Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1328

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Y. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Jessica Murdoch

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 17 mai 2024 (GE-24-332)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 4 octobre 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 1er novembre 2024
Numéro de dossier : AD-24-415

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le nouvel examen de la demande de prestations de l’appelant (prestataire) n’est pas nécessaire. Par conséquent, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 22 mai 2022.

Aperçu

[2] Le prestataire a quitté son emploi chez S. S. le 22 mai 2022. Il a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi du 22 mai 2022 au 31 août 2022. Il a commencé un nouvel emploi comme gestionnaire de programme de recherche le 1er septembre 2022, mais il a été mis à pied le 18 novembre 2022.

[3] Le 18 novembre 2022, le prestataire a demandé le renouvellement de ses prestations. Il a reçu des prestations d’assurance-emploi du 20 novembre 2022 au 24 décembre 2022. Dans sa demande de renouvellement, il a déclaré qu’il avait cessé de travailler chez S. S. le 10 mai 2022.

[4] La Commission lui a fait parvenir un questionnaire sur la fin de son emploi chez S. S. Le prestataire a expliqué qu’il avait quitté son emploi parce qu’il souhaitait trouver un emploi convenable dans son domaine de recherche et qu’il voulait se concentrer sur sa recherche d’emploi.

[5] Le 15 mars 2023, la Commission a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification le 22 mai 2022. Elle lui a donc imposé une exclusion rétroactive à compter du 22 mai 2022. En conséquence, le prestataire avait des prestations à rembourser. Le prestataire n’était pas du même avis. Il a donc fait appel à la division générale du Tribunal.

[6] La division générale a décidé que le prestataire aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations qu’il avait reçues. Elle a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir de façon judiciaire quand elle a décidé de réexaminer la demande de prestations. Le prestataire avait reçu des prestations parce qu’il n’avait pas déclaré la fin de son emploi. La division générale a aussi conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[7] La division d’appel a donné au prestataire la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que rien ne prouve qu’il a fait de fausses déclarations ou qu’il aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations. Il dit être un homme honnête qui ne compte pas sur les prestations d’assurance-emploi. Il voulait juste essayer de trouver un emploi convenable dans son domaine de recherche. Il affirme qu’il était fondé à quitter son emploi, car ses déplacements étaient très difficiles.

[8] Je dois décider si la division générale a ignoré des éléments de preuve et si elle a fait une erreur de droit quand elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi. Je dois aussi décider si elle s’est trompée lorsqu’elle a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour décider de réexaminer la demande de prestations.

[9] J’accueille l’appel du prestataire.

Questions en litige

[10] Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve et fait une erreur de droit quand elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi?

[11] Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fait une erreur lorsqu’elle a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour décider de réexaminer la demande de prestations?

Observation préliminaire

[12] Il est bien établi que, pour trancher le présent appel, je peux prendre en compte uniquement les éléments de preuve qui ont été présentés à la division générale. En effet, le pouvoir de la division d’appel est limitéNote de bas de page 1.

Analyse

Mandat de la division d’appel

[13] La Cour d’appel fédérale a établi que, lorsque la division d’appel instruit des appels par application de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 2.

[14] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 3.

[15] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas suivi un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve et fait une erreur de droit quand elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi?

[16] La question de savoir si une personne est fondée à quitter son emploi de façon volontaire est rattachée à la question de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[17] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté son emploi de façon volontaire. À ce moment-là, il avait le choix de rester ou de partir. Il a choisi de quitter son emploi.

[18] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté son emploi chez S. S. parce qu’il voulait se concentrer sur sa recherche d’emploi. C’est la raison qu’il a écrite dans sa demande de prestations et dans le questionnaire de départ volontaireNote de bas de page 4. Il a donné la même raison à la Commission. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas se concentrer sur ses candidatures pendant qu’il travaillait au restaurant S. S. Il avait besoin de temps pour remplir des demandes d’emploi et se préparer aux entrevuesNote de bas de page 5.

[19] Dans sa demande de révision, le prestataire a aussi expliqué qu’il était parti en congé pour trouver un autre emploi, mais qu’il reviendrait chez S. S. si ses démarches ne portaient pas fruit. Le 30 mai 2022, il a reçu une offre d’emploi dans le domaine de la recherche à M. U. Il devait entrer en poste le 1er septembre 2022. Il n’est pas retourné travailler chez S. S. Durant l’été, il s’est préparé pour son nouvel emploi et il a assisté à quelques réunions au laboratoireNote de bas de page 6.

[20] L’employeur a confirmé que le prestataire avait démissionné parce qu’il avait trouvé un autre emploiNote de bas de page 7.

[21] Dans son avis d’appel à la division générale, le prestataire a donné plusieurs raisons pour expliquer son départ. Il a notamment mentionné qu’il habitait à 26,3 km de son travail, ce qui compliquait ses déplacements. Il n’avait pas les moyens de se rendre au travail en voiture à cause de la hausse du prix de l’essence et il n’avait personne avec qui covoiturer. Faire l’aller-retour en transport en commun prenait environ trois heures par jour.

[22] La division générale a tenu compte de ce que le prestataire a écrit dans son avis d’appel, soit qu’il avait quitté son emploi pour diverses raisons. Elle a toutefois conclu que, selon la preuve, il avait quitté son emploi avant tout pour avoir le temps de se consacrer à sa recherche d’emploi. Elle a jugé que les autres raisons mentionnées étaient des désagréments ou divers aspects de son emploi qu’il n’aimait pas. Elle a constaté que les problèmes liés aux déplacements entre Montréal et Laval existaient déjà quand le prestataire a décidé d’accepter cet emploi. 

[23] La division générale a établi que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait au prestataire au moment de son départ. Il aurait pu continuer à travailler chez S. S. jusqu’à ce qu’il commence son nouvel emploi. Avant de démissionner, il aurait aussi pu trouver un autre emploi situé plus près de chez lui.

[24] La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[25] Je ne vois aucune erreur de la part de la division générale. Sa décision sur la question du départ volontaire repose sur la preuve, la loi et la jurisprudence applicable.

[26] Quand il a accepté l’emploi à S. S., le prestataire aurait facilement pu prévoir ce dont il aurait besoin pour se rendre de chez lui à Montréal jusqu’à Laval, y compris la possible fluctuation des prix de l’essence.

[27] Une longue série de décisions de jurisprudence a établi que les problèmes liés aux déplacements ne justifient pas de quitter son emploiNote de bas de page 8.

[28] Comme la division générale l’a précisé, une personne qui accepte un emploi en sachant quelles sont les conditions de travail ne peut pas, par la suite, invoquer l’existence de ces conditions pour justifier son départNote de bas de page 9.

[29] La preuve démontre que le prestataire a quitté son emploi le 22 mai 2022 parce qu’il a trouvé un emploi dans son domaine. Il devait commencer son nouvel emploi le 1er septembre 2022. Il a choisi de partir pour s’y préparer durant l’été. Avant de partir, il n’a pas discuté de sa nouvelle situation avec son employeur pour voir s’il pouvait ajuster son horaire de travail. Ainsi, il est tombé au chômage de façon volontaire.

[30] Le prestataire n’avait pas non plus l’assurance raisonnable d’avoir un autre emploi dans un avenir immédiat quand il a quitté son emploi chez S. S. L’intervalle a duré trois mois. Ce délai ne répond pas à l’exigence d’un « avenir immédiatNote de bas de page 10 », qui est prévue à l’article 29(c)(v) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] De plus, il est bien établi que les raisons personnelles ne justifient pas le départ des prestataires. S’il n’y a aucune urgence qui les pousse à quitter leur emploi, le fait de préférer un type d’emploi en particulier est une raison personnelle qui ne peut pas servir de justificationNote de bas de page 11.

[32] Voilà pourquoi je conclus qu’en ce qui concerne le départ volontaire de son emploi chez S. S., l’appel du prestataire est sans fondement.

La division générale a-t-elle fait une erreur lorsqu’elle a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour décider de réexaminer la demande de prestations?

[33] Les pouvoirs de réexamen de la Commission sont énoncés à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon cet article, la Commission peut examiner de nouveau une demande de prestations dans les 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables. 

[34] D’après la jurisprudence, la seule chose qui restreint le pouvoir de réexamen de la Commission aux termes de l’article 52 de la Loi est le délai imposé. Par conséquent, la Commission peut réexaminer une demande de prestations par application de l’article 52 même sans aucun fait nouveau. Autrement dit, elle peut retirer l’approbation qu’elle avait donnée et exiger que les prestataires remboursent les prestations qui leur ont été versées à la suite de cette approbation.

[35] Comme la division générale l’a mentionné, la décision de réexaminer une demande de prestations au titre de l’article 52 est une décision discrétionnaire. Cela veut dire que, même si la Commission a le pouvoir de faire un nouvel examen, elle n’est pas obligée de le faire.

[36] La loi exige que l’exercice des pouvoirs discrétionnaires se fasse de façon judiciaire. En d’autres termes, quand la Commission décide de réexaminer une demande, elle ne peut pas agir de mauvaise foi ni dans un but ou pour un motif irrégulier, elle ne peut pas prendre en compte un élément non pertinent ni ignorer un élément pertinent et elle ne peut pas agir de façon discriminatoire.

[37] La Commission a élaboré une politique pour l’aider à orienter l’exercice de son pouvoir discrétionnaire quand elle réexamine des décisions aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme que la politique vise à « assurer une application uniforme et juste de l’article 52 de la Loi et [à] empêcher la création de trop-payés [dettes] lorsque le prestataire a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté ». La politique prévoit le nouvel examen d’une demande de prestations seulement si :

  • trop peu de prestations ont été versées;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la personne aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

[38] Devant la division générale, la Commission a fait valoir que faire le nouvel examen de façon rétroactive était justifié, car c’est seulement le 18 novembre 2022 que le prestataire a fait savoir qu’il avait quitté son emploi chez S. S. Selon la Commission, elle a donc exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[39] La division générale a relevé à juste titre que, selon la politique, la raison de la cessation d’emploi ne fait pas partie de la structure de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12. Elle ne nuirait donc pas à l’établissement d’une période de prestations.

[40] La division générale a décidé que les déclarations du prestataire n’étaient ni fausses ni trompeuses. La Commission ne pouvait pas considérer les variations ou les petits écarts entre la rémunération qu’il a déclarée et celle qu’il a reçue comme des renseignements faux ou trompeurs. Elle a aussi décidé que le prestataire ne pouvait pas déclarer la fin de son emploi parce que le service de déclaration ne lui a jamais posé la question.

[41] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la Commission ne pouvait pas raisonnablement conclure que le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse en lien avec les prestations demandées.

[42] La Commission a aussi soutenu que le prestataire aurait dû savoir qu’il n’avait peut-être pas droit aux prestations. Voilà une autre circonstance qui, suivant la politique de réexamen, peut déclencher le réexamen rétroactif d’une demande de prestations. Elle a expliqué que, sur chaque déclaration où le prestataire indiquait sa rémunération, on lui demandait s’il avait cessé de travailler pour un employeur. Par conséquent, le prestataire aurait dû savoir qu’il avait l’obligation de déclarer toute cessation d’emploi.

[43] La Commission a également souligné que, sur le formulaire de demande, la section Droits et responsabilités informait le prestataire que l’une de ses obligations était de déclarer toute cessation d’emploi et d’en fournir la raison.

[44] Selon le prestataire, comme le système de déclaration ne posait aucune question sur la fin d’un emploi, il ignorait qu’il devait en informer la Commission. Il croyait sincèrement que la Commission devait savoir que son emploi chez S. S. avait pris fin parce qu’il a cessé de déclarer une rémunération provenant de cet emploi après le 22 mai 2022.

[45] La division générale a décidé que, si le prestataire demande des prestations, c’est sa responsabilité de s’informer sur le système et de connaître ses droits et ses responsabilités dans ce système. L’une d’elles consiste à aviser la Commission de toute cessation d’emploi et d’en fournir les raisons.

[46] La division générale a conclu que le prestataire aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations parce qu’il avait démissionné. Elle a fondé sa décision sur le fait que le formulaire qui sert habituellement à demander des prestations d’assurance-emploi présente la liste des droits et des responsabilités. La division générale a d’ailleurs mentionné la demande de renouvellement du prestataire qui a été reçue le 18 novembre 2022.

[47] J’estime qu’il y a trois erreurs dans cette conclusion de fait. Premièrement, la Commission n’a pas déposé en preuve la demande initiale du prestataire, celle qu’il a présentée le 25 février 2022. Alors rien ne prouve que le prestataire a bel et bien été informé de ses droits et de ses responsabilités dès le début.

[48] Deuxièmement, la division générale s’est appuyée sur le contenu du formulaire de demande de prestations habituel pour conclure qu’il aurait dû connaître ses droits et ses responsabilités, mais rien ne démontrait que c’était bien le formulaire qui avait été fourni au prestataire pour sa demande initiale.

[49] Troisièmement, comme la Commission n’a pas déposé le formulaire de demande rempli le 25 février 2022, la division générale s’est fondée sur le formulaire de demande présenté le 18 novembre 2022 pour décider que le prestataire avait été informé dès le départ que l’une de ses obligations était de déclarer toute cessation d’emploi et d’en fournir la raison. C’était une erreur.

[50] Je tiens à rappeler que les « observations » que la Commission a présentées à la division générale ne sont en aucun cas la preuve des faits qu’elles résument. Les faits allégués dans les observations doivent être appuyés par les éléments de preuve au dossierNote de bas de page 13.

[51] Comme je l’ai mentionné plus haut, aucun des éléments de preuve présentés à la division générale n’appuie la conclusion voulant que le prestataire ait été interrogé au sujet de la fin de son emploi quand il a cessé de déclarer une rémunération et la conclusion voulant qu’il ait été au courant de sa responsabilité de déclarer la fin de tout emploi. La seule preuve qui se trouve au dossier date du 8 mars 2022 : c’est un échange par courriel entre le prestataire et la Commission au sujet de renseignements sur l’obligation de remplir ses déclarations pour recevoir des prestationsNote de bas de page 14.

[52] Par conséquent, je juge que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, quand elle a conclu que le prestataire aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations et que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[53] Mon intervention est donc justifiée.

Réparation

Il y a deux façons de corriger les erreurs de la division générale

[54] Lorsque la division générale fait une erreur, la division d’appel peut la corriger de deux façons : 1) elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle la juge à nouveau ou 2) elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 15.

Le dossier est assez étoffé pour trancher l’affaire sur le fond

[55] À mon avis, le dossier est complet. Les deux parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments à la division générale. Je vais donc rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire? Dois-je exercer le pouvoir discrétionnaire permettant le réexamen de la demande de prestations?

[56] Je suis conscient que la politique de réexamen n’exige aucune preuve rigoureuse montrant que la personne qui demande des prestations savait qu’elle n’avait pas droit aux prestations pour que la Commission réexamine sa demande aux termes de la politique. Malgré cela, je ne vois pas comment la preuve présentée à la division générale démontre que le prestataire aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations qu’il a reçues.

[57] Pour les motifs déjà mentionnés plus haut, je conclus que la Commission a ignoré des éléments pertinents et qu’elle n’a donc pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[58] Après avoir conclu que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il se doit, je vais maintenant décider s’il convient d’exercer ce pouvoir discrétionnaire dans la présente affaire. Je peux faire une telle chose, car je rends la décision que la division générale aurait dû rendre et la division générale peut rendre la décision discrétionnaire que la Commission aurait dû rendre.

[59] Je comprends que, si le prestataire avait déclaré avoir quitté son emploi en mai 2022, une enquête sur les raisons de son départ aurait été déclenchée et peut-être que la Commission l’aurait exclu du bénéfice des prestations.

[60] La politique précise toutefois que la raison de la cessation d’emploi ne fait pas partie de la structure de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16. Aucune prestation n’a été versée contrairement à la structure fondamentale de la Loi.

[61] Le fait que les déclarations du prestataire n’étaient ni fausses ni trompeuses est pertinent. On ne pouvait pas considérer les variations ou les petits écarts entre la rémunération qu’il a déclarée et celle qu’il a reçue comme des renseignements faux ou trompeurs. Il n’a pas déclaré la fin de son emploi parce que le service de déclaration ne lui a jamais demandé de le faire. La Commission n’a déposé aucun élément de preuve démontrant l’acceptation, à la date où le prestataire a présenté sa demande initiale de prestations d’assurance-emploi, de ses droits et de ses responsabilités concernant la déclaration de la fin de tout emploi.

[62] Le fait que le prestataire ne pouvait pas savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations reçues est aussi pertinent. Il n’a pas pu déclarer la fin de son emploi parce que le service de déclaration ne lui a jamais demandé de le faire. La Commission n’a déposé aucun élément de preuve pour démontrer qu’il avait lu ses responsabilités et qu’il les avait acceptées à la date où il a présenté sa demande initiale de prestations d’assurance-emploi, soit le 25 février 2022Note de bas de page 17. De plus, le départ volontaire n’entraîne pas nécessairement l’exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[63] Ce qui est plus important encore, c’est que la preuve montre que, quand le système lui a finalement posé la question dans la demande de renouvellement qu’il a faite le 18 novembre 2022, le prestataire a bien déclaré qu’il avait cessé de travailler chez S. S.

[64] D’après la preuve, le prestataire faisait régulièrement ses déclarations à la Commission, il n’a pas été informé dès le départ qu’il avait la responsabilité de déclarer la fin de tout emploi, il n’a déclaré aucun revenu provenant de son emploi chez S. S. après le 22 mai 2022, il a répondu à toutes les questions sur les raisons pour lesquelles il a quitté son emploi chez S. S. quand on les lui a posées et il croyait sincèrement qu’il n’était pas obligé de continuer à travailler chez S. S. pendant qu’il cherchait un emploi convenable dans son domaine, soit la recherche biomédicale. Par conséquent, le fait qu’il a reçu trop de prestations n’est pas vraiment de sa faute.

[65] Enfin, je me suis penché sur l’importance de la cohérence et de la prévisibilité. Les cours ont appuyé à maintes reprises l’utilisation de lignes directrices administratives à l’interne « pour assurer une certaine cohérence à l’échelle nationale et éviter l’arbitraireNote de bas de page 18 ». La politique de la Commission prévoit de ne pas réexaminer une demande si les prestations n’ont pas été versées contrairement à la structure de la Loi, s’il n’y a eu aucune déclaration fausse ou trompeuse et si le prestataire ne pouvait pas savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations.

[66] Aux termes de cette politique, le nouvel examen de la demande de prestations du prestataire n’aurait pas lieu. Dans la présente affaire, je ne vois aucune raison de rompre avec l’approche stratégique habituelle.

[67] Après avoir examiné les éléments pertinents et évalué l’importance de la cohérence, j’ai décidé qu’il ne fallait pas réexaminer la demande de prestations du prestataire. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 22 mai 2022.

Conclusion

[68] L’appel est accueilli. Le nouvel examen de la demande de prestations du prestataire n’est pas nécessaire. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 22 mai 2022.

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