[TRADUCTION]
Citation : SK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1619
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | S. K. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (687382) datée du 8 novembre, 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Suzanne Graves |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 20 décembre 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 30 décembre 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-3880 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est‑à-dire, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas page 1.
Aperçu
[3] L’appelante a été congédiée de son emploi le 15 juillet 2024 et a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi. L’employeur de l’appelante a dit à la Commission qu’elle a été congédiée parce qu’elle avait créé une fausse offre d’emploi d’entreprise pour une autre personne.
[4] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.
[5] L’appelante ne conteste pas que cet incident s’est passé. Elle admet avoir créé une fausse lettre d’offre d’emploi pour son petit ami. Cependant, elle affirme que la lettre était seulement à des fins personnelles et qu’elle n’a jamais voulu nuire à l’employeur ou à qui que ce soit d’autre. L’appelante fait valoir qu’elle avait été une bonne employée et que son employeur n’aurait pas dû la congédier pour ses gestes.
Question que je dois examiner en premier
L’employeur n’est pas une partie à l’appel
[6] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie appelante une lettre lui demandant s’il souhaite être ajouté comme partie à l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a écrit à l’employeur de l’appelante pour lui demander s’il souhaitait être mis en cause, mais il n’a pas répondu à cette lettreNote de bas page 2.
[7] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause, car il n’y a aucune preuve montrant qu’il a un intérêt direct dans l’issue du présent appel.
Question en litige
[8] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?
Analyse
[9] Pour savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer pour quelle raison l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.
Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?
[10] La Commission fait valoir que l’appelante a perdu son emploi parce que son employeur a découvert qu’elle avait créé une fausse offre d’emploi au nom de son entreprise. Lorsque l’employeur a pris connaissance de la lettre, il l’a suspendue pendant une semaine, puis congédiée.
[11] L’appelante ne conteste pas avoir créé une fausse offre d’emploi au nom de l’entreprise. Elle fait valoir que la lettre était destinée uniquement à l’usage personnel de son petit ami et qu’elle n’a jamais eu l’intention de nuire à qui que ce soit, y compris son employeur. Elle a créé la lettre pour aider son petit ami, afin qu’il puisse être libéré de son emploi et déménager pour se marier avec elle.
[12] Je conclus donc que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a créé une fausse offre d’emploi pour une autre personne, en utilisant le nom de l’entreprise de son employeur.
La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?
[13] La raison du congédiement de l’appelante correspond à la définition d’inconduite selon la Loi sur l’assurance‑emploi.
[14] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4.
[15] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupableNote de bas page 5 (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal).
[16] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait réellement la possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 6.
[17] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 7.
L’argument de la Commission
[18] La Commission soutient qu’il y a eu de l’inconduite parce que l’appelante a admis avoir créé une fausse lettre d’offre d’emploi en utilisant le nom de l’entreprise de son employeur. L’appelante a déclaré à la Commission que la lettre d’offre était strictement pour des raisons personnelles et qu’elle ne l’avait pas créée en utilisant son ordinateur portable de travail ni envoyée elle-même.
[19] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelante avait inclus le nom et le numéro de téléphone d’un gestionnaire de son entreprise comme référenceNote de bas page 8.
[20] La Commission a pris en considération l’explication de l’appelante, selon laquelle elle avait créé cette lettre d’offre pour aider son petit ami à quitter son emploi. Elle a conclu que le document falsifié semblait avoir servi à des fins d’emploi et d’immigration (permis de travail). Même si l’appelante a expliqué l’intention derrière ses actions, la Commission soutient que son objectif n’est pas pertinent pour décider s’il y a eu de l’inconduiteNote de bas page 9.
[21] La Commission fait valoir que l’appelante aurait dû savoir que ses gestes compromettraient la relation de confiance entre elle et son employeurNote de bas page 10. Elle affirme que l’appelante a agi volontairement et que ses actions constituaient une négligence grave.
L’argument de l’appelante
[22] L’appelante a témoigné de manière franche. Elle admet avoir créé une fausse offre d’emploi. Elle a déclaré l’avoir fait pour aider son petit ami, car elle souhaitait donner une deuxième chance à leur relationNote de bas page 11. Il avait besoin d’une offre d’emploi à présenter à son employeur et à ses parents afin d’être libéré de son travail dans une autre province et de déménager pour être avec elle.
[23] L’appelante soutient qu’elle a rédigé cette lettre strictement pour des raisons personnelles et qu’elle ne l’a pas envoyée elle-même. Elle nie catégoriquement avoir inclus le nom d’un gestionnaire de l’entreprise comme référence, mais admet avoir inclus le numéro de téléphone d’un gestionnaire. Une amie ou un ami l’a aidée en envoyant la fausse offre à son petit ami à partir d’un compte courriel de l’entreprise, mais cette lettre n’a jamais été utilisée par qui que ce soit.
[24] Elle affirme qu’elle était une bonne employée et qu’elle n’avait jamais reçu de mise en garde ou d’avertissement de son employeur. Elle ne savait pas qu’elle serait congédiée pour ses actions. Elle a témoigné qu’elle n’avait présenté des excuses à son employeur que parce qu’on l’accusait d’un acte criminel.
[25] L’appelante soutient que cette situation lui a causé de la détresse et des difficultés financières. Ses intentions étaient pures et elle a toujours payé ses cotisations à l’assurance‑emploi. Elle n’a pas été accusée au criminel et n’a jamais eu l’intention de nuire à qui que ce soit. Elle ne parvient pas à trouver un nouvel emploi et demande que ses prestations soient approuvées pour des raisons humanitairesNote de bas page 12.
L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?
[26] L’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance‑emploi. Mes motifs sont exposés ci‑dessous.
[27] L’appelante n’a pas contesté avoir créé une fausse lettre d’offre d’emploi. Je conclus donc que ses gestes étaient volontaires, en ce sens qu’ils étaient conscients, délibérés et intentionnels.
[28] J’ai pris en considération les arguments de l’appelante, selon lesquels elle était une bonne employée qui n’avait jamais reçu d’avertissement ou de mise en garde de la part de son employeur et qu’elle n’avait jamais été accusée au criminel en lien avec l’incident.
[29] Dans ces circonstances, l’employeur a décidé que les actions de l’appelante en créant une fausse lettre d’offre d’emploi au nom de son entreprise, étaient d’une gravité suffisante pour justifier son congédiement.
[30] J’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle n’avait pas l’intention de nuire à son employeur ou à qui que ce soit. Cependant, son intention n’est pas pertinente à ma décision. Comme mentionné ci‑dessus, une partie prestataire n’a pas besoin d’avoir eu l’intention de mal agir pour que sa conduite soit considérée comme une inconduiteNote de bas page 13.
[31] Le fait que l’appelante n’a pas reçu d’avertissement ou n’a pas été accusée au criminel n’est pas non plus pertinent à ma décision. Mon rôle n’est pas de décider si l’employeur aurait dû lui donner une seconde chance ou imposer une sanction moins sévère. Je peux seulement établir si les actes ou omissions de l’appelante constituent de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi et si cela a mené à la perte de son emploiNote de bas page 14.
[32] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que l’appelante aurait dû savoir que la création d’une fausse offre d’emploi compromettrait la relation de confiance entre elle et son employeur et que son congédiement était une réelle possibilité.
[33] Ainsi, d’après mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.
[34] Je reconnais la preuve de l’appelante concernant ses difficultés financièresNote de bas page 15. J’ai de la compassion pour sa situation, mais je dois appliquer rigoureusement les règles prévues par la Loi sur l’assurance‑emploi. Je n’ai pas le pouvoir d’approuver des prestations pour des raisons humanitaires ou de faire des exceptions pour des cas particuliers, même par compassionNote de bas page 16.
Conclusion
[35] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.
[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.