[TRADUCTION]
Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c RH, 2025 TSS 24
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante ou représentant : | Daniel McRoberts |
Partie intimée : | R. H. |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 16 septembre 2024 (GE-24-2250) |
Membre du Tribunal : | Elizabeth Usprich |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 27 novembre 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Représentant de l’appelante Intimé |
Date de la décision : | Le 14 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-635 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] La division générale a commis une erreur de droit. Je rends donc la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification. L’article 33, qui concerne l’inadmissibilité en lien avec une perte d’emploi anticipée, ne s’applique pas dans la présente affaire. Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, et non inadmissible à celui-ci.
Aperçu
[3] R. H. est le prestataire et l’intimé dans cette affaire. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. Il avait un emploi temporaire comme préposé au comptoir pendant que les X (X) participaient aux séries éliminatoires de la LNH en 2022.
[4] En se rendant au travail le 26 mai 2022, le prestataire a eu un accident de voiture. Il ne s’est pas présenté au travail cette journée-là. Il a ensuite décidé qu’il ne retournerait pas travailler parce que son emploi se terminait bientôt.
[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle lui a imposé une exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour une durée indéterminée à compter du 22 mai 2022. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière l’a maintenue.
[6] Le prestataire a ensuite fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale était d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Cependant, elle a appliqué l’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploi et décidé que le prestataire était inadmissible pour une période plus courte, soit du 27 mai 2022 au 6 juin 2022. Ainsi, après le 6 juin 2022, il aurait pu être admissible aux prestations d’assurance-emploi.
[7] La Commission a fait appel de la décision de la division générale. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de droit. Elle dit que l’article 33 ne s’applique pas dans la présente affaire.
[8] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait. Il n’est pas d’accord pour dire qu’il a quitté volontairement son emploi et explique qu’il a eu un accident de voiture, ce qui l’a empêché de travailler.
Question préliminaire
[9] À l’audience, le prestataire a été autorisé à examiner les observations écrites de la CommissionNote de bas de page 1. Il n’a pas déposé d’observations écrites. Il a donc eu la possibilité de soulever toutes les erreurs qu’il pensait que la division générale avait commises.
Questions en litige
[10] Voici les questions à trancher dans cet appel :
- a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé que le prestataire avait volontairement quitté son emploi le 26 mai 2022 et qu’il avait d’autres solutions raisonnables que de le faire?
- b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué l’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploi et décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi plutôt que d’y être exclu?
- c) Dans l’affirmative, comment ces erreurs devraient-elles être corrigées?
Analyse
[11] Il y a seulement certains moyens d’appel que la division d’appel peut examinerNote de bas de page 2. En bref, il faut démontrer que la division générale a fait l’une des choses suivantes :
- elle a agi injustement d’une façon ou d’une autre;
- elle a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher;
- elle a commis une erreur de droit;
- elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
[12] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait importante. Il soutient qu’il n’a pas quitté son emploi volontairement et que celui-ci a plutôt pris fin parce que son contrat arrivait à son terme. De plus, il affirme que la division générale n’aurait pas dû conclure qu’il avait une autre solution raisonnable que de quitter son emploi.
[13] La Commission affirme que la division générale n’a commis aucune erreur de fait importante. Elle soutient plutôt que la division générale a commis une erreur de droit. En effet, la Commission affirme que la division générale a mal appliqué l’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploi, parce que cet article ne s’applique pas aux faits de l’affaire.
La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante
[14] La division générale commet une erreur de fait lorsqu’elle fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3 ». Autrement dit, elle a ignoré ou mal interprété des éléments de preuve.
[15] Le prestataire soutient qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi. Il dit qu’il a été embauché sur un contrat temporaire pour s’occuper du comptoir pendant que les X participaient aux séries éliminatoires de la LNH. Par conséquent, une fois les X éliminés, son contrat prendrait fin. Or, avant la fin des séries éliminatoires, le prestataire a eu un accident de voiture, soit le 26 mai 2022. Il n’est jamais retourné travailler par la suite.
[16] La division générale a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploiNote de bas de page 4. Le prestataire n’est pas d’accord avec cette décision. La division générale s’est appuyée sur la bonne loi pour justifier le départ volontaireNote de bas de page 5. L’argument du prestataire repose sur les mêmes faits qu’il a présentés à la division générale.
[17] Le prestataire affirme qu’il était en congé de maladie parce qu’il a eu un accident de voiture et qu’il était incapable de travailler. La division générale a reconnu que le prestataire avait eu un accident de voitureNote de bas de page 6. Toutefois, il n’a fourni aucune preuve à la division générale pour démontrer qu’il était en congé de maladieNote de bas de page 7. Après avoir examiné ces éléments, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas de preuve médicale. En conséquence, elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploiNote de bas de page 8.
[18] La division générale devait ensuite décider si le prestataire avait quitté son emploi sans justification. Il y a justification si le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. La division générale a décidé que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables, notamment celle de demander un congé en raison de l’accidentNote de bas de page 9.
[19] La Commission a souligné qu’elle avait dit au prestataire que selon son employeur, il avait quitté son emploiNote de bas de page 10. Le prestataire possédait une copie du dossier de révision avant son audience devant la division générale. Il était donc au courant de la position de son employeurNote de bas de page 11.
[20] La division générale a traité la preuveNote de bas de page 12, examiné les éléments présentés par le demandeur, puis tiré les conclusions appropriées. Je ne peux pas réévaluer la preuve, car ce n’est pas le rôle des membres de la division d’appel.
[21] La division générale est le juge des faits. Elle jouit d’une certaine liberté pour tirer des conclusions de fait. Dans cette affaire, les conclusions de la division générale ne vont pas « sciemment […] à l’opposé de la preuveNote de bas de page 13 ». De plus, la division générale n’a pas ignoré ou mal interprété des éléments de preuve. Je juge donc qu’elle n’a pas commis d’erreur de fait importante.
La division générale a commis une erreur de droit en appliquant l’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploi
[22] Lorsqu’une personne quitte volontairement un emploi sans justification, elle est habituellement exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il existe des règles précises sur la fin d’une exclusionNote de bas de page 14.
[23] Dans cette affaire, la division générale a appliqué l’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15. Elle a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pour une courte période, plutôt que d’être exclu, ce qui est généralement le cas. L’article 33 concerne une perte d’emploi anticipée et s’applique dans des circonstances limitées. L’une de ces circonstances est lorsqu’une personne quitte volontairement son emploi sans justification dans les trois semaines précédant la fin d’un contrat de travail à durée déterminée.
[24] Le prestataire affirme qu’il avait un contrat de travail à durée déterminée. Plus précisément, le contrat prendrait fin lorsque les X seraient éliminés des séries éliminatoires. Il dit qu’il n’y a pas d’erreur dans la décision de la division générale.
[25] La Commission affirme qu’au moment où le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification, il était impossible de savoir quand la saison des séries éliminatoires des X prendrait fin. La Commission dit que seules les circonstances qui se sont produites au moment du départ peuvent être prises en considération. Ainsi, le 26 mai 2022, il était impossible de savoir combien de temps encore les X seraient dans les séries éliminatoiresNote de bas de page 16.
[26] La Commission convient que le 6 juin 2022, les X ont été éliminés des séries éliminatoires. Cependant, elle affirme que les choses ne peuvent être examinées que sur la base des informations connues à la date du départ volontaire. Par conséquent, on ne peut prendre en compte que les informations connues le 26 mai 2022.
[27] L’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique conjointement avec l’article 29. La division générale a donc eu raison d’examiner cet article de la LoiNote de bas de page 17. Cependant, elle a commis une erreur dans son analyse.
[28] L’article porte sur la perte anticipée d’un emploi. Or, il ne suffit pas qu’une personne pense que son emploi va prendre fin. Elle doit avoir une date de fin de contrat déterminée ou une date de mise à pied. Le départ volontaire doit alors avoir lieu dans les trois semaines précédant la date en question.
[29] Dans la présente affaire, le prestataire affirme qu’il y avait une période d’emploi déterminée. Je juge cependant que ce n’était pas le cas. Il n’y avait pas de durée déterminée. La date de fin n’était pas connue. L’emploi durait aussi longtemps que les X participaient aux séries éliminatoires de la LNH. Le 26 mai 2022, les X y participaient encore, et il était impossible de savoir quand ils seraient éliminés.
[30] L’article 33 ne s’applique pas. Lorsqu’une personne quitte volontairement un emploi, l’évaluation doit se faire en tenant compte de la date de son départ volontaire. Il en va de même pour l’application de l’article 33.
[31] Le 26 mai 2022, on ne savait pas combien de temps encore les X resteraient dans les séries éliminatoires. Cela aurait pu durer plus de trois semaines. Par conséquent, le prestataire n’avait pas de date de fin de contrat déterminée. Ainsi, l’article 33 ne peut pas s’appliquer dans ce cas. La division générale a donc commis une erreur de droit.
Réparation
[32] J’ai relevé une erreur. Il y a deux principales façons dont je peux la réparer. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division généraleNote de bas de page 18.
[33] Les deux parties disent que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je suis d’accord. L’audience a été équitable et les deux parties ont eu l’occasion de présenter leurs éléments de preuve ainsi que leurs observations à la division générale.
Le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification
Le prestataire a quitté volontairement son emploi
[34] J’ai examiné les conclusions de la division générale sur le départ volontaire du prestataireNote de bas de page 19. Je reconnais que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 26 mai 2022Note de bas de page 20 et j’adopte cette conclusion de la division générale. J’ai déjà examiné si cette conclusion comportait une erreur de fait importante et j’ai conclu que non. Il n’y a donc aucune raison d’intervenir. Le prestataire a quitté volontairement son emploi.
Les circonstances entourant le départ du prestataire
[35] La division générale a bien expliqué la loi sur la justification du départ volontaireNote de bas de page 21. Elle a passé en revue les circonstances qui existaient au moment où le prestataire a cessé de travaillerNote de bas de page 22.
[36] Aucune des parties n’a soulevé de problème quant à la façon dont la division générale a examiné la situation du prestataire. J’adopte donc les conclusions de la division générale sur les circonstances qui existaient lorsque le prestataire a quitté son emploi, car aucune allégation d’erreur n’a été formulée à l’égard de ces conclusions.
Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi
[37] La division générale a examiné les solutions raisonnables qui s’offraient au prestataire au lieu de quitter son emploiNote de bas de page 23. Elle a décidé que le prestataire aurait pu demander un congé. La division générale a conclu que le prestataire avait une solution raisonnable. J’adopte cette conclusion, car il n’y a aucune raison d’intervenir.
[38] Je conclus donc que le prestataire avait au moins une solution raisonnable au lieu de quitter son emploi. Étant donné qu’une solution raisonnable existait, le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.
Période d’inadmissibilité ou d’exclusion
[39] L’article 33 ne s’applique pas. Par conséquent, une période d’inadmissibilité plus courte n’est pas possible. Le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, et non inadmissible à celui-ci.
Conclusion
[40] L’appel est accueilli.
[41] La division générale a commis une erreur de droit. L’article 33, qui concerne l’inadmissibilité en lien avec une perte d’emploi anticipée, ne s’applique pas dans la présente affaire. Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, et non inadmissible à celui-ci.