Assurance-emploi (AE)
Informations sur la décision
La division générale a conclu que la Commission de l’assurance-emploi du Canada avait prouvé que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite. En effet, elle a conclu que le prestataire avait été suspendu pour avoir négligé de faire une chose nécessaire ou pour avoir fait une chose proscrite. La division générale a constaté qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. Le prestataire a ensuite fait appel à la division d’appel, où il a soutenu que la division générale avait commis des erreurs de fait et de droit. Il a également avancé qu’elle n’avait pas respecté les principes de justice naturelle. Plus précisément, la division générale l’aurait privé d’une audience équitable en ne permettant pas à son représentant d’y participer.
La division d’appel a conclu que la division générale avait effectivement enfreint les principes de justice naturelle du fait qu’elle n’avait pas offert au représentant du prestataire la possibilité de participer à son audience. Durant une conférence préparatoire visant à aborder différentes questions avant l’audience, la division générale a informé le prestataire qu’il était peu probable qu’il puisse bénéficier d’une audience « hybride » comme il l’avait demandé. Le prestataire souhaitait participer à l’audience en personne, tandis que son représentant y participerait par vidéoconférence, sur Zoom. La division générale a expliqué au prestataire que les centres Service Canada, où ont lieu les audiences, ne sont pas adaptés à la tenue d’une telle audience. L’audience s’est par la suite déroulée sans l’avocat du prestataire. La division générale n’a jamais pris les dispositions nécessaires pour tenir une audience « hybride », qui aurait permis au représentant du prestataire de participer à l’audience en personne par l’entremise d’une vidéoconférence ou d’une téléconférence. La division d’appel a jugé que la division générale aurait dû permettre au prestataire d’être accompagné de l’avocat qui le représentait durant l’audience, même si des mesures spéciales étaient nécessaires pour permettre la participation simultanée de chacun.
La division d’appel a accueilli l’appel. Elle a renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine toutes les questions en litige.
Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 837
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | D. G. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante ou représentant : | Nikkia Janssen |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 12 mars 2024 (GE-22-3838) |
Membre du Tribunal : | Janet Lew |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 17 juillet 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-283 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.
Aperçu
[2] L’appelant, D. G. (prestataire), fait appel de la décision rendue le 12 mars 2024 par la division générale. Elle a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé qu’il a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle a conclu qu’il avait fait ou omis de faire quelque chose, ce qui avait entraîné sa suspension. La division générale a conclu qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeuse.
[3] La division générale a aussi conclu qu’en raison de l’inconduite, le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[4] Le prestataire dit qu’il n’a pas été suspendu de son emploi, qu’il ne savait pas qu’il pouvait subir des conséquences s’il ne respectait pas la politique de vaccination de son employeuse et qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part. Il explique que son employeuse l’a placé en congé et que c’est ce qu’il faut retenir pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon le prestataire, la division générale a fait des erreurs de droit et de fait.
[5] Le prestataire ajoute que la division générale n’a pas respecté les principes de justice naturelle. Il fait valoir qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable parce que, dans les faits, la division générale n’a pas permis à son avocate ou avocat de participer à l’audience.
[6] Selon la Commission, la preuve démontre clairement qu’il y a eu une inconduite de la part du prestataire. Elle reconnaît toutefois que la division générale a fait une erreur de droit quand elle a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi au lieu d’y être inadmissible.
[7] Les deux parties conviennent que la division générale n’a pas respecté les principes de justice naturelle, car le prestataire n’a pas pu compter sur la présence de son avocate ou avocat à l’audience. Elles sont d’accord sur un autre point : l’appel doit être renvoyé à la division générale pour qu’elle réexamine toutes les questions en litige.
Questions en litige
[8] Voici les questions à trancher dans le présent appel :
- a) La division générale a-t-elle enfreint les principes de justice naturelle parce qu’elle n’a pas offert au prestataire ce qu’il demandait?
- b) La division générale a-t-elle fait une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une suspension?
- c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des erreurs de fait qu’elle a commises de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
Analyse
[9] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si celle-ci a fait une erreur de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.
[10] Pour ce qui est des erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur telle erreur et qu’elle ait fait l’erreur de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 2.
La division générale a enfreint les principes de justice naturelle parce qu’elle n’a pas offert au prestataire ce qu’il demandait
[11] La division générale n’a pas respecté les principes de justice naturelle lorsqu’elle a effectivement refusé au prestataire la possibilité d’assurer la présence de la personne qui devait le représenter à l’audience.
[12] Initialement, la division générale avait fixé la date de l’audience par téléconférence au 1er mai 2023. Le 10 mai 2023, le prestataire a écrit au Tribunal de la sécurité sociale pour demander si la personne qui le représentait pouvait assister à l’audience en personne (en Ontario) alors que lui y assisterait par téléconférenceNote de bas de page 3.
[13] La division générale a organisé une conférence préparatoire pour discuter de diverses questions avant l’audience. À ce moment-là, le membre de la division générale a informé le prestataire qu’il était peu probable qu’on accède à sa demande d’audience « hybride », c’est-à-dire une audience à laquelle lui assisterait en personne et son avocate ou avocat participerait par vidéoconférence sur Zoom. Le membre de la division générale a dit au prestataire que les Centres Service Canada, où ont lieu les audiences, n’avaient pas l’équipement requis pour ce type d’audienceNote de bas de page 4.
[14] Le membre a dit au prestataire qu’il se renseignerait pour savoir si la division générale pouvait organiser une audience « hybride ».
[15] L’audience a été reportée au 15 septembre 2023. Le mode d’audience a été modifié : l’audience allait se dérouler en personne en Colombie-Britannique. Elle s’est déroulée sans l’avocate ou avocat du prestataire. La division générale n’a pas organisé une audience « hybride », c’est-à-dire une audience en personne à laquelle l’avocate ou l’avocat aurait pu participer par téléconférence ou par vidéoconférence. On peut supposer que le prestataire aurait dû dépenser beaucoup trop d’argent pour faire venir son avocate ou avocat, qui travaille en Ontario, pour une audience en personne en Colombie-Britannique.
[16] La division générale aurait dû pouvoir accéder à la demande du prestataire, qui voulait que son avocate ou avocat assiste à l’audience en personne (en Ontario) pendant que lui y assistait par téléconférence (de la Colombie-Britannique) ou bien que le prestataire y assiste en personne pendant que son avocate ou avocat y participait par téléphone ou par vidéoconférence.
[17] Je ne sais pas où se trouvent les bureaux de la personne qui devait représenter le prestataire. Ce ne sont pas tous les Centres Service Canada qui ont l’équipement requis pour les téléconférences et les vidéoconférences, mais celui situé dans la région où se trouve le prestataire avait tout le nécessaire. Si le prestataire avait choisi d’assister à l’audience en personne en Colombie-Britannique, son avocate ou avocat aurait dû pouvoir y assister par téléphone ou par vidéoconférence.
[18] Le prestataire soutient qu’il devrait obtenir une nouvelle audience devant la division générale pour permettre à son avocate ou avocat d’y assister. De son côté, la Commission ne s’oppose pas à ce que l’affaire soit renvoyée à la division générale parce que, selon elle, c’est dans l’intérêt de la justice naturelle.
[19] Je suis d’accord, c’est bien la réparation appropriée. La division générale aurait dû permettre la présence de la personne qui représentait le prestataire, même s’il lui fallait changer le mode d’audience pour le prestataire ou pour son avocate ou avocat. Je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine toutes les questions en litige.
[20] Le prestataire doit immédiatement donner au Tribunal de la sécurité sociale le nom et les coordonnées de son avocate ou avocat. De plus, le prestataire ou la personne qui le représente doit déposer le formulaire d’autorisation approprié au Tribunal.
[21] Si le prestataire demande à la division générale d’organiser une audience « hybride », elle devrait tâcher de lui offrir cette possibilité. Je tiens à aviser le prestataire que la division générale peut aussi aisément organiser des audiences par vidéoconférence. Les personnes qui doivent y participer peuvent le faire depuis à peu près n’importe quel endroit au Canada, pourvu qu’elles aient une connexion Internet.
[22] Comme je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle règle la question en litige, je n’ai pas besoin d’examiner les autres arguments du prestataire. Je vais cependant aborder la question de l’exclusion, pour que les parties puissent mieux la comprendre quand elle sera soulevée.
La division générale a fait une erreur de droit quand elle a conclu que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à la suite d’une suspension
[23] La division générale a fait une erreur de droit quand elle a conclu que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été suspendu pour inconduite.
[24] Une suspension pour inconduite entraîne une inadmissibilité, et non pas une exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5. Le résultat peut sembler identique, car les prestataires ne reçoivent aucune prestation dans les deux cas. Mais il y a une différence entre les deux. L’exclusion entraîne parfois des conséquences plus sévères.
[25] Par conséquent, après avoir conclu que le prestataire avait été suspendu pour inconduite, la division générale a fait une erreur en décidant qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Après avoir tiré cette conclusion, elle aurait dû décider qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations.
Conclusion
[26] La procédure devant la division générale n’était pas équitable pour le prestataire, car elle ne lui a pas offert ce qu’il demandait, c’est-à-dire que son avocate ou avocat puisse participer à l’audience par un autre moyen. L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.