[TRADUCTION]
Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1369
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | A. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision (661174) rendue le 7 juin 2024 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Katherine Parker |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 23 juillet 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Témoin de l’appelante |
Date de la décision : | Le 1er août 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-2311 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question que je dois examiner en premier
- Questions en litige
- Analyse
- Disponibilité pendant les études
- Rémunération
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est accueilli. La division générale est d’accord avec l’appelante. La dette est annulée.
[2] La Commission n’avait pas le pouvoir de réexaminer sa demande de prestations parce qu’elle ne l’a pas fait dans le délai prévu par la loi.
[3] La Commission n’a pas agi de façon judiciaire quand elle a réexaminé sa demande.
[4] L’appelante a démontré qu’elle n’a pas quitté son emploi. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[5] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant ses études. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il se peut donc qu’elle ait droit aux prestations.
[6] La Commission s’est peut-être trompée en établissant la rémunération réelle pour les semaines du 2 mai 2021 au 22 août 2021. Il y a un chiffre inexact dans les déclarations qu’elle a déposées. La Commission devra corriger cette erreur.
Aperçu
Décisions de la Commission
[7] PREMIÈRE EXCLUSION : La Commission a réexaminé la demande de prestations de l’appelante. Elle a imposé une exclusion d’une durée indéterminée à compter du 22 novembre 2020 parce que, selon la Commission, l’appelante a volontairement quitté son emploi sans justification le 17 août 2020. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.
[8] INADMISSIBILITÉ : La Commission a déclaré l’appelante inadmissible du 21 novembre 2020 au 30 avril 2021 parce que cette dernière n’a pas pu prouver qu’elle était disponible pour le travail pendant ses études.
[9] DEUXIÈME EXCLUSION : La Commission a imposé une autre exclusion d’une durée indéterminée à compter du 22 août 2021 pour la même raison, soit que l’appelante avait volontairement quitté son emploi sans justification le 27 août 2021.
[10] DÉCLARATIONS PRÉSUMÉES FAUSSES : La Commission a dit avoir réexaminé la demande de prestations parce qu’elle croyait que l’appelante avait fait de fausses déclarations sur les raisons de son départ le 17 août 2020 et qu’elle avait déclaré la mauvaise rémunération en toute connaissance de cause pour la période du 2 mai 2021 au 22 août 2021Note de bas de page 1.
[11] RÉMUNÉRATION : La Commission a corrigé la rémunération pour les semaines du 2 mai 2021 au 22 août 2021. Mais elle a peut-être fait des erreurs.
[12] DETTE À REMBOURSER : Toutes les prestations d’assurance-emploi versées du 22 novembre 2020 au 29 août 2021 seront récupérées, ce qui donne un total de 14 726 $ à rembourserNote de bas de page 2.
Question que je dois examiner en premier
La Commission a été invitée à présenter des observations supplémentaires
[13] La Commission n’a pas assisté à l’audience. Mais une question de plus a été soulevée à l’audience : elle portait sur le pouvoir de la Commission de revenir en arrière pour faire un nouvel examen de la demande de prestations. La Commission a eu l’occasion d’y répondre. Elle a présenté des observations supplémentaires (document GD8).
[14] La Commission a produit un avis de dette de 14 726 $. Elle n’a pas cependant pas fourni les détails de son calcul. J’ai demandé ces renseignements. Ils se trouvent dans le document GD8.
Questions en litige
Démarche de type judiciaire suivie par la Commission
[15] La Commission avait-elle le pouvoir de réviser sa décision?
[16] La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire quand elle a décidé de réexaminer la demande de prestations de l’appelante et d’évaluer les prestations versées en trop (trop-payé)?
Départ volontaire
[17] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?
[18] Pour répondre à cette question, je dois d’abord me pencher sur la question du départ volontaire. Je déciderai ensuite si l’appelante était fondée à quitter son emploi (si son départ était justifié).
Disponibilité pendant les études
[19] L’appelante était-elle disponible pour travailler pendant ses études?
Rémunération
[20] La Commission a-t-elle réparti comme il se doit la rémunération déclarée?
Analyse
La Commission avait-elle le pouvoir de réviser sa décision?
La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire?
[21] La Commission a le pouvoir de réexaminer une décision après l’avoir rendue. C’est un pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, mais qu’elle doit appliquer de façon judiciaireNote de bas de page 3. Ainsi, elle doit rendre sa décision de bonne foi et ne pas ignorer les faits pertinents.
[22] La Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire dans les 36 mois suivant la demande de prestations. Si elle soupçonne que la personne qui présente la demande a fait de fausses déclarations, le délai est de 72 mois.
[23] Dans le présent dossier, une déclaration comporte un chiffre inexact, mais la rémunération a été déclaréeNote de bas de page 4. Selon la Commission, elle avait 72 mois pour réexaminer cette demande de prestations parce qu’à compter de la semaine du 2 mai 2021, l’appelante aurait fait de fausses déclarations au sujet de sa rémunération, et ce, en toute connaissance de causeNote de bas de page 5.
[24] Toutefois, la Commission a annulé sa décision concernant les fausses déclarations. En conséquence, l’appelante n’a pas fait de fausses déclarations par exprèsNote de bas de page 6. J’explique ci-dessous pourquoi je suis d’accord avec la Commission sur ce point.
[25] J’ai examiné les déclarations de prestataire pour les semaines du 2 mai 2021 et du 22 août 2021. C’est la Commission qui les a déposées. Elles se trouvent aux pages GD3-149 à GD3-150 du dossier d’appel. L’appelante a expliqué qu’elle s’est trompée en arrondissant les chiffres. Elle a dit que, comme sa paie et ses déclarations d’assurance-emploi tombaient des semaines différentes, elle devinait les chiffres.
[26] La période compte 17 semaines. Dans près de la moitié des déclarations, soit pour 8 semaines sur 17, l’appelante a surestimé sa rémunération. Pour 9 semaines, elle l’a sous-estimée. Selon les documents que la Commission a déposés, l’écart total (la somme non déclarée) s’élève à 637,27 $ sur un total de 7 846,27 $. De toute évidence, cet écart découle du fait que certaines sommes ont été arrondies et estimées, et non pas de fausses déclarations faites en toute connaissance de cause. L’appelante n’essayait pas de falsifier ses déclarations. Elle a même surestimé les chiffres dans certaines déclarations, ce qui veut dire qu’elle a déclaré avoir reçu plus d’argent que ses véritables revenus.
[27] Par conséquent, je conclus que la Commission avait 36 mois pour terminer son nouvel examen.
[28] Pour savoir si la Commission avait le pouvoir de réexaminer la demande de prestations, je dois voir combien de temps s’était écoulé depuis le versement des prestations. L’appelante a reçu des prestations d’assurance-emploi du 22 novembre 2020 au 4 septembre 2021. La Commission peut revenir sur n’importe quelle semaine de la période de prestations à condition que soit dans les 36 mois suivant la semaine en question.
[29] Si l’on compte 36 mois à partir de la période de prestations, on tombe du 22 novembre 2023 au 4 septembre 2024. La Commission a rendu sa décision le 15 mars 2024 et a produit l’avis de dette le 16 mars 2024. Elle a décidé de refuser les prestations d’assurance-emploi de l’appelante à compter du 22 novembre 2020.
[30] Le processus de réexamen comporte quatre étapes à terminer dans le délai fixé : décider d’exercer le pouvoir discrétionnaire, rendre la nouvelle décision, calculer la dette et faire parvenir un avis à la personne qui a demandé les prestations.
[31] Je conclus que la Commission n’avait pas le pouvoir de réexaminer la demande de prestations. Elle n’a pas respecté le délai de 36 mois.
La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire quand elle a décidé de réexaminer la demande de prestations et d’évaluer le trop-payé?
[32] La Commission a adopté une politique pour s’assurer d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon juste. Elle veut éviter de créer une dette quand les prestataires ont reçu trop de prestations d’une façon indépendante de leur volontéNote de bas de page 7.
[33] La Commission affirme qu’elle réexaminera les demandes de prestations seulement dans les situations suivantes :
- trop peu de prestations ont été versées;
- des prestations ont été versées contrairement à la loi (ou à la structure de la Loi);
- des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
- la personne aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droit.
[34] Parfois, la Commission décide qu’il y a un trop-payé par après. Mais en général, il reste encore des prestations à verser.
[35] Dans le présent dossier :
- L’appelante avait déjà reçu toutes les prestations régulières d’assurance-emploi avant que la décision soit rendue.
- Elle avait déclaré sa rémunération sans tenter d’induire la Commission en erreur.
- Rien ne démontre que la demande de prestations ou le versement de prestations était contraire à la structure de la Loi (illégal).
- Rien ne prouve que [l’appelante] a été informée qu’elle ne serait pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.
- Je constate que la Commission n’avait reçu aucun nouveau renseignement avant de commencer le nouvel examen de la demande de prestations. Elle a amorcé le nouvel examen du départ volontaire le 30 août 2023Note de bas de page 8.
[36] L’appelante a estimé sa rémunération. Selon le tableau fourni par la Commission, il y avait donc un total de 637,27 $ versé en tropNote de bas de page 9. Il n’est pas question ici de faux renseignements, alors la Commission n’a pas le pouvoir juridique de revenir en arrière pour réexaminer la demande de prestations.
[37] Je juge que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire quand elle a réexaminé la demande. En conséquence, la dette totale de 14 726 $ établie à la suite du nouvel examen est annulée.
[38] Il se peut que l’appelante doive rembourser la différence ou l’écart entre sa rémunération réelle et celle qu’elle a déclarée pour les semaines du 2 mai 2021 au 22 août 2021. Cependant, j’ai trouvé des erreurs dans les déclarations déposées par la Commission, alors je ne peux pas calculer le montant exact.
Départ volontaire
L’appelante n’a pas quitté son emploi
[39] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si l’appelante a quitté son emploi.
[40] Selon la Commission, l’appelante a quitté volontairement son emploi sans justification une première fois le 17 août 2020, puis une autre fois le 27 août 2021.
[41] L’appelante explique qu’elle n’a pas démissionné, que ce soit le 17 août 2020 ou le 27 août 2021. Elle dit qu’elle est demeurée au service du même employeur. Elle avait un poste permanent à temps partiel comme préposée aux bénéficiaires.
[42] Je juge que l’appelante n’a pas démissionné de chez X avant le 10 mai 2022. Voici les faits et les éléments de preuve, qui sont solides et concluants :
- Elle a amené une témoin à l’audience. Cette personne a déclaré que l’appelante avait un emploi jusqu’à ce qu’elle démissionne le 10 mai 2022Note de bas de page 10. La témoin a aussi fourni une déclaration écrite.
- Elle a déposé sa lettre de démission, qui est datée du 5 mai 2022Note de bas de page 11.
- Elle a présenté une lettre rédigée par la directrice générale de l’établissement. Elle atteste que l’appelante n’a pas abandonné ni quitté son emploi et qu’elle était une employée jusqu’au 10 mai 2022Note de bas de page 12.
La Commission dit avoir examiné la demande de prestations d’assurance-emploi parce qu’elle contenait des renseignements trompeurs
[43] Selon la Commission, quand l’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi après avoir quitté son emploi le 17 août 2020, elle a tenté de l’induire en erreur et n’a pas donné la vraie raison de son départNote de bas de page 13. Je ne vois aucune preuve de ce que la Commission avance.
[44] J’ai examiné la demande de prestations de l’appelanteNote de bas de page 14. Voici les renseignements qu’elle contient (« Q » introduit la question posée dans la demande, « R » désigne la réponse fournie par l’appelante) :
- Q : Quel est le nom de votre dernier employeur? R : Établissement de soins de longue durée X
- Q : Quel est le dernier jour où vous avez travaillé? R : 17 août 2020
- Q : Retournerez-vous au travail chez votre employeur? R : Oui
- Q : Suivrez-vous ou suivrez-vous un cours ou un programme de formation? R : Oui
- Q : Pourquoi n’avez-vous pas fait d’effort pour trouver un emploi? R : J’ai déjà un emploiNote de bas de page 15, mais je ne peux pas rentrer travailler parce que mon programme d’études m’oblige à suivre un stage clinique non rémunéré dans un établissement de soins de santé. D’après les lois en vigueur en Ontario, je ne peux pas travailler dans deux établissements de soins de santé en même temps. Je ne peux donc pas aller travailler à cause de cette loi parce que je travaille dans le domaine des soins de longue durée.
- Toutes les questions sur le programme de formation, y compris celle sur la disponibilité, avaient une réponse.
[45] L’appelante a fourni à la Commission tous les renseignements nécessaires pour qu’elle rende une décision au sujet de sa demande de prestations du 20 novembre 2020. L’appelante a dit la vérité. Elle n’a donné aucun renseignement trompeur. Elle a conservé son emploi jusqu’au 10 mai 2022 et elle n’a pas démissionné.
Disponibilité pendant les études
[46] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible selon les deux articles. Il faut donc qu’elle remplisse les critères des deux articles pour recevoir des prestations.
[47] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 16. Le Règlement sur l’assurance-emploi donne les critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 17 ». Je vais examiner ces critères plus bas.
[48] En second lieu, la Loi dit que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 18. La jurisprudence énonce les trois choses à prouver pour démontrer sa « disponibilité » en ce sensNote de bas de page 19. Je les examinerai plus loin.
[49] La Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible au bénéfice des prestations du 22 novembre 2020 au 30 avril 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler aux termes de ces deux articles de loi.
[50] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les personnes qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 20. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, on peut supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles fréquentent l’école à temps plein.
[51] Je vais d’abord voir si je peux présumer que l’appelante n’était pas disponible pour travailler. Ensuite, je vais regarder si elle était disponible en fonction des deux articles de loi qui portent sur la disponibilité.
Présomption que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler
[52] La présomption voulant que les personnes aux études ne sont pas disponibles pour travailler s’applique uniquement à celles qui étudient à temps plein.
L’appelante est une étudiante à temps plein
[53] L’appelante admet qu’elle était une étudiante à temps plein de septembre 2020 à avril 2021. Je ne vois aucune preuve du contraire. J’admets donc qu’elle fréquentait l’école à temps plein.
[54] Ainsi, la présomption s’applique à elle.
L’appelante étudie à temps plein
[55] L’appelante est une étudiante à temps plein. Il est toutefois possible de réfuter la présomption voulant que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler (c’est-à-dire qu’on peut démontrer que la présomption ne s’applique pas). La Cour d’appel fédérale précise que je dois effectuer une analyse contextuelle pour décider si l’appelante a réfuté la présomption de non-disponibilitéNote de bas de page 21.
[56] Selon la Commission, l’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité pendant les études à temps plein. Elle affirme que l’appelante n’a présenté aucune preuve qui démontrait qu’elle cherchait un emploi convenable. Elle dit que l’appelante n’a pas réfuté la présomption parce qu’elle n’a pas essayé de trouver un autre emploi pour la période où elle ne pouvait pas travailler pour son employeurNote de bas de page 22.
[57] L’appelante affirme qu’elle était disponible pour occuper son emploi de préposée aux bénéficiaires de septembre 2020 à avril 2021. Elle dit qu’elle devait faire un stage de septembre 2020 à avril 2021. Le stage l’occupait de 1 à 2 jours par semaine pendant 18 semaines. Elle s’attendait à 3 stages de 6 semaines chacun.
[58] L’appelante a expliqué que, pour l’année scolaire 2020-2021, ses cours étaient tous donnés en ligne. Elle pouvait visionner les enregistrements n’importe quand. Comme elle pouvait étudier en ligne, elle était disponible pour travailler de 3 à 4 jours par semaine.
[59] Comme préposée aux bénéficiaires, l’appelante faisait régulièrement différents quarts de travail sur une période de 24 heures et la fin de semaine. Elle a présenté une lettre de la directrice générale de X qui démontre que l’employeur était un établissement de soins de santé ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. La directrice générale a précisé qu’en temps normal, l’appelante faisait n’importe quel quart de travail sur une période de 24 heuresNote de bas de page 23. Dans les dernières années, l’appelante avait travaillé de cette façon pendant l’année scolaire et durant l’été.
[60] Je juge que l’appelante a réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité. La Cour d’appel fédérale affirme que la présomption est réfutée quand la personne occupait régulièrement un emploi pendant ses études et qu’elle cherche un emploi avec un horaire de travail semblable à celui qu’elle avait avant.
[61] Dans la décision PageNote de bas de page 24, la Cour d’appel fédérale a expliqué que ce n’est pas une erreur de droit de conclure à la disponibilité pour le travail si la personne est disponible pour occuper un emploi qui correspond à son ancien horaire de travail.
- Pendant qu’elle travaillait, l’appelante était disponible la semaine, la fin de semaine et le soir. La directrice générale de l’établissement de santé a confirmé que l’appelante prenait n’importe quel quart de travail sur une période de 24 heures.
- Les cours de l’appelante se donnaient en ligne en raison de la COVID-19. Elle n’avait pas à les suivre en direct parce qu’elle pouvait visionner les enregistrements.
- L’appelante avait un poste permanent à temps partiel et elle était encore disponible pour travailler comme préposée aux bénéficiaires pour son employeur selon son horaire habituel.
[62] L’appelante a réfuté la présomption voulant qu’elle ne soit pas disponible pour travailler.
[63] Je vais maintenant me prononcer sur les articles de loi qui portent sur la disponibilité.
L’appelante n’a pas pu trouver un emploi convenable
[64] Selon l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission ne peut pas verser de prestations pour un jour ouvrable sauf si la personne prouve qu’elle est capable de travailler, disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi convenable.
[65] Dans l’affaire KP, la division générale a reconnu que l’incapacité d’obtenir un emploi convenable est un élément distinct du critère prévu à l’article 18(1)(a)Note de bas de page 25. L’affaire KP invoque la décision du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) 16305Note de bas de page 26. Ces décisions me convainquent que la disponibilité et l’incapacité d’obtenir un emploi convenable sont des concepts différents.
[66] J’adopte la même approche pour vérifier si l’appelante était incapable de trouver un emploi convenable.
Règlement de l’Ontario 146/20
[67] L’appelante était une préposée aux bénéficiaires qualifiée. Elle travaillait à temps partiel et prenait n’importe quel quart de travail sur une période de 24 heures, n’importe quel jour de la semaine. Elle a continué ainsi pendant ses études de septembre 2020 à avril 2021. Elle recevait environ 25 $ de l’heure, ce qui comprenait une prime liée à la pandémie.
[68] L’appelante a réfuté la présomption de non-disponibilité. Elle était disponible pour travailler plusieurs jours par semaine, le soir et la fin de semaine.
[69] Cependant, l’appelante a soutenu qu’aucun emploi convenable n’était disponible pour elle en raison du Règlement de l’Ontario 146/20Note de bas de page 27. Ce règlement empêchait le personnel de la santé de travailler dans plus d’un établissement de santé à la foisNote de bas de page 28. Le règlement est entré en vigueur le mercredi 22 avril 2020 pour une période indéterminée. Il a été aboli le 22 avril 2021.
[70] L’appelante était aux études et devait faire un stage dans un établissement de soins de santé. En conséquence, le Règlement 146/20 limitait les possibilités qui s’offraient à elle et l’empêchait de travailler pour son employeur.
[71] L’appelante n’avait aucune formation dans les secteurs du commerce de détail, de l’hôtellerie ou pour d’autres emplois normalement disponibles. Le salaire offert pour ces emplois était beaucoup moins élevé que le sien.
[72] Le Règlement 146/20 était temporaire. L’appelante s’attendait à être rappelée dès qu’il serait levé. Il faudrait prévoir une période de grâce normale pour essayer de trouver un emploi.
[73] Je conclus que l’appelante était incapable de trouver un emploi convenable en raison des limites imposées par le Règlement de l’Ontario 146/20, qui était en vigueur du 20 avril 2020 au 22 avril 2021.
Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi
[74] Le premier article de loi que je vais examiner dit que les prestataires doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 29.
[75] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelante étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 30. Je dois regarder si elles étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, il faut que l’appelante ait continué à chercher un emploi convenable.
[76] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelante a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 31 :
- évaluer les possibilités d’emploi;
- faire du réseautage;
- communiquer avec des employeuses ou employeurs qui sont peut-être en période d’embauche.
[77] Selon la Commission, l’appelante n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi. Elle dit que l’appelante n’a pas fourni le détail de sa recherche d’emploi et qu’elle ne pouvait donc pas prouver sa disponibilité.
[78] L’appelante n’est pas d’accord. Elle avait des contacts réguliers avec son employeur. Elle faisait du réseautage et s’attendait à être rappelée au travail. L’appelante affirme que ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’elle était disponible pour travailler.
[79] Je conclus que l’appelante a montré que ses démarches pour trouver un emploi (convenable) étaient habituelles et raisonnables.
- Elle n’a pas pu trouver un autre emploi convenable en raison du Règlement de l’Ontario 146/20.
- L’appelante a maintenu la communication avec son employeur en attendant l’abolition du Règlement 146/20.
- L’employeur de l’appelante a déclaré par écrit que l’appelante a gardé le contact avec luiNote de bas de page 32.
- L’appelante s’attendait à être rappelée au travail.
[80] L’appelante a prouvé que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.
Capable de travailler et disponible pour travailler
[81] Je dois aussi vérifier si l’appelante était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 33. La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour trancher cette question. L’appelante doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 34 :
- a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
- b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
- c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.
[82] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 35.
Désir de retourner au travail
[83] L’appelante a démontré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
[84] L’appelante étudiait pour devenir infirmière. Elle travaillait déjà dans le domaine de la santé et voulait poursuivre dans cette voie. Elle a obtenu un emploi d’infirmière à temps plein dès qu’elle a eu son diplôme. Elle travaillait dans le domaine de la santé depuis plusieurs années.
Efforts pour trouver un emploi convenable
[85] L’appelante a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.
[86] Pour rendre une décision sur le deuxième élément, j’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi que j’ai mentionnée plus haut. Elle me sert seulement de référenceNote de bas de page 36.
[87] Voici ce que l’appelante a fait, entre autres choses, pour essayer de trouver un nouvel emploi : elle est restée disponible, elle a continué de communiquer avec son employeur et elle a essayé de trouver des solutions de rechange qui seraient convenables. C’est ce que j’ai expliqué plus haut, lorsque j’ai vérifié si l’appelante avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.
[88] De tels efforts étaient suffisants pour répondre aux exigences du deuxième élément parce que le Règlement de l’Ontario 146/20 interdisait à l’appelante de travailler pour deux établissements de soins de santé en même temps.
Limitation indue des chances de retourner travailler
[89] L’appelante n’a pas fixé de conditions personnelles qui ont peut-être beaucoup trop limité ses chances de retourner travailler.
[90] Selon la Commission, l’appelante aurait pu abandonner son cours pour continuer de travailler pour l’établissement de soins de santé. Elle a dit que ses études sont un choix personnel.
[91] L’appelante explique qu’elle commençait la troisième année d’un programme de quatre ans. Elle y avait investi de 30 000 $ à 40 000 $ dans ses études. Selon elle, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elle renonce à une année d’études et qu’elle la reprenne juste à cause du Règlement 146/20. Le Règlement était temporaire. Elle aurait pu être rappelée au travail n’importe quand.
[92] Je considère que les études de l’appelante n’ont pas limité ses chances de retourner travailler. C’est le Règlement de l’Ontario 146/20 qui lui a imposé une limite et l’a empêchée de travailler pendant ses études. Ce ne sont pas ses études qui ont limité sa disponibilité pour le travail.
Somme toute, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour travailler?
[93] D’après les conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.
Rémunération
[94] L’appelante a déclaré sa rémunération de la semaine du 2 mai 2021 jusqu’à la semaine du 22 août 2021. Elle a fait quelques erreurs parce qu’elle ne recevait pas sa paie la même semaine qu’elle remplissait ses déclarations pour l’assurance-emploi. En conséquence, elle estimait le total.
[95] Selon la Commission, la rémunération réellement versée par l’employeur s’élevait à 7 846,27 $. Elle affirme que l’appelante a déclaré 7 209 $Note de bas de page 37. La Commission soutient que l’appelante a fait de fausses déclarations en toute connaissance de cause. Par la suite, elle a annulé cette décision.
[96] Pour 8 semaines, l’appelante a surestimé sa rémunération dans ses déclarations. Pour 9 semaines, elle l’a sous-estimée. De toute évidence, comme elle a surestimé sa rémunération près de la moitié du temps, elle n’essayait pas de faire de fausses déclarations.
[97] La Commission a présenté le détail des prestations versées en trop, y compris la rémunération déclarée pour chaque semaine (page GD8-12 du dossier d’appel). Les chiffres sont erronés pour les semaines numéros 2292 et 2296Note de bas de page 38. La Commission s’est trompée dans l’une des deux déclarations qu’elle a déposées. Elle devra réexaminer le dossier et voir s’il y a des erreurs.
[98] Sinon, l’appelante convient qu’elle a déclaré sa rémunération pour ces semaines. Elle ne conteste pas la rémunération que l’employeur dit avoir réellement versée. Elle convient que cette rémunération est répartie sur les bonnes semaines.
Conclusion
[99] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce que la Commission, qui n’avait pas le pouvoir de réexaminer sa demande de prestations, n’a pas agi de façon judiciaire.
[100] Je conclus que l’appelante n’a jamais quitté son emploi et qu’elle est restée une employée jusqu’au 10 mai 2022. Elle n’a donc pas quitté son emploi de façon volontaire et elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[101] Je conclus que l’appelante était disponible pendant ses études, mais qu’elle était incapable de trouver un emploi convenable. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations et elle pourrait y avoir droit.
[102] L’appelante a reçu un salaire pour les semaines 2266 à 2305, mais la Commission a peut-être fait des erreurs. Elle doit donc réexaminer son dossier pour apporter des corrections.
[103] Ainsi, l’appel est accueilli et la dette qui découlait de l’exclusion et de l’inadmissibilité est annulée.