[TRADUCTION]
Citation : JX c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 61
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une prolongation de délai et à
une demande de permission de faire appel
Partie demanderesse : | J. X. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 8 août 2024 (GE-24-1964) |
Membre du Tribunal : | Solange Losier |
Date de la décision : | Le 28 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-33 |
Sur cette page
Décision
[1] Une prolongation de délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. Toutefois, la permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] J. X. est la prestataire dans cette affaire. Elle a demandé et reçu des prestations d’assurance-emploi.
[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé de façon rétroactive que la prestataire n’était pas admissible aux prestations à compter du 20 septembre 2021 parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 1. Par conséquent, un avis de dette a été envoyé à la prestataire pour un trop-payé de prestations.
[4] La division générale a rejeté l’appel de la prestataireNote de bas page 2. Elle a établi que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle avait fait son nouvel examen. Elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi. Comme d’autres solutions raisonnables s’offraient à la prestataire, elle a été exclue du bénéfice des prestationsNote de bas page 3.
[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel. Elle affirme que la division générale a commis plusieurs erreurs révisables, y compris qu’elle n’a pas assuré l’équité du processus et qu’elle a commis des erreurs de compétence, de droit et de faitNote de bas page 4.
[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 5.
Questions préliminaires
J’ai demandé plus de renseignements à la prestataire
[7] Lorsque la prestataire a présenté sa demande à la division d’appel, elle n’a pas utilisé les formulaires habituels et sa demande semblait en retardNote de bas page 6.
[8] Je lui ai écrit une lettre pour lui demander de me donner plus de renseignements sur le possible retard de sa demande et, si celle-ci était réellement en retard, de fournir une explication raisonnable. Je lui ai aussi demandé de me donner les raisons précises de son appel (aussi appelées les « moyens d’appel »)Note de bas page 7. La prestataire a répondu à ma lettre en me fournissant les renseignements que j’avais demandés, et j’ai examiné ses raisonsNote de bas page 8.
Questions en litige
[9] Voici les questions que je dois trancher :
- a) La demande à la division d’appel a-t-elle été présentée en retard?
- b) Si oui, est-ce que je dois prolonger le délai pour présenter la demande?
- c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur révisable?
Analyse
La demande à la division d’appel a été présentée en retard
[10] Le délai pour présenter une demande à la division d’appel est 30 jours suivant la date à laquelle la décision de la division générale a été communiquée par écrit à la partie prestataireNote de bas page 9.
[11] Je dois décider si la prestataire a présenté sa demande en retard.
[12] La division générale a rendu sa décision le 30 juillet 2024.
[13] J’ai écrit à la prestataire pour lui demander quand elle avait reçu la décision de la division générale. Elle m’a répondu par écrit qu’elle l’avait reçue le 13 août 2024Note de bas page 10.
[14] Je conclus donc que la prestataire a présenté sa demande à la division d’appel en retard. Elle avait jusqu’au 13 septembre 2024 pour présenter sa demande. Elle l’a fait toutefois quelques mois plus tard, soit le 14 janvier 2025Note de bas page 11.
Je prolonge le délai pour présenter la demande
[15] Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation de délai à la prestataire, je dois vérifier si elle a une explication raisonnable pour son retardNote de bas page 12.
[16] La prestataire s’est excusée de son retard et a expliqué que ce retard était dû au fait qu’elle était déprimée par la dette liée au trop-payéNote de bas page 13.
[17] Je juge que la prestataire a fourni une explication raisonnable pour son retard. Je conviens que sa santé mentale a pu l’empêcher de présenter sa demande à temps. Je vais prolonger le délai pour lui permettre de présenter sa demande.
Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès
[18] Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas page 14. Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 15. Autrement dit, il doit y avoir un motif défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas page 16.
[19] Je peux seulement tenir compte de certains types d’erreurs. Je dois vérifier si la division générale a commis au moins une des erreurs pertinentesNote de bas page 17.
[20] À la division d’appel, voici les moyens d’appel que l’on peut invoquer :
- la division générale a agi de façon inéquitable;
- elle a agi au-delà de ses pouvoirs ou a refusé de les exercer (ce qu’on appelle une erreur de compétence);
- elle a commis une erreur de droit;
- elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
[21] La prestataire affirme que la division générale a commis plusieurs erreurs révisables dans sa décision. Je vais les examiner ci-dessous.
On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus
[22] L’équité procédurale concerne le caractère équitable du processus. Voici des exemples de garanties procédurales : le droit, en tant que partie, d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale (sans parti pris), d’être entendue, de connaître les arguments avancés contre elle et d’avoir la possibilité d’y répondre. Si la division générale n’a pas assuré l’équité du processus, je peux intervenirNote de bas page 18.
[23] La prestataire soutient que la division générale n’a pas traité son dossier avec équité. Elle explique que la [traduction] « responsable de l’affaire » était du côté de [traduction] « Développement social Canada ».
[24] Je crois que la prestataire dit que l’affaire n’a pas été tranchée avec équité parce que la division générale était d’accord avec l’autre partie (la Commission).
[25] La prestataire peut être en désaccord avec la décision, mais cela ne veut pas dire que le processus comme tel était inéquitable.
[26] En tant que juge des faits, la division générale était libre d’évaluer les éléments de preuve, puis de trancher l’affaire en faveur de la Commission. Ses motifs étaient suffisants pour montrer pourquoi elle préférait certains des éléments de preuve de la partie adverse et pourquoi elle a rendu la décision qu’elle a rendueNote de bas page 19.
[27] J’ai lu la décision de la division générale et examiné le dossier. Rien n’indique que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus. L’audience s’est déroulée par téléconférence et a duré environ 80 minutes. La prestataire était présente et a témoigné à l’audience. Elle a aussi envoyé des documents après l’audience, et la division générale les a acceptés et pris en considérationNote de bas page 20.
[28] On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou de droit
[29] La division générale commet une erreur de compétence lorsqu’elle ne tranche pas une question qu’elle aurait dû trancher ou décide d’une question sans avoir le pouvoir de le faireNote de bas page 21.
[30] La division générale commet une erreur de droit lorsqu’elle n’applique pas la bonne loi ou lorsqu’elle fait référence à la bonne loi, mais qu’elle ne l’interprète ou ne l’applique pas bienNote de bas page 22.
[31] La prestataire affirme que la loi lui permet de toucher des prestations pendant qu’elle travaille à temps partiel.
[32] La Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle avait quitté son emploi sans justification (c’est ce que dit sa « décision de révision »). C’est la décision que la prestataire a portée en appel à la division généraleNote de bas page 23.
[33] La compétence de la division générale se limitait alors à décider si la prestataire avait quitté volontairement son emploi et, si oui, si elle était fondée à le faireNote de bas page 24.
[34] Premièrement, la prestataire a raison de dire que la loi lui permet de toucher des prestations pendant qu’elle travaille à temps partiel. Une personne a le droit de travailler pendant sa période de prestations, mais elle est tenue de déclarer sa rémunération, car celle-ci peut avoir une incidence sur le montant des prestations. Cependant, le problème dans la présente affaire n’était pas que la prestataire travaillait et qu’elle était rémunérée pendant sa période de prestations. On se demandait plutôt si elle avait quitté volontairement son emploi et si elle était fondée à le faire.
[35] Deuxièmement, la division générale a tranché seulement les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher (le départ volontaire et l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission lors du nouvel examen). C’est exactement ce que la division générale a fait. Elle n’a pas décidé de questions qui ne lui appartenaient pas.
[36] La loi prévoit qu’une personne est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé est la seule solution raisonnable dans son casNote de bas page 25. C’est le critère juridique à respecter.
[37] Troisièmement, la division générale a énoncé le critère juridique correctement. Dans sa décision, elle s’est fondée sur la loi et la jurisprudence applicables lorsqu’elle a évalué la question du départ volontaire et le pouvoir discrétionnaire de la Commission de faire un nouvel examenNote de bas page 26.
[38] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou de droitNote de bas page 27.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait
[39] Il y a erreur de fait si la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas page 28 ».
[40] La prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait parce qu’elle n’a pas pris en considération qu’elle travaillait à temps partiel en 2021. Elle a quitté son emploi parce qu’on ne lui a pas donné de travail à temps plein et que les tâches l’épuisaient.
[41] La division générale a déclaré que la Commission avait réexaminé la demande de prestations dans le délai de 72 mois prévu par la loiNote de bas page 29. Et elle a décidé que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle avait réexaminé la demandeNote de bas page 30. Elle a expliqué que la Commission avait pris en compte tous les facteurs pertinents et ignoré ceux qui ne l’étaient pas et qu’elle n’avait pas agi de mauvaise foi ou de façon discriminatoire en faisant son nouvel examenNote de bas page 31.
[42] La prestataire n’a pas contesté qu’elle a annoncé par courriel qu’elle quittait volontairement son emploi à temps partiel le 20 septembre 2021 parce qu’elle avait besoin d’un emploi à temps pleinNote de bas page 32. La division générale a examiné les raisons qui avaient amené la prestataire à quitter son emploi, y compris les circonstances prévues dans la loi, à savoir s’il y avait eu modification importante des conditions de rémunération et si les conditions de travail étaient dangereuses pour la santé de la prestataireNote de bas page 33.
[43] La division générale a expliqué que l’emploi de la prestataire n’était pas censé être à temps plein à la base parce que sa lettre d’embauche disait qu’elle aurait un emploi occasionnel à temps partiel (jusqu’à 40 heures). La division générale a précisé que, même si le travail à la ferme était dur et qu’il laissait la prestataire toute courbaturée, ses douleurs ne la rendaient pas inquiète de sa santéNote de bas page 34.
[44] La division générale a décidé que la prestataire avait trois autres solutions raisonnables qui lui auraient évité de quitter son emploiNote de bas page 35 : elle aurait pu continuer de travailler à la ferme jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi, elle aurait pu demander à l’employeur s’il avait du travail moins dur pour elle à la ferme et elle aurait pu accepter l’emploi à temps plein que l’employeur lui a offert deux jours après sa démissionNote de bas page 36.
[45] La division générale n’a pas ignoré le fait que l’emploi que la prestataire a quitté était seulement à temps partielNote de bas page 37. Elle a examiné la question des heures à temps partiel, des douleurs de la prestataire et de l’épuisement causé par le travail. La division générale n’était tout simplement pas d’accord avec la prestataire et a conclu que sa démission n’était pas la seule solution raisonnable. La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement un emploi (c’est-à-dire n’importe lequel) sans justificationNote de bas page 38. Cette règle s’applique donc à tout emploi à temps partiel.
[46] La prestataire semble présenter de nouveau les mêmes arguments parce qu’elle est en désaccord avec le résultat de l’affaire. Le rôle de la division d’appel est limité, alors je ne peux pas intervenir dans la conclusion de la division générale lorsqu’elle a bien appliqué le droit aux faitsNote de bas page 39.
[47] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de faitNote de bas page 40. Ses conclusions principales concordent avec la preuve au dossier et elle a expliqué pourquoi elle a tiré les conclusions qu’elle a tirées. Elle n’a pas ignoré ou mal compris des éléments de preuve clés.
La prestataire peut tout de même demander à la Commission d’annuler le trop‑payé
[48] Certains arguments de la prestataire devant la division d’appel concernent sa dette liée au trop-payé, et elle explique qu’elle n’a pas assez d’argent pour la rembourserNote de bas page 41. Le Tribunal de la sécurité sociale ne peut pas annuler la dette; seule la Commission peut le faireNote de bas page 42. La prestataire peut alors demander à la Commission d’annuler sa dette liée au trop-payé en raison d’un préjudice abusif et peut appeler le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada pour prendre une entente de paiementNote de bas page 43.
Conclusion
[49] Une prolongation de délai est accordée. Toutefois, la permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant. Il n’a aucune chance raisonnable de succès.