Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JS, 2025 TSS 64

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Nikkia Janssen
Partie intimée : J. S.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 7 novembre, 2024 (GE-24-3523)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 janvier, 2025
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 30 janvier, 2025
Numéro de dossier : AD-24-803

Sur cette page

Décision

[1] L’appel de la Commission de l’assurance-emploi du Canada est accueilli.

[2] La division générale a commis une erreur de fait importante. J’ai corrigé l’erreur en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre.

[3] J’ai décidé que J. S. n’était pas disponible pour travailler du 23 juillet au 5 septembre 2024. Elle ne peut donc pas recevoir de prestations du 30 juin au 5 septembre 2024.

Aperçu

[4] J. S. est la prestataire dans cette affaire. Elle a quitté son emploi à la fin de juin 2024 et a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[5] La prestataire a quitté son emploi pour préparer les boîtes et accompagner son conjoint en Saskatchewan. Ils ont quitté Terre-Neuve en voiture à la fin du mois d’août 2024 et sont arrivés en Saskatchewan le 5 septembre 2024.

[6] Pour recevoir des prestations régulières, une personne doit être disponible pour travailler. Cela signifie qu’elle doit chercher et être prête à accepter un emploi chaque jour ouvrable où elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas page 1. La prestataire a admis qu’elle n’avait pas cherché de travail avant que la Commission ne lui dise qu’elle devait le faire vers la fin de juillet 2024.

[7] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations du 30 juin au 5 septembre 2024.

[8] La division générale a accueilli en partie l’appel de la prestataire. Elle a conclu qu’elle avait prouvé qu’elle était disponible pour travailler à compter du 23 juillet 2024 et qu’elle avait donc droit à des prestations à partir de cette date.

[9] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit et des erreurs de faitNote de bas page 2. Elle dit que je devrais conclure que la prestataire n’était pas disponible pour travailler du 23 juillet au 5 septembre 2024. La prestataire soutient qu’elle a cherché du travail après que la Commission lui a dit qu’elle devait le faire. Elle ajoute qu’elle cherche activement un emploi depuis lors. Elle fait tout ce qu’elle peut pour y parvenir.

Questions en litige

[10] La Commission est d’accord avec la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’a pas invoqué l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi pour refuser des prestations à la prestataireNote de bas page 3. Cette dernière convient qu’elle n’a pas cherché d’emploi et qu’elle n’était donc pas admissible au bénéfice des prestations du 30 juin au 23 juillet 2024. À l’audience de la division d’appel, la Commission a admis que la prestataire était disponible pour travailler à compter du 6 septembre 2024.

[11] Cela signifie que je dois trancher les trois questions suivantes :

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ignorant les éléments de preuve selon lesquels la prestataire était prête à commencer un emploi seulement à compter du 6 septembre 2024?
  • Si la division générale a commis cette erreur, dois-je la corriger en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre?
  • La prestataire a-t-elle démontré qu’elle était disponible pour travailler du 23 juillet au 5 septembre 2024 au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi?

Analyse

[12] Le rôle de la division d’appel est différent de celui de la division générale. La loi m’autorise à intervenir et à corriger une décision de la division générale si elle a agi de façon inéquitable ou si elle a commis une erreur de droit, une erreur de compétence ou une erreur de fait importanteNote de bas page 4.

[13] L’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que pour recevoir des prestations régulières, une personne doit être disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable. Pour démontrer qu’elle est disponible pour travailler, la personne doit prouver les trois choses suivantes (que l’on appelle les trois éléments de la décision Faucher) :

  • qu’elle veut retourner travailler le plus tôt possible et qu’elle est prête à accepter un emploi convenable si on lui en offre un;
  • qu’elle cherche activement un emploi convenable de façon continue;
  • qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui limitent indûment (c’est‑à-dire trop) ses chances de retourner travailler.

[14] Lorsqu’elle a appliqué les éléments de la décision Faucher, la division générale a dû prendre en compte l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas page 5. Elle a aussi dû tenir compte de la disponibilité de la prestataire chaque jour ouvrable (c’est-à-dire du lundi au vendredi) où elle voulait recevoir des prestationsNote de bas page 6.

[15] La division générale a décidé que la prestataire satisfaisait aux trois éléments de la décision Faucher (paragraphes 15, 17, 18, 24 et 25). Elle était donc capable de travailler et n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 23 juillet 2024 (paragraphes 2, 33 et 34).

La division générale a ignoré les éléments de preuve montrant que la prestataire n’était pas disposée à commencer à travailler avant le 6 septembre 2024

[16] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant de façon erronée des éléments de preuve pertinentsNote de bas page 7. En d’autres termes, la division générale comme une erreur de fait importante lorsque des éléments de preuve vont carrément à l’encontre de l’une de ses conclusions de fait ou ne l’appuient pas.

[17] La division générale a considéré, pour le premier élément de Faucher, la date d’arrivée de la prestataire en Saskatchewan : « Bien qu’elle admette qu’il aurait pu être difficile de commencer un nouvel emploi avant d’arriver à son nouveau lieu de résidence le 6 septembre 2024, elle dit qu’elle était prête à commencer dès le lendemain. » (paragraphe 16). La division générale a également relevé que la prestataire avait reçu des offres d’emploi auxquelles elle avait répondu avant le 5 septembre 2024 (paragraphe 17). La division générale a conclu qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable serait offert (paragraphes 15 et 17).

[18] La Commission soutient que la preuve ne corrobore pas la conclusion de la division généraleNote de bas page 8. La prestataire n’a pas dit « difficile » dans son témoignage. Elle a déclaré qu’elle avait écrit dans son curriculum vitae qu’elle arriverait en Saskatchewan début septembre et qu’elle était seulement disponible pour un entretien téléphonique avant cette dateNote de bas page 9.

[19] Je suis d’accord avec la Commission.

[20] La preuve non contredite devant la division générale montre que la prestataire n’était pas disposée à commencer un emploi en Saskatchewan avant le 6 septembre 2024Note de bas page 10. Elle se concentrait sur la préparation de son déménagement et le déménagement lui-même. Elle a dit à des employeurs potentiels qu’elle n’était pas disponible pour commencer à travailler avant le début de septembre 2024. Elle était disponible pour un entretien téléphonique ou en ligne. Elle n’est arrivée en Saskatchewan que le 5 septembre 2024. Elle a déclaré qu’elle était prête à travailler à partir du 6 septembre 2024.

[21] Ces éléments de preuve ainsi que l’attitude et la conduite de la prestataire étaient très pertinents pour les premier et troisième éléments de la décision Faucher. Pourtant, la division générale les a mal interprétés ou ignorés lorsqu’elle a appliqué ces premier et troisième éléments.

[22] Puisqu’elle a mal interprété et ignoré ces éléments de preuve, la division générale a pu conclure que la prestataire satisfaisait aux trois éléments de la décision Faucher (paragraphe 33). Elle s’est ensuite appuyée sur ces conclusions pour décider que la prestataire était disponible pour travailler à compter du 23 juillet 2024 (paragraphes 2 et 34). Autrement dit, la division générale a fondé sa décision sur une erreur concernant la preuve. Sa décision n’est donc pas étayée par la preuve.

[23] Cela signifie que la division générale a commis une erreur de fait importante.

Corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[24] La prestataire et la Commission ont convenu que je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre si je concluais qu’elle avait commis une erreurNote de bas page 11. C’est ce que je vais faire.

[25] La prestataire et la Commission ont toutes deux eu une occasion complète et équitable de présenter leurs éléments de preuve et leurs arguments à la division générale. À l’audience de la division d’appel, j’ai permis à chaque partie de résumer ses arguments concernant la disponibilité de la prestataire du 23 juillet au 5 septembre 2024.

La prestataire a limité indûment ses chances de retourner au travail et n’était pas disposée à commencer à travailler avant le 6 septembre 2024

[26] Je dois décider si la prestataire a démontré qu’elle a satisfait aux trois éléments de la décision Faucher du 23 juillet au 5 septembre 2024.

[27] La prestataire n’a pas satisfait au premier de ces éléments.

[28] La preuve montre que la principale préoccupation de la prestataire, entre le moment où elle a quitté son travail et son arrivée en Saskatchewan, était d’emballer ses biens et de déménager. Elle ne cherchait pas à retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable serait offert. Elle cherchait un emploi qui commençait début septembre 2024.

[29] J’adopte la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable (paragraphes 18 et 22 à 24). Il s’agit du deuxième élément de la décision Faucher. La Commission n’a pas contesté cette conclusion et les éléments de preuve pertinents l’appuientd.

[30] La prestataire n’a pas satisfait au troisième élément de la décision Faucher.

[31] Elle a établi une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner travailler. Elle attendait d’arriver en Saskatchewan pour retourner travailler. Même si sa recherche d’emploi lui avait permis de trouver un emploi convenable avant le 6 septembre 2024, elle n’aurait pas accepté cet emploi à moins de pouvoir commencer après le 5 septembre 2024. Rien n’indique qu’elle était disposée à se rendre en Saskatchewan pour commencer un emploi avant cette date.

Je dois suivre la décision Cloutier de la Cour d’appel fédérale

[32] Ma décision suit la décision Cloutier de la Cour d’appel fédéraleNote de bas page 12. Cette décision portait également sur la disponibilité au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[33] La disponibilité est une question de fait ou d’application du droit établi aux faitsNote de bas page 13. La droit en matière de disponibilité au sens de l’article 18(1)(1)(a) est établi. Le Tribunal de la sécurité sociale doit appliquer les éléments de la décision Faucher.

[34] Les faits pertinents dans l’affaire Cloutier et dans le présent appel sont les mêmes pour l’essentiel. Dans l’affaire Cloutier, la prestataire a également quitté son emploi pour accompagner son conjoint qui déménageait pour accepter un emploi. Dans les deux cas, les prestataires n’allaient pas accepter un nouvel emploi avant d’avoir déménagé. Leur objectif principal était de préparer le déménagement et de déménager, et non de retourner au travail le plus rapidement possible.

[35] Puisque le droit et les faits pertinents sont les mêmes, je dois suivre la décision Cloutier.

[36] Dans l’affaire Cloutier, la Cour a rejeté la conclusion du juge-arbitre selon laquelle le prestataire était disponible pour travailler (des juges-arbitres tranchaient les appels de deuxième palier en assurance-emploi avant la création du Tribunal). Le juge‑arbitre a conclu que le fait de quitter un emploi pour accompagner son conjoint incluait une période pendant laquelle la prestataire devait prendre les dispositions nécessaires pour déménager.

[37] La Cour a déclaré que le juge-arbitre avait confondu dans son raisonnement la notion d’exclusion pour départ volontaire prévue à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi avec celle d’inadmissibilité prévue à l’article 18(1)(a) de cette même loi. La Cour a décidé que le juge-arbitre aurait dû évaluer la disponibilité de la prestataire chaque jour ouvrable de sa période de prestations, indépendamment du fait qu’elle était occupée à organiser le déménagement de sa famille.

Résumé de ma décision sur la disponibilité de la prestataire

[38] La prestataire devait répondre aux trois éléments de la décision Faucher pour prouver qu’elle était disponible pour travailler. Elle n’a pas démontré qu’elle satisfaisait aux premier et troisième éléments de la décision Faucher du 23 juillet au 5 septembre 2024. Par conséquent, elle n’était pas disponible pour travailler et elle est donc inadmissible au bénéfice des prestations pendant cette période.

Conclusion

[39] La division générale a commis une erreur de fait importante.

[40] Pour la corriger, je rends la décision qu’elle aurait dû rendre.

[41] La prestataire admet qu’elle n’a pas cherché d’emploi du 30 juin au 23 juillet 2024. J’ai décidé qu’elle n’était pas disponible pour travailler du 23 juillet au 5 septembre 2024. Elle ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi du 30 juin au 5 septembre 2024.

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