Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 22

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : T. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Claude Germain

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 juillet 2024
(GE-24-2360)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 10 janvier 2025
Numéro de dossier : AD-24-661

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de T. H. parce que la division générale n’a pas commis d’erreur.

[2] Par conséquent, la décision de la division générale demeure inchangée.

Aperçu

[3] T. H. est le prestataire dans cette affaire. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Il a des problèmes de genou, marche avec une canne et ne conduit pas. Il attendait de trouver un médecin de famille pour faire examiner son genou.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi. Elle a déclaré qu’il n’avait pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 1. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle l’a maintenue. Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La division générale a rejeté l’appel du prestataire. Elle a décidé qu’il n’avait pas démontré qu’il était capable de travailler ou qu’il était disponible pour travailler.

[6] J’ai accordé au prestataire la permission de faire appel de la décision de la division générale. J’ai jugé qu’il était possible de soutenir que le processus de la division générale était inéquitable.

[7] Le prestataire réitère essentiellement les arguments qu’il a avancés dans son appel de la décision de la Commission. Il n’a pas signalé d’erreur commise par la division générale. La Commission affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur et que je devrais donc rejeter l’appel du prestataire.

[8] Je suis d’accord avec la Commission pour les raisons suivantes.

Question préliminaire

[9] Dans sa demande d’appel de la décision de la division générale, le prestataire a choisi le mode d’audience par écrit.

[10] Après que je lui ai accordé la permission de faire appel, il n’a pas envoyé d’arguments écrits au Tribunal ni répondu aux arguments écrits de la Commission. J’ai demandé au personnel du greffe du Tribunal de l’appeler. Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas envoyé d’arguments écrits et qu’il n’en enverrait pas.

[11] J’ai donc décidé d’aller de l’avant et de trancher son appel.

Question en litige

[12] Je dois décider si le prestataire a démontré que la division générale a commis une erreur en rejetant son appel.

Analyse

[13] Le rôle de la division d’appel est différent de celui de la division générale. La division d’appel peut corriger la décision de la division générale lorsqu’une personne démontre que son processus n’était pas équitable ou qu’elle a commis une erreur de droit, une erreur de compétence ou une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[14] Si je conclus que le processus de la division générale était équitable et qu’elle n’a pas commis d’erreur, je dois rejeter l’appel du prestataire.

Motifs d’appel du prestataire

[15] Le prestataire n’a coché aucune case dans sa demande d’appel indiquant que la division générale avait commis une erreur, mais il a écrit qu’il lui avait fallu un certain temps pour trouver un médecin de famille afin qu’il examine son genouNote de bas de page 3. Il dit qu’il ne conduit pas et qu’il utilise une canne. Il a joint un rapport d’imagerie médicale daté du 26 juillet 2024Note de bas de page 4. Le rapport indique que son genou droit présente de légers changements dégénératifs précoces dans le compartiment médial.

[16] Malheureusement, la division d’appel ne peut pas examiner de nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale à moins qu’ils ne répondent à une exceptionNote de bas de page 5. Le rapport d’imagerie médicale du prestataire ne satisfait pas à une exception. Je ne peux donc pas en tenir compte pour décider si la division générale a commis une erreur.

Les personnes qui veulent recevoir des prestations régulières doivent démontrer qu’elles sont capables de travailler et disponibles à cette fin

[17] La Loi sur lassurance-emploi prévoit que pour recevoir des prestations régulières, une personne doit être capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 6.

[18] Pour démontrer qu’elle est disponible pour travailler, la personne doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 7 : qu’elle désire retourner travailler et qu’elle est prête à accepter un emploi convenable si on lui en offre un, qu’elle cherche activement un emploi convenable de façon continue et qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui limitent indûment ses chances de retourner travailler.

[19] La division générale a rejeté l’appel du prestataire.

[20] Elle a estimé qu’il n’avait pas démontré qu’il était capable de travailler. Il n’avait pas répondu à ses questions concernant sa capacité de travailler ni à la question de savoir s’il avait subi une évaluation médicale (paragraphe 34). Il n’y avait donc aucun élément de preuve montrant qu’il avait besoin de mesures d’adaptation en raison de sa blessure au genou pour pouvoir travailler (paragraphe 35).

[21] La division générale a aussi estimé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Elle a conclu qu’il n’avait pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable (paragraphes 23 à 26).

[22] Pour les raisons qui suivent, je rejette l’appel du prestataire concernant la décision de la division générale.

Le processus de la division générale était équitable

[23] Dans ma décision relative à la permission de faire appel, j’ai déclaré qu’il était possible de soutenir que le processus de la division générale était inéquitable.

[24] J’ai expliqué que le prestataire avait choisi le mode d’audience par écrit à la division générale. Celle-ci lui a envoyé par courriel une lettre contenant neuf questions. Il n’a pas répondu avant la date limite fixée. La division générale a examiné les faits et le droit et a conclu qu’il avait reçu le courriel, mais n’avait pas répondu (paragraphes 6 à 8).

[25] La division générale a donc décidé de rejeter l’appel du prestataire. Cette décision est datée du 30 juillet 2024.

[26] Le 10 septembre 2024, le Tribunal a reçu une lettre du prestataire datée du 5 septembre 2024. Il l’a envoyé par courrier ordinaire. Le prestataire y présente ses excuses pour sa réponse tardive à la lettre de la division générale. Il demande au Tribunal de communiquer avec lui par courrier parce qu’il n’a pas accès à Internet.

[27] Cette succession d’événements donnait à penser que le prestataire n’avait peut‑être pas eu une occasion complète et équitable de présenter ses arguments. Il n’avait pas eu la possibilité de répondre à la lettre de la division générale avant que celle-ci ne rende sa décision. Ce n’était pas la faute de la division générale parce qu’elle ne savait pas qu’il n’avait plus accès à Internet.

La position et les arguments de la Commission

[28] La Commission affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur d’équité procéduraleNote de bas de page 8. Elle avance quatre arguments à l’appui de sa position.

  • Premièrement, il n’y a aucun élément de preuve permettant de déterminer la date à laquelle le prestataire a perdu accès à Internet. Il est possible qu’il y avait accès lorsque le Tribunal lui a envoyé la lettre, mais il n’a pas précisé quand il l’a reçue.
  • Deuxièmement, le prestataire aurait pu répondre à la lettre avant que la division générale ne rende sa décision le 30 juillet 2024. Le rapport médical a été transcrit le 25 juillet 2024. Il aurait donc pu envoyer sa réponse à la lettre de la division générale.
  • Troisièmement, la division générale n’a pas pu tenir compte des éléments de preuve du prestataire parce qu’il les a déposés après la date limite. La Commission s’appuie sur l’article 42(1) des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale.
  • Quatrièmement, la division générale a fait son travail en rendant sa décision de manière efficace et rapide. La Commission s’appuie sur la décision Bossé de la Cour fédérale, selon laquelle le Tribunal devrait bénéficier d’une certaine souplesse administrative, sans compromettre l’accessibilité, l’efficience et la rapiditéNote de bas de page 9.

Je n’accepte pas les arguments de la Commission, mais je considère que le processus de la division générale n’était pas inéquitable envers le prestataire pour d’autres raisons

[29] Les arguments de la Commission ne me convainquent pas. Néanmoins, j’estime que le processus de la division générale était équitable.

[30] L’équité procédurale est plus importante que l’efficacité et la rapidité. De plus, l’accessibilité est un élément important d’un processus équitable : elle implique de tenir compte de la situation des personnes qui ont recours aux services du TribunalNote de bas de page 10.

[31] Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale visent à promouvoir l’accès à la justice, et non à le restreindre. L’article 8(1) dit que le Tribunal doit s’assurer que le processus d’appel est simple et rapide, tout en respectant les principes d’équité. De plus, l’article 8(4) permet au Tribunal d’adapter les règles lorsque cela est dans l’intérêt de la justice.

[32] Voici la première phrase, et à mon avis la plus importante, du paragraphe de la décision Bossé que la Commission cite : « Afin de cerner l’étendue des règles d’équité procédurale, il faut par ailleurs tenir compte de l’objet de la Loi, de la nature des droits en cause, des contraintes opérationnelles du Tribunal, de la clientèle particulière de ce dernier et de tout autre facteur pertinent. » Il s’agit d’un énoncé succinct et précis sur l’obligation d’équité procédurale qu’une personne chargée de rendre une décision a envers une partie.

[33] Après avoir examiné les facteurs pertinents dans l’appel du prestataire, je conclus que le processus de la division générale était équitable. Autrement dit, la division générale a respecté l’obligation d’équité procédurale qu’elle avait envers le prestataire.

[34] Voici les facteurs que j’ai pris en considération :

  • Le prestataire a fait appel d’une décision de la Commission lui refusant des prestations régulières d’assurance-emploi. Le formulaire d’appel qu’il a rempli et déposé auprès du Tribunal est rédigé en langage clair. Le processus du Tribunal a été conçu en tenant compte de l’accessibilité à la justice pour les prestataires.
  • Dans son formulaire d’appel, le prestataire a autorisé le Tribunal à communiquer avec lui par courriel et a indiqué son adresse électronique. Le Tribunal a utilisé cette adresse pour communiquer avec lui.
  • Le formulaire d’appel comprend ce conseil : « Vous devez nous aviser lorsque vos coordonnées changent. Si nous sommes incapables de vous joindre, il se peut que nous poursuivions le processus en votre absence. »
  • Dans son formulaire d’appel, le prestataire a choisi le mode d’audience par écrit. Voici comment le formulaire décrit ce mode d’audience : [traduction] « La membre de la division générale rendra sa décision sur la base des arguments écrits et des documents que les parties (y compris vous) auront envoyés. »
  • Le Tribunal a confirmé que le prestataire préférait le mode d’audience par écrit en lui envoyant une lettre par courrielNote de bas de page 11. La lettre dit ce qui suit à propos des prochaines étapes : [traduction] « Si la membre du Tribunal n’a pas besoin de renseignements supplémentaires, elle tranchera l’appel en se basant sur les renseignements figurant dans le dossier. »
  • Selon les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, la division générale doit trancher les appels d’une façon simple et rapide, tout en respectant les principes d’équité.
  • Bien qu’elle n’y était pas obligée, la division générale a écrit au prestataire pour lui donner l’occasion de fournir des renseignements à l’appui de son appelNote de bas de page 12. La lettre expliquait la loi et posait neuf questions basées sur la loi et la preuve déjà au dossier.
  • Selon l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, pour avoir gain de cause en appel, le prestataire devait prouver à la division générale qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin.

[35] L’obligation d’équité procédurale exigeait que la division générale donne au prestataire une occasion complète et équitable de présenter ses arguments. J’estime qu’elle l’a fait.

[36] Le Tribunal a informé le prestataire par écrit de sa responsabilité de signaler tout changement de coordonnées et du mode d’audience par écrit qu’il avait choisi. Ensuite, la division générale lui a envoyé une lettre par courriel contenant des questions précises sur son appel et lui a donné le temps d’y répondre.

[37] Une personne fait des choix et a des responsabilités dans le processus d’appel. Le prestataire a choisi le mode d’audience par écrit et de communiquer avec le Tribunal par courriel. Lorsqu’il a perdu son accès à Internet, il était de sa responsabilité de communiquer avec le Tribunal s’il souhaitait que celui-ci communique avec lui d’une autre façon. Il aurait pu le faire par téléphone. Ce n’est que plus d’un mois après que la division générale a tranché son appel qu’il l’a fait. À ce moment-là, il était trop tard.

[38] La preuve montre que le prestataire a reçu la lettre de la division générale parce qu’il y a répondu. S’il a reçu cette lettre avant de perdre accès à Internet, il aurait pu appeler le Tribunal pour demander plus de temps pour répondre.

[39] Le prestataire savait qu’il avait choisi le mode d’audience par écrit. Le Tribunal l’a informé qu’il devait signaler tout changement de coordonnées. Il devait envoyer sa preuve au Tribunal. De plus, il aurait pu demander à la division générale plus de temps pour obtenir des éléments de preuve médicale.

[40] Je comprends que le prestataire a manqué l’occasion de toucher des prestations régulières d’assurance-emploi. Je suppose qu’il avait besoin de ces prestations pour subvenir à ses besoins essentiels. Je ne minimise pas les conséquences négatives que cela a pu lui causer.

[41] Le prestataire aurait peut-être voulu que le processus d’appel se déroule plus lentement pour pouvoir présenter ses meilleurs arguments. Malheureusement, il a choisi le mode d’audience par écrit, qui est conçu pour être plus rapide que le mode d’audience de vive voix. Il n’a pas non plus dit au Tribunal qu’il avait besoin de plus de temps et n’a pas communiqué ses nouvelles coordonnées.

[42] Pour résumer cette section, je conclus qu’il n’est pas possible de soutenir que le processus de la division générale était inéquitable. Dans les circonstances, la division générale a donné au prestataire une occasion complète et équitable de présenter ses arguments. Malheureusement, il n’a pas saisi cette occasion aussi rapidement qu’il aurait dû.

Le prestataire n’a pas démontré que la division générale a commis une autre erreur que la loi me permet de prendre en considération

[43] J’ai examiné la demande d’appel du prestataire contre la décision de la division générale et le dossier de la division généraleNote de bas de page 13.

[44] Les motifs d’appel du prestataire ne font pas référence à la décision de la division générale. Il semble présenter des arguments au sujet de sa capacité à travailler et de sa disponibilité. Il dit qu’il n’a pas eu de médecin de famille pendant des années, mais qu’il en a maintenant un qui a examiné son genouNote de bas de page 14. Il dit aussi qu’il ne conduit pas et qu’il marche avec une canneNote de bas de page 15. Il a aussi déclaré cela dans son appel à la division généraleNote de bas de page 16.

[45] Malheureusement, le processus de la division d’appel n’est pas l’occasion pour le prestataire de plaider à nouveau son appel devant la division générale dans l’espoir d’obtenir un résultat différent. Et comme je l’ai expliqué plus haut, je ne peux pas examiner de nouveaux éléments de preuve.

[46] Le prestataire doit démontrer que la division générale a commis l’une des erreurs que la loi me permet de prendre en considération. Il ne l’a pas fait. Cela signifie que je ne peux pas modifier la décision de la division générale et que je dois rejeter l’appel.

Le prestataire est-il admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi à compter du 3 décembre 2023?

[47] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La raison pour laquelle il a cessé de travailler et son relevé d’emploi ne figurent pas dans le dossier que la Commission a transmis au TribunalNote de bas de page 17.

[48] Cependant, s’il n’était pas capable de travailler en raison de son problème au genou (seul ou combiné à d’autres problèmes de santé), il pourrait être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[49] Ce n’était pas une question en litige dans son appel. La division générale n’avait donc pas le pouvoir de l’examiner, et moi non plus.

[50] Le prestataire pourrait vouloir communiquer avec la Commission (Service Canada) pour demander s’il est admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi à compter du 3 décembre 2023. Il doit être prêt à fournir à la Commission des éléments de preuve médicale montrant qu’il n’est pas capable de travailler depuis cette date.

Conclusion

[51] Je rejette l’appel du prestataire parce qu’il n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur.

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