne sont pas toujours des plus limpidesNote de bas de page 31.

[109] À l’instar de la Cour dans l’affaire Faullem, j’ai « lu et relu les arguments présentés par le demandeur à plusieurs reprises pour m’assurer de les comprendre et d’en saisir le sens. Je ne traite donc que de ce qu’il me semble essentiel de commenter. Tout autre argument ou proposition doit être considéré comme ayant été rejeté parce que non fondé. »

Conclusion

[110] Je rejette l’appel.

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