Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 57

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (669164) datée du 27 juin 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 janvier 2025
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 22 janvier 2025
Numéro de dossier : GE-24-3984

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale du Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que l’appelant a donné de faux renseignements, alors elle avait 72 mois pour réexaminer sa demande. Elle a démontré avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de prestations de l’appelant.

[3] L’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi. Il a été congédié par l’employeur. De plus, la Commission n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[4] L’appelant a été mis à pied le 25 juin 2019, pendant sa période de prestations d’assurance-emploi. La Commission a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de démissionner).

[5] La Commission affirme que l’appelant a fait de fausses déclarations lorsqu’il a omis de déclarer sa rémunération pour la semaine commençant le 16 juin 2019 et le fait que son emploi a pris fin. Elle avait donc 72 mois pour réexaminer sa demandeNote de bas de page 2. Elle affirme avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé sa demande de prestations.

[6] La Commission affirme qu’au moment où l’appelant a quitté son emploi, il n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi. Elle dit qu’il n’a pas expliqué pourquoi il ne pouvait pas continuer à travailler avec l’employeur, même sans utiliser un camion de l’entreprise.

[7] L’appelant convient qu’il a fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis de déclarer sa rémunération pour la semaine commençant le 16 juin 2019. Cependant, il affirme que la Commission a négligé un facteur pertinent lorsqu’elle a réexaminé sa demande de prestations, car elle ne lui a pas parlé des circonstances.

[8] L’appelant dit qu’il n’a pas démissionné. Il soutient que son employeur l’a congédié quand il a appris qu’il avait fait une entrevue pour un autre emploi.

Questions en litige

[9] La Commission dispose-t-elle d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demande de l’appelant parce qu’une fausse déclaration a été faite?

[10] La Commission a-t-elle démontré qu’elle a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer la demande de prestations de l’appelant?

[11] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

  • Dans l’affirmative, était-il fondé à quitter son emploi et n’avait-il aucune autre solution raisonnable?
  • Sinon, a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

La Commission dispose-t-elle d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demande de l’appelant parce qu’une fausse déclaration a été faite?

[12] La Commission dispose habituellement de 36 mois, après le versement des prestations, pour réviser sa décision et calculer un trop-payé. Le délai est porté à 72 mois si la Commission est d’avis qu’une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à la demandeNote de bas de page 3.

[13] La Commission affirme que l’appelant a fait de fausses déclarations, alors elle avait 72 mois pour réexaminer sa demandeNote de bas de page 4. Plus précisément, elle affirme qu’il n’a pas déclaré sa rémunération pour la semaine commençant le 16 juin 2019 et le fait que son emploi a pris finNote de bas de page 5.

[14] L’appelant convient qu’il a fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis de déclarer sa rémunération pour la semaine commençant le 16 juin 2019.

[15] La division d’appel du Tribunal affirme que la Commission n’a pas à démontrer qu’une partie appelante a « sciemment » fait une déclaration fausse ou trompeuse pour porter le délai à 72 mois. La Commission doit plutôt démontrer qu’elle pouvait raisonnablement conclure que l’appelant a fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuseNote de bas de page 6.

[16] La Commission et l’appelant conviennent que l’appelant a fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis de déclarer sa rémunération pour la semaine commençant le 16 juin 2019. Je ne vois aucune preuve du contraire. Par conséquent, la Commission avait 72 mois pour réexaminer la demande de l’appelant.

La Commission a-t-elle démontré qu’elle a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer la demande de prestations de l’appelant?

[17] Lorsque la Commission réexamine une décision, elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Le Tribunal peut annuler une décision discrétionnaire si, par exemple, une partie appelante peut établir que la Commission aNote de bas de page 7 :

  • agi de mauvaise foi;
  • agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • tenu compte d’un facteur non pertinent;
  • ignoré un facteur pertinent;
  • agi de façon discriminatoire.

[18] La Commission affirme avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer la demande de prestations de l’appelant, car celui-ci a fait une fausse déclaration. Elle affirme qu’elle n’a pas besoin de parler à l’appelant pour établir si de fausses déclarations ont été faites.

[19] L’appelant affirme que la Commission a ignoré un facteur pertinent lorsqu’elle a réexaminé sa demande de prestations. Il affirme qu’elle ne pouvait pas raisonnablement être d’avis que de fausses déclarations avaient été faites lorsqu’elle a rendu sa décision, datée du 26 février 2024, parce qu’elle ne lui avait pas parlé.

[20] L’employeur a produit un relevé d’emploi le 28 juin 2019. Celui-ci précise que l’appelant a travaillé du 17 juin 2019 au 25 juin 2019 et qu’il a gagné 1 456 $Note de bas de page 8.

[21] Le 6 septembre 2019, l’employeur a fourni des renseignements sur la paie à la Commission. L’appelant aurait gagné 1 064,50 $ du 16 juin 2019 au 22 juin 2019Note de bas de page 9.

[22] L’appelant a déclaré qu’il n’a reçu aucune rémunération au cours de la période du 9 juin 2019 au 22 juin 2019Note de bas de page 10.

[23] La Commission a tenté de joindre l’appelant par téléphone le 20 décembre 2022, mais le numéro de téléphone n’a pas fonctionné ou n’était pas en service, alors elle a écrit à l’appelantNote de bas de page 11.

[24] L’appelant affirme qu’il ne vivait plus à l’adresse inscrite au dossier de la Commission. Il dit qu’il n’était pas au courant de la décision d’évaluer un trop-payé jusqu’à ce que l’Agence du revenu du Canada commence à saisir une partie de son remboursement d’impôt.

[25] La Commission a une politique de réexamen. Elle précise qu’une demande de prestations sera réexaminée seulement siNote de bas de page 12 :

  • il y a un moins-payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la partie appelante aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

[26] Je considère que la Commission démontre avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer la demande de prestations de l’appelant. La Commission a suivi sa politique de réexamen, car des prestations ont été versées à la suite d’une fausse déclaration. Elle a recueilli de nouveaux éléments de preuve, y compris des renseignements sur la paie fournis par l’employeur. Elle a tenté de communiquer avec l’appelant. Bien qu’elle ait attendu jusqu’en décembre 2022 avant de tenter de joindre l’appelant, et jusqu’en février 2024 pour rendre sa décision, elle a tout de même agi dans le délai de 72 mois.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[27] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[28] La Commission affirme que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[29] L’appelant dit avoir été congédié par son employeur, après que celui-ci a appris que l’appelant avait fait une entrevue pour un autre emploi.

[30] Le relevé d’emploi produit par l’employeur précise que l’appelant a démissionnéNote de bas de page 13. Lorsqu’on a demandé à l’employeur de fournir des renseignements sur la paie, il a écrit que l’appelant avait trouvé un emploi qui correspondait mieux à son expérience de travail précédenteNote de bas de page 14.

[31] Rien au dossier d’appel ne porte à croire que la Commission a parlé à l’employeur.

[32] L’appelant affirme que l’employeur a fait faillite en 2020.

[33] La Commission a discuté avec l’appelant le 25 juin 2024. Ses notes disent queNote de bas de page 15 :

  • l’appelant a quitté son emploi parce que l’employeur ne voulait pas lui donner le camion de l’entreprise, et il a modifié les conditions après son embauche;
  • l’appelant essayait de trouver un autre emploi et il s’attendait à en trouver un autre après son départ, mais il n’avait pas d’autres offres d’emploi au moment où il a quitté son emploi.

[34] Dans l’avis d’appel, l’appelant dit avoir quitté son emploi parce qu’il pensait qu’il en aurait bientôt un autre. Il affirme que l’employeur a fait faillite, et qu’il a donc été très difficile de trouver des documents au sujet de son départNote de bas de page 16.

[35] Dans ses observations, l’appelant dit avoir été congédié par son employeur, après que celui-ci a appris qu’il avait fait une entrevue pour un autre emploiNote de bas de page 17.

[36] L’appelant a déclaré qu’il n’est pas d’accord avec le fait qu’il a quitté son emploi parce que l’employeur n’était pas prêt à lui donner un camion de l’entreprise. Il dit qu’il ne se souvient pas avoir dit cela à la Commission.

[37] L’appelant affirme qu’il savait dans les heures suivant le début de son emploi qu’il ne resterait pas longtemps chez l’employeur. Il affirme que l’employeur louait de l’équipement, mais que le chantier était plein d’équipement, ce qui indique que l’employeur ne faisait pas d’argent. Il affirme qu’il a été embauché comme technicien sur le terrain, mais que l’employeur n’avait pas ce type de travail à lui offrir, alors il effectuait les tâches d’un magasinier. Il affirme que, comme il n’y avait pas de travail de technicien sur le terrain, il ne pouvait pas utiliser un camion de l’entreprise. 

[38] L’appelant affirme avoir continué à chercher un autre emploi. Il précise avoir fait plusieurs entrevues, dont une le 25 juin 2019.

[39] L’appelant dit que le 25 juin 2019, l’employeur (son superviseur) lui a demandé s’il était à une entrevue et il a répondu « oui ». L’employeur lui a demandé s’il s’était fait offrir un emploi et il a répondu « non ». Il lui a alors demandé s’il allait démissionner et il a répondu qu’il le ferait une fois qu’il serait certain d’avoir le posteNote de bas de page 18.

[40] L’appelant affirme que l’employeur lui a dit qu’il n’avait pas à donner un préavis de deux semaines et qu’il n’avait pas à revenir travailler. Il affirme que l’employeur semblait irrité. L’appelant lui a demandé s’il devait venir au travail le lendemain et l’employeur lui a répondu : « ne te déranges pas, tout va bien ».

[41] L’appelant affirme avoir envoyé un message texte à son employeur le lendemain pour lui poser des questions sur le travail, mais il n’a pas eu de réponse. Il dit qu’il avait l’intention de conserver l’emploi jusqu’à ce qu’il ait une autre offre d’emploi. Il dit qu’il commençait à avoir des difficultés financières et qu’il faisait deux fois plus d’argent en travaillant que ce qu’il recevrait en prestations d’assurance-emploi.

[42] L’appelant affirme qu’il était seulement en contact avec son superviseur. Il n’a pas communiqué avec les ressources humaines ni avec le siège social, car ces ministères étaient situés dans une autre région de la province.

[43] J’ai demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas dit à la Commission qu’il avait l’intention de conserver son emploi jusqu’à ce qu’il ait une autre offre d’emploi. Il dit ne pas avoir compris ce qui se passait. Il n’a pas compris le rôle de la Commission et celle-ci ne lui a pas expliqué la situation. Il ne voulait rien dire avant de comprendre de quoi on l’accusait.

[44] L’appelant affirme qu’il a seulement reçu une offre d’emploi environ un mois plus tard et qu’il l’a refusée parce qu’il avait déjà amorcé le processus d’embauche pour un autre emploiNote de bas de page 19.

[45] L’appelant a déposé des dossiers de consultation en santé mentale à l’appui de son appel. Il affirme que les dossiers montrent qu’il croyait avoir été congédié par l’employeur. Son journal en ligne de thérapie contient les messages suivantsNote de bas de page 20 :

[traduction]

  • Le 23 juin 2019, l’appelant a écrit qu’il travaille à son nouvel emploi depuis une semaine, mais qu’il a une entrevue pour un autre emploi qu’il pense qu’il préférerait. Il est anxieux de quitter un emploi après moins de 2 semaines.
  • Le 12 juillet 2019, l’appelant a écrit qu’il a une entrevue avec un employeur avec qui il s’était déjà entretenu.
  • Le 2 août 2019, l’appelant écrit qu’il n’a toujours pas obtenu d’emploi.
  • Le 2 décembre 2019, l’appelant a écrit que son emploi n’est pas le meilleur pour le moment et qu’il a de la difficulté à apprendre. Il affirme avoir été congédié de son dernier emploi sans qu’il s’y attende.
  • Le 13 décembre 2019, l’appelant a écrit qu’il a été essentiellement congédié de deux emplois.
  • Le 15 février 2020, l’appelant a écrit : « Comme lorsque je me suis fait congédier en juin, et elle a dit que c’était parce que j’avais une mauvaise attitude. »

[46] Je conclus que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi. Il a été congédié par son employeur. Je me fie au témoignage de l’appelant pour rendre ma décision. Il a fourni une explication raisonnable concernant les divergences dans le dossier d’appel. Il a dit qu’il ne comprenait pas le rôle de la Commission, ce qui lui était reproché et qu’il était difficile de trouver des documents sur son départ parce que l’employeur avait fait faillite.

[47] La Commission a déposé des documents de l’employeur qui précisent que l’appelant a quitté son emploi et qu’il a trouvé un emploi semblable à son travail précédent. Cependant, la Commission n’a pas parlé à l’employeur. Elle n’a pas soumis les déclarations de révision ou les observations de l’appelant à l’employeur pour obtenir ses commentaires.

[48] Je conclus que l’appelant n’avait pas l’intention ou le choix de quitter son emploi le 25 juin 2019. L’employeur a congédié l’appelant après avoir appris qu’il faisait une entrevue pour un emploi ailleurs. L’appelant a avoué qu’il cherchait un autre emploi. Il a déclaré qu’il avait l’intention de conserver son emploi jusqu’à ce qu’il trouve un emploi ailleurs.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[49] La raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite au sens de la loi.

[50] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 21. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 22. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 23).

[51] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une possibilité réelle qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 24.

[52] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 25.

[53] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite. Par exemple, elle n’a pas démontré que l’appelant a agi à l’encontre d’une politique de l’employeur, y compris une règle interdisant l’absentéisme, le travail pour un concurrent ou un comportement inapproprié.

Conclusion

[54] Je conclus que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

[55] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.