Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JW c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2025 TSS 52

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : J. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : D. Kopitas

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 septembre 2024
(GE-24-2856)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 janvier 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 23 janvier 2025
Numéro de dossier : AD-24-669

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur procédurale ni fourni de renseignement inexact ou trompeur à l’appelante, J. W. (prestataire).

Aperçu

[2] La prestataire fait appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a estimé que la prestataire n’avait pas raisonnablement expliqué pourquoi elle était en retard lorsqu’elle a déposé un avis d’appel à la division générale. Pour cette raison, la division générale ne lui a pas accordé de prolongation du délai pour faire appel.

[4] La prestataire soutient que la division générale a agi injustement, car les exigences qui lui étaient imposées n’étaient pas claires. Elle affirme également que l’ensemble du processus était injuste et confus dès le départ. Elle demande à la division d’appel de faire preuve de clémence, car elle a agi de bonne foi tout au long du processus et soutient qu’elle n’a été en retard que de quatre jours, dont deux jours de fin de semaine, lorsqu’elle a déposé son avis d’appel. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et d’examiner le fond de sa demande. Sinon, elle devra rembourser une dette importante.

[5] L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur et demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Question en litige

[6] La division générale a‑t‑elle agi de façon injuste ou a-t-elle commis des erreurs de procédure?

Analyse

[7] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

La prestataire soutient que la division générale a agi injustement

Rappel des faits

[8] La Commission a rendu un avis de décision (la décision de révision) le ou vers le 31 mai 2024. Elle a décidé qu’elle ne verserait pas de prestations d’assurance-emploi à la prestataire du 6 juillet 2020 au 27 novembre 2020. Elle a établi que la prestataire était une travailleuse indépendante en tant que copropriétaire/gestionnaire. Elle ne la considérait donc pas comme étant sans emploi. La Commission lui a demandé de rembourser les prestations qui lui avaient déjà été versées.

[9] La Commission a écrit :

[traduction]
Vous avez 30 jours suivant la réception de cette lettre pour faire appel d’une décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

Pour en savoir plus sur le processus d’appel, visitez le http://www.sst-tss.gc.ca/fr ou composez le 1-877-227-8577Note de bas de page 2.

[10] Au début de juillet 2024 ou à peu près, la prestataire a communiqué avec la Commission pour obtenir une copie de sa décision de révision, car elle ne l’avait toujours pas reçue. Dans son avis d’appel déposé à la division générale le 14 août 2024, elle a déclaré n’avoir reçu une copie de la décision de révision que le 10 juillet 2024Note de bas de page 3.

[11] La prestataire a expliqué pourquoi elle était en retard. Elle a écrit :

[traduction]
Je n’ai pas reçu l’avis de décision avant juillet. J’ai appelé pour vérifier, on m’a dit qu’il avait été envoyé par la poste. Mais je ne l’ai jamais reçu et j’ai dû demander qu’il soit renvoyé à nouveauNote de bas de page 4.

[12] Le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à la prestataire le 29 août 2024. Il l’a informée qu’il semblait que son appel était en retard, puisqu’elle l’avait déposé plus de 30 jours après avoir reçu la décision de révision.

[13] Le Tribunal a souligné que la division générale pouvait accorder plus de temps pour faire appel. Cependant, avant de pouvoir le faire, elle devait être convaincue que la prestataire avait une explication raisonnable pour son retard. Cela était conforme aux Règles de procédure du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 5.

[14] Le Tribunal a écrit :

[traduction]
La membre du Tribunal peut accorder plus de temps pour faire appel si elle décide que vous avez une explication raisonnable pour votre retard. Vous avez dit avoir reçu la décision de révision de la Commission le 10 juillet 2024. Vous aviez donc jusqu’au 9 août 2024 pour déposer votre appel. Vous l’avez fait le 14 août 2024. Veuillez nous écrire pour expliquer le retard dans le dépôt de votre appelNote de bas de page 6.

[15] La prestataire a répondu par courriel le 9 septembre 2024Note de bas de page 7. Elle a écrit :

[traduction]
La raison pour laquelle mon appel était en retard est que la lettre de décision après l’enquête n’a pas été reçue assez tôt. J’ai dû contacter le département pour faire un suivi avec lui, on m’a envoyé une autre copie par courrier à mon adresse. On m’a juste expliqué que je devrais simplement expliquer la raison du retard.

 Si vous avez d’autres questions, je suis disponible pour y répondreNote de bas de page 8.

[16] La division générale a estimé que la prestataire avait raisonnablement expliqué la première partie du retard dans le dépôt de son appel. Toutefois, elle a estimé qu’elle n’avait pas expliqué le retard du 9 au 14 août 2024.

[17] Comme la prestataire n’avait pas expliqué précisément le retard du 9 au 14 août 2024, la division générale a estimé qu’elle n’avait pas une justification raisonnable pour son retard dans le dépôt de son appel auprès de la division générale. Par conséquent, la division générale a décidé qu’elle n’avait pas d’autre choix que de refuser de prolonger le délai pour déposer l’avis d’appel.

La prestataire soutient que la division générale n’a pas clairement communiqué ses exigences

[18] La prestataire soutient que la lettre de la division générale du 29 août 2024 était peu claire et trompeuse quant à ce qu’elle lui demandait. Elle affirme qu’il n’était pas évident que la division générale lui demandait d’expliquer la raison de son retard du 9 au 14 août 2024.

[19] La prestataire nie toute négligence. Elle affirme avoir agi aussi rapidement que possible d’après ses circonstances. Elle explique que plusieurs facteurs ont contribué à son retard : la réception tardive de la décision de révision après le 31 mai 2024, la confusion procédurale et ce qu’elle considérait comme des difficultés à naviguer dans un système peu familier en période de stress.

[20] Étant donné qu’elle n’a reçu la décision de révision que le 10 juillet 2024, la prestataire affirme qu’elle n’était pas certaine de la façon dont le délai de dépôt était calculé. Elle affirme que la Commission aurait dû envoyer sa décision de révision par courrier recommandé. Cela lui aurait permis d’avoir un point de départ clair pour calculer la période de dépôt de 30 jours.

[21] La prestataire reconnaît que la décision de révision du 31 mai 2024 indiquait qu’elle avait 30 jours pour déposer un avis d’appel. Néanmoins, elle estime que les instructions n’étaient pas adéquates quant à l’impact d’un retard dans la réception de la décision de révision de la Commission sur le délai de dépôt. Elle affirme qu’elle ne savait pas qu’elle devait déposer un avis d’appel avant le 9 août 2024.

[22] La prestataire affirme qu’elle n’a pas pu respecter la date limite de dépôt du 9 août 2024, car, ayant reçu la décision de révision le 10 juillet 2024 (plus tard que prévu), elle a eu moins de temps pour comprendre le processus. Ne possédant aucune expertise ou expérience juridique, elle dit avoir eu besoin de plus de temps pour faire des recherches sur le processus. De plus, elle était encore affectée par les répercussions de la pandémie ainsi que par la dette qu’elle devait rembourser, ce qui augmentait considérablement son stress. Toutes ces considérations ont affecté sa capacité à agir rapidement.

[23] La prestataire soutient également que le système et le processus sont trop rigides. Elle estime qu’un court délai de grâce devrait être accordé pour déposer des documents au Tribunal de la sécurité sociale. Lorsqu’elle rencontre des clients de l’industrie du commerce de détail, elle leur donne personnellement un délai lorsqu’ils retournent des articles en retard

La Commission soutient que la division générale n’a commis aucune erreur de procédure

[24] La Commission soutient que la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a décidé que la prestataire n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour le retard de son appel après le 9 août 2024.

[25] La Commission soutient que la division générale a clairement indiqué à la prestataire les renseignements qu’elle devait fournir. Plus précisément, la Commission affirme que la division générale a informé la prestataire qu’elle devait expliquer pourquoi elle n’avait pas déposé son appel avant le 9 août 2024. La Commission soutient que la demande de la division générale et tous les renseignements fournis à la prestataire n’étaient pas trompeurs.

[26] De plus, la Commission fait valoir que la jurisprudence établit que l’absence de renseignements clairs ne peut pas être considérée comme un renseignement trompeurNote de bas de page 9. De plus, la Commission soutient que les prestataires sont responsables de rechercher les informations nécessaires afin de prendre des décisions éclairées et en temps opportunNote de bas de page 10.

La division générale n’a pas agi de façon injuste ni commis d’erreur de procédure

[27] La division générale n’a pas agi injustement et n’a pas fourni de renseignements trompeurs ou inexacts à la prestataire. Elle l’a informée que son appel semblait tardif et lui a clairement précisé ce qu’elle devait fournir.

[28] La division générale a informé la prestataire qu’elle devait fournir une explication raisonnable pour le retard dans le dépôt de son avis d’appel après le 9 août 2024. La division générale aurait pu être plus précise dans sa lettre en demandant à la prestataire d’expliquer le retard entre le 9 et le 14 août 2024. Ou bien, elle aurait aussi pu faire un suivi après la réponse de la prestataire du 9 septembre 2024, en lui demandant de clarifier son retard pour la période du 9 au 14 août 2024.

[29] Toutefois, en l’état, il aurait dû être clair à partir de la lettre du 29 août 2024 que la division générale faisait référence à la période entre le 9 et le 14 août 2024. Après tout, la division générale a indiqué que la prestataire aurait dû déposer son avis d’appel avant le 9 août 2024, et qu’elle l’a finalement fait le 14 août 2024. La division générale a écrit : [traduction] « Vous aviez jusqu’au 9 août 2024 pour déposer votre appel. Vous l’avez fait le 14 août 2024. Veuillez nous écrire pour expliquer le retard dans le dépôt de votre appelNote de bas de page 11. »

[30] Malheureusement pour la prestataire, ses observations à la division générale n’ont pas répondu à la question de savoir pourquoi elle avait déposé son appel seulement après le 9 août 2024. Elle a expliqué pourquoi elle n’avait pas pu déposer son avis d’appel entre juin et début juillet 2024, mais elle n’a pas expliqué son retard après le 9 août 2024.

[31] La division générale a examiné si la prestataire avait une explication raisonnable, selon la preuve dont elle disposait.

La prestataire a une explication pour son retard du 9 au 14 août 2024

[32] La prestataire explique maintenant pourquoi elle a été en retardNote de bas de page 12. Elle estimait qu’elle n’avait pas eu assez de temps pour comprendre le processus et déposer un appel. Elle n’avait pas d’expertise juridique et ne connaissait pas le processus. Elle a également rencontré des défis émotionnels et pratiques.

[33] La prestataire affirme qu’elle avait l’intention de respecter les exigences de dépôt. Elle affirme qu’elle avait toujours eu l’intention de faire appel. Cependant, il y avait de nombreux documents à examiner. Elle voulait s’assurer de donner des réponses exactes. Elle a donc pris plus de temps pour être [traduction] « très minutieuse ».

[34] Toutefois, la division générale n’avait aucun de ces éléments de preuve au moment de sa décision. En général, la division d’appel n’accepte pas de nouvelles preuves. Comme la Cour d’appel fédérale l’a déclaré dans la décision GittensNote de bas de page 13 :

[13] […] selon les règles fixées par le législateur, les audiences devant la Division d’appel ne sont pas de nouvelles audiences fondées sur des éléments de preuve à jour par rapport à ceux dont disposait la Division générale. La Division d’appel procède au contrôle des décisions de la Division générale en utilisant les mêmes éléments de preuve.

[35] La Cour d’appel a établi les circonstances dans lesquelles la division d’appel peut accepter de nouvelles preuves. Les preuves peuvent être prises en compte lorsqu’elles fournissent un contexte général, révèlent des vices de procédure ou, exceptionnellement, si les deux parties conviennent qu’un document important doit être examiné. Ces circonstances ne s’appliquent pas ici.

[36] De nouvelles preuves ne sont pas admissibles simplement pour renforcer le dossier d’une partie en particulier si cette partie pouvait présenter ces preuves plus tôt. La prestataire n’a pas démontré pourquoi ces nouvelles preuves devraient être acceptées selon l’une des exceptions prévues. Je ne peux donc pas m’appuyer sur des preuves que la division générale n’avait pas à sa disposition.

La durée du retard n’est pas pertinente

[37] Le retard de la prestataire n’était pas si long. Elle fait remarquer que dans d’autres cas, des parties prestataires ont reçu des prolongations du délai pour déposer leur appel, même si elles étaient en retard de près d’un an. Puisqu’elle n’a été en retard que de quelques jours, elle dit qu’il est injuste qu’elle ne bénéficie pas d’une prolongation également.

[38] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social permet la prolongation du délai, à condition que la partie prestataire n’ait pas déposé son appel plus d’un an après la date à laquelle elle a reçu communication de la décisionNote de bas de page 14.

[39] Les prolongations ne sont pas accordées en fonction de la durée du retard. Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale précisent clairement qu’une partie prestataire doit fournir une explication raisonnable pour justifier son retardNote de bas de page 15.

[40] De plus, comme le souligne la Commission, la Cour d’appel fédérale a également déclaré que la durée du retard n’est pas pertinente et que ce sont les raisons du retard qui doivent être prises en considérationNote de bas de page 16.

Les prestataires ont une certaine responsabilité de s’informer de leurs obligations  

[41] La prestataire soutient que l’ensemble du processus était injuste dès le départ. Elle dit que les décisions devraient être envoyées par courrier recommandé afin qu’il y ait une date définitive pour le calcul du délai de dépôt de 30 jours. Elle affirme également que la Commission aurait pu être plus claire sur la date limite pour déposer un avis d’appel.

[42] Je ne suggère pas que la Commission ait commis des erreurs, mais même si c’était le cas, je n’ai aucun pouvoir de corriger les lacunes procédurales qui auraient pu exister au niveau de la Commission.

[43] Cependant, la jurisprudence est claire. La partie prestataire doit assumer une part de responsabilité dans la compréhension de leurs obligations, même si la Commission envoie ses décisions par la poste et ne fournit pas la date exacte pour le dépôt d’un appel.

[44] Comme la Cour fédérale l’a déclaré dans la décision Karval,

[14] […] on ne peut pas conclure en toute équité que ses choix clairs découlent du fait qu’elle a été induite en erreur par la Commission. Il est certain que bon nombre de programmes de prestations gouvernementales sont complexes et assortis de conditions d’admissibilité strictes. Il est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explications. […] Cependant, lorsqu’une prestataire comme Mme Karval n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguës, il n’y a aucun recours possible en droit. Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questionsNote de bas de page 17.

[45] Il n’y a pas de raison claire pour laquelle la prestataire aurait pu croire que le délai de dépôt de 30 jours avait été assoupli et ne s’appliquait pas à son cas, même si la Commission ne lui avait pas envoyé la décision de révision par courrier recommandé ni fixé le délai de dépôt au 9 août 2024.

[46] La lettre de la Commission datée du 31 mai 2024 indique clairement que la prestataire avait 30 jours à compter de la réception de la lettre pour faire appel d’une décision.

[47] Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que la Commission fixe une date limite de dépôt définitive, car cette date limite est fondée sur le moment où une partie prestataire reçoit la décision de révision. La Commission ne peut pas savoir exactement quand une partie prestataire recevra la décision de révision. Il appartient donc aux prestataires de calculer correctement le délai de soumission, en comptant simplement 30 jours à partir de la date de réception de la décision de révision.

Le trop-payé et les options de la prestataire

[48] La prestataire a un trop-payé important à rembourser. Cette dette lui cause un stress financier considérable.

[49] Je n’ai pas le pouvoir d’annuler ou de réduire le trop-payé. Toutefois, la prestataire peut communiquer avec l’Agence du revenu du Canada au numéro de téléphone indiqué sur le relevé de compte (1-866-864-5823) pour demander une réduction ou s’informer des options de remboursement.

[50] La prestataire peut aussi écrire à la Commission pour demander l’annulation éventuelle de la dette. Toutefois, elle devrait préciser pourquoi elle demande cette annulation. Elle laisse entendre qu’elle éprouve des difficultés financières, mais elle devrait le démontrer. L’Agence du revenu du Canada examinera sa situation et fera ensuite une recommandation à la Commission.

Conclusion

[51] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas agi de manière injuste ni commis d’irrégularité procédurale à l’égard de la prestataire.

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