Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 58

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : D. G.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 décembre 2024 (GE-24-2668)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Date de la décision : Le 28 janvier 2025
Numéro de dossier : AD-25-38

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] D. G. est le prestataire. Il travaillait pour une division du gouvernement fédéral (l’employeur) lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé le Canada. Son employeur a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19.

[3] Le prestataire a demandé une exemption pour des motifs religieux (mesure d’adaptation) en vertu de la politique de vaccination. Son employeur a rejeté sa demande. Le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination. Son employeur l’a donc mis en congé sans solde à partir du 14 février 2022, jusqu’à ce qu’il mette fin à la politique de vaccination (le 22 juin 2022).

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations pendant son congé sans solde. Ce congé est considéré comme une suspension pour inconduite au titre de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[5] La division générale a rejeté l’appel du prestataire. Il a fait appel à la division d’appel. Celle-ci a décidé que la division générale n’avait pas offert un processus équitable. La division d’appel a renvoyé l’appel à la division générale pour réexamen. La division générale l’a réexaminé et l’a ensuite rejeté.

[6] Le prestataire a demandé la permission de faire appel de la deuxième décision de la division générale. Pour obtenir la permission de faire appel, il doit démontrer que son appel a une chance raisonnable de succès. Malheureusement, il ne l’a pas fait.

Questions en litige

[7] Je dois trancher trois questions :

  • Est-il possible de soutenir que le processus ou l’audience de la division générale a été inéquitable pour le prestataire?
  • Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en n’examinant pas explicitement et précisément ses arguments fondés sur la Charte ou sur le Guide de la détermination de l’admissibilité(Guide)?
  • Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé que son employeur l’avait suspendu?

Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel

[8] J’ai lu la demande d’appel du prestataireNote de bas page 1. J’ai lu la décision de la division générale. J’ai examiné les documents des deux dossiers de la division généraleNote de bas page 2. Je n’ai pas écouté les audiences de la division générale. Dans sa demande, le prestataire n’a soulevé aucune question qui m’a fait penser que je devais le faire pour rendre une décision justifiable, acceptable et défendable.

[9] Les Cours fédérales ont tranché 26 cas d’inconduite mettant en cause un employé suspendu ou congédié en vertu de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 3. La loi est claire. Lorsqu’une personne connaissait la politique de vaccination de son employeur, mais ne l’a pas suivie, et était au courant des conséquences (suspension ou congédiement), son non-respect de la politique est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 4. Cette personne ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[10] La division générale a décidé que le prestataire connaissait la politique de vaccination de son employeur, mais ne l’avait pas suivie. Elle a décidé qu’il savait que son employeur le mettrait en congé sans solde s’il ne la suivait pas, ce qui est arrivé. Ce manquement est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[11] Il n’y avait rien d’unique dans les circonstances ou les arguments du prestataire. Par conséquent, la division générale devait suivre les décisions des Cours fédérales. C’est ce qu’elle a fait. Il est impossible de soutenir qu’elle a ignoré ou mal interprété des questions, des éléments de preuve ou des arguments pertinents sur le plan juridique. De plus, le prestataire n’a pas démontré que le processus de la division générale était injuste.

[12] Par conséquent, pour les raisons suivantes, je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel.

Le critère pour obtenir la permission de faire appel

[13] Je peux donner au prestataire la permission de faire appel s’il montre qu’il est défendable que la division générale a commis au moins l’une des erreurs suivantesNote de bas page 5 :

  • elle a agi de façon inéquitable ou a fait preuve de partialitéNote de bas page 6;
  • elle a incorrectement exercé son pouvoir décisionnel;
  • elle a commis une erreur de fait importante;
  • elle a commis une erreur de droit.

[14] Je dois d’abord examiner les moyens d’appel que le prestataire a présentés dans sa demandeNote de bas page 7.

[15] Il est difficile de faire correspondre les arguments du prestataire aux quatre types d’erreurs. Il y a une tendance. Dans ses arguments écrits, il mentionne le nom d’une certaine erreur inscrite sur le formulaire de demande, mais il décrit ensuite quelque chose qui pourrait correspondre à une erreur différente. Ou encore, il montre dans ses motifs qu’il est fondamentalement en désaccord avec la division générale sur un point, mais ne souligne aucune erreur.

[16] Je vais d’abord examiner les arguments du prestataire au sujet de l’équité procédurale. Ensuite, je vais examiner ses arguments au sujet des erreurs de droit. Enfin, j’examinerai les arguments concernant les erreurs de fait importantes que la division générale aurait commises.

Le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale ne lui a pas offert un processus équitable

[17] Le prestataire a coché la case indiquant que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale. Il n’a soulevé aucune préoccupation concernant l’équité de l’audience. Tous ses arguments font référence à la décision de la division générale.

[18] La division générale commet une erreur lorsqu’elle omet d’offrir un processus équitableNote de bas page 8. Dans ce cas, elle commet une erreur d’équité procédurale ou de justice naturelle. La question est de savoir si une personne connaissait la preuve qu’elle devait réfuter, si elle avait eu une occasion pleine et équitable de présenter ses arguments et si un décideur impartial a examiné sa preuveNote de bas page 9.

[19] J’ai examiné les arguments du prestataire selon lesquels la division générale a commis une erreur d’équité procédurale. Aucun de ces arguments ne porte sur l’équité procédurale, qui est l’équité du processus utilisé par la division générale et son impartialité. Ses arguments portent en fait sur le fond de la décision de la division générale, et non sur le processus utilisé pour rendre cette décision.

[20] Parfois, lorsqu’il mentionne l’équité procédurale, il poursuit en décrivant quelque chose qui pourrait compter comme une erreur de droit ou une erreur de fait importante. Il est en désaccord avec la preuve que la division générale croyait pertinente, la façon dont elle a apprécié la preuve pertinente et ses conclusions de fait. Il soutient que la division générale a manqué à l’équité procédurale en n’abordant pas certains de ses arguments. Ou bien, son interprétation de la notion d’inconduite est inéquitable sur le plan procédural selon lui. Ces prétendues erreurs ne sont pas des erreurs d’équité procédurale. Je vais en examiner quelques-unes dans d’autres parties de la présente décision.

[21] Mais surtout, le prestataire écrit « équité procédurale » pour catégoriser les parties de la décision de la division générale avec lesquelles il n’est pas d’accord. Cependant, le simple fait d’être en désaccord avec les conclusions de la division générale ou avec le résultat de l’appel ne soulève pas une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreurNote de bas page 10.

[22] Par conséquent, le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle le processus de la division générale était injuste à son égard.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne traitant pas explicitement de ses arguments fondés sur la Charte et le Guide

[23] La division générale commet une erreur de droit lorsqu’elle ignore un argument qu’elle doit prendre en considération, ne donne pas des motifs suffisants, interprète mal la loi, applique le mauvais critère juridique ou ne se fonde pas sur une décision judiciaire alors qu’elle doit se fonder sur celle-ci.

[24] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit (je vais résumer et analyser ses arguments plus bas).

[25] Je ne suis pas d’accord. Il n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreur de droit et je n’ai pas trouvé de cause défendable.

[26] La division générale n’avait pas à examiner les détails de ses arguments fondés sur la Charte ni ceux fondés sur le Guide. Elle a appliqué le bon critère juridique de l’inconduite. Elle s’est fondée sur des décisions récentes des Cours fédérales où il est question d’une inconduite liée au vaccin contre la COVID-19, ce qu’elle devait faire. De plus, ses motifs sont suffisants et compréhensibles compte tenu des faits et du droit dont elle devait tenir compte lorsqu’elle a tranché l’appelNote de bas page 11.

Motifs de la division générale

[27] La division générale a énoncé le bon critère juridique de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, puis elle a correctement appliqué ce critère (paragraphes 41 à 46). Elle a cité et suivi les décisions récentes des Cours fédérales qui ont appliqué le même critère dans les cas d’inconduite liée au vaccin contre la COVID-19 (notes de bas de page 1, 17, 15, 29, 32, 34, 38 et paragraphe 62).

[28] La division générale a résumé les décisions des Cours fédérales et s’est appuyée sur celles-ci pour traiter de nombreux arguments du prestataire, y compris ceux qui portent sur les droits de la personne et la Charte :

[46] La seule chose que je peux décider, c’est s’il y a eu inconduite au sens de la législation sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas fonder ma décision sur la possibilité que d’autres lois donnent d’autres options à l’appelant. Ce n’est pas à moi de décider si l’[employeur] ou le syndicat de l’appelant considère que les mesures prises pour le placer en congé sans solde sont non disciplinaires ou qu’il n’y a pas eu d’inconduite selon les critères applicables dans un autre contexte ou d’après une autre définition. Je ne peux pas non plus voir si l’[employeur] aurait dû prendre des mesures d’adaptation raisonnables pour l’appelant ni évaluer les allégations de violation des droits de la personne ou de non-respect d’autres lois. Je peux me pencher sur une seule question : quand l’appelant a refusé de faire quelque chose, était-ce une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi? [c’est moi qui souligne].

[29] La division générale s’est également fondée sur la [traduction] « jurisprudence abondante et unanime de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale qui confirme les conclusions d’inconduite quand les prestataires ne respectent pas la politique de leur employeur sur la vaccination contre la COVID-19 » (paragraphe 62).

[30] Pour les raisons qui suivent, il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle s’est fondée sur ces déclarations sommaires plutôt que d’aborder spécifiquement et explicitement les arguments fondés sur la Charte et le Guide.

Arguments du prestataire fondés sur la Charte

[31] La division générale n’a pas fait directement référence aux arguments du prestataire fondés sur la Charte ni aux décisions relatives à la Charte sur lesquelles il s’est fondé. Mais elle n’était pas obligée de le faire. La division générale devait plutôt appliquer le critère juridique de l’inconduite, conformément aux récentes décisions des Cours fédérales dans les affaires où il est question d’une inconduite liée au vaccin contre la COVID-19. Et c’est ce qu’elle a fait.

[32] J’ai examiné les arguments fondés sur la Charte que le prestataire a présentés à la division générale et les sources sur lesquelles il s’est appuyé.

  • Le prestataire a fait valoir qu’il a droit à la liberté de religion en vertu de la Charte. Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Amselem, il a le droit de déterminer ses obligations religieuses. La liberté de religion comprend aussi le droit de manifester ses croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles.
  • Il a fait valoir que la Loi sur les droits de la personne et la Charte lient son employeur parce qu’il fait partie du gouvernement fédéralNote de bas page 12. Il affirme que son contrat de travail et sa convention collective ne permettent pas à son employeur de violer ses droits de la personne ou ses droits garantis par la Charte.
  • Il a soutenu que la décision de la Commission concernant l’inconduite constituait une violation de ses droits de la personne et de la CharteNote de bas page 13 et une [traduction] « atteinte manifeste des lois sur la liberté de religion au CanadaNote de bas page 14. » Il affirme que la Commission aurait dû tenir compte de son droit à la liberté de religion pour décider si son refus de se faire vacciner était une inconduiteNote de bas page 15. Elle a plutôt appliqué un modèle universel qui ne tenait pas compte de ses croyances religieuses sincères. Selon lui, la Commission n’a pas tenu compte de sa demande de mesures d’adaptation pour motif religieuxNote de bas page 16. Il déclare que la décision de la Commission est incompatible avec ses droits garantis par la Charte et qu’elle aurait dû en tenir compte.
  • Il s’est appuyé sur un avis juridique selon lequel « l’article 7 de la Charte exige que le gouvernement respecte le droit des employés à l’autonomie corporelle, y compris le droit de subir ou de ne pas subir des interventions médicales particulières, comme les vaccins contre la COVID-19Note de bas page 17. » L’avis conclut que la Commission n’a pas la compétence légale de refuser des prestations d’assurance-emploi aux Canadiennes et aux Canadiens qui n’ont pas reçu de vaccin contre la COVID-19Note de bas page 18.
  • Il s’est appuyé sur une décision du Comité externe d’examen des griefs militairesNote de bas page 19. Le Comité a conclu que des dispositions de la politique de vaccination des Forces armées canadiennes portaient atteinte aux droits des militaires à la liberté et à la sécurité de la personne protégés par l’article 7 de la Charte. L’article 1 de la Charte ne justifie pas cette violation non plus. Le Comité a donc décidé que la politique de vaccination était invalide.
  • Enfin, il soutient ce qui suit :

[traduction]

[…] si le TSS conclut que mes gestes constituent une inconduite, je leur demande respectueusement de tenir compte de mon devoir sacré de défendre mes croyances religieuses et mes droits garantis par la Charte. De plus, j’estime qu’on ne peut pas prétendre que j’ai choisi de défendre mes croyances religieuses ou mes droits garantis par la Charte. Dieu m’a guidé vers mes croyances religieuses, et je suis né avec les droits que me confère la CharteNote de bas page 20.

[33] Les arguments du prestataire me montrent qu’il a utilisé la Charte pour présenter trois types de contestations à la division générale :

  • Il utilise la Charte pour contester la politique et les actions de son employeur.
  • Il utilise la Charte pour contester la décision de la Commission de lui refuser des prestations au titre de larticle 31 de la Loi sur l’assurance-emploi parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur est considéré comme une inconduite.
  • Il soutient que la division générale devait interpréter la notion d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi conformément aux valeurs de la liberté de religion, de l’autonomie et de la sécurité de la personne consacrées par la Charte.

[34] La division générale n’avait pas à traiter directement ou explicitement des trois contestations du prestataire fondées sur la Charte.

  • Les Cours fédérales ont affirmé que les contestations fondées sur la Charte de la politique et des actions d’un employeur ne relèvent pas du rôle restreint et limité du Tribunal dans les appels en matière d’inconduite liée à la vaccination contre la COVID-19Note de bas page 21. Ces décisions soulignent que les employés ont d’autres recours juridiques pour contester les décisions de leurs employeurs. Dans la présente affaire, le prestataire avait déjà déposé un grief contre son employeur en vertu de la convention collectiveNote de bas page 22.
  • Le prestataire n’a pas suivi la procédure juridique appropriée pour présenter une contestation fondée sur la Charte relativement à la décision de la Commission de lui refuser des prestations. Selon l’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale, une personne qui veut « contester la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel » de la Loi sur l’assurance-emploi doit déposer un avis de question constitutionnelle auprès du Tribunal. Le prestataire ne l’a pas fait. Par conséquent, la division générale n’avait pas le pouvoir légal (la compétence) d’examiner la contestation fondée sur la Charte.
  • Les Cours fédérales ont rejeté l’argument selon lequel le Tribunal devait tenir compte des valeurs de la Charte lorsqu’il interprète et applique les articles de la Loi sur l’assurance-emploi qui traitent de l’inconduite. Ces décisions donnent de solides raisons pour lesquelles le Tribunal ne devrait pas tenir compte des valeurs de la Charte dans les cas d’inconduite liée au vaccin contre la COVID-19Note de bas page 23. Voici les paragraphes clés de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sullivan, dans laquelle elle a demandé aux parties de présenter des observations sur la question des valeurs de la Charte :

[traduction]

[6] Nous ajoutons que la jurisprudence de la Cour a du sens. Si les observations du demandeur étaient maintenues, le Tribunal de la sécurité sociale deviendrait chargé de remettre en question les politiques des employeurs et la validité des congédiements. Selon toute interprétation plausible de la loi qui régit le Tribunal, celui-ci est chargé de déterminer l’admissibilité aux prestations de sécurité sociale, et non de juger les allégations de congédiement injustifié. Nous soulignons que le demandeur a effectivement exercé d’autres recours pour congédiement injustifié et qu’il a déposé une plainte relative aux droits de la personne.

[12] Il convient d’ajouter que selon [la décision] Commission scolaire, les valeurs de la Charte ne peuvent pas servir à invalider les dispositions législatives que les décideurs administratifs doivent respecter, comme, dans ce cas-ci, l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Seules les violations injustifiées des droits et libertés peuvent invalider ces dispositions. Dans le cas présent, comme nous l’avons dit, le Tribunal de la sécurité sociale a été raisonnable lorsqu’il a conclu que le demandeur ne pouvait pas, en vertu de l’article 30 et de la jurisprudence connexe, remettre en question le caractère approprié du congédiement. [c’est moi qui souligne].

Résumé de l’analyse sur la Charte

[35] Je suis conscient que le prestataire a des croyances religieuses profondes qui dictent sa vision du monde et sa conduite. Et je comprends qu’il croit que ses arguments fondés sur la Charte sont importants et que sa décision de ne pas se faire vacciner est protégée par la Charte. Je comprends également sa position selon laquelle une personne qui rend une décision sur la légalité de sa suspension doit examiner le bien-fondé de ces arguments.

[36] Cependant, la division générale ne pouvait pas examiner la légalité de sa suspension. De plus, elle n’avait pas à s’attaquer aux arguments de la Charte en détail. Le Tribunal et les Cours fédérales ont tranché un grand nombre de cas où il est question d’une inconduite liée au vaccin contre la COVID-19. Le Tribunal, et les Cours fédérales qui examinent les décisions du Tribunal, n’ont jamais utilisé la Charte pour décider qu’il n’y avait pas eu inconduite lorsqu’une personne avait refusé de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[37] Par conséquent, compte tenu des faits de l’appel du prestataire, de la loi relative à l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi et des limites du pouvoir de la division générale de trancher des questions constitutionnelles, il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas examiné spécifiquement et explicitement les arguments fondés sur la Charte.

L’argument du prestataire au sujet du Guide

[38] Le prestataire a soutenu que la division générale avait commis une erreur d’équité procédurale lorsqu’elle n’a pas tenu compte de son argument fondé sur le chapitre 6 du GuideNote de bas page 24. Il affirme que selon le Guide et sa convention collective, son employeur aurait dû lui donner la possibilité de quitter volontairement son emploi ou de démissionner. La division générale aurait dû tenir compte du fait que la Commission n’a pas pris en considération l’article 6.8.3.

[39] Il me semble que le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit : elle n’a pas tenu compte d’un argument juridique qu’il a présenté ou ne s’est pas fondée sur une source juridique sur laquelle elle aurait dû se fonder.

[40] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle n’a pas tenu compte du Guide ni de l’argument du prestataire fondé sur le Guide, et ce, pour trois raisons.

[41] Premièrement, le Guide est un document d’orientation non contraignant, et il ne peut avoir pour effet de l’emporter sur le texte de la Loi sur l’assurance-emploi tel qu’il est interprété par la jurisprudence contraignanteNote de bas page 25. La division générale devait examiner le dossier du prestataire et rendre une décision en se fondant sur les décisions contraignantes des Cours fédérales où il est question d’une inconduite liée au vaccin contre la COVID-19. Et c’est ce qu’elle a fait.

[42] Deuxièmement, les Cours fédérales ont affirmé que l’analyse de l’inconduite porte sur le comportement de l’employé, et non sur celui de l’employeur. L’argument du prestataire demande à la division générale de conclure que la conduite de son employeur était incorrecte. Son employeur l’a mis en congé non payé. Il dit qu’il aurait dû avoir le choix de prendre un congé volontaire (il soutient également que son congé était volontaire et conteste les conclusions de fait de la division générale à ce sujet). La division générale ne pouvait pas trancher l’appel du prestataire en fonction de la conduite de son employeur. Le prestataire a déposé un grief au sujet de cette question en vertu de sa convention collective.

[43] Troisièmement, la Commission lui a refusé des prestations au titre de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi parce que son employeur l’avait suspendu pour inconduite. Le chapitre 6 porte sur le départ volontaire sans justification au sens de l’article 29(c) de la Loi. Autrement dit, il n’était pas pertinent pour la question de droit que la division générale devait trancher dans l’appel du prestataire.

[44] Pour ces motifs, la division générale n’a pas eu à examiner le chapitre 6 du Guide, ni les arguments que le prestataire a présentés à ce sujet. Il est donc impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle n’a pas tenu compte du Guide ni de ses arguments.

Le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que son employeur l’avait suspendu

[45] Le prestataire a coché la case qui indique que la division générale a commis une erreur de fait importante. Il affirme qu’elle a commis cinq erreurs de fait.

[46] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant de façon erronée des éléments de preuve pertinentsNote de bas page 26 (autrement dit, s’il y a des éléments de preuve qui contredisent carrément ou qui ou n’appuient pas une conclusion de fait que la division générale a tirée pour en arriver à sa décision).

[47] La position du prestataire est qu’il a volontairement pris un congé non payé. Il n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale sur la raison pour laquelle il a quitté son emploi. Elle a décidé que son employeur l’avait mis en congé non payé involontaire, ce qui est une suspension en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination (paragraphes 36 et 40).

[48] Il présente trois arguments au sujet des erreurs de fait de la division générale qui ont mené à sa conclusion de suspension :

  • Il n’était pas exact que la division générale déclare que les documents au dossier montrent que c’est l’employeur qui a mis le prestataire en congé sans soldeNote de bas page 27.
  • Le fait d’apprécier et de juger équitablement la preuve devrait amener la décideuse à conclure que le congé sans solde prévu à l’article 52 de sa convention collective est un congé volontaireNote de bas page 28.
  • La division générale a eu tort de dire que son employeur l’avait suspendu le 11 février 2022 – il dit avoir quitté le lieu de travail le 8 février 2022 pour un congé sans solde approuvé par l’employeur en vertu de la convention collective.

[49] La division générale est responsable d’examiner et d’apprécier la preuveNote de bas page 29. Elle a attentivement examiné et apprécié la preuve concernant la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi (paragraphes 33 à 39). De plus, le prestataire n’a pas démontré que la division générale a ignoré ou mal interprété des éléments de preuve pertinents.

[50] Ses arguments me montrent qu’il voulait que la division générale tire une conclusion de fait sur ses actions en suivant son interprétation de sa convention collective. La division générale n’avait pas à interpréter et à tenir compte de sa convention collective pour tirer une conclusion sur la raison pour laquelle il avait perdu son emploi.

[51] Le prestataire présente deux autres arguments importants concernant ses erreurs de fait :

  • [traduction] « La division générale n’a pas bien apprécié le fait que j’ai demandé des mesures d’adaptation en raison de mon objection de conscience et d’ordre religieux à la politique. »Note de bas page 30
  • La division générale a omis d’apprécier et de juger équitablement le fait que la politique sur la COVID-19 fait référence au Code canadien du travail, qui confirme son droit d’être régi par la convention collectiveNote de bas page 31.

[52] Je ne peux pas accepter ses arguments pour trois raisons.

[53] Premièrement, je ne peux pas modifier le poids que la division générale a accordé à la preuve à moins que le prestataire puisse démontrer qu’elle a ignoré ou mal compris certains éléments de preuve pertinents. La division générale a examiné sa preuve concernant sa demande de mesures d’adaptation (paragraphes 36, 38, 45, 46 et 50). Elle a considéré que la politique de vaccination disait que [traduction] « ne veut pas être entièrement vacciné » comprenait les cas où aucune mesure d’adaptation n’est accordée et où l’employé refuse de se faire vacciner (paragraphe 39). La division générale n’a pas ignoré ou mal compris ces éléments de preuve au sujet des mesures d’adaptation.

[54] Deuxièmement, le fait que le prestataire a demandé une mesure d’adaptation n’était pas juridiquement pertinent pour le critère de l’inconduite. Ce qui était pertinent, c’est que son employeur a refusé sa demande de mesures d’adaptation avant la date limite pour qu’il se conforme à la politique de vaccination. Et il le savait. La division générale n’a pas ignoré ou mal compris la preuve concernant ces deux faits.

[55] Troisièmement, le Code canadien du travail et sa convention collective ne concernaient pas la raison pour laquelle il a perdu son emploi ni la question de savoir si cette raison comptait comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, la division générale n’avait pas à interpréter et à appliquer ces sources pour tirer une conclusion de fait sur la raison pour laquelle il ne travaillait plus. Elle n’avait pas non plus à tirer une conclusion mixte de fait et de droit sur la question de savoir si son refus de se conformer à la politique de vaccination comptait comme une inconduite.

[56] Par conséquent, le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait importante.

Il n’y a aucune autre raison pour laquelle je peux donner au prestataire la permission de faire appel

[57] Le prestataire n’est pas représenté. J’ai donc regardé au-delà des arguments qu’il a présentés dans sa demande pour voir s’il y avait une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreurNote de bas page 32.

[58] J’ai examiné les documents (la preuve, les arguments et les décisions) qui ont été présentés à la division générale et à la division d’appel. Je n’ai pas trouvé de cause défendable que la division générale ait commis une erreur que la loi me permet d’examiner.

Conclusion

[59] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur. Et je n’ai trouvé aucune cause défendable. Autrement dit, son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[60] Par conséquent, je ne peux pas lui accorder la permission de faire appel. La décision de la division générale demeure donc inchangée.

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