[TRADUCTION]
Citation : MK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1640
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | M. K. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (672481) datée du 25 juillet 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Marc St-Jules |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 20 novembre 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 19 décembre 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-3362 |
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Décision
[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. En effet, d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelant a travaillé jusqu’au 1er mai 2024 et a demandé des prestations le 5 mai 2024Note de bas de page 1. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles l’appelant ne travaillait plus chez son employeur. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, elle a conclu qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations.
[4] La Commission affirme qu’au lieu de partir, l’appelant aurait pu essayer de régler les problèmes avec son employeur ou garder son emploi le temps d’en trouver un autre. Il aurait pu aussi demander un congé autorisé.
[5] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il n’a jamais démissionné. Son employeur lui a dit que s’il apportait chez lui ses affaires, cela lui indiquerait qu’il démissionne. L’appelant soutient qu’il s’agissait de ses effets personnels. Il fait valoir que son employeur lui a ordonné de démissionner.
[6] Je dois d’abord vérifier si l’appelant a quitté volontairement son emploi. Si c’est le cas, je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi. Si l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi, mais que l’on a mis fin à son emploi en raison de sa conduite, je dois alors examiner s’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.
Question que je dois examiner en premier
J’accepte les documents envoyés après l’audience
[7] L’appelant a présenté un témoignage sur de nombreux événements qui ont eu lieu avant sa dernière journée de travail. Comme il mentionnait plusieurs choses, je lui ai proposé de déposer des observations supplémentaires après l’audience. J’ai fixé une date limite. Il a respecté la date limite en envoyant ses observations au TribunalNote de bas de page 2.
[8] J’accepte les nouveaux documents pour trois raisons :
- Je lui ai donné la chance de les déposer.
- Les documents sont pertinents pour une question de droit que je dois trancher, soit celle de savoir s’il a quitté volontairement son emploi et si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. De plus, certains renseignements qui y figurent répondent aux arguments de la Commission.
- Ce ne serait pas injuste envers la Commission parce que le Tribunal a donné à la Commission l’occasion de répondre.
[9] J’ai donc examiné les nouveaux documents avant de rendre cette décision.
Question en litige
[10] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations?
[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la raison pour laquelle l’appelant a cessé de travailler. Si l’appelant a quitté volontairement son emploi, je dois alors décider s’il était fondé à le faire. Autrement, si l’employeur a amorcé la cessation d’emploi, je dois décider s’il a été congédié en raison d’une inconduite.
Analyse
[12] Dans certains cas, les éléments de preuve peuvent rendre incertaine la raison pour laquelle une partie prestataire se trouve sans emploi. Cela dit, la loi a établi que je dois me pencher sur la décision que la Commission a rendue, et non sur celle qu’elle aurait pu rendre ou aurait dû rendre, d’après le bon sensNote de bas de page 3.
[13] Le Parlement a lié les exclusions pour départ volontaire et les inconduites aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Ainsi, si j’interprète les faits d’une façon légèrement différente, pour conclure qu’il s’agit d’un congédiement plutôt que d’un départ volontaire, je ne m’écarte pas de l’objet, à savoir la question de l’exclusionNote de bas de page 4.
[14] Dans la présente affaire, la Commission a examiné comment l’emploi de l’appelant a pris fin, puis a imposé une exclusion. La Commission a décidé qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Après révision, la Commission a maintenu l’exclusion pour départ volontaire.
Départ volontaire ou congédiement
[15] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il n’a pas été congédié. Mon analyse se trouve dans les paragraphes suivants.
[16] La loi indique que pour décider si une partie prestataire a volontairement quitté son emploi, je dois me poser la question suivante : « L’employé avait-il le choix de rester ou de quitterNote de bas de page 5? »
[17] Selon la loi, il incombe à la Commission de prouver que l’appelant a volontairement quitté son emploiNote de bas de page 6.
Informations contradictoires
[18] Lorsqu’il y a des renseignements contradictoires, je dois décider quelle version des faits est plus susceptible d’être vraie. Je dois examiner tous les éléments de preuve et rendre une décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 7.
[19] Je préfère les arguments de la Commission à ceux de l’appelant. Je présente mes motifs ci-dessous.
[20] L’appelant soutient qu’il n’a pas démissionné. Cela a toujours été le cas depuis le début. Il soutient qu’on lui a ordonné de démissionner. Il a compris que cela signifiait que l’employeur l’avait congédiéNote de bas de page 8.
[21] L’appelant fait valoir qu’il a tout simplement ramené chez lui ses effets personnels. Il avait un congé de quelques jours. Lorsqu’il n’était pas au bureau, ses collègues utilisaient son ordinateur, il a donc décidé de ramener ses effets chez lui. L’employeur lui a dit que s’il apportait chez lui ses effets personnels, cela lui indiquerait qu’il démissionne. L’appelant soutient que la déclaration de l’employeur était étrange parce que l’employeur savait qu’il s’agissait de ses effets personnels. L’employeur voulait se débarrasser de lui, donc le fait qu’il lui ait ordonné de démissionner est logiqueNote de bas de page 9.
[22] Le fait de ramener chez soi ses effets personnels signifie que l’on a démissionné. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à cet élément de preuve. J’estime que les événements postérieurs à celui-là sont plus importants. En effet, il s’agissait de ses effets personnels. La Commission n’a pas prouvé que l’appelant devait avoir sur place ces objets afin de pouvoir travaillerNote de bas de page 10. L’appelant a déclaré que la table de rédaction et les livres lui appartenaient. Un autre bureau lui a été assigné pendant qu’il était au travail, et ces objets personnels n’étaient pas indispensables à son travail. De plus, la Commission n’a pas obtenu de déclaration expliquant comment le fait de rapporter des effets personnels à la maison pourrait être interprété comme une démission.
[23] Rendre ses clés. J’estime qu’il s’agit d’un facteur important. Il n’est pas contesté que l’appelant a rendu ses clés. Toutefois, il affirme l’avoir fait parce qu’on lui a ordonné de démissionner. Il ne voulait pas être accusé de volNote de bas de page 11. Il a aussi rendu ses clés parce que l’employeur lui a [traduction] « suggéré » de démissionnerNote de bas de page 12. Selon la Commission, ce geste confirme que l’appelant a démissionné. Je juge qu’il s’agit d’un élément de preuve important dont je dois tenir compte.
[24] Période de congé. L’appelant affirme que lorsqu’il est parti avec ses effets personnels, il avait reçu la permission de prendre un congé de quelques jours. L’employeur a dit à la Commission qu’il savait que l’appelant allait rendre visite à sa tante, mais que l’appelant n’avait pas demandé de congéNote de bas de page 13. Je préfère la preuve de l’appelant à ce sujet. La Commission s’est contentée de relater la réponse suivante : [traduction] « Il n’avait pas demandé de congé ». Je juge que ce n’est pas concluant. Cela porte-t-il sur un congé autorisé ou sur le congé accordé pour rendre visite à sa tante? Aucun élément de preuve fiable ne confirme que l’appelant n’aurait pas reçu la permission de prendre ce congé de quelques jours. Je crois la version des faits de l’appelant. De plus, le courriel que l’appelant a envoyé vendredi à son employeur laisse entendre que le mardi suivant était le jour où il devait retourner au travailNote de bas de page 14.
[25] Commentaire sur l’embauche de personnes indiennes d’Asie. Au cours de son dernier jour de travail, l’appelant a fait un commentaire selon lequel son employeur devrait embaucher une autre personne indienne de l’Asie pour qu’ils puissent tous s’entendreNote de bas de page 15.
[26] Courriels du vendredi. Jeudi, l’appelant a ramené chez lui ses effets personnels. Le lendemain matin, vendredi, il y a eu un échange de courriels.
- L’appelant a reçu un courriel de R. Ce courriel contenait la phrase suivante : [traduction] « Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé, mais selon SRW, vous avez démissionné. Je vous souhaite bonne chance, MNote de bas de page 16 ».
- L’appelant a répondu : [traduction] « OK, R. vient de m’informer que SRW a dit que j’avais démissionné. Voilà ce que je comprends de ce qui s’est passéNote de bas de page 17 ». Il a aussi ajouté qu’il avait supprimé toute information liée à l’entreprise qui figurait dans son cellulaire. L’appelant a déclaré qu’il [traduction] « comprenait » qu’on prétendait qu’il avait démissionné, mais il n’était pas d’accord pour dire que c’était le cas.
- L’employeur a alors répondu par écrit qu’il acceptait sa démissionNote de bas de page 18.
- Voici la réponse de l’appelant [traduction] : « Je ne suis pas d’accord avec votre évaluation. De plus, vous m’avez suggéré de démissionner, alors j’ai décidé de vous redonner vos clésNote de bas de page 19 ». Ce courriel appuie l’argument de l’appelant selon lequel il n’a jamais démissionné. Dans son courriel, l’appelant mentionne une pratique de deux poids deux mesures au travail et son sentiment que l’on inventait des histoires à son sujet.
- L’employeur a alors répondu par courriel qu’il envisageait de le réintégrer, mais qu’à la lumière de ces accusations, il ne travaillerait plus jamais avec l’appelant.
[27] Je juge important de souligner que même l’employeur a dit à la Commission que le départ de l’appelant prêtait à confusionNote de bas de page 20. L’employeur a ajouté qu’il a présumé que l’appelant démissionnait et que cela a été confirmé par la suite lorsque l’appelant s’est montré impoli et agressif dans des courriels. Je trouve cela important pour deux raisons. Même l’employeur a trouvé la prétendue démission déroutante et a eu besoin d’une confirmation subséquente.
[28] Je reconnais ces éléments de preuve. Toutefois, comme je l’expliquerai ci-dessous, les gestes que l’appelant a posés après s’être fait dire qu’il démissionnait – soit le fait de ramener ses effets personnels chez lui – l’emportent sur ces éléments de preuve.
[29] Lorsqu’on a dit à l’appelant que s’il ramenait chez lui ses effets personnels, il signalerait sa démission, quelques options s’offraient à lui. La première option consistait à ne pas ramener chez lui ses effets personnels. Toutefois, je suis d’accord qu’il avait droit de le faire. Le fait de ramener chez lui ses affaires ne correspond pas à une démission.
[30] Je ne trouve pas convaincant l’argument de l’appelant selon lequel on lui a ordonné de démissionner. Voici mes motifs :
- Le mot « si » est conditionnel. Je conviens que l’appelant avait le droit de rapporter ses effets personnels chez lui, mais il aurait pu se prononcer. Autrement dit, il aurait pu préciser qu’il ne démissionnait pas, qu’il souhaitait simplement ramener chez lui quelques effets personnels.
- L’employeur n’a pas utilisé le mot « congédier ». S’il l’avait fait, cela aurait été plus définitif.
[31] Il était peut-être inexact de la part de l’employeur d’affirmer que l’appelant démissionnait, pourtant l’appelant n’a pas réfuté l’assertion. Lors de son témoignage, il a convenu qu’il n’a pas démenti son employeur. De plus, l’appelant a écrit ce qui suit [traduction] : « Je pense que j’aurais pu réfuter ce qu’il disait à ce moment-làNote de bas de page 21 ». L’appelant est catégorique sur le fait qu’il n’a jamais démissionné, mais rien ne prouve qu’il a réfuté l’employeur à ce moment-là.
[32] L’appelant soutient également qu’on lui a dit qu’il pourrait être réintégré s’il s’excusait et discutait avec R. Cependant, on ne lui a pas donné la chance et d’ailleurs il ignore pourquoi il devrait présenter ses excuses. Je reconnais cet élément de preuve. Toutefois, je juge qu’il n’a pas d’incidence sur mes conclusions. Au moment où on lui aurait refusé la chance de présenter ses excuses, il avait déjà accepté implicitement la démission (en ne s’y opposant pas), il avait retourné ses clés, il avait fait le commentaire au sujet de son collègue et il avait peut-être déjà supprimé toute information liée à l’entreprise dans son cellulaireNote de bas de page 22.
[33] J’estime que les faits suivants démontrent que l’appelant a effectivement démissionné : il a rendu ses clés, il a supprimé les renseignements de l’employeur de son cellulaire, il a dit à son employeur que celui-ci devrait embaucher des personnes indiennes de l’Asie pour qu’ils puissent tous s’entendre, et il n’a pas réfuté l’assertion de l’employeur selon laquelle il démissionnait.
[34] J’ai mentionné le commentaire qu’il a fait à son employeur au sujet de l’embauche de personnes indiennes de l’Asie, car un tel commentaire pourrait compliquer son retour au travail le lendemain. Cela donne à penser que l’appelant savait qu’il ne reviendrait pas.
[35] Aucun élément de preuve ne me porte à croire qu’il a été congédié. L’employeur n’a pas laissé entendre que l’appelant avait commis un acte répréhensible justifiant son congédiement. L’employeur a mentionné que le rendement de l’appelant ces derniers temps ne répondait pas à ses normesNote de bas de page 23. C’est trop vague pour laisser entendre que l’appelant a été congédié. Selon l’appelant, on lui avait dit qu’il faisait du bon travailNote de bas de page 24. Aucun élément de preuve ne laisse croire qu’on a dit à l’appelant qu’il devait améliorer son rendement afin de ne pas se faire congédier.
[36] J’admets le fait que l’appelant a affirmé que son contrat mentionne qu’il peut être congédié à tout moment. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à cette question. En soi, cela ne constitue pas une preuve qu’il a effectivement été congédié.
[37] Selon la preuve dont je dispose, je juge qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Je tire cette conclusion malgré le fait que je crois le témoignage et les déclarations écrites de l’appelant. Autrement dit, même si je crois ses déclarations, je ne peux pas dire pour autant qu’il a prouvé qu’on lui a ordonné de démissionner.
Les parties ne sont pas d’accord pour dire que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi
[38] Les parties ne sont pas d’accord pour dire que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.
[39] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 25. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.
[40] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 26.
[41] Il incombe à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 27.
[42] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand il a quitté son emploi. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 28.
[43] Après avoir décidé quelles circonstances s’appliquent au cas de l’appelant, celui‑ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 29.
Les circonstances présentes quand l’appelant a démissionné
[44] Le témoignage, les déclarations écrites et la preuve de l’appelant correspondent à quatre circonstances prévues par la loi. Voici les circonstances que j’ai examinées :
- La discrimination fondée sur un motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
- Les conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité.
- Les heures supplémentaires excessives ou refus de payer les heures supplémentaires.
- Les changements importants quant aux fonctions.
- La pression indue exercée par un employeur sur la partie prestataire pour qu’elle quitte son emploi.
La discrimination fondée sur un motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne
[45] La discrimination fondée sur un motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne pourrait constituer une justification pour un départ volontaireNote de bas de page 30.
[46] J’estime que cette circonstance ne s’applique pas au départ de l’appelant. Il y a très peu de preuves à l’appui de la discrimination. L’appelant a déclaré que ses collègues parlaient leur langue maternelle devant lui, ce qui est un signe de manque de respectNote de bas de page 31.
[47] Lorsqu’il proposait à son collègue de le conduire quelque part, celui-ci refusait, et pourtant acceptait la même offre d’un autre collègueNote de bas de page 32. L’appelant soutient qu’on lui a dit que la clientèle et possiblement ses collègues aussi essayaient de savoir s’il était raciste. Cela dérangeait l’appelantNote de bas de page 33. L’appelant affirme ne pas être raciste. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui indique que je devrais examiner cette question. Ce n’est pas une preuve de discrimination envers l’appelant.
[48] L’appelant a également écrit qu’il avait été rétrogradé alors qu’un de ses collègues avait été promu, et que ce collègue était d’une ethnie différente de la sienneNote de bas de page 34. Cela est survenu à la suite de l’incident du 12 avril 2024. Cet événement est abordé plus en détail ci-dessous. On ne sait pas s’il a communiqué avec son employeur pour recevoir une explication ou une raison. L’appelant n’a fourni aucune preuve qui montrerait qu’il a été rétrogradé afin qu’un collègue puisse être promu et que cela a été fait de façon discriminatoire. Il a laissé entendre que c’était le cas, mais il manque des éléments de preuve à l’appui.
[49] Les motifs de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne comprennent notamment la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe (y compris la grossesse), l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, l’invalidité physique ou mentale (y compris la dépendance à l’alcool ou aux drogues) et l’état de personne graciée.
[50] À défaut de preuve, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé que cette circonstance est quelque chose dont je dois tenir compte lorsque j’examine la raison de son départ.
Les conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité
[51] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré que ses conditions de travail constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité. Selon l’appelant, il a dû procéder à l’inspection d’un grenier sans masque parce que son employeur a refusé de s’arrêter pour acheter des masques en route. L’appelant était donc obligé de respirer l’air du grenier, car sa tête se trouvait juste à l’intérieur du grenier. L’appelant affirme qu’il ne se sentait pas respecté et qu’il a eu des problèmes respiratoires pendant des mois.
[52] L’appelant soutient également que la ventilation était une préoccupation au bureauNote de bas de page 35. Même sa mère s’est sentie mal lorsqu’elle lui a rendu visiteNote de bas de page 36.
[53] J’admets que ce sont des préoccupations importantes. Toujours est-il que je ne dispose pas d’information suffisante pour déclarer qu’il existait des conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité de l’appelant.
[54] Premièrement, ce qui s’est passé lors de l’inspection du grenier ne s’est pas reproduit par la suite. L’appelant pourrait toujours refuser d’effectuer de telles tâches à l’avenir.
[55] Pour ce qui est de la ventilation du bureau, je n’ai pas assez d’information. L’appelant affirme que la ventilation posait problème dans le laboratoire. Cependant, je n’ai pas d’information précise pour déterminer au juste ce qui ne respectait pas les normes. L’appelant devait-il y travailler souvent? Y avait-il des polluants dans l’air ou des inquiétudes au sujet de la moisissure?
[56] À quelle fréquence les problèmes de ventilation survenaient-ils? A-t-il demandé par écrit la mise en œuvre de mesures? A-t-il demandé que des tests de la qualité de l’air soient effectués? A-t-il demandé à travailler d’un autre endroit? Il a demandé qu’un filtre à air soit installé près de son poste de travail? Lorsque l’employeur a offert des masques, pourquoi était-ce insuffisant?Note de bas de page 37
[57] Compte tenu du manque d’information, je conclus que cette circonstance ne s’applique pas au départ de l’appelant.
Les heures supplémentaires excessives ou refus de payer les heures supplémentaires
[58] J’estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il a fait un nombre excessif d’heures supplémentaires ni que l’entreprise a refusé de le rémunérer lorsqu’il a travaillé des heures supplémentaires. L’appelant n’a pas allégué que l’employeur a refusé de payer des heures supplémentaires. Il a plutôt fait valoir qu’il a dû mettre plus de temps pour se former dans le cadre de son emploi en raison du manque de formation. Il se sentait parfois dépassé par le nombre de tâches ou les dates limites qui lui étaient imposées. Il nettoyait le bureau et lavait les planchers la fin de semaine, par pur altruisme.
[59] L’appelant n’a pas fourni de documents précis qui montrent un nombre excessif d’heures supplémentaires. J’ai examiné la preuve présentée par l’appelant. Je ne vois pas précisément combien d’heures supplémentaires il a dû faire, donc je ne peux pas savoir s’il s’agit d’un nombre excessif. Voici mes motifs : l’appelant n’a fourni aucune documentation au sujet du nombre d’heures, et d’ailleurs, il faudrait distinguer les heures de travail des heures de nettoyage [traduction] « altruiste » du bureau la fin de semaine. L’appelant a aussi dit que le nettoyage du bureau n’a eu aucune incidence sur son travailNote de bas de page 38.
[60] La Loi sur l’assurance-emploi ne fournit pas de définition de l’adjectif « excessif ». Le dictionnaire Larousse fournit la définition suivante : « qui excède la mesure ordinaire ou raisonnable ». J’estime que, sans précisions, je ne peux conclure que l’appelant a reçu une charge de travail excessive nécessitant des heures supplémentaires.
Les changements importants quant aux fonctions
[61] La loi prévoit qu’une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si elle a subi des changements importants dans ses fonctions et que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 39.
[62] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait subi des changements importants dans ses fonctions lorsqu’il a démissionné.
[63] L’appelant a déclaré que la description de son emploi était vague. Il fait également valoir que chaque mardi, l’employeur modifiait son horaire de travailNote de bas de page 40. Il était aussi supervisé par différentes personnes, de sorte que les priorités de travail changeaient constamment.
[64] Comme pour les heures supplémentaires excessives, je juge que l’appelant n’a fourni aucun exemple précis. Il a écrit que l’employeur modifiait ses tâches, en ajoutait une, puis en enlevait une. J’estime qu’il faut s’attendre à ce que les priorités de travail changent dans un bureau. Je crois toujours ce que dit l’appelant, mais je dois tout de même conclure qu’il n’a pas prouvé son argument.
[65] J’estime qu’à défaut de documents ou d’arguments précis, je dois conclure qu’il n’y a pas eu de changements importants dans ses fonctions.
La pression indue exercée par un employeur sur l’appelant pour qu’il quitte son emploi
[66] L’appelant affirme que son employeur voulait qu’il parte.
[67] Je conclus que l’appelant n’a fourni aucune preuve à l’appui de son argument. L’appelant a déclaré que l’employeur le punissait parce qu’il pensait qu’il avait déjà démissionné sans préavis par le passé.
[68] Je ne suis pas convaincu par cette explication. Je reconnais que l’appelant a travaillé pour l’employeur brièvement en 2022Note de bas de page 41. Cependant, il a dû partir parce qu’il est tombé malade et vivait dans une chambre d’hôtel. Il ne pouvait plus travailler et n’avait pas les moyens de rester à l’hôtel pendant qu’il était malade.
[69] Cela démontre plutôt que l’employeur était prêt à lui donner une deuxième chance et à le réembaucher. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant avait été réembauché compte tenu de son rendement précédent.
[70] L’appelant soutient qu’il y a eu un conflit le 12 avril 2024. Un client l’a provoqué et l’a insulté au point où il a dû partirNote de bas de page 42. Cependant, je n’ai aucun détail sur ce qui a été dit de provocateur et d’insultant. L’appelant a-t-il demandé à l’employeur de faire des démarches pour s’assurer que cela ne se reproduise pas? A-t-il demandé à ne plus travailler avec ce client?
[71] L’appelant soutient que l’employeur lui a dit qu’il s’imaginait des problèmes. L’appelant a cherché à obtenir une explication. Mais l’appelant a-t-il montré à l’employeur des messages textes, des dates et des détails pour appuyer la légitimité de ces allégations?
[72] Je conclus que la preuve dont je dispose ne prouve pas que l’employeur a exercé sur l’appelant une pression indue pour qu’il démissionne.
L’appelant avait des solutions raisonnables
[73] Je juge que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi, et qu’il n’a pas eu recours à ces solutions avant de démissionner.
[74] L’appelant affirme qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable parce qu’il n’a pas démissionné. On lui a ordonné de démissionner. Il a également été mal traité et son employeur a écarté ses préoccupations. Son employeur n’a jamais répondu à ses préoccupations.
[75] L’appelant soutient qu’on ne lui a pas offert une mutation lui permettant d’occuper un poste moins exigeant. Il n’était pas non plus possible d’obtenir un congéNote de bas de page 43.
[76] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelant aurait pu discuter avec la direction, demander un congé ou garder son emploi tout en cherchant activement un autre emploi.
[77] Je juge qu’une recherche active d’emploi avant de quitter était une solution raisonnable dans le cas de l’appelant. L’appelant aurait également pu demander un congé. Je reconnais que l’appelant affirme que l’employeur ne lui a pas offert de congé. Je juge que je ne peux pas tenir compte de cet argument. Toute partie prestataire qui a quitté volontairement son emploi a le fardeau de la preuve. Autrement dit, elle doit prendre des mesures nécessaires pour éviter de dépendre du programme d’assurance-emploiNote de bas de page 44.
[78] L’appelant fait valoir qu’il a bel et bien demandé un congé. Il estimait que trois jours suffisaient. Cependant, l’appelant soutient également qu’il n’a pas été traité équitablement et qu’on ne lui a pas offert de formation. D’après le témoignage de l’appelant, ces problèmes étaient de longue date. Je juge qu’un congé de plus de trois jours était une solution raisonnable. Trois jours ne permettraient pas de régler ces problèmes de longue date. J’estime qu’une période plus longue lui aurait permis de chercher un autre emploi avant de partir.
[79] Je juge également que le fait de continuer à travailler pour l’employeur pendant qu’il cherchait un autre emploi était une autre solution raisonnable. Je reconnais qu’il dit avoir été mal traité. Cependant, l’appelant a également écrit que les choses allaient bien jusqu’à la dernière semaineNote de bas de page 45. Il a également tenté de reprendre son emploi à la fin de mai 2024 en présentant des excusesNote de bas de page 46. L’appelant voulait retourner au travail tout en connaissant l’environnement et la charge de travail. Cela donne à penser qu’il n’était pas immédiatement nécessaire de quitter son emploi.
[80] Étant donné la preuve dont je dispose et les circonstances, je dois conclure que la recherche d’un emploi avant de partir était une solution raisonnable.
[81] Compte tenu des circonstances présentes au moment de la démission de l’appelant, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées ci-dessus.
[82] Cela signifie que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.
Conclusion
[83] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.
[84] Par conséquent, l’appel est rejeté.