[TRADUCTION]
Citation : SH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 44
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | S. H. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (682246) datée du 21 novembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Edward Houlihan |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 16 décembre 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 14 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | GE-24-3856 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelant a perdu son emploi. L’employeur de l’appelant a déclaré qu’il a été congédié pour inconduite parce qu’il n’a pas respecté les politiques et les protocoles de l’entreprise.
[4] L’appelant travaillait comme préposé au soutien de nuit dans un établissement pour jeunes. L’employeur affirme que l’appelant a reçu trois avertissements écrits concernant son non-respect des politiques et des protocoles. Conformément à leur politique de discipline progressive, il a été congédié.
[5] L’appelant affirme qu’il y avait des circonstances atténuantes liées aux incidents.
[6] Il dit aussi qu’il pensait qu’il recevrait un avertissement verbal avant de recevoir des avertissements écrits si jamais il commettait une erreur. Il affirme qu’il n’a reçu aucun avertissement verbal.
[7] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Question en litige
[8] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?
Analyse
[9] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.
Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
[10] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté les politiques et les protocoles de l’employeur. Conformément à la politique de discipline progressive de son employeur, cela a entraîné son congédiement.
[11] La Commission affirme que l’appelant avait reçu des avertissements écrits de son employeur à l’égard de trois incidents. Chaque fois, l’appelant n’avait pas respecté les politiques et les protocoles de l’employeur.
[12] La Commission affirme que l’employeur avait une politique de discipline progressive selon laquelle un membre du personnel pouvait être congédié après trois avertissements écrits.
[13] L’appelant dit avoir compris qu’il pouvait être congédié après trois avertissements écritsNote de bas de page 2.
[14] Cependant, il dit qu’il pensait recevoir un avertissement verbal pour tout incident avant que l’employeur ne passe à des avertissements écrits.
[15] Je conclus que l’appelant a été congédié pour trois incidents de non-respect des politiques et des protocoles de l’employeur qui ont donné lieu à des avertissements écrits. Dans le cadre de la politique de discipline progressive de l’employeur, l’appelant a été congédié.
La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?
[16] La raison du congédiement de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.
[17] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 5).
[18] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.
[19] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.
[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite. Elle dit que chacun des trois incidents mettant en cause l’appelant constituait une violation de la politique ou des protocoles de l’employeur. Elle soutient également que l’appelant savait (ou aurait dû savoir) que ces incidents entraîneraient des mesures disciplinaires et qu’il pourrait être congédié.
[21] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu inconduite. Il ne nie pas que les trois incidents se sont produits, mais il soutient qu’il y avait des circonstances atténuantes et qu’il n’était pas le seul employé présent. Il affirme qu’on ne lui a pas donné l’occasion de corriger ses erreurs.
[22] Il ajoute qu’il pensait recevoir un avertissement verbal avant que l’employeur ne lui donne des avertissements écrits.
[23] Mon rôle n’est pas d’établir si le congédiement de l’appelant était juste ou s’il constituait la sanction appropriée pour sa conduite. Je dois vérifier si sa conduite constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.
[24] Je vais maintenant examiner les trois incidents qui se sont produits.
Incident no 1 : le 15 mars 2024
[25] La Commission affirme qu’une des responsabilités de l’appelant était de suivre la politique stricte et de base de l’employeur et de lire le protocole de résidence au début du quart de travail. Cela devait être fait pour comprendre le comportement de la résidente ou du résident ainsi que son plan de soutien.
[26] Ce jour-là, la Commission affirme que l’appelant n’a pas vérifié les caméras pour s’assurer que toutes les résidentes et tous les résidents étaient dans leur chambre.
[27] L’un des résidents a réussi à quitter sa chambre et à se cacher dans le salon. Lorsque l’appelant est allé au salon, il a reçu un coup de poing de la part du résident.
[28] La Commission affirme que l’appelant n’a pas suivi les protocoles de nuit tels qu’ils figurent dans les politiques et les protocoles de l’employeur. Il n’a pas non plus respecté le protocole en place lorsque le résident a quitté sa chambre pour aller aux toilettesNote de bas de page 9.
[29] Dans son témoignage, l’appelant affirme qu’il a vu une porte ouverte et qu’il a cru avoir oublié de la fermer. Il n’a pas vérifié les caméras comme il était censé le faire. Il est entré dans le salon et a reçu des coups de poing de la part du résident qui s’y était cachéNote de bas de page 10.
[30] Il reconnaît qu’il s’agissait d’une violation du protocole. Cependant, il dit qu’il y avait deux autres employés de soutien qui étaient de service avec lui et qu’ils auraient pu regarder les caméras et voir que le résident était sorti de sa chambre.
[31] L’appelant a reçu une lettre d’avertissement écrite datée du 22 mars 2024 pour l’incident. L’employeur lui a fourni du soutien et lui a donné l’occasion d’améliorer son rendementNote de bas de page 11.
[32] L’avertissement écrit précisait également que son rendement serait surveillé pendant une période de trois mois. Il précisait aussi que si son rendement ne s’améliorait pas, ils passeraient au prochain niveau de mesures disciplinaires, et que cela pourrait aller jusqu’à son congédiementNote de bas de page 12.
Incident no 2 : le 12 avril 2024
[33] À cette date, un résident a réussi à quitter l’établissement. Il est sorti de sa chambre et il a déclenché l’alarme incendie qui a déverrouillé toutes les portes de l’extérieur. Il s’est sauvé de l’établissement et les autres membres du personnel l’ont poursuivi.
[34] La Commission affirme que l’appelant a enfreint le plan de soutien comportemental (« Behavioural Support Plan ») en ce qui concerne la surveillance des caméras pendant la nuit.
[35] La Commission dit aussi que l’appelant n’a pas respecté le protocole de nuit lorsque le résident a quitté sa chambre. Il n’a pas non plus communiqué avec le superviseur sur appel lorsque l’alarme incendie a été déclenchée et que le résident s’est sauvé de l’établissement.
[36] La Commission affirme que l’appelant a avoué que lorsque l’incident s’est produit, il se détendait, il était au téléphone et il avait enlevé ses chaussuresNote de bas de page 13. Il n’a pas non plus avisé la police comme il aurait dû le faireNote de bas de page 14.
[37] L’appelant affirme qu’il n’a pas communiqué immédiatement avec le superviseur sur appel, car il essayait de trouver la clé pour arrêter l’alarme incendieNote de bas de page 15. Sa preuve montrait que les clés étaient toutes désorganisées et qu’il lui a fallu un certain temps pour arrêter l’alarme. À ce moment-là, les pompiers avaient avisé le superviseur.
[38] La Commission affirme que l’appelant a reçu un avertissement écrit pour cet incident daté du 30 avril 2024. Il décrivait la conduite de l’appelant ainsi que ses manquements aux protocoles et au plan de soutien comportementalNote de bas de page 16.
[39] L’avertissement écrit offrait également du soutien à l’appelant et lui rappelait que si son rendement ne s’améliorait pas, ils passeraient au prochain niveau de mesures disciplinaires, et que celles-ci pouvaient aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 17.
Incident no 3 : le 18 mai 2024
[40] Cet incident s’est produit le 18 mai 2024. L’appelant admet que l’incident s’est produit.
[41] La Commission affirme qu’à la date précisée, l’appelant a laissé l’armoire à médicaments de l’établissement déverrouillée. Un résident a pris des médicaments et il a fait une overdose. Le résident a été transporté à l’hôpitalNote de bas de page 18.
[42] Dans son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il avait trouvé l’armoire déverrouillée. Il a dit qu’il y avait un problème avec le registre des médicaments. Quelqu’un avait pris des médicaments, et cela n’avait pas été correctement consigné.
[43] Il a dit qu’il avait ensuite sorti des médicaments de l’armoire pour le résident avec qui il travaillait. Il a laissé son cartable avec les médicaments et est allé régler le problème avec le registre des médicaments.
[44] C’est à ce moment-là qu’un résident a obtenu le médicament et l’a pris. L’appelant admet qu’il n’avait pas verrouillé l’armoire à médicaments lorsqu’il est parti et qu’il a laissé son cartable ouvert avec des médicaments à l’intérieurNote de bas de page 19.
[45] Il a dit qu’il y avait d’autres membres du personnel en service en même temps qui auraient pu verrouiller l’armoire, mais ils ne l’ont pas fait.
[46] La Commission affirme que l’employeur a émis une troisième lettre le 22 mai 2024 à l’appelant à la suite de l’incident et qu’il a été congédiéNote de bas de page 20.
[47] L’appelant a enfreint la politique sur l’administration des médicaments en laissant l’armoire à médicaments ouverte et sans surveillance. Il a admis s’être éloigné de l’armoire déverrouillée et l’avoir laissée sans surveillanceNote de bas de page 21.
[48] La Commission affirme que l’employeur a considéré cela comme un manquement au devoir ainsi qu’une inconduite grave et négligente. Elle contrevient aux responsabilités en matière de santé et de sécurité, aux politiques sur l’administration des médicaments et au plan de soutien comportementalNote de bas de page 22.
[49] La Commission affirme qu’il s’agit de l’incident le plus marquant et que ce n’est pas le premier incident où un résident a été exposé à un risque grave en raison des gestes de l’appelant. Celui-ci avait déjà reçu deux avertissements par écrit et, par conséquent, il a été congédiéNote de bas de page 23.
La conduite de l’appelant était-elle une inconduite?
[50] Je conclus que la Commission a prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, il y a eu inconduite.
[51] L’appelant ne nie pas avoir enfreint les politiques et les protocoles décrits ci-dessus. Il explique pourquoi les événements se sont produits et les circonstances atténuantes qui les entourent, mais il admet qu’ils se sont produits.
[52] Il savait ou aurait dû savoir que sa conduite l’empêcherait de s’acquitter de ses obligations envers son employeur et qu’elle pourrait entraîner son congédiement.
[53] L’appelant affirme qu’il savait qu’il pouvait être congédié s’il recevait trois avertissements écrits, mais il dit qu’il croyait recevoir un avertissement verbal en premier. Il affirme ne pas avoir reçu d’avertissement verbal.
[54] Aucune preuve n’appuie la croyance de l’appelant selon laquelle il aurait dû recevoir un avertissement verbal avant de recevoir des avertissements écrits.
[55] Même si c’était le cas, la Commission affirme qu’il y a eu trois autres mesures disciplinaires mises en oeuvre pour des problèmes de rendement semblables en plus des avertissements écritsNote de bas de page 24.
[56] L’appelant savait qu’il pouvait être congédié en raison de sa conduite et il a posé les gestes qui ont mené aux avertissements écrits et finalement à son congédiement.
L’appelant a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?
[57] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.
Conclusion
[58] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[59] Par conséquent, l’appel est rejeté.