Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1521

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelant : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (658270) datée du 18 avril, 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 5 décembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-3336

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le 7 juillet 2023, l’appelant a quitté son emploi de commis à l’accueil dans un magasin de détail et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que l’appelant aurait pu rester dans son ancienne ville jusqu’à ce qu’il trouve un emploi dans sa nouvelle ville de résidence au lieu de démissionner et de se retrouver dans une situation de chômage.

[6] L’appelant n’est pas d’accord et affirme avoir fait une erreur dans sa demande de prestations. Il affirme que la véritable raison pour laquelle il a quitté son emploi est qu’il a été harcelé et menacé par des collègues.

Questions que je dois examiner en premier

La division d’appel a renvoyé l’appel à la division générale

[7] L’appelant a déclaré dans son avis d’appel qu’il voulait que son audience se déroule par téléphone, en personne ou par écrit. Le Tribunal a appelé l’appelant pour lui demander laquelle des trois options il préférait. L’appelant a dit qu’il préférait que son audience se déroule par écrit.

[8] La division générale a écrit à l’appelant pour lui proposer de tenir l’audience en personne afin de permettre une audience complète et équitable. La division générale a demandé à l’appelant ce qu’il pensait. L’appelant a dit qu’il préférerait tout de même une audience par écrit.

[9] La division générale a décidé de tenir une audience en personne, mais l’appelant n’y a pas assisté. La division générale a procédé à l’audience et a rejeté son appel. La division d’appel a accueilli l’appel de l’appelant et l’a renvoyé à la division générale. Elle a conclu que le processus n’avait pas été équitable envers l’appelant.

L’appelant n’a pas répondu aux questions qui lui ont été envoyées par écrit

[10] Le Tribunal a de nouveau appelé l’appelant pour savoir lequel des trois modes d’audience qu’il avait choisis dans son avis d’appel était celui qu’il préférait. L’appelant a répété qu’il croyait que cette affaire pouvait être réglée par écrit.

[11] Le 6 novembre 2024, le Tribunal a envoyé par courriel des questions à l’appelant (à l’adresse courriel fournie). Il avait jusqu’au 18 novembre 2024 pour répondre, mais il ne l’a pas fait. Le 26 novembre 2024, le Tribunal a laissé à l’appelant un message vocal lui demandant de rappeler le Tribunal, car on n’avait pas reçu de réponses aux questions. L’appelant n’a toujours pas rappelé.

[12] Lorsque le Tribunal envoie un document à une partie par courriel, il est considéré comme ayant été reçu le jour ouvrable suivantNote de bas page 1. L’appelant a donc reçu les questions qui lui ont été envoyées par courriel le 7 novembre 2024. Toutefois, il n’a pas répondu aux questions dans le délai prévu.

[13] Je suis convaincue que l’appelant a reçu les questions qui lui ont été envoyées par courriel. J’ai donc rendu la décision, sans ses commentaires supplémentaires.

Question en litige

[14] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[15] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[16] J’admets que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant convient qu’il a démissionné le 14 juillet 2023. Je ne vois rien au dossier qui contredit cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[17] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[18] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’elle était fondée à le faire.

[19] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas page 3. Il s’agit notamment du harcèlement sexuel ou autre type de harcèlement, des conditions de travail dangereuses pour la santé et la sécurité et de l’obligation de prendre soin d’un proche parentNote de bas page 4.

[20] Il revient à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas page 5. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances présentes au moment de son départ.

[21] L’appelant affirme avoir quitté son emploi parce qu’il a été harcelé et menacé par des collègues. Cependant, il a d’abord dit qu’il avait démissionné pour pouvoir déménager afin d’être plus près de ses parents âgés. L’appelant affirme que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là en raison des menaces auxquelles il faisait face au travail.

[22] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au moment où il l’a fait. Plus précisément, elle affirme que l’appelant aurait pu rester à son ancienne résidence pendant qu’il cherchait un emploi dans la ville où il envisageait de déménager. En ce qui concerne les menaces et le harcèlement, la Commission affirme qu’il n’y a aucune preuve que l’appelant a tenté de remédier à la situation en en discutant avec son employeur.

[23] Je juge que quitter son emploi quand il l’a fait n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Je conclus que l’appelant a choisi de déménager dans une autre ville. J’estime donc qu’il aurait pu trouver un emploi avant de démissionner. Il aurait aussi pu communiquer avec son employeur pour répondre à ses préoccupations au sujet de ce qu’il a appelé des menaces et du harcèlement.

[24] Dans sa demande de prestations, l’appelant a déclaré qu’il avait quitté son emploi pour vivre près de ses parents dans une nouvelle résidence. Il a dit que ses parents sont âgés et ont des problèmes de santé, alors il voulait déménager pour être près d’eux et s’occuper d’eux.

[25] Par la suite, l’appelant a déclaré qu’il avait eu tort d’indiquer dans sa demande de prestations qu’il voulait vivre près de ses parents. Il a dit qu’il avait des problèmes de sécurité personnelle au travail et chez lui, et que le déménagement en ville près de ses parents était la solution. Cependant, selon les notes du dossier de révision de la Commission, l’appelant n’a pas fourni de détails en mentionnant ses préoccupations en matière de sécurité et les problèmes liés à ses fonctions.

[26] L’appelant a déclaré à la Commission que ses parents sont âgés et qu’il vivait trop loin d’eux. Il a dit qu’on lui avait offert un logement dans une ville plus près d’eux. L’appelant a dit qu’il a saisi sa chance et a demandé à son employeur une mutation dans la ville où il allait déménager.

[27] La Commission a parlé à l’employeur de l’appelant. L’employeur a dit que l’appelant avait démissionné pour des raisons personnelles.

[28] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision de rejeter sa demande de prestations. Il a dit qu’il n’avait pas le choix de quitter son emploi pour accepter une offre de logement indexé sur le revenu dans la ville près de ses parents. Il a ajouté qu’il avait des préoccupations en matière de sécurité et des problèmes liés à ses fonctions, mais qu’il était prêt à travailler pour l’employeur à un nouvel endroit.

[29] Les notes de la Commission montrent que lors de sa dernière conversation avec l’appelant, celui-ci a expliqué qu’il avait quitté son emploi pour déménager dans un logement dans une autre ville. Il a dit que pour accepter l’offre de logement, il était obligé de quitter son emploi. Il a ajouté qu’il a conservé son ancien appartement et qu’il faisait des allers-retours au travail du 16 juin 2023 jusqu’à son dernier jour le 14 juillet 2023.

[30] La Commission a maintenu sa décision initiale. Dans son appel de cette décision, l’appelant a déclaré avoir été harcelé et menacé au travail. Il a dit que la raison pour laquelle il n’avait pas soulevé cette question auparavant est que [traduction] « les vivre c’était déjà assez intense ».

[31] L’appelant a donné les détails d’une situation de harcèlement. Il a dit qu’un autre employé l’avait agressé et que cela avait été réglé par des excuses. Cependant, il a dit qu’il gardait ses distances du collègue qui, selon lui, l’avait agressé.

[32] Le [sic] a donné les détails d’une autre situation de harcèlement. Celle-ci impliquait un employé qui semblait avoir un problème de santé. L’appelant a dit qu’il avait essayé d’aider l’employé, mais que celui-ci l’avait attrapé par la chemise et ne voulait pas le laisser partir. L’appelant n’a pas dit ce qui s’est passé par la suite. Cependant, il a dit que le mépris de l’employeur pour la santé et la sécurité était inacceptable.

[33] La Commission souligne que l’appelant n’a pas soulevé de préoccupations en matière de sécurité auprès de Service Canada. L’appelant n’a pas répondu aux questions que je lui ai envoyées. Il n’a donc pas donné plus de détails sur ce qu’il a appelé des menaces et du harcèlement.

[34] Je ne suis pas convaincue que les deux situations auxquelles l’appelant a fait référence démontrent qu’il a été menacé et harcelé. De plus, je ne trouve pas que sa déclaration selon laquelle il a signalé et documenté plus de 40 situations de harcèlement qui ont mené à l’embauche de personnel de sécurité soit suffisante pour le démontrer.

[35] L’appelant a mentionné certains incidents liés à la prévention des pertes et d’autres liés à la sécurité au travail, au code de conduite et à l’éthique en milieu de travail. Cependant, il ressort de sa preuve que l’employeur a réagi, au moins en partie, en embauchant du personnel de sécurité. Si l’appelant estimait que ce personnel ne faisait pas son travail correctement, il aurait pu reparler avec l’employeur. L’appelant a aussi dit qu’un gérant est intervenu lorsqu’un autre employé l’a agressé, et que cela a été réglé par des excuses.

[36] L’appelant n’a donné que les deux exemples impliquant d’autres employés. Si je me fie à ce que l’appelant dit être la réponse de l’employeur, je juge qu’il n’a pas prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable en raison de ses soucis en matière de sécurité.

[37] Les prestataires qui ont des soucis concernant leurs conditions de travail devraient en discuter avec leur employeur pour voir si l’employeur peut les modifier en conséquenceNote de bas page 6. Je conclus que l’appelant a fait cela et que l’employeur a pris des mesures pour répondre à ses préoccupations. Je conclus donc qu’il aurait raisonnablement pu continuer à le faire s’il n’était pas satisfait de la réponse de l’employeur.

[38] Dans une observation mise à jour, l’appelant a déclaré que la clientèle et le personnel avaient informé l’employeur des problèmes de sécurité, mais que l’employeur n’avait pris aucune mesureNote de bas page 7. Cependant, cela ne correspond pas à ce que l’appelant a écrit dans son avis d’appel au sujet de l’embauche du personnel de sécurité en raison des 40 incidents qu’il avait documentés et signalés. Cela ne correspond pas non plus avec le fait que l’appelant a dit qu’un conflit avait été réglé par des excuses après l’intervention du gérantNote de bas page 8.

[39] J’accorde plus d’importance à la déclaration initiale de l’appelant dans son avis d’appel au sujet de la réponse de l’employeur. En effet, en général, l’appelant semblait adapter ou ajuster sa preuve à chaque observation pour que sa demande de prestations puisse être approuvée (comme je l’explique ci-dessous).

[40] L’appelant a d’abord déclaré qu’il avait démissionné parce qu’il avait reçu une offre de logement plus près de ses parents âgés. Ensuite, il a dit qu’il avait des préoccupations en matière de sécurité et des problèmes liés à ses fonctions au travail, sans fournir de détails. Il a ensuite dit qu’il avait démissionné parce qu’il avait été menacé et harcelé, mais que son employeur avait pris des mesures. Ensuite, il a dit que l’employeur n’avait rien fait.

[41] Je ne doute pas que l’appelant ait eu des conflits avec des collègues. Il a peut-être aussi eu des inquiétudes quant à la sécurité. Cependant, j’ai déjà conclu que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner dans ces circonstances puisque l’employeur avait déjà pris des mesures par le passé.

[42] L’employeur a déclaré que l’appelant avait quitté son emploi pour des raisons personnelles. J’en conclus que l’appelant n’a probablement pas dit à l’employeur qu’il quittait son emploi en raison de ce qu’il avait vécu au travail.

[43] Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré qu’il ne voulait pas soulever certains des problèmes personnels qu’il avait connus au travail parce qu’il postulait un poste à temps plein pour le même employeur (quoique dans une autre succursale) dans la ville où il déménageait. J’estime donc qu’il est probable que la véritable raison pour laquelle il a démissionné était d’accepter un logement indexé sur le revenu afin de se rapprocher de ses parents.

[44] L’appelant a laissé entendre que son employeur aurait dû informer la Commission de ce qu’il avait vécu au travail. Cependant, je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il appartient à l’appelant, et non à l’employeur, de prouver qu’il était fondé à quitter son emploi.

[45] Je retiens que l’appelant a déclaré qu’il était le proche aidant de ses parents et qu’il est le seul membre de leur famille. Cependant, je ne suis pas convaincue que cela signifie qu’il devait quitter son emploi quand il l’a fait. Il a dit à la Commission que ses parents habitaient dans des villes différentes et qu’il ne vivait pas avec eux. Il a dit que la raison pour laquelle il a fait une demande de logement indexé sur le revenu est qu’il voulait être plus près de ses parents.

[46] Dans des observations mises à jour, l’appelant a dit qu’il devait s’occuper de ses parents et qu’il se pouvait que ceux-ci emménagent chez lui. Il a dit qu’il cherchait à devenir proche aidant.

[47] L’appelant a envoyé une autre mise à jour pour dire que sa mère est malheureusement décédée. Je compatis avec lui. Cependant, j’estime que son témoignage n’est pas assez détaillé pour prouver qu’il a déménagé en raison d’une obligation de prendre soin d’un proche parent au sens de la loi. De plus, je signale que l’appelant a dit que c’était son père qu’il l’a conseillé de dire qu’il déménageait pour s’occuper de ses parents.

[48] Je conclus que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant. Je comprends qu’il voulait vivre plus près de ses parents. Cependant, j’estime qu’il aurait pu attendre de trouver un autre emploi dans la ville de sa nouvelle résidence avant de démissionner. Il aurait aussi pu demander un congé pour cette raison. Par conséquent, je juge qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

Conclusion

[49] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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