[TRADUCTION]
Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1646
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (682769) datée du 27 septembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Nathalie Léger |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 5 novembre 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 7 novembre 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-3523 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli en partie.
[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler à partir du 23 juillet 2024. Elle n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date. Autrement dit, elle est seulement inadmissible au bénéfice des prestations du 30 juin 2024 au 22 juillet 2024.
Aperçu
[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 30 juin 2024 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, une personne doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la personne doit être à la recherche d’un emploi.
[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.
[5] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle n’a commencé à chercher du travail qu’une fois arrivée à son nouveau lieu de résidenceNote de bas de page 1. Elle ajoute qu’en limitant sa recherche d’emploi dans un rayon de 25 km de son domicile, l’appelante a établi une condition personnelle qui limitait indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner travaillerNote de bas de page 2.
[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle a commencé à chercher du travail dès qu’elle a été informée par la Commission le 23 juillet 2024 qu’elle devait démontrer qu’elle était disponible pour travailler. Elle admet qu’elle n’a pas cherché de travail avant cela. Elle dit également qu’il est raisonnable qu’elle ne conduise pas sur de longues distances compte tenu de la région où elle vit et du fait qu’elle ne peut pas conduire la nuit pour des raisons de santé.
Question en litige
[7] L’appelante était-elle disponible pour travailler?
Analyse
[8] Deux articles de loi exigent qu’une personne qui demande des prestations démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.
[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 3. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 4 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.
[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. La jurisprudence énonce aussi trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 6. Je vais examiner ces éléments plus loin.
[11] La Commission soutient que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi. Cependant, je ne vois rien qui puisse justifier une inadmissibilité au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Au contraire, l’appelante a bien indiqué les employeurs chez qui elle a postulé et les dates auxquelles elle l’a faitNote de bas de page 7.
[12] Par conséquent, je vais maintenant examiner uniquement si l’appelante était disponible pour travailler au titre de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Capable de travailler et disponible pour le faire
[13] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si l’appelante était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 8 :
- a) Montrer qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
- b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
- c) éviter d’établir des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner travailler.
[14] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en compte l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 9.
Vouloir retourner travailler
[15] L’appelante a montré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
[16] L’appelante a toujours soutenu qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait proposé. Elle a témoigné en ce sens à l’audience. Bien qu’elle admette qu’il aurait pu être difficile de commencer un nouvel emploi avant d’arriver à son nouveau lieu de résidence le 6 septembre 2024, elle dit qu’elle était prête à commencer dès le lendemain.
[17] L’appelante a également indiqué les employeurs chez qui elle a postulé avant d’arriver à son nouveau lieu de résidence le 5 septembre 2024. Par conséquent, je conclus qu’elle répond à ce premier élément.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[18] L’appelante a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable à compter du 23 juillet 2024. Elle reconnaît qu’elle n’a pas cherché de travail avant cette date.
[19] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi qui se trouve à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi. Cette liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 10.
[20] La preuve montre que pour trouver un emploi, l’appelante :
- a) a consulté les offres d’emploi qu’elle recevait de Service Canada et postulé à plusieurs des emplois proposésNote de bas de page 11;
- b) a mis à jour son curriculum vitae et rédigé une lettre de présentation;
- c) a fait savoir à ses amis et à sa famille qu’elle cherchait un emploi;
- d) s’est rendue en personne dans de nombreuses entreprises de sa petite ville pour voir si elles avaient besoin de quelqu’un;
- e) a consulté au minimum tous les deux jours le site Web de recherche d’emploi « X » créé pour sa ville même si elle ne répondait pas aux critères de la plupart des emplois affichés.
[21] L’appelante a déclaré que c’était la première fois qu’elle devait chercher du travail de cette façon. Elle a travaillé pendant 48 ans pour son dernier employeur à Terre-Neuve. Elle ne connaît pas les sites Web de recherche d’emploi spécialisés comme Jobboom et LinkedIn. Elle dit qu’elle cherche n’importe quel type d’emploi, même s’il est moins bien rémunéré que celui qu’elle occupait auparavant. Elle a de l’expérience en tant qu’adjointe administrative, mais en raison de la taille de sa ville, elle sait qu’il pourrait être difficile de trouver un emploi dans ce domaine. Elle est donc prête à travailler dans un autre domaine.
[22] La Commission affirme que comme l’appelante a initialement déclaré qu’elle ne cherchait pas d’emploi avant d’arriver à X, elle n’a pas démontré qu’elle a fait des efforts raisonnables pour se trouver un emploi. Je conviens que l’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas cherché de travail avant le 23 juillet 2024. Cependant, la preuve montre qu’elle l’a fait à compter de cette dateNote de bas de page 12.
[23] L’appelante a fait et continue de faire la plupart des activités de recherche d’emploi prévues par le Règlement sur l’assurance-emploi, comme évaluer les possibilités d’emploi, rédiger un curriculum vitae et une lettre de présentation, s’inscrire à une banque d’emplois électronique, faire du réseautage et communiquer avec des employeurs éventuels. Il est important de se rappeler que postuler à des emplois n’est qu’une des activités de recherche d’emploi énumérées dans le Règlement sur l’assurance-emploi. Ce n’est pas la seule chose qui doit être prise en compte.
[24] Compte tenu de la situation particulière de l’appelante, je considère qu’elle a fait des efforts de recherche d’emploi suffisants pour répondre aux exigences de ce deuxième élément à compter du 23 juillet 2024.
Limiter indûment ses chances de retourner travailler
[25] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner travailler.
[26] La Commission affirme qu’en limitant sa recherche d’emploi dans un rayon de 25 km de son domicile, l’appelante a fait preuve d’une préférence personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner travailler. La Commission soutient qu’il est [traduction] « établi depuis longtemps » qu’un trajet d’une heure n’est pas déraisonnableNote de bas de page 13. La ville la plus importante de la région de l’appelante est Prince Albert, qui se trouve à au moins 45 minutes de trajet (à une distance de 60 à 70 km).
[27] La Commission fait valoir que ne pas conduire la nuit n’est qu’une préférence personnelle de l’appelante et qu’il est bien établi qu’un trajet d’une heure dans des régions plus isolées est raisonnable.
[28] Je ne suis pas d’accord. Chaque dossier doit être évalué en fonction de la situation de la personne concernée. Il existe très peu de règles strictes en la matière. C’est peut-être la raison pour laquelle la Commission ne mentionne aucune décision qui expliquerait ce qu’est un [traduction] « temps de déplacement raisonnableNote de bas de page 14 ».
[29] L’appelante a déclaré qu’elle avait cessé de conduire la nuit il y a plus de quatre ans parce que les lumières des autres voitures l’aveuglaient. Elle ne voit pas bien et cela la rend très anxieuse parce qu’elle a peur de heurter un piéton ou d’avoir une collision. Elle a également déclaré qu’il n’y avait pas de réseau de transport en commun dans sa région qui lui permettait de se rendre à Prince Albert. La Commission a confirmé cette information en effectuant une rechercheNote de bas de page 15.
[30] Je pense qu’il ne s’agit pas d’une préférence personnelle, mais d’un véritable problème de santé. Il n’est pas rare que les gens aient plus de difficulté à conduire la nuit en vieillissant. L’appelante a 64 ans. Elle a déclaré qu’elle ne conduisait plus la nuit depuis quelques années. Ce n’est en aucun cas une conséquence de son nouvel environnement ou d’une « préférence personnelle ». C’est quelque chose qu’elle doit faire parce que l’état de santé de ses yeux ne lui permet pas de faire autrement.
[31] De plus, l’article 9.002(1)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi prévoit qu’un emploi est convenable pour l’appelante si son état de santé et ses capacités physiques lui permettent de se rendre au lieu de travail. Compte tenu de la distance et sachant qu’elle devrait certainement conduire la nuit, ce que ni sa santé ni ses capacités physiques ne lui permettent de faire, je considère que le fait qu’elle ait restreint ses recherches à 25 km autour de chez elle ne limite pas indûment ses chances de retourner travailler.
[32] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait personne pour la conduire, car son mari ne conduisait pas non plus la nuit. Si elle trouvait un emploi dans sa petite ville, elle serait prête à s’y rendre à pied ou à essayer de trouver un moyen de transport.
Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?
[33] Selon mes conclusions sur les trois éléments, j’estime que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.
Conclusion
[34] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi à compter du 23 juillet 2024, mais pas du 30 juin 2024 au 22 juillet 2024. Je conclus donc qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi à compter du 23 juillet 2024. Elle pourrait donc avoir droit à des prestations.
[35] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.