Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1644

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (669164) datée du 27 juin 2024
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean Yves Bastien
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 14 octobre 2024
Numéro de dossier : GE-24-2715

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] L’emploi que l’appelant a tenté d’occuper en juin 2019 n’était pas un emploi convenable, alors il n’était pas obligé de conserver cet emploi.

[3] L’appelant a prouvé qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] C. G. est l’appelant. Il est technicien de service. Il a travaillé pour une entreprise jusqu’en avril 2019. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi et une période de prestations a été établie pour lui à compter du 7 avril 2019.

[5] L’appelant a commencé à chercher un emploi et, le 17 juin 2019, il a tenté d’occuper un nouvel emploi chez X, une entreprise de location d’équipement de champs pétroliers située en Alberta.

[6] Cependant, l’appelant a quitté cet emploi très peu de temps après son arrivée. Il affirme que l’emploi n’était pas un « emploi convenable », et qu’il n’était donc pas obligé de rester.

[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme que l’appelant a quitté volontairement son nouvel emploi le 25 juin 2019, sans justification. Elle ne pouvait donc pas continuer de lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi après le 23 juin 2019.

[8] Je dois décider si le nouvel emploi de l’appelant chez X « n’était pas un emploi convenable ».

[9] Si le nouvel emploi de l’appelant était un emploi convenable, je dois décider si l’appelant était fondé à quitter cet emploi lorsqu’il l’a fait.

Question en litige

[10] L’emploi que l’appelant a tenté d’occuper était-il convenable ou non?

[11] Si l’emploi était convenable, l’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[12] L’appelant a obtenu un emploi de technicien de service chez X qui a débuté le 17 juin 2019, mais il est parti peu de temps après avoir commencé.

[13] Le 28 juin 2019, l’employeur a produit un relevé d’emploi qui précisait que l’appelant avait travaillé 50 heures entre le 17 et le 25 juin 2019. Le relevé d’emploi dit que la raison du départ de l’appelant est une « démissionNote de bas de page 1 ».

[14] En 2024, l’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait seulement travaillé pour l’employeur pendant une journée et qu’il ne s’attendait même pas à être payéNote de bas de page 2.

[15] Il y a une divergence quant à la durée réelle du travail de l’appelant chez X. D’une part, le 25 juin 2024, l’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait seulement travaillé une heure. D’autre part, le relevé d’emploi produit par l’employeur le 28 juin 2019 dit que l’appelant a travaillé pendant environ une semaine.

[16] La version des faits de l’appelant repose sur un souvenir, vieux de cinq ans, de son départ de chez X. Je préfère les renseignements fournis par l’employeur (le relevé d’emploi) à la Commission parce qu’ils sont contemporains et ils ont été émis dans les jours suivant le départ de l’appelant en 2019. Par conséquent, je reconnais qu’en juin 2019, l’appelant a travaillé 50 heures sur une période de huit jours.

[17] Peu importe si l’appelant est resté pendant une journée ou huit jours, huit jours c’est assez court pour qu’on puisse toujours qualifier cela de tentative. Il est probablement en la faveur de l’appelant qu’il a conservé son emploi pendant une semaine (et qu’il a fait une bonne tentative) plutôt que de démissionner brusquement une heure après son arrivée.

L’emploi de l’appelant était-il convenable?

[18] L’appelant soutient que l’emploi ne constituait pas un « emploi convenable », et qu’il était donc justifié de partir.

[19] La Commission reconnaît que [traduction] « dans le cas présent, l’appelant a informé la Commission qu’il avait démissionné parce qu’il estimait que le refus de l’employeur de fournir un véhicule de l’entreprise était une modification des conditions d’emploi convenues lors de son embauche ». La Commission affirme que « l’appelant n’a fourni aucune preuve que l’employeur avait promis qu’il pourrait utiliser un camion de l’entrepriseNote de bas de page 3 ».

[20] La Commission fait valoir que [traduction] « même si la Commission reconnaît qu’une entente avait été conclue, le prestataire doit d’abord démontrer que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4.

[21] La Loi sur l’assurance-emploi définit le type d’emploi considéré comme « non convenable ». Elle dit ce qui suit :

Un emploi n’est pas un emploi convenable pour un prestataire s’il s’agit d’un emploi dans le cadre de son occupation ordinaire à un taux de rémunération plus bas ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions appliqués par convention entre employeurs et employés ou, à défaut de convention, admis par les bons employeursNote de bas de page 5.

[22] L’appelant affirme que son emploi chez X n’était pas convenable parce que l’employeur a modifié les conditions d’emploi pour les rendre moins favorables après son embauche. Il affirme que les conditions d’emploi initiales étaient qu’on lui assignerait un camion de l’entreprise pour effectuer du travail. L’appelant affirme qu’une fois sur le lieu de travail, l’employeur n’était plus prêt à le laisser utiliser un camion de l’entrepriseNote de bas de page 6.

Jurisprudence

[23] La Cour d’appel fédérale a établi que « la notion d’“emploi convenable” figurant dans ces dispositions est en partie définie par rapport à la situation personnelle [de l’appelant] et, fait encore plus important, qu’il s’agit d’une notion qui peut varier au fur et à mesure que la période de chômage se prolongeNote de bas de page 7 ».

[24] J’en conclus donc que la situation personnelle de l’appelant, comme ne pas avoir un véhicule convenable ou ne pas vouloir risquer d’utiliser son véhicule personnel, est un élément important à prendre en considération pour établir si son emploi était convenable ou non.

Le camion d’entreprise était-il une condition d’emploi importante?

[25] Parfois, la fourniture d’un véhicule de l’entreprise est un avantage discrétionnaire, par exemple une berline pour les personnes qui travaillent en vente. Il arrive aussi qu’un véhicule de l’entreprise soit un équipement nécessaire pour effectuer le travail de l’entreprise, par exemple une fourgonnette pour les chauffeuses-livreuses et chauffeurs-livreurs. L’employeur a loué de l’équipement de champs pétroliers et l’appelant a été embauché pour l’entretenir.

[26] De par leur nature, les champs pétroliers sont situés dans des endroits éloignés auxquels on accède principalement par des routes secondaires ou non aménagées (en « gravier »). L’utilisation d’un véhicule particulier pour l’entretien de l’équipement de champs pétroliers causerait une usure excessive du véhicule et des risques routiers comme les projections de gravier. Les véhicules particuliers peuvent aussi avoir de la difficulté à atteindre des sites éloignés pendant la saison des neiges et où il y a de la boue.

[27] J’admets donc que la fourniture d’un camion de l’entreprise à un employé qui est censé assurer l’entretien de l’équipement des champs pétroliers serait une condition d’emploi importante, et que ce serait reconnu comme tel par de bons employeurs dans le « champ de pétrole ».

Emploi non convenable

[28] La Cour d’appel fédérale affirme que l’emploi convenable est défini en partie par la situation personnelle du prestataire. Dans le cas de l’appelant, sa situation personnelle était qu’il ne voulait pas risquer d’utiliser son propre véhicule pour se rendre aux champs pétroliers et revenir, et travailler de son véhicule particulier lorsqu’il était sur place.

[29] J’ai accepté plus haut que la fourniture d’un camion de l’entreprise à un employé censé entretenir l’équipement trouvé sur les champs pétroliers serait une condition d’emploi importante.

[30] La Commission fait valoir que [traduction] « l’appelant n’a fourni aucune preuve que l’employeur avait promis (accepté) qu’il pourrait utiliser un camion de l’entrepriseNote de bas de page 8 ». Cependant, l’article 6(4)b) de la Loi sur l’assurance-emploi dit « […] ou, à défaut de convention […] [les conditions] admis[es] par les bons employeurs ». Je reconnais donc que, même si l’appelant n’a fourni aucune preuve que l’employeur a accepté de lui fournir un véhicule de l’entreprise, la fourniture d’un tel véhicule à un employé censé se rendre à divers champs pétroliers et en revenir dans le cadre de l’exercice de son emploi serait plus que probablement une « condition reconnue par de bons employeurs ».

[31] J’admets que l’appelant s’attendait à recevoir un camion de l’entreprise comme condition d’emploi et que lorsque l’employeur a refusé de le faire, une fois que l’appelant a commencé à travailler, cela équivalait à [traduction] « des conditions moins favorables […] »

[32] Par conséquent, compte tenu de la situation personnelle de l’appelant et du fait que ses conditions d’emploi ont changé lorsque l’employeur a refusé de lui fournir un camion de l’entreprise malgré ce à quoi il s’attendait, je juge qu’il est plus probable qu’improbable que l’emploi de l’appelant chez X n’était pas un emploi convenable.

L’appelant doit-il prouver qu’il était fondé à quitter son emploi?

[33] J’ai conclu ci-dessus que l’emploi de l’appelant chez X n’était pas convenable pour les raisons mentionnées ci-dessus. Par conséquent, l’appelant n’était pas obligé d’accepter cet emploi. 

[34] C’est à l’honneur de l’appelant qu’il a tenté de faire fonctionner l’emploi pendant une semaine, mais il a seulement réussi à démontrer que l’emploi ne lui convenait pas.

[35] Comme l’appelant n’était pas obligé d’accepter l’emploi, on ne peut pas dire qu’il a démissionné. Par conséquent, la situation de l’appelant ne correspond pas à un départ volontaire d’un emploi convenable.

[36] Ainsi, il n’est pas nécessaire que l’appelant prouve qu’il était fondé à quitter son emploi chez X.

Autre question à prendre en compte

[37] L’attention de la Commission est attirée sur le fait que l’appelant a par la suite trouvé du travail chez Digi Canada à compter du 23 septembre 2019. L’issue du présent appel pourrait avoir une incidence sur les conditions requises pour que l’appelant puisse présenter une demande ultérieure de prestations régulières à la suite de son départ de Digi le 27 décembre 2019.

Conclusion

[38] Je conclus que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

[39] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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