Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1396

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 15 mars 2024 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 octobre 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 novembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-3039

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant n’a pas quitté son emploi de façon volontaire. Il a plutôt été mis à pied. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’emploi de l’appelant a pris fin le 14 novembre 2023. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les faits et a décidé que l’appelant avait quitté son emploi de façon volontaire. Elle s’est aussi penchée sur les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait volontairement quitté (c’est-à-dire choisi de quitter) son emploi sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] De son côté, l’appelant affirme qu’il ne voulait pas quitter son emploi et qu’il devrait donc recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il n’a pas quitté son emploi de façon volontaire. Si son départ était volontaire, je dois décider si quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Questions que je dois examiner en premier

L’appel a été renvoyé à la division générale du Tribunal

[6] L’appelant a porté la décision de révision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a accueilli l’appel. Ensuite, c’est la Commission qui a fait appel de la décision à la division d’appel du Tribunal.

[7] Le 14 août 2024, la division d’appel a accueilli l’appel de la Commission. Elle a jugé que la division générale avait fait une erreur parce qu’elle n’avait pas regardé tout ce qui avait été dit et fait au cours du dernier jour de travail de l’appelant avant de décider s’il avait quitté son emploi de façon volontaireNote de bas page 1. La division d’appel a donc renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine la question.

Question en litige

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord me pencher sur la question du départ volontaire. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si l’appelant a quitté son emploi de façon volontaire

[10] Tout d’abord, je dois décider si l’appelant a volontairement quitté son emploi. C’est à la Commission de prouver selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a quitté son emploi de façon volontaireNote de bas page 2. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il a quitté son emploi de façon volontaire.

[11] Il est assez simple de savoir si une personne a quitté son emploi de façon volontaire. Voici la question à se poser : comme employée, la personne avait-elle le choix de rester ou de quitterNote de bas page 3? Comme la division d’appel le mentionne, je dois porter mon attention sur ce que toutes les parties ont dit et fait durant le dernier jour de travail de l’appelantNote de bas page 4.

[12] Dans sa demande de prestations, l’appelant a écrit qu’il a perdu son emploi en raison d’un manque de travailNote de bas page 5. Il a dit à la Commission qu’il n’avait pas démissionné, qu’en fait, son employeur lui avait plutôt dit qu’il n’avait pas de travail pour luiNote de bas page 6. Par contre, sur le relevé d’emploi, l’employeur a indiqué que l’appelant avait quitté son emploi. Il a précisé que le 2 novembre 2023 était le dernier jour travailléNote de bas page 7.

[13] Dans la présente affaire, la division d’appel a expliqué qu’il fallait décider si l’appelant avait pu choisir, par un véritable choix, de quitter son emploi ou de le conserverNote de bas page 8. Elle a ajouté qu’il fallait se pencher sur ce qui a été dit et fait durant le dernier jour de travailNote de bas page 9.

[14] Je vais donc passer en revue tous les faits pour voir quelle version est la plus crédible et pour décider si elle démontre que l’appelant a quitté son emploi de façon volontaire. En conséquence, j’irai plus en détail qu’à l’habitude, car c’est souvent là que se trouve la vérité. Je tiens aussi à souligner que le témoignage livré par l’appelant durant l’audience concorde avec son premier témoignage, qu’il a livré à l’audience de la division générale.

Les faits

Témoignage et éléments de preuve présentés par l’appelant

[15] L’appelant a été embauché comme conducteur de grue. Il a déménagé dans ce nouvel endroit parce que le propriétaire de l’entreprise, qu’il connaissait personnellement, cherchait désespérément un conducteur. L’appelant était vraiment content d’avoir cet emploi et prévoyait prendre sa retraite dans environ deux ans. Il a raconté qu’il bénéficie d’une clause de droits acquis qui lui permet d’avoir le certificat de classe « A ». Pendant près de deux ans, il a été le seul conducteur de grue à travailler pour son employeur. Il a précisé qu’il n’y a jamais eu assez de travail pour deux personnes. Mais le fait d’être le seul conducteur faisait que c’était difficile pour lui de partir en congé, car plus personne ne pouvait faire les livraisons pour l’entreprise.

[16] Quelques semaines avant son dernier jour de travail, l’entreprise a demandé à l’appelant de former un deuxième conducteur, W. W. Celui-ci avait seulement un certificat de classe « B », mais l’entreprise le laissait travailler avec le camion nécessitant une classe « A » grâce au certificat d’une autre personne. W. était plus jeune que l’appelant et gagnait beaucoup moins d’argent que lui. W. lui a dit que l’entreprise essayait de le mettre sous contrat pour cinq ans.

[17] Au début du mois de novembre, l’appelant est parti en vacances pour deux semaines. Elles étaient planifiées et approuvées. Il a accepté de rentrer travailler le dernier jour de ses vacances (le 13 novembre 2024) parce que l’employeur avait besoin de quelqu’un pour faire une livraisonNote de bas page 10. Il a remarqué que la grue qu’il conduisait avait besoin de réparations et il en a informé l’employeur. C’était la seule grue qui était opérationnelle.

[18] Le matin du 14 novembre 2023, il est arrivé à 7 h comme d’habitude. Il a vu que W. avait presque fini de préparer [traduction] « sa » grue, malgré les réparations nécessaires. Cela voulait donc dire que W. était déjà à l’horaire sur le seul camion disponible et que l’appelant n’aurait rien à faire. L’appelant admet qu’il était choqué et très énervé parce qu’il [traduction] « savait qu’il n’avait plus d’emploi ». Il s’est fâché. Il a dit à W. que c’était un [traduction] « voleur de job », mais W. n’a pas réagi. Le gérant de la cour, C. M., qui est aussi le neveu du propriétaire, a dit à l’appelant d’aller démarrer l’autre camion. Il lui a dit cela même si les deux savaient que le camion était hors service parce que de grosses réparations étaient nécessaires. L’appelant raconte qu’il a alors dit au gérant qu’il était [traduction] « un tas de merde ».

[19] Quand les choses se sont calmées un peu, l’appelant a dit qu’il avait demandé au gérant ce qui se passait. Il l’a amené dans le bureau et lui a montré qu’il y avait seulement deux commandes ce jour-là et rien pour le reste de la semaine, alors l’employeur n’avait pas de travail pour luiNote de bas page 11. Quand l’appelant a demandé pourquoi il le renvoyait chez lui à la place de W., le gérant de la cour a répondu : [traduction] « C’est comme ça que ça marche. Tu n’es pas le propriétaire du camion. »

[20] Durant son témoignage, l’appelant a dit qu’il a essayé de parler à de nombreuses personnes au sein de l’entreprise pour essayer de comprendre ce qui se passait, mais que tout le monde l’ignorait. Il a déposé les copies des nombreux messages textes et courriels qu’il a envoyésNote de bas page 12. Elles démontrent que ses questions sont restées sans réponse et que personne n’a nié qu’il n’y avait plus de travail pour lui. Je vais passer les messages textes en revue dans les paragraphes ci-dessous.

Directeur

[21] L’un des messages textes est assez long. Il a été envoyé au directeur, L. Malheureusement, la copie du message fournie par l’appelant n’indique pas l’heure et la date d’envoi. Comme il est possible de voir que le message suivant a été envoyé le 15 novembre 2023, on peut en déduire que le premier message a été envoyé le 14 novembre 2023.

[22] Dans ce très long message texte, l’appelant écrit, entre autres, ceci :

[traduction]
« […] Je n’étais pas très content de voir le camion qui partait quand je suis arrivé … il [C.] m’a dit d’aller démarrer un autre camion, mais qu’en attendant, il n’y avait pas de travail… alors qu’on s’était entendus que je formerais W. mais qu’il devait travailler sous ma supervision. Il y a sûrement un autre motif… si vous n’aviez plus de travail, un petit coup de téléphone aurait été apprécié… alors j’ai demandé mes papiers de mise à pied… comme il est évident que vous n’avez pas de travail pour moi que j’ai été remplacéNote de bas page 13… »

[23] Il ajoute : [traduction] « […] de toute façon, je voulais juste dire que j’ai été mis à pied et j’aimerais avoir mes papiers d’assurance-emploi dans le respect. Un gros merciNote de bas page 14. » Rien ne prouve qu’il a reçu une réponse, du moins pas par message texte.

[24] Le lendemain, l’appelant a envoyé un autre message à L. Voici ce qu’il a écrit : [traduction] « […] tu pourrais avoir la décence de téléphoner aux personnes qui t’aident quand t’en n’as plus besoin ça prend un peu de respect c’est tout ce que j’ai à dire y a pas de travail y a pas de travail, mais un peu de décence SVP. J’ai essayé de te joindre par téléphone mais pas de réponseNote de bas page 15. » Encore une fois, rien ne prouve qu’il a reçu une réponse.

[25] Le 22 novembre 2023, l’appelant a envoyé un troisième message texte au directeur. Essentiellement, il écrit qu’il était vraiment déçu de voir sur son relevé d’emploi que l’employeur avait indiqué qu’il avait démissionné, alors que ce n’était pas le cas. Il a demandé à l’employeur de corriger cette informationNote de bas page 16. Il a répété la même chose le lendemain dans un autre message texteNote de bas page 17. Encore une fois, ses messages sont restés sans réponse.

[26] La seule réponse du directeur date du 8 février 2024 et elle n’avait rien à voir avec ce conflitNote de bas page 18.

Employé de bureau (R.)

[27] Le 27 novembre 2024, à 12 h 17, l’appelant a envoyé ce message texte à R. :

[traduction]

« [R.] bonjour, j’espère que tu vas bien, juste pour que tu le saches, je n’ai pas démissionné [C.] a laissé partir le camion et m’a dit qu’il n’y avait pas de travail pour moi c’est assez humiliant après la longue fin de semaine… mais tu continues à dire aux entrepreneurs que j’ai démissionné. J’essaie de te protéger toi et ton intégrité, alors arrête de dire à tout le monde que j’ai démissionné quand j’ai jamais fait çaNote de bas page 19. »

[28] Rien ne prouve qu’il a reçu une réponse.

Propriétaire

[29] Le 14 novembre, à 8 h 37, l’appelant a envoyé un message texte à X. En voici un extrait :

[traduction]

« Bonjour [X.] après deux ans à travailler dur, j’arrive ce matin et je vois un autre conducteur au volant de mon camion. … alors au lieu de me garder au travail, vous y allez avec une classe B je vais devoir aller voir ailleurs, alors maintenant j’aimerais bien avoir mes papiers pour l’assurance-emploiNote de bas page 20. »

[30] Rien ne prouve qu’il a reçu une réponse. Le 14 novembre 2023 à 10 h 24, X. a fait parvenir une copie de ce message à C. avec le message suivant : [traduction] « Voici la démission contournée qu’il a écriteNote de bas page 21. »

[31] Le 22 novembre 2024, à 16 h 10, l’appelant a envoyé un autre message à X. En voici un extrait :

[traduction]

« [X.], c’est [G. S.] Tes gens ont choisi d’être malhonnêtes… J’ai formé un jeune homme pour vous aider pendant mon absence et à mon retour je vois que je n’ai plus d’emploi qu’il part dans mon camion et [C.] m’a dit qu’il n’y avait pas de travail alors j’ai demandé mes papiers d’assurance-emploi… […] C’était un choix que ton entreprise a fait si tu veux en parler ça me dérangerait pas, mais en 35 ans j’ai jamais vu çaNote de bas page 22. [...] »

Gérant de la cour

[32] Le 14 novembre 2024, à 14 h 29, l’appelant a envoyé un message texte au gérant de la cour. Il lui écrit, entre autres choses :

[traduction]

 « […] J’en ai fait plus que ce qu’on me demandait et je me sens très rabaissé … Si tu n’avais pas de travail pour moi ce matin, un petit coup de téléphone aurait été apprécié… De toute façon, je veux juste être sûr qu’on me paie mes 8 h de vacances + 4 h. … De travail. … J’aimerais avoir mes papiers d’assurance-emploiNote de bas page 23. [...] »

[33] C. a répondu le jour même, mais on ne sait pas trop à quelle heure. Il a juste écrit : [traduction] « OK. J’ai déjà envoyé un message à [K.] pour ton relevé d’emploi. Ce n’est pas nous qui traitons l’assurance-emploi. L’employé doit s’en occuperNote de bas page 24. »

[34] Il y a eu d’autres échanges par messages textes ce jour-là au sujet des articles personnels que l’appelant voulait récupérer. Le 20 novembre 2024, l’appelant a envoyé un message texte à C. pour lui dire que ça lui manquait de travailler avec lui. Aucun élément de preuve ne montre s’il a reçu ou non une réponseNote de bas page 25.

Ancien collègue (M.)

[35] La dernière série de messages textes s’adresse à M. C’est le conducteur qui, selon l’appelant, a été renvoyé juste avant que lui-même commence à travailler pour l’employeur. Je ne tiendrai pas compte de ces messages parce qu’ils ne permettent pas de mieux comprendre si l’appelant avait ou non la possibilité de faire un choix le 14 novembre 2024.

TémoignageNote de bas page 26 et éléments de preuve présentés par l’employeur

[36] C. M., le gérant de la cour, a dit à la Commission que l’entreprise avait embauché deux grutiers et qu’il y avait assez de travail pour les deuxNote de bas page 27. Il parlait de l’appelant et de W., qui est en formationNote de bas page 28.

[37] Il a raconté à la Commission que, le matin de l’incident, quand l’appelant est rentré, il était très fâché de voir que W. préparait le camionNote de bas page 29. Le gérant a alors déclaré qu’il avait dit à l’appelant : [traduction] « [G. S.], va démarrer l’autre. Il y a beaucoup de choses à faire. Qu’est-ce que tu faisNote de bas page 30? » Il a ajouté qu’il a téléphoné à l’appelant pour lui dire qu’il avait d’autre chose pour lui, mais que l’appelant disait toujours qu’il n’y avait pas de travailNote de bas page 31.

[38] L’employeur a aussi fourni à la Commission la copie d’un courriel que le gérant a envoyé à 9 h 49, entre autres, au directeur et au propriétaire. Il y rapporte ce qui s’est produit ce matin-là avec l’appelant. Il écrit que l’appelant était fâché ce matin-là parce qu’il a dit [traduction] « qu’il n’avait plus d’emploi ». Dans le courriel, il informe le directeur et le propriétaire de l’entreprise qu’il y avait du travail pour l’appelant, mais que c’est l’appelant qui a insisté pour rentrer chez lui. Enfin, il écritNote de bas page 32 que l’appelant avait quitté les lieux peu après 8 h, mais qu’il était revenu quelques minutes plus tard pour parler à R.

[39] Quelques minutes plus tard, le gérant a fait parvenir un courriel à la comptabilité pour demander de préparer le relevé d’emploi de l’appelant parce qu’il avait démissionné verbalement ce matin-làNote de bas page 33.

[40] L’employeur a aussi transmis à la Commission la copie d’un message texte que le propriétaire avait reçu à 8 h 37 ce matin-là. Il contenait la supposée démission de l’appelantNote de bas page 34. Je me pencherai sur ce message texte un peu plus loin, car l’appelant l’a aussi déposé au Tribunal à la première audience.

[41] Le directeur a dit à la Commission que, selon leur compréhension, ce message voulait dire que l’appelant [traduction] « tournait le dos à l’entreprise et bonne chance pour la suiteNote de bas page 35 ».

[42] Enfin, le gérant a déclaré à l’agent de la Commission qu’il avait téléphoné à l’appelant pour lui dire qu’il y avait encore du travail, mais que l’appelant répétait qu’il n’y en avait pasNote de bas page 36. Les notes ne précisent pas quand cet ou ces appels téléphoniques auraient eu lieu. Mais plus loin dans le même document, il est écrit que le gérant a dit à la Commission que l’employeur n’avait pas téléphoné à l’appelant après ce jour-là pour lui demander de revenir travaillerNote de bas page 37.

Analyse

[43] Je conclus que la version des faits de l’appelant est plus probable que celle de l’employeur. Voici pourquoi.

[44] Premièrement, l’appelant a soutenu dans toutes ses communications qu’on lui avait dit qu’il n’y avait plus de travail pour lui et qu’il n’avait jamais choisi de démissionner. C’est ce qu’il a écrit dans les différents messages textes qu’il a envoyés le 14 novembre 2023 et dans les jours qui ont suivi ainsi que dans sa demande de prestations d’assurance-emploi. C’est aussi ce qu’il a dit quand il a parlé à la Commission et durant ses témoignages à deux audiences différentes.

[45] Deuxièmement, je trouve que la déclaration du gérant, selon laquelle il a téléphoné à l’appelant pour lui offrir du travail, est peu crédible. J’ai beaucoup de difficulté à croire qu’il aurait fait une telle chose alors qu’à 9 h 49 le jour même il a écrit à tous les membres de la haute direction pour les aviser que l’appelant avait démissionné. De plus, s’il y avait vraiment du travail pour l’appelant, pourquoi ne pas le lui dire dans un message texte ou dans une réponse au message texte que l’appelant a envoyé à 14 h 29 ce jour-làNote de bas page 38? La seule explication raisonnable est qu’il n’y avait pas de travail à faire.

[46] Troisièmement, le fait que personne au sein de la haute direction n’ait répondu aux messages textes ou aux appels de l’appelant est, selon moi, particulièrement révélateur. Ce n’est pas de cette façon que réagirait un employeur qui veut garder un bon employé ayant la réputation d’être [traduction] « susceptible ». La preuve montre que tout le monde a ignoré l’appelant, sauf pour lui dire que son relevé d’emploi serait bientôt prêt. Personne n’a contesté l’affirmation selon laquelle l’employeur n’avait pas de travail pour lui et personne n’a rien fait pour tenter de maintenir le lien d’emploi avec l’appelant.

[47] Quatrièmement, l’employeur n’a jamais expliqué comment il arrivait à faire tout le travail soi-disant avec un seul grutier s’il en fallait deux. Il faut souligner que l’entreprise se trouve dans une très petite ville située à plus de 2 heures de Vancouver. Trouver un autre conducteur de grue certifié aurait sans doute été difficile pour l’employeur. Pourtant, l’appelant et lui ont tous deux affirmé que l’employeur n’a pas rappelé l’appelant après le 14 novembre 2023. Cela mène à la conclusion que l’employeur n’avait pas vraiment besoin d’un autre conducteur de grue et qu’il pouvait poursuivre ses activités seulement avec W.

[48] Cinquièmement, si l’employeur avait effectivement offert à l’appelant de faire une livraison, j’ai de la difficulté à croire que l’appelant insisterait encore sur le fait que la moindre des choses, c’est que l’employeur lui téléphone avant son arrivée s’il n’y a pas de travail pour lui.

[49] Je juge qu’il est plus probable que le gérant a bien dit à l’appelant qu’il n’y avait pratiquement aucune autre livraison prévue cette semaine-là, que ce n’est pas lui [traduction] « le propriétaire du camion » et que l’employeur pouvait donc choisir à quel conducteur il donnait du travail.

[50] Finalement, je considère que, chaque fois que l’appelant a dit à l’employeur qu’il voulait ses papiers d’assurance-emploi, c’est parce qu’il croyait avoir été mis à pied puisque l’employeur n’avait plus de travail à lui offrir. C’est ce qu’il a dit à L. dans le message texte qu’il lui a envoyé le matin mêmeNote de bas page 39. C’est ce qui est sous-entendu dans le message qu’il a aussi envoyé à X. ce matin-là, plus précisément quand il écrit : [traduction] « alors au lieu de me garder au travail, vous y allez avec une classe BNote de bas page 40 ». Enfin, c’est ce qu’il a dit à C. durant l’après-midi ce jour-là : « Si tu n’avais pas de travail pour moi ce matin, un petit coup de téléphone aurait été appréciéNote de bas page 41 ».

Conclusion sur le départ volontaire

[51] Dans la présente affaire, je dois décider si l’appelant avait le choix de conserver son emploi ou si sa seule option était de partir. Mais le choix en question ne doit pas être illusoire. Ce que je veux dire par là, c’est que si l’on choisit de rester, mais qu’on se fait dire qu’il n’y aura pas de travail à faire, ce n’est pas un vrai choix. Pour vraiment avoir le choix, il aurait fallu que l’appelant puisse vraiment travailler.

[52] Au bout du compte, je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a été mis à pied parce qu’il n’y avait pas de travail pour lui. Le seul travail disponible était offert à l’autre grutier. Autrement dit, je conclus que l’appelant ne pouvait pas choisir de rester, car l’employeur lui a clairement fait comprendre qu’il n’y avait plus de travail pour lui et qu’il n’y en aurait pas non plus dans un avenir rapproché.

[53] Par conséquent, je conclus que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve, c’est-à-dire de la responsabilité de prouver que l’appelant a quitté son emploi de façon volontaire. Je conclus qu’il a été mis à pied en raison du manque de travail.

[54] Comme j’ai tiré cette conclusion, il n’est pas nécessaire de décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[55] Je conclus que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas quitté son emploi de façon volontaire.

[56] L’appel est donc accueilli.

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