[TRADUCTION]
Citation : IK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2111
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | I. K. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (625741) datée du 23 octobre, 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Audrey Mitchell |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 14 décembre 2023 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 21 décembre 2023 |
Numéro de dossier : | GE-23-3240 |
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Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, l’appelant n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, la demande de l’appelant ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas page 1.
Aperçu
[3] L’appelant a demandé des prestations d’assurance‑emploi le 18 août 2023. Il demande maintenant que sa demande initiale soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 12 mars 2023. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.
[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.
[5] La Commission soutient que l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation. Elle affirme qu’une personne raisonnable aurait vérifié ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance‑emploi.
[6] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il était en recherche du travail et que son employeur a tardé à lui remettre son relevé d’emploi.
Question en litige
[7] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme ayant été présentée le 12 mars 2023? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.
Analyse
[8] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, la partie appelante doit prouver les deux choses suivantesNote de bas page 2 :
- a) Elle doit avoir un motif valable justifiant le retard pendant toute la période du retard. Autrement dit, elle doit fournir une explication que la loi reconnaît comme acceptable.
- b) Elle doit remplir les conditions requises à la date antérieure demandée (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que la demande soit antidatée).
[9] Les principaux arguments dans la présente décision portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. J’examinerai donc cet aspect en premier.
[10] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similairesNote de bas page 3. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait s’il s’était trouvé dans une situation semblable.
[11] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette manière pendant toute la période du retardNote de bas page 4. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 12 mars au 18 août 2023.
[12] L’appelant doit également démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas page 5. Cela signifie que l’appelant doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas page 6.
[13] L’appelant doit établir ces faits selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.
[14] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il était en recherche d’emploi et que son employeur a tardé à lui remettre son relevé d’emploi.
[15] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard, car il avait l’obligation de vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la Loi.
[16] J’estime que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations.
[17] L’employeur de l’appelant a produit un relevé d’emploi, dans lequel il indique comme motif de cessation d’emploi un « congédiement ou une suspension ». Ce document montre que le dernier jour où l’employeur a payé l’appelant est le 1er janvier 2023 et que l’employeur a produit le relevé d’emploi le 8 septembre 2023.
[18] L’appelant a demandé des prestations d’assurance‑emploi le 18 août 2023. Il a ensuite demandé à la Commission d’antidater sa demande au 12 mars 2023. Les notes de la Commission montrent que l’appelant a déclaré qu’il avait fait des démarches pour trouver un emploi et qu’il croyait pouvoir en obtenir un. Une autre note montre qu’il a dit qu’il essayait d’obtenir des quarts de travail auprès de son ancien employeur, mais que celui‑ci tardait à lui répondre.
[19] Lors de l’audience, l’appelant a précisé que lorsqu’il parlait de recherche d’emploi, il ne postulait pas auprès d’autres employeurs; il cherchait à obtenir du travail auprès de son ancien employeur, soit à un autre endroit ou d’autres quarts de travail. J’accepte cela comme un fait.
[20] Après que l’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision initiale, l’appelant a déclaré qu’il croyait avoir besoin de son relevé d’emploi pour demander des prestations. Dans son avis d’appel, il a indiqué que le retard de sa demande de prestations était dû au fait que son employeur avait tardé à produire le relevé d’emploi.
[21] L’appelant a affirmé qu’il tentait d’obtenir des quarts de travail de son ancien employeur. Il a précisé avoir demandé à son employeur de produire un relevé d’emploi dans un courriel qu’il a envoyé le 26 avril. Toutefois, il a expliqué qu’il ne s’était pas rendu compte qu’il pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi sans le relevé d’emploi. Il a ajouté qu’une fois que son ancien employeur a confirmé qu’il produirait le relevé d’emploi, il a demandé des prestations.
[22] La Commission a déclaré que la principale raison pour laquelle l’appelant n’a pas demandé immédiatement des prestations d’assurance‑emploi est qu’il cherchait du travail et croyait obtenir un emploi. Elle a dit qu’une personne raisonnable aurait demandé des prestations sans délai tout en poursuivant sa recherche d’emploi et en percevant des prestations.
[23] J’ai interrogé l’appelant au sujet de l’observation de la Commission mentionnée ci‑dessus. Il a répondu qu’il n’avait jamais pensé à demander l’assurance‑emploi puisqu’il pensait recevoir des quarts de travail de son ancien employeur. Il a expliqué que la raison pour laquelle il demande des prestations d’assurance‑emploi à compter du 12 mars 2023 est qu’il était à l’étranger du 3 février au 12 mars 2023. Il a ensuite précisé qu’après son retour, il espérait toujours obtenir des quarts de travail auprès de son ancien employeur.
[24] J’estime que l’appelant a tardé à présenter sa demande de prestations, d’abord parce qu’il tentait d’obtenir des quarts de travail auprès de son ancien employeur, puis parce que l’employeur a tardé à produire le relevé d’emploi. Toutefois, je conclus que l’appelant n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations aux termes de la loi.
[25] L’appelant souhaite que sa demande de prestations soit antidatée au 12 mars 2023. Or, d’après son témoignage, il a continué après cette date à chercher du travail auprès de son ancien employeur. Ce n’est que le 24 avril 2023 qu’il lui a demandé de produire un relevé d’emploi.
[26] Le fait de retarder la présentation d’une demande de prestations d’assurance‑emploi en raison d’une recherche d’emploi ne constitue pas un motif valableNote de bas page 7. Pour cette raison, je suis d’accord avec la Commission et j’estime qu’une personne raisonnable placée dans la situation de l’appelant aurait demandé des prestations le plus tôt possible, tout en poursuivant sa recherche d’emploi, que ce soit auprès de son ancien employeur ou d’un autre.
[27] L’appelant a indiqué qu’il avait finalement demandé des prestations d’assurance‑emploi après qu’un ami lui a dit qu’il pouvait le faire. Il a précisé qu’il avait téléphoné à Service Canada, où on lui avait conseillé de présenter une demande en ligne. J’estime donc qu’une personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable à celle de l’appelant aurait téléphoné à Service Canada au sujet du relevé d’emploi retardé, d’autant plus que près de quatre mois s’étaient écoulés à partir du moment où l’appelant a demandé un relevé d’emploi à son employeur jusqu’à ce que celui‑ci confirme qu’il en produirait un.
[28] L’appelant a fait référence à une décision du Tribunal qui, selon lui, ressemble à sa situationNote de bas page 8. Dans cette affaire, le prestataire a tardé à demander des prestations d’assurance‑emploi parce que son employeur a mis du temps à produire un relevé d’emploi. Le Tribunal conclut que le prestataire était dispensé de prendre assez rapidement des mesures pour comprendre ses droits et ses obligations aux termes de la Loi en raison de circonstances exceptionnelles, soit un problème de santé mentale.
[29] Je conclus que le cas de l’appelant est différent de celui qu’il a mentionné ci‑dessus. Dans les deux situations, le prestataire et l’appelant ont tardé à obtenir un relevé d’emploi de leur employeur. Toutefois, dans l’autre affaire, la décision reposait sur l’existence de circonstances exceptionnelles, qui justifiaient le retard du prestataire dans la demande de prestations. De plus, j’estime qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles dans le cas de l’appelant.
[30] L’appelant a indiqué que nous sommes maintenant en décembre, qu’il n’a aucun revenu et qu’il est en grande difficulté financière. Il a envoyé au Tribunal des copies de ses relevés bancaires à l’appui de ses déclarations. Il a demandé que le Tribunal fasse preuve d’indulgence, affirmant qu’il avait commis une erreur de bonne foi.
[31] Je compatis avec l’appelant quant à sa situation financière. J’accepte son témoignage selon lequel il a commis une erreur de bonne foi et qu’il se trouve actuellement dans une situation financière précaire. Cependant, je ne considère pas que cela constitue une circonstance exceptionnelle pouvant l’exempter de son obligation de prendre les mesures nécessaires pour obtenir des prestations d’assurance‑emploi.
[32] Étant donné ce qui précède, je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance‑emploi pendant toute la période concernée.
[33] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant remplissait les conditions requises à la date précédente pour recevoir des prestations. Si l’appelant n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être antidatée.
Conclusion
[34] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.
[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.