Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 32
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | S. B. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 9 décembre 2024 (GE-24-3336) |
Membre du Tribunal : | Solange Losier |
Date de la décision : | Le 16 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-14 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions préliminaires
- Questions en litige
- Analyse
- Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel
- Conclusion
Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel ne sera pas instruit.
Aperçu
[2] S. B. est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.
[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 1.
[4] La division générale a tiré la même conclusionNote de bas page 2. Elle a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle a conclu que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui.
[5] Le prestataire demande la permission de faire appelNote de bas page 3. Il soutient que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable pour plusieurs raisons et qu’elle a fait preuve de partialitéNote de bas page 4.
[6] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 5.
Questions préliminaires
Il y a eu des antécédents procéduraux dans ce dossier
[7] La division générale a d’abord tenu une audience en personne, mais le prestataire n’y a pas assisté. Elle a donc eu lieu en son absenceNote de bas page 6. La division générale a rejeté l’appel le 16 juillet 2024Note de bas page 7. Le prestataire a fait appel de cette décision à la division d’appel.
[8] La division d’appel a accueilli son appel parce qu’elle a conclu que la division générale n’avait pas suivi un processus équitable lorsqu’elle a modifié le mode d’audience pour tenir une audience en personne et qu’elle a procédé en son absenceNote de bas page 8. Pour corriger l’erreur, elle a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen.
[9] Par la suite, la division générale a tenu une audience écrite et a rejeté l’appel du prestataire le 5 décembre 2024Note de bas page 9. Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de cette décision à la division d’appel.
Le prestataire a présenté de nouveaux éléments de preuve
[10] Dans le cadre de sa demande à la division d’appel, le prestataire a fourni des renseignements supplémentaires pour appuyer sa position sur la question du départ volontaireNote de bas page 10. J’ai examiné le dossier de la division générale et ces éléments de preuve ne semblent pas faire partie du dossier.
[11] La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuveNote de bas page 11. En effet, la division d’appel n’est pas le juge des faits et elle ne réentendra pas l’affaire. Elle fera plutôt un examen de la décision de la division générale en se fondant sur les mêmes éléments de preuveNote de bas page 12.
[12] Il y a quelques exceptions où de nouveaux éléments de preuve peuvent être admisNote de bas page 13. Par exemple, je peux accepter de nouveaux éléments de preuve s’ils fournissent seulement des renseignements généraux, s’ils mettent en lumière des conclusions tirées sans preuve à l’appui ou s’ils attirent l’attention sur des vices de procédure.
[13] Je conclus que les renseignements fournis par le prestataire (aux pages ADN1-9 et ADN1-10 du dossier d’appel) n’ont pas été portés à la connaissance de la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision. Il s’agit d’une nouvelle preuve.
[14] Je n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve du prestataire parce qu’il ne s’agit pas de renseignements généraux et qu’ils ne répondent à aucune des autres exceptions. Par conséquent, je ne peux pas tenir compte des nouveaux éléments de preuve présentés par le prestataire au moment de rendre ma décision.
[15] Je reconnais qu’il veut fournir des renseignements supplémentaires sur les raisons pour lesquelles il ne travaille plus, mais il s’agit de nouveaux éléments de preuve. Il est important de savoir qu’une division d’appel n’est pas une [traduction] « reprise » fondée sur des éléments de preuve à jour des audiences devant la division généraleNote de bas page 14.
Questions en litige
[16] Est-il possible de soutenir que la division générale a omis de suivre une procédure équitable ou qu’elle a fait preuve de partialité?
Analyse
[17] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel donne la permission de faire appel. Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 15. Il y a seulement certaines erreurs dont je peux tenir compteNote de bas page 16. Il doit y avoir un moyen de soutenir que l’appel pourrait être accueilliNote de bas page 17.
[18] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi un processus équitable, alors c’est sur cela que je vais me concentrerNote de bas page 18.
Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel
Le prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable
[19] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable. Il a fourni de nombreuses raisons pour appuyer sa positionNote de bas page 19.
[20] J’ai résumé ses principaux arguments comme suit :
- il n’a pas eu de nouvelles du Tribunal depuis octobre [2023];
- le Tribunal a communiqué avec lui au numéro de téléphone d’un ami pour confirmer le mode d’audience qu’il voulait;
- il a écrit au Tribunal pour l’aviser qu’il était régulièrement à l’hôpital et qu’il ne serait pas disponible, mais qu’il essayerait de répondre le plus tôt possible;
- lorsque sa mère est décédée, il a demandé du temps pour s’adapter à sa situation et répondreNote de bas page 20;
- il n’a pas eu le temps de présenter ses réponses écrites et il n’a reçu aucune empathie malgré sa situation;
- il attendait de reporter l’audience, car il était encore en deuil;
- une décision a été rendue avant qu’il puisse présenter ses réponses aux questions;
- les questions écrites semblaient [traduction] « frivoles, très juvéniles et insensibles au sujet » et le ton des questions était sarcastique;
- il avait un parti pris.
Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable
[21] L’équité procédurale concerne l’équité du processus. Elle comprend des protections procédurales, y compris le droit d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale ainsi que le droit, en tant que partie, d’être entendue, de connaître les arguments avancés contre soi et d’avoir l’occasion d’y répondre.
[22] Le dossier montre que le prestataire a écrit à la division générale le 16 octobre 2024 et le 20 octobre 2024 pour dire ce qui suitNote de bas page 21 :
[traduction]
Le 16 octobre 2024
« Bonjour, la présente a pour but de vous informer que je suis à l’hôpital X depuis quelques semaines maintenant. Ma mère se meurt du cancer. Si vous avez besoin de me joindre, n’hésitez pas à le faire en m’écrivant à l’adresse de courriel suivante : X. »
Le 20 octobre 2024
« Pour faire suite à mon courriel précédent daté du mercredi 16 octobre 2024, en ce qui concerne la mise à jour de mon dossier, j’aimerais ajouter que ma mère est récemment décédée et que j’essaye d’organiser ses funérailles. Je vais essayer d’être disponible et de vous répondre le plus tôt possible. Merci de votre compréhension pendant cette période très difficile. »
[23] Dans sa décision, la division générale a écrit que le personnel du Tribunal avait téléphoné au prestataire pour confirmer le mode d’audience qu’il préférait parce qu’il avait cerné plusieurs préférences dans ses formulaires d’appelNote de bas page 22. Le prestataire a répondu par courriel, confirmant qu’il voulait une audience par écritNote de bas page 23.
[24] Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que le Tribunal respecte le mode d’audience choisi par une personneNote de bas page 24. Il y a quelques exceptions qui permettent de s’écarter de ce choixNote de bas page 25. Dans la présente affaire, la division générale a décidé d’aller de l’avant avec le choix du prestataire, une audience par écrit, et le Tribunal lui a envoyé un avis par courriel le 5 novembre 2024Note de bas page 26.
[25] Par la suite, la division générale a écrit une lettre au prestataire le 6 novembre 2024. Elle a expliqué qu’elle avait des questions à lui poser et elle lui a demandé d’y répondre au plus tard le 18 novembre 2024Note de bas page 27. Toutefois, le prestataire n’a pas répondu à la lettre de la division générale.
[26] Dans sa décision, la division générale a conclu que sa lettre avait été envoyée à l’adresse de courriel du prestataire au dossier (celle qu’il a fournie le 16 octobre 2024). Elle a souligné que le personnel du Tribunal l’a appelé le 26 novembre 2024 (plusieurs jours après la date limite) pour lui rappeler le numéro de téléphone au dossierNote de bas page 28. Elle a conclu qu’il avait reçu la lettre, qu’il n’avait pas répondu et elle a donc rendu sa décision sans ses commentaires supplémentairesNote de bas page 29.
[27] Il est impossible de soutenir que la division générale a omis de suivre une procédure équitable ou qu’elle a fait preuve de partialité dans la présente affaire. Voici mes motifs.
Le Tribunal utilise les coordonnées au dossier
[28] Le prestataire soutient qu’il n’a pas eu de nouvelles du Tribunal depuis octobre [2023].
[29] Le Tribunal utilise les coordonnées au dossier lorsqu’il communique avec une partie ou qu’il lui envoie un documentNote de bas page 30. Ces renseignements sont habituellement fournis dans les formulaires d’avis d’appel, mais les parties peuvent les mettre à jour en avisant le Tribunal.
[30] Dans la présente affaire, le prestataire a dit au Tribunal qu’il avait une nouvelle adresse de courriel le 16 octobre 2024. Il s’agit de la même adresse courriel que celle que le Tribunal a utilisée pour lui envoyer l’avis d’audience par écrit de la division générale le 5 novembre 2024 et la lettre datée du 6 novembre 2024Note de bas page 31.
[31] Le prestataire soutient également que le Tribunal a téléphoné au numéro de téléphone de son ami. Lorsque j’examine ses formulaires d’appel initiaux à la division générale, il a fourni un numéro de téléphone et rien ne précise qu’il ne s’agit pas de son propre numéro de téléphoneNote de bas page 32.
[32] Et lorsque le Tribunal a communiqué avec lui pour confirmer s’il voulait une audience par écrit, il a laissé un message au numéro de téléphone au dossier. Le prestataire a confirmé avoir reçu ce message téléphonique dans l’un des courriels qu’il a envoyés au TribunalNote de bas page 33.
[33] Dans sa décision, la division générale a souligné que le Tribunal l’a appelé au même numéro de téléphone que celui qu’il a fourni le 26 novembre 2024 et qu’il a laissé un message pour lui rappeler la date limite qui était passéeNote de bas page 34. Le Tribunal lui a demandé de répondre au plus tôt ou de téléphoner, et il a dit qu’autrement, la division générale rendrait sa décisionNote de bas page 35.
[34] La division générale a attendu une réponse et elle a seulement rendu sa décision le 5 décembre 2024. Le prestataire n’a pas répondu aux courriels qui lui ont été envoyés ni au message vocal qui lui a été laissé.
[35] Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable. Le Tribunal utilise les coordonnées qu’il a au dossierNote de bas page 36. Le dossier montre qu’il a utilisé l’adresse de courriel et le numéro de téléphone au dossier pour le joindre. Le Tribunal peut poursuivre le processus d’appel même s’il ne peut pas joindre une partie en utilisant les coordonnées qu’elle lui a fournies, sans donner un autre avis à la partieNote de bas page 37.
Le prestataire n’a pas demandé à la division générale de reporter l’audience ou de repousser l’échéance
[36] Le prestataire soutient qu’il a avisé le Tribunal qu’il était régulièrement à l’hôpital et que sa mère était décédée. Il dit avoir demandé du temps au Tribunal pour s’adapter à sa situation et y répondre. Il dit aussi qu’il attendait avant de reporter l’audience parce qu’il était en deuil et qu’il avait d’autres choses à gérer.
[37] D’après mon examen du dossier, le prestataire n’a jamais demandé que l’audience soit reportée ou d’avoir plus de temps pour répondre à la lettre de la division générale. Le Tribunal permet le report des audiences et la prolongation des délais, mais seulement lorsqu’une personne en fait la demandeNote de bas page 38. Cela ne s’est pas produit dans la présente affaire.
[38] Le prestataire a présenté ses courriels sous un faux jour (voir le paragraphe 21 ci-dessus). Ses courriels avisent simplement le Tribunal qu’il avait une disponibilité limitée pendant qu’il était à l’hôpital et que sa mère est décédée par la suite. Il a écrit qu’il s’occupait des funérailles, et qu’il essayerait d’être disponible et de revenir le plus tôt possible.
[39] La division générale lui a écrit quelques semaines après le décès de sa mère pour confirmer qu’elle procéderait à une audience par écrit le 5 novembre 2024. Cet avis disait : [traduction] « Le membre du Tribunal pourrait vous envoyer, à vous ou aux autres parties, une lettre pour vous demander de plus amples renseignements au sujet du présent appel » et [traduction] « si le membre du Tribunal n’a pas besoin de renseignements supplémentaires, il tranchera l’appel en se fondant sur les renseignements au dossierNote de bas page 39 ».
[40] Par la suite, la division générale lui a envoyé une lettre pour lui demander de répondre à ses questions au plus tard le 18 novembre 2024Note de bas page 40. Ce n’est pas un délai déraisonnable, d’autant plus que le Tribunal doit s’assurer que le processus d’appel est aussi simple et rapide que l’équité le permetNote de bas page 41.
[41] Même si pleurer la perte d’un être cher est un processus individuel, la division générale ne pouvait pas savoir combien de temps il faudrait au prestataire pour répondre. Le dossier montre qu’elle a attendu quelques semaines après le décès de la mère du prestataire avant de lui demander de répondre à ses questions.
[42] J’ajoute que la division générale a tenu compte de la situation dans laquelle se trouvait le prestataire, et elle a exprimé sa sympathie pour la perte de sa mère dans sa décisionNote de bas page 42. Elle n’a pas ignoré sa situation.
[43] Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas suivi un processus équitable dans la présente affaire. Le prestataire n’a pas demandé au Tribunal de reporter l’audience ni de prolonger le délai établi dans la lettre.
La division générale a donné au prestataire le temps de répondre
[44] Le prestataire soutient qu’il n’a pas eu assez de temps pour répondre aux questions figurant dans la lettre de la division générale. Il dit que la division générale a rendu sa décision avant qu’il ait la chance de répondre.
[45] L’avis d’audience par écrit de la division générale a été envoyé au prestataire par courriel le 5 novembre 2024. La lettre accompagnée des questions lui a été envoyée par courriel le 6 novembre 2024. Il devait répondre au plus tard le 18 novembre 2024.
[46] Le prestataire avait 12 jours pour répondre, mais il ne l’a pas fait. Comme je l’ai mentionné plus haut, le personnel du Tribunal lui a également laissé un message vocal pour lui rappeler la date limite.
[47] La division générale a rendu sa décision seulement le 5 décembre 2024, soit plus de deux semaines après la date limite.
[48] Il est impossible de soutenir que la division générale a omis de suivre un processus équitable. Le prestataire a eu suffisamment de temps pour répondre, et la division générale a rendu sa décision seulement deux semaines après la date limite. Elle était libre d’aller de l’avant et de trancher l’appel en se fondant sur les renseignements au dossier.
Rien ne porte à croire que la division générale avait un parti pris
[49] Le prestataire soutient que le ton des questions écrites de la division générale était frivole, juvénile, insensible et sarcastique. Il prétend que la division générale avait un parti pris.
[50] La division générale devait décider si le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 43. Elle devait examiner s’il y avait d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui.
[51] Lorsque j’examine les questions écrites de la division générale, je ne considère pas qu’elles sont frivoles, juvéniles, insensibles ou sarcastiques. Les questions écrites sont posées de façon respectueuse et neutre. Bon nombre des questions sont simples et précises, mais certaines lui demandent de fournir une explication détaillée de ce qui s’est passé. De plus, les questions énumérées se rapportent aux questions qu’elle devait trancher, soit la question du départ volontaire.
[52] Une allégation de partialité est une allégation grave. Une allégation de partialité ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressionsNote de bas page 44.
[53] Le critère juridique pour établir la partialité est de savoir si une personne bien renseignée, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique et qui aurait réfléchi à la question de façon approfondie, conclurait qu’il était plus probable qu’improbable que le membre de la division générale, consciemment ou non, ne trancherait pas l’affaire de façon équitableNote de bas page 45.
[54] Il est impossible de soutenir que la division générale a fait preuve de partialité. Une personne bien renseignée, qui étudierait l’affaire de façon raisonnable et pratique et qui aurait réfléchi à l’affaire, ne conclurait pas qu’il était plus probable qu’improbable que la division générale avait un parti pris.
Il n’y a aucune autre raison de donner au prestataire la permission de faire appel
[55] J’ai examiné le dossier ainsi que la décision portée en appel et je n’ai trouvé aucun élément de preuve clé que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréterNote de bas page 46.
Conclusion
[56] La permission de faire appel est refusée. Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable ou qu’elle a fait preuve de partialité.
[57] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel du prestataire n’ira pas de l’avant.