Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 838

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (542399) rendue le 6 octobre 2022
par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Benson Cowan
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 29 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 mars 2024
Numéro de dossier : GE-22-3838

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu parce qu’il n’a pas respecté la politique de son employeuse sur la vaccination contre la COVID-19.

[4] La Commission a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire ne nie pas le fait qu’il a été suspendu à cause de la politique de vaccination de son employeuse. Mais il dit que la politique était illégale et que ce qu’il a fait ne constitue pas une inconduite.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il été suspendu pour inconduite?

Analyse

[7] Pour savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[8] Je conclus que le prestataire a été suspendu en raison de la politique de son employeuse sur la vaccination contre la COVID-19.

[9] Le dossier de la Commission ne comprend aucune copie de la politique. Elle a apparemment réglé la demande de prestations de l’appelant sans citer le texte même de la politique. Il y a donc peu d’informations précises sur la suspension de l’appelant. La Commission a cependant bel et bien discuté de l’appelant avec l’employeuse. Au départ, la personne qui représentait l’employeuse ne voulait donner aucun renseignement à la Commission. Après un deuxième appel téléphonique et quelques encouragements de la part de la personne qui représentait la Commission, la personne qui représentait l’employeuse a affirmé que l’appelant a été placé en congé sans solde [traduction] « en raison de la vaccination obligatoire » après deux demandes de mesures d’adaptation. L’employeuse a dit que la suspension de l’appelant était en fait un départ volontaire.

[10] La Commission a rejeté la demande de prestations parce que l’appelant avait volontairement quitté son emploi sans justification. Après la révision du dossier, elle a plutôt rejeté sa demande de prestations parce qu’il avait été suspendu pour inconduite.

[11] L’appelant a déposé la version anglaise du document intitulé « Cadre de mise en œuvre de la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du CanadaNote de bas de page 2 ». Il a aussi fourni la version anglaise du document intitulé « Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du CanadaNote de bas de page 3 ». Ensemble, les deux textes mettent les choses en contexte, ce qui aide beaucoup à comprendre la suspension de l’appelant.

[12] Conformément aux termes de la politique, l’appelant convient qu’il a été suspendu parce qu’il ne s’est pas fait vacciner. Il a demandé des mesures d’adaptation pour motif religieux, sans succès. Il a respecté toutes les dispositions de la politique pour la déclaration de son statut à son employeuse. Mais n’étant pas vacciné, il a été suspendu le 11 février 2022.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] La raison pour laquelle le prestataire a été renvoyé est une inconduite au sens de la loi.

[14] Malheureusement, la Loi utilise le mot « inconduite ». Dans l’usage courant, ce terme laisse entendre que la conduite est mauvaise ou fautive par nature. En effet, la Cour d’appel fédérale a déjà qualifié tout acte constituant une inconduite de « répréhensibleNote de bas de page 4 ».

[15] Peu importe ce que l’on peut penser des raisons pour lesquelles l’appelant n’a pas voulu se faire vacciner, ce qu’il a fait n’était pas du tout répréhensible. Il a été direct et honnête avec son employeuse. Il a suivi la politique pour divulguer son statut et demander des mesures d’adaptation.

[16] Dans des décisions plus récentes, la Cour d’appel fédérale s’est écartée de l’idée que l’inconduite est un acte répréhensible. Elle interprète maintenant l’inconduite comme une simple « violation, par l’employé, d’une règle d’emploiNote de bas de page 5 ». Très récemment, la Cour a affirmé que le critère de l’inconduite exclut l’évaluation de la conduite de l’employeuse ou de l’employeur. Elle a précisé qu’il s’agit surtout de savoir si la personne a enfreint la politique de son employeur de façon consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. 

[17] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée et que ce soit une violation de la politique de l’employeuse. En d’autres termes, il faut que la conduite soit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. L’inconduite, c’est aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[18] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et que la possibilité de se faire renvoyer ou suspendre pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 10.

[19] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 11.

[20] Selon la Commission, il y a eu inconduite, car l’appelant a été suspendu parce qu’il ne s’est pas fait vacciner conformément à la politique de son employeuse. Je dois dire que le fait que la Commission n’a déposé aucune copie de la politique est préoccupant. Cela porte à croire qu’en réponse à la demande initiale de prestations et à la demande de révision, elle a rendu ses décisions sans avoir tous les documents nécessaires. Dans ses observations écrites, elle présente son argument en s’appuyant sur la copie de la politique que l’appelant a déposée.

[21] Selon l’appelant, il n’y a pas eu d’inconduite pour deux raisons. Premièrement, il affirme que la politique ne devrait pas s’appliquer parce qu’elle est illégale. Il a rédigé des observations détaillées à ce sujet. Deuxièmement, il affirme que ce qu’il a fait ne pouvait pas constituer une inconduite parce que son employeuse et sa convention collective définissaient précisément la notion d’inconduite et qu’il existait un ensemble précis de politiques régissant la détermination de ce qui pouvait être considéré comme une inconduite.

[22] Au sujet du caractère illégal de la politique, l’appelant a présenté plusieurs arguments. Je comprends qu’il ne soit pas d’accord avec la politique et qu’il croie fermement que c’était une violation de ses droits. Mais je ne peux pas examiner de tels arguments dans le présent appel. La politique a été mise en place par son employeuse et les modalités ont été communiquées à l’appelant. Il trouvait peut-être que c’était une politique discutable, mais il savait qu’il risquait une suspension s’il ne se faisait pas vacciner.

[23] En ce qui concerne la question de l’existence d’un processus complet de gestion des cas d’inconduite, j’ai jugé que la plupart des arguments de l’appelant étaient intéressants et méritaient un examen attentif. Il a souligné que le mot « inconduite » ne figurait pas dans la politique en tant que telle et que son employeuse n’avait jamais dit que son comportement était une inconduite durant sa discussion avec la Commission. Il a aussi pris le temps de bien expliquer la marche à suivre en cas d’allégation d’inconduite au titre de sa convention collective et la façon dont elle n’a pas été suivie dans la présente affaire. Il a aussi expliqué pendant un certain temps l’importance du code que son employeuse a inscrit quand il est parti en congé.

[24] L’essentiel de l’argument de l’appelant se résume à ceci : ses conditions d’emploi incluent déjà un système complet de gestion des cas d’inconduite, qui est prévu par sa convention collective. Par conséquent, selon lui, ni la politique ni la Loi ne peuvent créer une démarche parallèle qui ne tient pas compte de la convention collective ni des conditions d’emploi qui étaient en place avant que son employeuse adopte la politique sur la COVID-19.

[25] L’argument de l’appelant comporte de nombreux points à prendre en considération. Ses conditions d’emploi sont prévues par sa convention collective. On y trouve notamment les procédures à suivre avant une possible suspension. Ainsi, la situation est différente de celle d’une personne non syndiquée dont les conditions de travail peuvent être modifiées par l’employeuse ou l’employeur. L’adoption d’une politique qui n’a pas été négociée avec le syndicat ou l’annulation des dispositions de la convention collective par les dispositions générales de la Loi soulèvent des préoccupations légitimes.

[26] Toutefois, la Cour d’appel fédérale a décidé que les dispositions d’une convention collective n’empêchent pas l’application de la politique de vaccination dans le présent contexte. Dans l’affaire Spears v Canada (Attorney General), 2024 FC 329 [en anglais seulement], dont le contexte factuel est presque identique au présent dossier, la Cour d’appel fédérale a écrit ceci :

[traduction]

Dans la présente affaire, la preuve a confirmé que : l’employeur a adopté une politique, madame Spears connaissait la politique, elle connaissait aussi les conséquences du non-respect de la politique et elle a choisi de ne pas la respecter. La politique était toujours valide même si elle ne faisait pas initialement partie de la convention collective ou du contrat mis par écrit. La Cour a déjà confirmé qu’il peut y avoir une inconduite même si la politique violée est adoptée après l’embauche […].

[27] Mon opinion sur les arguments de l’appelant qui mériteraient d’être examinés de plus près importe peu, car je suis obligé de suivre les directives de la Cour d’appel fédérale.

[28] Je conclus donc que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Comme dans l’affaire Spears, l’appelant savait qu’il y avait une politique et il connaissait les conséquences d’être non vacciné.

[29] Compte tenu des conclusions que je viens de mentionner, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[30] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. L’appel est donc rejeté.

[31] Les problèmes liés à la mise en œuvre de la vaccination obligatoire pendant la pandémie de COVID-19 sont bien connus et font encore l’objet de vives contestations. La plupart des échanges autour de cette question ont été houleux et peu courtois. Je tiens à féliciter l’appelant pour l’expression soignée, réfléchie et polie de son profond désaccord avec la politique et de sa position dans le présent appel.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.