Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation :c Commission de l’assurance-emploi du Canada et SR, 2024 TSS 1634

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : X
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : S. R.

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (681908) datée du 2 octobre 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 décembre 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant (l’employeur)
Prestataire (S. R.)
Date de la décision : Le 27 décembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-3688

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale est d’accord avec l’employeur (l’appelant).

[2] L’employeur a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi).

[3] Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[4] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur (qui est l’appelant dans le présent appel) a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il faisait preuve d’insubordination, qu’il prenait trop de temps pour les pauses et le dîner et qu’il ramenait le véhicule de l’entreprise à la maison sans permission. Lorsqu’on lui a demandé de rendre le véhicule et de cesser de l’utiliser pour voyager entre le travail et son domicile, il a refusé.

[5] Le prestataire conteste ce qui s’est passé, il dit qu’il était en retard comme tout le monde et qu’il avait la permission de ramener le véhicule à la maison. Il dit que l’employeur ne lui a pas donné l’occasion d’améliorer son rendement ou de répondre aux allégations. Selon lui, l’employeur l’a congédié sans justification. De plus, il affirme n’avoir rien fait de mal intentionnellement. Il ajoute qu’il n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires progressives et qu’il ne savait pas qu’il avait fait quelque chose qui aurait pu entraîner son congédiement.

[6] La Commission a accepté la raison du congédiement du prestataire. Elle a conclu qu’il n’avait pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que l’appelant [sic] n’était pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] L’employeur a demandé une révision et a fait appel de la décision d’accorder des prestations au prestataire.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant a présenté des éléments de preuve qui ne figuraient pas au dossier pendant l’audience

[8] À l’audience, l’employeur a présenté des éléments de preuve qui ne figuraient pas au dossier d’appel. Il a présenté deux avertissements écrits et une lettre rédigée par le superviseur décrivant les problèmes qui ont mené au congédiement du prestataire. L’appelant m’a envoyé ces documents après l’audience et je les ai acceptés, comme ils sont pertinents pour l’appelNote de bas de page 2. De plus, l’appelant a déclaré avoir envoyé ces documents à la Commission pendant l’étape de la révision.

[9] Accepter ces documents ne cause aucun préjudice aux parties. De plus, ils sont importants dans le cadre de cet appel.

Question en litige

[10] L’appelant [sic] a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[12] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il faisait preuve d’insubordination et qu’il a ramené le véhicule de l’entreprise chez lui après avoir reçu l’ordre de ne pas le faire. 

[13] Le prestataire et l’appelant (l’employeur) ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi. L’employeur affirme que le prestataire était insubordonné et refusait de cesser de ramener le véhicule de l’entreprise chez lui. Il affirme également que le prestataire abusait du temps de l’entreprise en prenant des pauses-déjeuner très longues, des pauses-cigarette et des pauses pour boire de l’eau. L’employeur a ajouté que le prestataire quittait les chantiers plus tôt et qu’une fois, il n’avait pas appelé pour dire qu’il serait absent.

[14] Les avertissements écrits que l’employeur a fournis se trouvent dans le document GD7. L’un d’eux concerne l’abus de temps, et l’autre l’absence sans préavis. L’employeur a également fourni un résumé écrit des incidents rédigé par le superviseur, soulignant les problèmes d’insubordination.

L’incident final : refus de cesser de ramener le véhicule de l’entreprise chez lui

[15] Le 24 avril 2024, le siège social a donné au prestataire la permission de ramener le véhicule chez lui, car le chantier se situait près de sa résidence. Cependant, le prestataire a continué de ramener le véhicule chez lui après le changement de chantier, sans que son superviseur le sache. Ce dernier s’est rendu compte de la situation le 9 mai 2024, lorsque le prestataire était malade et que le véhicule ne se trouvait pas sur le chantier.

[16] Vers le 9 mai 2024, son superviseur lui a demandé d’arrêter de ramener le véhicule chez lui tous les soirs. Le prestataire a refusé et lui a répondu que personne (au siège social) ne lui avait dit d’arrêter de le prendre, et donc qu’il continuerait.

[17] Le prestataire a continué d’utiliser le véhicule et de le ramener à la maison le soir. Personne ne l’a découvert parce que le prestataire et son superviseur travaillaient à des heures et à des endroits différents. De plus, son employeur lui faisait confiance pour travailler ses heures de travail et respecter la politique sur l’utilisation des véhicules de l’entreprise.

[18] Le prestataire a été informé qu’il travaillerait à la Villa le lundi 27 mai 2024. On lui a dit de laisser le véhicule au bureau le vendredi 24 mai 2024 parce que son collègue en aurait besoin pour son chantier le lundi. Le prestataire a cependant refusé et a ramené le véhicule chez lui. C’est le dernier incident qui a entraîné son congédiement.

Ce que dit le prestataire

[19] Le prestataire n’est pas d’accord. Le prestataire affirme que la véritable raison pour laquelle il a perdu son emploi est qu’il a parlé à un collègue de mises à piedNote de bas de page 3. Il a dit que l’employeur discutait illégalement de mises à pied. Il en a donc parlé à un collègue, croyant que l’employeur voulait le congédier.

[20] Le prestataire a dit qu’il n’avait reçu qu’un seul avertissement le 9 mai 2024, parce qu’il n’avait pas appelé pour prévenir qu’il était maladeNote de bas de page 4. Il a dit qu’il avait oublié d’appeler.

[21] Le prestataire nie avoir reçu une lettre d’avertissement le 1er février 2024 au sujet de ses pauses trop nombreuses et de l’utilisation excessive de son téléphone personnel. Cet avertissement se trouve à la page GD7-2, et il a été discuté à l’audience. L’avertissement du 1er février 2024 précise que le congédiement était possible si les comportements se poursuivaient.

[22] La preuve indique clairement que le prestataire a reçu l’avertissement le 1er février 2024. Même si le prestataire a refusé de le signer, l’employeur l’a consigné et l’a mis dans son dossier. J’accepte la preuve de l’employeur selon laquelle le prestataire a reçu deux avertissements. Le témoignage du prestataire au sujet de ses antécédents disciplinaires n’est pas crédible. 

[23] Je conclus que le prestataire a été congédié pour insubordination.

  • Le prestataire avait fait preuve d’un mauvais comportement et avait abusé de ses heures de travail en prenant trop de pauses, en partant plus tôt et en utilisant son téléphone de manière excessive. Il a reçu un avertissement disciplinaire à ce sujet le 1er février 2024.
  • Le prestataire n’a pas appelé pour prévenir qu’il serait absent, laissant ainsi l’employeur sans véhicule et sans travailleur. En conséquence, il a reçu un autre avertissement disciplinaire le 9 mai 2024.
  • Le prestataire a reçu la permission de ramener le véhicule de l’entreprise chez lui pour une nuit parce que le chantier se situait près de son domicile. Or, il a continué de ramener le véhicule à la maison sans permission. Lorsque son superviseur lui a demandé de cesser de le faire, il a refusé parce que les ordres ne venaient pas du siège social.
  • Le comportement du prestataire consistant à quitter le travail plus tôt et à prendre trop de pauses s’est poursuivi. De plus, lorsqu’on lui a demandé de se présenter à la Villa pour travailler le 27 mai 2024 et de laisser le véhicule de l’entreprise au bureau pour un collègue qui en aurait besoin, il a refusé de le faire. Il a ramené le véhicule chez lui le 24 mai 2024, en dépit de l’ordre qui lui avait été donné.
  • En conséquence, un collègue a dû récupérer le véhicule un dimanche afin de l’utiliser pour le travail le lendemain.

[24] Après un examen attentif de la preuve, le prestataire a été congédié pour insubordination à la suite de plusieurs avertissements concernant l’abus de temps et le refus de suivre les directives. Le dernier incident a été son refus de laisser le véhicule de l’entreprise à un collègue. Cet événement a brisé la confiance de l’employeur, qui a jugé que cet incident était trop grave pour continuer à employer le prestataire.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[25] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[26] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[27] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[28] L’appelant doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[29] L’appelant soutient qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a reçu deux avertissements avant l’incident final où il a abusé de la confiance de l’employeur. Le premier avertissement, daté du 1er février 2024, précisait que la poursuite du comportement pouvait entraîner un congédiement. Le 24 mai 2024, le prestataire a reçu l’ordre de ne pas ramener le véhicule à la maison.

[30] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires progressives. Il nie avoir reçu un avertissement le 1er février 2024. Il soutient qu’il avait la permission de ramener le véhicule chez lui et a indiqué à la Commission que son employeur l’avait accusé d’avoir volé le véhicule.

[31] Je n’ai aucune obligation d’accepter ou de rejeter en totalité le témoignage d’une personne. Des parties de la preuve d’une personne peuvent être acceptées et d’autres rejetées, et un poids différent peut être accordé aux diverses parties du témoignageNote de bas de page 10.

[32] Néanmoins, certains principes ou outils qui sont ressortis de la jurisprudence peuvent m’aider à apprécier la crédibilitéNote de bas de page 11 :

  • La capacité de tenir compte des incohérences et des faiblesses dans le témoignage de la personne, notamment les contradictions internes, les déclarations antérieures incohérentes et les incohérences entre le témoignage de la personne et celui d’autrui.
  • La capacité d’examiner des éléments de preuve indépendants qui confirment ou contredisent le témoignage de la personne.
  • La capacité d’évaluer si le témoignage de la personne est plausibleNote de bas de page 12.
  • Il est possible de se fier à l’attitude de la personne, y compris sa sincérité et les termes qu’elle utilise, mais il faut le faire avec prudenceNote de bas de page 13.
  • Il faut accorder une attention particulière au témoignage des personnes qui sont parties à l’instance; il est important de tenir compte de la motivation que les gens peuvent avoir pour fabriquer des éléments de preuveNote de bas de page 14.

[33] Je conclus que l’appelant a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce qu’il a fourni une preuve des avertissements et une lettre du superviseur du prestataire décrivant un historique des problèmes et de l’insubordinationNote de bas de page 15.

  • Le prestataire a fourni un témoignage contradictoire au sujet des avertissements qu’il a reçus. Cependant, la preuve montre que l’employeur a pris des mesures disciplinaires à son égard et que, selon toute probabilité, le prestataire ne dit pas la vérité. J’accorde donc plus d’importance à la preuve de l’employeur.
  • Le prestataire a dit à la Commission que son employeur l’avait accusé d’avoir volé le véhicule de l’entreprise. Ce n’est pas vrai. Je ne vois aucune preuve de cette allégation et l’employeur a témoigné qu’il n’a jamais dit que le prestataire avait volé le véhicule. Le prestataire a exagéré la vérité pour convaincre la Commission qu’il avait été congédié à tort. Cela remet en question la crédibilité de son témoignage et constitue une raison supplémentaire pour laquelle j’accorde moins d’importance à son récit.
  • Le prestataire a reçu une lettre d’avertissement le 1er février 2024, qui précisait que le congédiement était possible. Bien que le prestataire ait déclaré ne pas avoir reçu cette lettre, l’employeur en a fourni la preuve dans le document GD7.
  • Le prestataire a reçu un deuxième avertissement disciplinaire le 9 mai 2024.
  • Le prestataire a continué à enfreindre les ordres même après avoir été averti et a abusé du temps de travail qui lui était payé en prenant des pauses supplémentaires et en partant plus tôt. Il savait qu’il risquait d’être congédié, mais il a continué malgré tout.

[34] Le prestataire n’a pas dit la vérité pendant l’audience au sujet des avertissements qu’il a reçus. Par conséquent, j’accorde plus d’importance au témoignage et à la preuve de l’employeur. Le prestataire a rompu la confiance de l’employeur lorsqu’il a pris le véhicule de l’entreprise pour rentrer chez lui sans permission, et il a été congédié en conséquence.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[35] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[36] L’appelant a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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