Assurance-emploi (AE)
Informations sur la décision
Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu que le prestataire n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations. Le prestataire a fait appel de cette décision à la division générale. Celle-ci a tenu une audience « par écrit » et a décidé qu’elle n’avait pas la compétence d’examiner l’appel parce que le prestataire n’avait jamais demandé à la Commission de réviser sa décision. Le prestataire a fait appel de cette décision à la division d’appel.
Le prestataire avait demandé à la division générale de tenir une audience par téléconférence ou vidéoconférence. Avant l’audience, la division générale a organisé une conférence préparatoire par téléconférence. Le prestataire a répondu à l’avis de conférence préparatoire en demandant de participer par écrit. Lorsque le prestataire n’a pas répondu par écrit au résumé de la conférence préparatoire, la division générale a choisi de modifier le mode d’audience et de procéder à l’appel « par écrit ».
L’article 2(1) du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que le Tribunal doit tenir une audience d’appel selon le mode demandé par la partie appelante. Les seules exceptions à cette exigence sont les cas où le Tribunal décide que le choix de mode d’audience de la partie appelante :
· ne permettrait pas la tenue d’une audience complète et équitable;
· pourrait poser des risques sur le plan de la sécurité ou de la santé ne pouvant être atténués à la satisfaction du Tribunal;
· serait inopportun en raison de circonstances exceptionnelles, notamment en cas d’incendie, d’inondation, d’épidémie, de catastrophe naturelle, d’instabilité politique, d’acte de terrorisme ou d’accident grave.
La division d’appel a conclu que rien n’indiquait que la division générale avait rendu une telle décision. Elle semble avoir présumé qu’étant donné que le prestataire avait choisi de participer à la conférence préparatoire par écrit, il voulait également que l’audience soit tenue par écrit. La division d’appel a estimé que la division générale avait commis une erreur de droit en décidant sans justification de tenir l’audience selon un mode différent de celui que le prestataire avait demandé. La division d’appel a conclu que la division générale aurait dû à tout le moins confirmer que le prestataire avait l’intention de modifier son choix de mode d’audience et de passer à l’audience par écrit avant d’aller de l’avant.
De plus, la division générale a conclu que l’appel était prématuré parce que la Commission n’avait pas encore révisé sa décision selon laquelle le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. La division générale a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve que le prestataire avait demandé une révision de la question de savoir s’il avait accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations. Toutefois, la division d’appel a jugé que ce n’était pas exact. Il y avait des éléments de preuve montrant que le prestataire avait bel et bien demandé que la Commission révise sa décision, y compris sur cette question. La division d’appel a conclu que la division générale avait commis une erreur de fait parce qu’elle n’avait considéré ces éléments de preuve. Elle aurait dû tenir compte du fait que le refus de révision de la Commission était une réponse à une telle demande.
La division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen.
Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : BU c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 828
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | B. U. |
Représentante ou représentant : | [sic] |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante ou représentant : | Lora MacKay |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 22 avril 2024 (GE-24-980) |
Membre du Tribunal : | Stephen Bergen |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 16 juillet 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-355 |
Sur cette page
Décision
[1] J’accueille l’appel. La division générale a fait une erreur de droit et une erreur de fait importante. Je lui renvoie donc l’affaire pour réexamen.
Aperçu
[2] B. U. est l’appelant. Je l’appellerai le « prestataire » parce qu’il a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations.
[3] En effet, elle a conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification. En conséquence, les heures qu’il avait accumulées avant de quitter cet emploi ne comptaient pas. Étant donné l’exclusion de ces heures de travail, la Commission a décidé qu’il n’avait pas assez d’heures.
[4] La question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi n’est pas en litige dans le présent appel. La seule question en litige est celle de savoir s’il a accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations. Le prestataire a porté cette question en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
[5] La division générale a tenu une audience « par écrit ». Elle a décidé qu’elle n’avait pas la compétence nécessaire pour examiner l’appel parce que le prestataire n’avait jamais demandé à la Commission de réviser sa décision. Le prestataire fait maintenant appel à la division d’appel.
[6] J’accueille l’appel et je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen. Elle a fait une erreur de droit, car elle n’a pas offert au prestataire le mode d’audience qu’il avait demandé. Elle a aussi commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’il n’avait pas demandé à la Commission de réviser sa décision.
Questions en litige
[7] La division générale a-t-elle fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas permis au prestataire d’avoir le mode d’audience qu’il préférait?
[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante quand elle a conclu que le prestataire n’avait pas demandé la révision de la question en litige dans le présent appel?
Analyse
Principes généraux
[9] La division d’appel peut se pencher uniquement sur les erreurs qui correspondent à l’un des moyens d’appel suivants :
- a) La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
- b) La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
- c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
- d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.
Erreur de droit
[10] La division générale a fait une erreur de droit.
[11] Le prestataire a demandé à la division générale de tenir une audience par téléconférence ou par vidéoconférence. Avant l’audience, elle a organisé une conférence préparatoire par téléconférence. Dans sa réponse à l’avis de conférence, le prestataire a précisé qu’il voulait y participer par écrit.
[12] Comme le prestataire n’a pas répondu par écrit au résumé de la conférence préparatoire, la division générale a modifié le mode d’audience pour qu’elle se déroule « par écrit ». Elle a ensuite procédé à l’examen de l’appel.
[13] Selon l’article 2(1) du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale,le Tribunal tient ses audiences selon le mode demandé par la partie appelante. Les seules exceptions à cette exigence surviennent quand le Tribunal établit que le mode d’audience choisi par l’appelant :
- ne permettrait pas la tenue d’une audience complète et équitable;
- pourrait poser des risques sur le plan de la sécurité ou de la santé qui ne peuvent être atténués à la satisfaction du Tribunal;
- serait inopportun en raison de circonstances exceptionnelles, notamment en cas d’incendie, d’inondation, d’épidémie, de catastrophe naturelle, d’instabilité politique, d’acte de terrorisme ou d’accident graveNote de bas de page 2.
[14] Rien n’indique que la division générale a établi l’existence d’une de ces circonstances. Elle semble plutôt avoir présumé que, comme le prestataire avait choisi de participer à la conférence préparatoire par écrit, ce choix était aussi valable pour le reste de l’audience.
[15] La Commission concède que la division générale aurait dû tenir l’audience selon le mode demandé par le prestataire.
[16] Je conclus donc que la division générale a fait une erreur de droit, car elle a tenu l’audience selon un mode différent que celui demandé par le prestataire, et ce, sans justification. Avant de procéder à l’audience par écrit, la division générale aurait dû à tout le moins confirmer que le prestataire avait l’intention de modifier son choix d’audience.
Erreur de fait
[17] La Commission a aussi reconnu que la division générale avait commis une erreur de fait. Elle a reconnu que la division générale n’avait pas tenu compte de tous les éléments de preuve.
[18] La division générale a conclu que l’appel était prématuré parce qu’elle n’avait pas encore révisé la décision voulant que le prestataire ne remplissait pas les conditions requises. Elle a dit qu’il n’y avait aucune preuve que le prestataire avait demandé la révision de son nombre d’heures pour voir s’il en avait assez pour remplir les conditions requises.
[19] Mais cette information est inexacte. Il y avait un élément de preuve qui montrait que le prestataire avait demandé la révision de la décision de la Commission sur cette question. Le prestataire a présenté à la division générale une copie de sa demande de révision de la décision rendue le 4 décembre 2023. La Commission a accusé réception de la même demande de révision. La lettre de décision du 4 décembre 2023, celle que le prestataire a demandé à la Commission de réviser, contenait en fait deux décisions : celle disant que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification, mais aussi celle disant qu’il ne remplissait pas les conditions requises parce qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable.
[20] Comme la division d’appel l’a déjà souligné :
Le Tribunal adopte une approche générale à l’égard de sa compétence, dans les limites de la loi, pour traiter les appels de manière équitable et efficace. Les décisions de [révision] ne sont pas toujours détaillées, et il est parfois nécessaire d’examiner les demandes et les décisions [connexes] pour déterminer la portée de la décision de [révision]Note de bas de page 3.
[21] La division générale a commis une erreur de fait parce qu’elle n’a pas tenu compte de l’élément de preuve qui montrait que le prestataire avait bel et bien demandé la révision de la décision, qui portait aussi sur la question de savoir s’il avait accumulé assez d’heures pour remplir les conditions requises. Elle aurait dû considérer la position de la Commission sur l’absence de la révision comme étant une réponse à cette demande.
[22] Cet élément de preuve aurait aidé la division générale à comprendre la portée de la décision de révision de la Commission et à décider s’il fallait interpréter cette décision comme étant une révision des deux questions en litige. Cet élément était pertinent pour décider si la division générale avait la compétence nécessaire aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Autres erreurs possibles
Compétence : Départ volontaire sans justification
[23] Le prestataire a présenté des arguments expliquant son désaccord avec la décision de la Commission sur son départ volontaire sans justification.
[24] Cette question n’a pas été soumise à la division générale et je ne peux pas la trancher non plus. La division d’appel a refusé de donner au prestataire la permission de faire appel de cette question. C’est une décision qu’elle a rendue dans un autre dossier à la suite d’une demande distincte. Je n’ai pas le pouvoir de vérifier si la division d’appel a eu raison de refuser la permission.
[25] Le seul recours judiciaire qui s’offrait au prestataire était de demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, ce qu’il a fait. D’après ce que je comprends, il a mis fin à ce recours.
Équité procédurale : Allégations de parti pris
[26] Les allégations de partialité qu’avance le prestataire semblent viser la membre de la division générale qui a examiné son appel de la décision sur le départ volontaire. Il n’est pas non plus d’accord avec la façon dont la membre de la division d’appel a examiné la décision de la division généraleNote de bas de page 4.
[27] Encore une fois, aucune de ces questions n’a été soumise à la division générale durant le processus ayant mené à la décision que conteste le prestataire dans le présent dossier. Par conséquent, je ne peux pas les trancher non plus.
[28] Je n’ai pas le pouvoir de vérifier si la membre qui a réglé un autre appel avait un parti pris envers le prestataire. Je peux seulement examiner la conduite de la membre dans le dossier GE-24-980.
Réparation
[29] Je dois décider ce que je vais faire pour corriger l’erreur de la division générale. Je peux rendre la décision qu’elle aurait dû rendre ou je peux lui renvoyer l’affaire pour réexamenNote de bas de page 5.
[30] Voici la position de la Commission : je devrais renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine la décision et je devrais lui dire de demander à la Commission d’achever la révision.
[31] Je suis d’accord avec la Commission : je dois renvoyer la présente affaire à la division générale pour réexamen.
[32] Comme j’ai conclu à une erreur concernant le mode d’audience choisi par le prestataire, je ne peux pas corriger l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre. Je ne peux pas présumer du résultat d’une audience qui se déroulerait comme le préfère le prestataire. Il se pourrait qu’il soit mieux en mesure d’expliquer ce qui est arrivé à sa demande de révision s’il peut faire valoir sa position de la manière qu’il préfère. Si elle avait entendu ses arguments en personne, la division générale se serait peut-être déclarée compétente, elle aurait peut-être mieux compris les arguments et les éléments de preuve qu’il voulait déposer et elle aurait tranché l’appel sur le fond.
[33] Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen. Si elle décide que la Commission n’a pas encore révisé sa décision sur la question de savoir si le nombre d’heures accumulées par le prestataire était suffisant pour remplir les conditions requises, elle pourra demander à la Commission de terminer sa révision avant de trancher l’affaire.
Conclusion
[34] J’accueille l’appel.
[35] La division générale a fait une erreur de droit, car elle n’a pas tenu l’audience selon le mode choisi par le prestataire. Elle a commis une erreur de fait parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait que le prestataire avait demandé à la Commission de réviser sa décision voulant qu’il n’ait pas accumulé un nombre d’heures d’emploi assurable suffisant pour remplir les conditions requises.
[36] Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.