Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1628

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (685840) rendue le 16 octobre 2024 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 4 décembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 décembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-3790

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a expliqué qu’il l’a congédié parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait à travailler sur ses ouvrages.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas ces faits, il affirme que ce n’est pas la vraie raison de son congédiement. Il dit que l’employeur l’a plutôt congédié parce qu’il se plaignait de lui auprès de ses collègues.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle il a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[8] Je juge que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait ses ouvrages.

[9] L’appelant et la Commission ne sont pas d’accord sur la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi. Selon la Commission, la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant a été congédié parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait ses ouvragesNote de bas de page 2.

[10] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit que la vraie raison pour laquelle il a perdu son emploi est qu’il se plaignait de l’employeur auprès de ses collègues.

[11] Durant son témoignage, l’appelant a admis qu’il lui arrivait de ne pas inscrire qu’il avait commencé un ouvrage et que son employeur lui avait donné des avertissements à ce sujet avant de le congédier.

[12] Cependant, l’appelant a ajouté qu’il ne pense pas avoir été congédié parce qu’il oubliait d’indiquer qu’il travaillait sur un ouvrage. Avant son congédiement, il se plaignait de son employeur auprès de ses collègues : il leur faisait part de son mécontentement parce que l’employeur avait embauché des gens qui gagnaient plus d’argent que lui. Il pense que son employeur a eu connaissance de ce qu’il disait et qu’il a décidé d’utiliser le fait qu’il n’indiquait pas toujours quand il commençait un ouvrage comme excuse pour le congédier.

[13] Je reconnais que l’appelant pense avoir été congédié parce qu’il parlait à ses collègues de son mécontentement envers son employeur.

[14] Je ne suis toutefois pas convaincu que soit la raison du congédiement. En effet, d’autres éléments de preuve me permettent de conclure qu’il a été congédié pour la raison avancée par la Commission.

[15] Plus précisément, je remarque que l’appelant a reçu deux avertissements écrits de son employeur, le 25 avril 2024 et le 19 juin 2024, parce qu’il n’indiquait [traduction] « toujours pas le début des ouvrages » sur lesquels il travaillaitNote de bas de page 3. Durant son témoignage, il a confirmé qu’il avait signé ces avertissements.

[16] De plus, comme je l’ai mentionné plus haut, l’employeur a dit à la Commission qu’il avait congédié l’appelant parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait ses ouvrages. Et l’appelant a confirmé à l’audience que c’est vrai qu’il n’inscrivait pas toujours le début de ses ouvrages.

[17] Je reconnais que la lettre de congédiement de l’appelant, qui est datée du 26 juin 2024, ne précise pas pourquoi il a perdu son emploi. Elle dit seulement qu’il est congédié [traduction] « à la suite de la rencontre d’aujourd’huiNote de bas de page 4 ».

[18] Malgré cela, je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a été congédié parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait ses ouvrages. Une semaine s’est écoulée entre le deuxième avertissement écrit (19 juin 2024) et le congédiement (26 juin 2024). C’est pourquoi je pense qu’il est raisonnable de croire que son congédiement avait un lien avec ce que son employeur lui avait communiqué par écrit la semaine précédente, c’est-à-dire qu’il n’indiquait pas le début des ouvrages sur lesquels il travaillait.

[19] De plus, je juge qu’à part le témoignage de l’appelant, il n’y a aucun autre élément de preuve qui laisse croire qu’il a été congédié pour la raison qu’il soulève. Je ne doute pas qu’il se plaignait de son employeur auprès de ses collègues. Mais je pense que cela ne permet pas de démontrer que c’est la raison pour laquelle il a perdu son emploi, d’autant plus qu’il a aussi confirmé qu’il n’indiquait pas toujours quand il commençait ses ouvrages et qu’il a reçu plus d’un avertissement à ce sujet avant de se faire congédier.

[20] Dans l’ensemble, selon les éléments de preuve dont je dispose, je conclus selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a été congédié parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait à travailler sur ses ouvrages.

[21] Comme j’ai décidé pourquoi l’appelant a été congédié, je vais maintenant voir si la raison de son congédiement constitue une inconduite.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[22] Oui. La raison pour laquelle l’appelant a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[23] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Mais la jurisprudence (les décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment savoir si le congédiement de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les points et les critères à prendre en considération lorsqu’on examine la question de l’inconduite.

[24] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite, c’est aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[25] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité de se faire renvoyer pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 8.

[26] La jurisprudence précise aussi que mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur ni de décider s’il avait raison de congédier l’appelant. Je dois plutôt me pencher sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[27] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[28] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que l’appelant ne suivait pas les règles, car il n’indiquait pas toujours quand il commençait un ouvrage. Elle ajoute qu’après avoir reçu les avertissements écritsNote de bas de page 11, il aurait dû savoir qu’il pouvait se faire congédier pour cette raison.

[29] Selon l’appelant, il n’y a pas eu d’inconduite parce que son congédiement n’est pas justifié et que son employeur n’a pas respecté toutes les étapes de la procédure disciplinaire avant de le congédierNote de bas de page 12.

[30] L’employeur de l’appelant a dit à la Commission qu’il avait congédié l’appelant pour refus de suivre les directives sur l’indication du début du travail sur les ouvrages. L’employeur a eu de nombreuses discussions avec l’appelant et il lui a donné des avertissements officiels. Il l’a congédié après une rencontreNote de bas de page 13.

[31] Voici ce que l’appelant a dit durant son témoignage :

  • Son employeur voulait le contrôler. C’est la raison pour laquelle il lui demandait d’indiquer quand il commençait à travailler sur un ouvrage.
  • Il n’avait pas l’intention de mal agir. C’est juste qu’il oubliait parfois d’inscrire le début de ses ouvrages. D’autres personnes oubliaient aussi de le faire, et elles n’ont pas perdu leur emploi.
  • Ce n’était pas toujours facile d’indiquer qu’il commençait à travailler sur un ouvrage.
  • Il devait l’indiquer sur des morceaux de papier particuliers, et parfois le papier n’était pas au bon endroit parce qu’une autre personne l’avait emmené dans un autre service. Il devait passer trop de temps à chercher le papier et, parfois, il décidait simplement de ne pas le chercher parce que c’était frustrant.
  • D’autres fois, il n’y avait plus aucune trace du papier sur lequel il devait inscrire le début d’un ouvrage. Il devait alors utiliser un document général (sur l’entretien et l’entrepôt). Son employeur ne lui a jamais dit de ne pas procéder de cette façon, alors il continuait à le faire au besoin.
  • Parfois, son employeur voulait qu’il commence un autre ouvrage que celui sur lequel il travaillait à ce moment-là. En conséquence, il oubliait d’indiquer quand il revenait travailler sur le premier ouvrage.
  • Son employeur lui a parlé du fait qu’il n’indiquait pas quand il commençait à travailler sur ses ouvrages. Cependant, il ne pensait pas que c’étaient des avertissements verbaux officiels, mais plus de simples discussions avec un gestionnaire.
  • Par la suite, son employeur lui a donné deux avertissements par écrit. Il ne se souvient plus de la date du premier, mais il a reçu le deuxième la semaine précédant son congédiement.
  • Son employeur ne lui a remis aucune copie des avertissements écrits. Il lui a juste demandé de les signer, ce qu’il a fait.
  • Il n’a pas lu les avertissements avant de les signer. Il ne voulait pas lire tout ce qui était écrit.
  • Il ne pensait pas qu’il se ferait congédier parce qu’il n’indiquait pas le début de son travail. Il était un bon travailleur, mais il oubliait parfois d’indiquer quand il commençait un ouvrage, c’est tout.
  • Son congédiement n’est pas justifié. C’est ce que dit sa lettre de congédiement.
  • Son employeur n’a pas suivi la procédure disciplinaire pour le congédier. Le guide de l’employé précise qu’il y a quatre étapes (avertissement verbal, avertissement écrit, suspension, puis congédiement), mais l’employeur n’a pas suivi les quatre étapes dans son cas parce qu’il ne l’a pas suspendu avant de le congédier.

[32] Je compatis avec l’appelant, mais je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Je m’explique.

[33] Premièrement, je conclus que l’appelant a posé les gestes qui ont mené à son congédiement. Durant son témoignage, il a confirmé qu’il n’indiquait pas toujours quand il commençait un ouvrage même si son employeur lui avait spécialement demandé de le faire. Son employeur a dit la même chose à la CommissionNote de bas de page 14.

[34] Deuxièmement, je juge que la conduite de l’appelant était intentionnelle ou d’une telle insouciance qu’elle était presque délibérée.

[35] J’estime qu’il y a plus de chances que l’appelant savait très bien ce qu’il faisait quand il n’indiquait pas le début de son travail sur certains ouvrages. Il l’a confirmé durant son témoignage, quand il a dit qu’il décidait parfois de ne pas chercher le registre si quelqu’un l’avait amené dans un autre service parce que c’était frustrant de perdre du temps à le chercher. À mes yeux, cela montre que sa conduite (ne pas indiquer qu’il commençait un ouvrage parce qu’il ne voulait pas chercher le document) était intentionnelle ces fois-là.

[36] Je reconnais que, durant son témoignage, l’appelant a ajouté qu’il n’avait pas l’intention de mal se comporter et que, parfois, il oubliait simplement de ne pas [sic] indiquer qu’il commençait à travailler sur un ouvrage.

[37] Mais comme je l’ai mentionné plus haut, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable pour que sa conduite soit une inconduite. Autrement dit, même si l’appelant n’avait pas du tout l’intention de faire quelque chose de mal, ce qu’il a fait peut quand même constituer une inconduite.

[38] Dans la présente affaire, je conclus que ce que l’appelant a fait est bel et bien une inconduite. À mon avis, le fait qu’il savait qu’il devait indiquer quand il commençait ses ouvrages, mais qu’il oubliait quand même de le faire démontre qu’il se comportait avec une telle insouciance que c’était presque délibéré, même si ce n’était pas intentionnel. Il savait que son employeur voulait qu’il indique quand il commençait un ouvrage, mais ses oublis montrent qu’il n’a pas toujours fait le nécessaire pour s’assurer de remplir cette exigence.

[39] Je reconnais aussi que, durant son témoignage, l’appelant a expliqué qu’il lui arrivait de ne pas indiquer qu’il commençait un ouvrage parce que les papiers n’étaient pas au bon endroit, ils avaient complètement disparu ou son employeur lui demandait de commencer un autre ouvrage.

[40] Cependant, je ne suis pas convaincu que l’appelant a démontré que des raisons indépendantes de sa volonté l’empêchaient d’indiquer qu’il commençait à travailler sur un ouvrage.

[41] À mon avis, l’appelant pouvait tout de même indiquer qu’il commençait un ouvrage même si le registre dont il avait besoin n’était pas au bon endroit ou était complètement introuvable. Il a confirmé qu’il savait où trouver les documents qui n’étaient pas au bon endroit, mais il ne partait pas à leur recherche parce que cela prenait trop de temps et que c’était frustrant. Il a aussi confirmé qu’il utilisait un autre document (général) pour inscrire ses indications si le registre était introuvable et que personne ne lui avait dit de ne pas procéder ainsi.

[42] Dans les deux cas, je conclus que l’appelant pouvait indiquer d’une autre façon qu’il commençait son travail, mais que soit il a choisi de ne pas le faire (essayer de trouver le document qui n’était pas au bon endroit) ou il a réussi à le faire (utiliser un document général). Même si je comprends que ces situations étaient frustrantes pour lui, il pouvait quand même indiquer le début de son travail dans pareilles situations.

[43] À mon avis, même si son employeur lui demandait d’aller travailler sur un autre ouvrage alors qu’il en avait déjà un à faire, l’appelant pouvait tout de même indiquer qu’il commençait à travailler sur ses ouvrages. Il a confirmé que, quand cela se produisait, il oubliait souvent de revenir indiquer son travail sur le premier ouvrage pour boucler la boucle. Pour moi, cela veut dire que rien ne l’empêchait d’indiquer qu’il était revenu travailler sur le premier ouvrage par la suite.

[44] Autrement dit, même si je comprends qu’il pouvait être frustrant ou long d’indiquer quand il commençait un ouvrage, le témoignage de l’appelant sur son expérience de travail me montre qu’il avait toujours la capacité de remplir cette condition d’emploi, mais qu’il a simplement oublié de le faire ou choisi de ne pas le faire.

[45] De plus, je reconnais que l’appelant a déclaré, d’une part, que son employeur voulait juste le contrôler quand il lui demandait d’inscrire le début de son travail sur un ouvrage et, d’autre part, que des collègues oubliaient aussi de le faire sans toutefois se faire congédier.

[46] Malheureusement, comme je l’ai mentionné plus haut, je ne peux pas me pencher sur les faits et gestes de l’employeur dans ce cas-ci. Je dois plutôt porter mon attention sur la conduite de l’appelant (c’est-à-dire ce qu’il a fait ou n’a pas fait) avant son congédiement pour voir si cela constitue une inconduite. Cet examen me mène à la conclusion que ce que l’appelant a fait est une inconduite pour les raisons que j’ai expliquées plus haut.

[47] Troisièmement, j’estime que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait se faire congédier pour ne pas avoir indiqué qu’il commençait à travailler sur un ouvrage.

[48] Je constate que l’appelant a reçu des avertissements verbaux de son employeur au sujet du manque d’indications sur le début de son travail. C’est ce qu’il a confirmé durant son témoignage, même s’il conteste le caractère officiel de ces avertissements. Mais à mon avis, le fait qu’il admet que son employeur a abordé le sujet avec lui démontre qu’il a reçu un avertissement verbal.

[49] Je juge aussi que l’appelant a reçu deux avertissements écrits de son employeur au sujet du manque d’indications sur le début de son travail. Durant son témoignage, il a confirmé qu’il avait vu et signé les avertissements.

[50] Je remarque que l’appelant a reçu son premier avertissement écrit le 25 avril 2024. On peut y lire ceci : [traduction] « vous recevez le présent avertissement parce que vous n’indiquez toujours pas quand vous commencez les ouvrages sur lesquels vous travaillez. On vous a parlé de ce problème à plusieurs reprises. Vous devez suivre les politiques et procédures de l’entreprise, et ce, dès maintenant. » Plus loin, il est écrit : [traduction] « si vous contrevenez de nouveau à nos politiques, d’autres mesures disciplinaires seront prises à votre endroit, conformément à notre politique sur les mesures disciplinaires progressives, qui peuvent aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 15. »

[51] Je remarque que l’appelant a reçu son deuxième avertissement écrit le 19 juin 2024. Il est écrit que [traduction] « ceci est un deuxième avertissement écrit concernant le fait que vous n’indiquez pas quand vous commencez les ouvrages sur lesquels vous travaillez. On vous a parlé de ce problème à plusieurs reprises et vous avez déjà reçu un avertissement à ce sujet. Vous DEVEZ suivre les politiques et procédures de l’entreprise à partir de maintenant. » On peut aussi lire que [traduction] « si vous contrevenez de nouveau à nos politiques, d’autres mesures disciplinaires seront prises à votre endroit, conformément à notre politique sur les mesures disciplinaires progressives, qui peuvent aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 16 ».

[52] À la lumière de ces éléments de preuve, je conclus que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait se faire congédier parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait ses ouvrages. Il a reçu deux avertissements écrits qui disent clairement qu’il peut perdre son emploi s’il continue d’agir ainsi.

[53] Je reconnais que l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas lu les avertissements écrits avant de les signer.

[54] Malgré cela, je juge qu’il aurait quand même dû savoir qu’il pouvait se faire congédier parce qu’il n’indiquait pas le début de son travail sur ses ouvrages. Son employeur lui a clairement fait savoir dans les avertissements que son emploi était en danger dès ce moment-là. Il a eu l’occasion de lire les avertissements avant de les signer, mais il a choisi de ne pas le faire. Autrement dit, il a délibérément évité de lire des renseignements portant sur sa situation d’emploi.

[55] Je reconnais aussi que l’appelant a déclaré que son congédiement était injustifié. Je remarque d’ailleurs que sa lettre de congédiement dit la même choseNote de bas de page 17.

[56] Malgré cela, je juge que le fait que l’appelant a été congédié sans motif valable n’est pas pertinent dans ce cas-ci. En effet, la question du congédiement, qu’il soit justifié ou non, ne relève pas du critère juridique de l’inconduite. Comme je l’ai expliqué plus haut, il y a inconduite quand la conduite est intentionnelle ou d’une telle insouciance qu’elle est presque délibérée et que la personne savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi en raison de sa conduite. Et je conclus que ce que l’appelant a fait constitue bel et bien une inconduite, pour les raisons que j’explique ici.

[57] Autrement dit, je ne conteste pas le fait que l’appelant a été congédié de façon injustifiée, mais ce n’est pas un élément pertinent qui permet de décider si ce qu’il a fait est une inconduite. Le critère juridique dont je dois tenir compte montre qu’il a perdu son emploi pour inconduite.

[58] De plus, je reconnais que l’appelant a déclaré que son employeur n’a pas suivi la procédure disciplinaire quand il l’a congédié parce que le guide de l’employé précise qu’elle compte quatre étapes (avertissement verbal, avertissement écrit, suspension et congédiement), mais que l’employeur n’a pas suivi les quatre étapes dans son cas.

[59] Malheureusement, je ne suis pas d’accord.

[60] D’une part, j’estime que l’appelant a raison de dire que le guide de l’employé décrit les quatre mesures disciplinaires progressives : un avertissement verbal, un avertissement écrit, une suspension (sans salaire) et un congédiementNote de bas de page 18.

[61] Cependant, je constate que le guide de l’employé contient d’autres renseignements qui auraient dû faire comprendre à l’appelant qu’il pouvait se faire congédier sans suspension préalable parce qu’il n’écrivait pas le début de son travail sur ses ouvrages.

[62] Plus précisément, je remarque que le guide de l’employé précise que [traduction] « certaines infractions de nature plus grave peuvent mener directement aux mesures disciplinaires plus sérieuses, ce qui peut inclure le congédiement » et que [traduction] « la personne qui supervise l’employé prendra cette décisionNote de bas de page 19 ».

[63] Je remarque aussi que, selon le guide de l’employé, la procédure disciplinaire « n’empêche en rien le principe du “plein gré”, c’est-à-dire que l’employeur et l’employé ont chacun le droit de mettre fin à leur relation d’emploi à tout moment, avec ou sans préavis, pour n’importe quelle raison ou même sans raisonNote de bas de page 20 ».

[64] À mon avis, les passages du guide de l’employé que je viens de citer montrent clairement que l’employeur pouvait décider de sauter certaines étapes de la procédure disciplinaire et de congédier immédiatement la personne s’il estimait que sa conduite justifiait une telle chose.

[65] À la lumière de ces éléments de preuve, je juge que l’appelant aurait dû comprendre en lisant le guide de l’employé qu’il pouvait se faire congédier sans avoir d’abord reçu une suspension parce qu’il n’indiquait pas quand il commençait à travailler sur ses ouvrages. Il aurait dû se rendre compte que son employeur pouvait considérer sa conduite comme étant assez grave pour mener au congédiement sans passer par les quatre étapes de la procédure disciplinaire, car on l’avait averti à ce sujet à plusieurs reprises et les deux derniers avertissements précisaient noir sur blanc qu’il risquait de perdre son emploi s’il continuait à se comporter ainsi.

[66] Dans l’ensemble, je conclus que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la loi parce qu’elle a entraîné son congédiement (il n’indiquait pas quand il commençait ses ouvrages, ce qui était contraire aux règles), qu’il a agi de façon intentionnelle ou avec une telle insouciance que c’était presque délibéré et qu’il savait ou aurait dû savoir que ce qu’il faisait pouvait mener à son congédiement.

[67] Durant son témoignage, l’appelant a ajouté qu’il est dans le pétrin financièrement et qu’il n’arrive pas à trouver un autre emploi.

[68] Je suis sensible à la situation financière de l’appelant. Malheureusement, les prestations d’assurance-emploi ne sont pas automatiques. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour avoir droit aux prestations. Dans la présente affaire, pour les raisons expliquées plus haut, l’appelant ne remplit pas ces conditions parce que ce qu’il a fait a mené à la perte de son emploi, ce qui constitue une inconduite au sens de la loi.

Somme toute, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[69] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[70] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[71] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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