[TRADUCTION]
Citation : MI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 95
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | M. I. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (687787) datée du 28 octobre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Linda Bell |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 2 janvier 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 13 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | GE-24-3959 |
Sur cette page
Décision
[1] M. I. est l’appelante. Je rejette son appel.
[2] L’appelante n’a pas prouvé qu’en tant qu’enseignante, elle est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelante est une enseignante qui travaille dans une école secondaire privée. Elle a été embauchée sous contrat pour enseigner l’informatique et les mathématiques de la 10e à la 12e année. Son premier contrat s’étendait du 4 avril 2024 au 28 juin 2024, date à laquelle elle a terminé sa période d’essaiNote de bas de page 1. Son contrat a été renouvelé pour l’année scolaire suivante. Elle est retournée au travail le 9 septembre 2024 à titre d’enseignante permanente à temps pleinNote de bas de page 2.
[4] La Commission a examiné les éléments du contrat d’enseignement de l’appelante. Elle a établi que l’appelante avait accepté un contrat de travail permanent, de sorte que son emploi d’enseignante n’a pas pris fin. Elle a également conclu que l’appelante n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi pendant la période de congé scolaire.
[5] L’appelante n’est pas d’accord avec la Commission et fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Elle affirme que son emploi n’était pas permanent parce que son contrat a pris fin le 28 juin 2024.
Questions que je dois examiner en premier
Services d’interprétation
[6] Dans ses documents d’appel, l’appelante a indiqué qu’elle avait besoin d’un interprète en persan. Le Tribunal a donc pris des dispositions pour qu’un interprète assiste à l’audience et lui fournisse des services d’interprétation.
[7] L’appelante a demandé que l’audience se déroule en anglais afin d’accélérer le processus. J’ai refusé sa demande. Je lui ai expliqué que pour qu’elle ait une audience équitable et qu’elle comprenne clairement tout ce que je dis, je demanderai à l’interprète de traduire tout ce que je dis en persan. Je lui ai également expliqué qu’elle pouvait s’exprimer en anglais ou en persan, selon son choix.
[8] Lors de l’audience, l’appelante a présenté sa preuve en anglais et en persan par l’intermédiaire des services d’interprétation en direct. Bien que l’appelante répondait parfois à ce que je disais en anglais, j’ai continué à faire traduire en persan presque tout ce que je disais en anglais. J’estime donc que l’appelante s’est vu offrir un processus équitable et qu’elle a eu pleinement l’occasion de se faire entendre.
Documents tardifs
[9] Dans l’intérêt de la justice, j’ai accepté les observations et les documents reçus après l’audience du 2 janvier 2025.
[10] À la fin de l’audience, l’appelante a demandé la permission de présenter une copie de son contrat d’enseignement pour l’année scolaire 2024-2025. Je l’ai autorisée à fournir des documents et des observations supplémentaires jusqu’au 2 janvier 2025. Le 2 janvier 2025, le Tribunal a reçu une copie de son contrat d’enseignement pour l’année scolaire 2024-2025, joint à un courriel dans lequel elle a présenté des observations supplémentairesNote de bas de page 3.
[11] Afin de respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, des copies des documents et des observations supplémentaires ont été envoyées à la Commission. Celle-ci n’a pas répondu. Je conclus donc que l’acceptation des documents tardifs ne causerait aucun préjudice à l’une ou l’autre partie.
Question en litige
[12] L’appelante bénéficie-t-elle d’une exception qui lui permet de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de congé?
Analyse
Enseignantes et enseignants
[13] La règle générale veut que les enseignantes et enseignants ne puissent pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant une période de congéNote de bas de page 4. Les périodes de congé sont les périodes où la majorité du personnel enseignant ne travaille pasNote de bas de page 5. Elles comprennent entre autres les vacances d’été et la semaine de relâcheNote de bas de page 6.
[14] Même si les enseignantes et enseignants ne travaillent pas durant les périodes de congé, ils ne sont pas considérés comme étant au chômage. Le fait de ne pas travailler n’est pas comme être au chômageNote de bas de page 7.
[15] Il y a quelques exceptions à cette règle généraleNote de bas de page 8. Une partie prestataire peut être admissible au bénéfice des prestations si :
- (a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
- (b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
- (c) elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.
[16] L’appelante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que l’une des exceptions s’applique à sa situationNote de bas de page 9. Je vais maintenant décider si l’appelante bénéficie d’une exception qui lui permet de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de congé.
L’appelante a-t-elle démontré qu’il y a eu une rupture claire dans son emploi d’enseignante?
[17] Non. L’appelante n’a pas prouvé qu’il y a eu une rupture claire dans la continuité de son emploi d’enseignante au sein de la commission scolaire.
[18] Comme je l’ai mentionné plus haut, il existe une exception selon laquelle une partie prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations si son emploi dans l’enseignement a pris fin. Cependant, il ne suffit pas d’examiner les dates de début et de fin des contrats pour décider si l’emploi dans l’enseignement de l’appelante a pris finNote de bas de page 10.
[19] De même, le fait que l’appelante n’était pas rémunérée pendant la période en cause n’est pas suffisant en soi pour que je puisse conclure que son contrat de travail a pris finNote de bas de page 11. Je dois plutôt examiner l’ensemble des circonstances de l’appelante, comme la continuité de son emploiNote de bas de page 12.
[20] L’appelante doit démontrer qu’il y a eu une rupture claire dans la continuité de son emploi, et qu’il y a eu une véritable rupture de la relation entre son employeur et elleNote de bas de page 13.
[21] L’appelante affirme que l’exception s’applique dans son cas parce que son contrat a pris fin le 28 juin 2024. Elle n’a pas reçu d’offre d’emploi officielle avant le 26 août 2024 et n’a pas signé un autre contrat avant le 28 août 2024.
[22] La Commission a documenté sa conversation du 18 juillet 2024 avec l’employeur. Lors de cette conversation, l’employeur a déclaré que l’appelante était sous contrat permanent et que les trois premiers mois, d’avril à juin 2024, ont servi de période d’essai avant l’entrée en vigueur de ce contrat. Par conséquent, l’appelante n’a pas eu à postuler pour son poste d’enseignante pour l’année scolaire à venir (2024-2025), et le maintien de son emploi n’est pas fondé sur le rendementNote de bas de page 14.
[23] La Commission a également documenté sa conversation du 28 octobre 2024 avec l’employeurNote de bas de page 15. Lors de cette conversation, l’employeur a déclaré que l’appelante avait été embauchée comme enseignante permanente à compter de mars 2024, et qu’elle continuera d’occuper ce poste jusqu’à ce qu’elle soit congédiée ou qu’elle quitte son emploi.
[24] L’appelante a déclaré qu’en juin 2024, on lui avait dit que l’employeur était généralement satisfait de son travail. Elle a également mentionné qu’il avait été question de son retour en septembre, mais qu’il s’agissait seulement de [traduction] « discussions générales ». Après clarification, l’appelante a confirmé qu’en juin 2024, on lui avait informellement annoncé qu’elle reviendrait enseigner en septembre 2024Note de bas de page 16.
[25] La Commission soutient que l’appelante n’a pas satisfait à l’obligation de prouver que son contrat d’enseignement a pris fin le 28 juin 2024 et qu’elle ne retournerait pas travailler auprès de son employeur à la suite de la période de congé. Le 18 juillet 2024, l’appelante a déclaré que son contrat serait automatiquement renouvelé pour l’année scolaire suivante et qu’on lui avait demandé de revenir travailler à partir du 9 septembre 2024Note de bas de page 17. Cela confirme qu’elle savait qu’elle reprendrait son travail l’année scolaire suivante avant même de signer le contrat.
[26] La Commission soutient que la relation d’emploi s’est poursuivie lorsque l’appelante a conclu une entente avec son employeur pour la période d’enseignement suivante. Par conséquent, l’exception prévue à l’article 33(2)a) du Règlement sur l’assurance-emploi ne s’applique pas à l’appelante. Je remarque qu’une entente peut être verbale ou écrite.
[27] Après avoir examiné le premier contrat de l’appelante, je constate qu’il se lit comme suit.
[traduction]
5.7 Le présent contrat prend fin automatiquement le dernier jour de chaque semestre et un nouveau contrat sera conclu entre les deux parties au moins deux (2) semaines avant le début d’un nouveau semestreNote de bas de page 18.
[28] Je reconnais que l’appelante travaillait sous contrat, avec une date de fin fixée au 28 juin 2024. Cela dit, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’il y a eu une véritable rupture dans la continuité de son emploi d’enseignante. En effet, dès la fin du mois de juin, elle savait qu’elle avait réussi sa période d’essai et qu’on lui offrirait un autre poste d’enseignante pour l’année scolaire 2024-2025.
[29] Dans la décision Stone de la Cour d’appel fédérale, les circonstances de la demanderesse sont très similaires à celles de l’appelanteNote de bas de page 19. Plus précisément, à la fin de l’année scolaire, l’employeur avait informé la demanderesse qu’il était satisfait de son travail et que, si les inscriptions et le financement pour le groupe d’âge qu’elle enseignait étaient suffisants, elle serait contactée pendant l’été pour lui demander de revenir enseigner à l’automne. L’employeur a agi de la sorte afin que la demanderesse puisse rester disponible pour reprendre son travail à l’école. Dans la décision Stone, la Cour a décidé qu’il n’y avait pas eu de rupture claire dans la continuité de l’emploi dans l’enseignement.
[30] Dans l’affaire Blanchet, la Cour d’appel fédérale a tranché les appels de quatre enseignantes à temps partielNote de bas de page 20. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a conclu que les enseignantes et enseignants travaillant à temps partiel sous contrat pendant plusieurs années scolaires consécutives n’étaient pas exemptés de l’inadmissibilité pendant les périodes de congé scolaire. En effet, il n’y a pas eu de véritable rupture dans la continuité de leur emploi.
[31] Après avoir examiné attentivement la preuve dont je dispose, je ne peux pas conclure qu’il y a eu une véritable rupture de la relation entre l’appelante et son employeurNote de bas de page 21. Même si elle n’a pas officiellement signé le contrat pour l’année scolaire 2024-2025 avant le 28 août 2024, il y a des éléments de preuve qui montrent qu’à la fin de juin 2024, elle savait qu’elle travaillerait l’année scolaire suivante et avait accepté l’offre d’emploi de manière informelle. Elle a continué d’occuper son emploi pour l’année scolaire 2024-2025.
[32] Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas eu de véritable rupture de la relation entre l’appelante et son employeurNote de bas de page 22. Autrement dit, l’exception prévue à l’article 33(2)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi ne s’applique pas à l’appelante et elle ne peut donc pas recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant les congés scolaires.
L’appelante remplit-elle les conditions requises pour recevoir des prestations puisqu’elle a exercé son emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance?
[33] Non. Je conclus que l’appelante ne remplit pas les conditions requises pour recevoir des prestations puisqu’elle n’a pas exercé son emploi dans l’enseignement sur une base de suppléance. En effet, au cours de la période de référence, l’emploi dans l’enseignement de l’appelante n’était pas principalement ou entièrement exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance.
[34] La Commission soutient que l’emploi de l’appelante du 4 avril 2024 au 28 juin 2024 était assez régulier, constant et prédéterminé pour ne pas correspondre à la définition d’enseignement sur une base occasionnelle ou de suppléance au sens de l’article 33(2)b) du Règlement sur l’assurance-emploi. Je suis d’accord.
[35] L’appelante a déclaré qu’elle avait été embauchée sous contrat, mais que rien ne lui garantissait qu’elle serait employée à temps plein. Après avoir examiné son contrat, je constate qu’elle devait donner des cours à unités du lundi au vendredi de 8 h 40 à 10 h 40 et de 10 h 40 à 12 h 40, et donner des cours particuliers jusqu’à concurrence de 10 heures au total pour un cours à unités. L’appelante a déclaré qu’elle était également chargée de donner les cours de mathématiques que la principale personne qui enseigne les mathématiques ne pouvait pas donner.
[36] Dans la décision Stephens, la Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire au juge-arbitre pour qu’il établisse si, selon les faits, l’emploi du prestataire était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléanceNote de bas de page 23. La Cour d’appel fédérale a souligné dans cette décision qu’« il est théoriquement possible qu’un enseignant soit employé comme suppléant pendant des périodes qui surviennent à des intervalles suffisamment réguliers pour qu’on ne puisse pas affirmer qu’il s’agit d’un emploi “exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance”. »
[37] La décision Cullen,rendue par la division d’appel du Tribunal, me convainc égalementNote de bas de page 24. Dans cette décision, la division d’appel a conclu que l’article 33(2)(b) exige que l’on tienne compte de l’emploi dans l’enseignement de l’appelante dans son ensemble pendant la période de référence.
[38] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’employeur a déclaré que l’appelante travaillait dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, et que les trois premiers mois ont servi de période probatoire.
[39] Le relevé d’emploi de l’appelante précise qu’elle a travaillé comme enseignante jusqu’à son dernier jour payé, soit le 28 juin 2024. Bien que le relevé d’emploi indique que la raison pour laquelle il a été produit est un manque de travail ou la fin d’un contrat ou d’une saison, cela ne prouve pas que l’appelante a exercé son emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance. Au contraire, les éléments de preuve montrent que son emploi était suffisamment continu et prédéterminé.
[40] Après avoir examiné ce qui précède, je conclus que l’emploi que l’appelante a occupé dans l’enseignement pendant la période de référence ne peut pas être considéré comme ayant été exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. En effet, elle a principalement travaillé en tant qu’enseignante sous contrat.
L’appelante remplit-elle les conditions requises pour recevoir des prestations dans le cadre d’une profession autre que l’enseignement?
[41] Non. L’appelante ne remplit pas les conditions requises pour recevoir des prestations dans le cadre d’une profession autre que l’enseignement.
[42] Rien ne prouve que l’appelante a occupé un emploi autre que celui d’enseignante. Par conséquent, cette exception ne s’applique pas à elleNote de bas de page 25.
L’appelante a-t-elle démontré qu’une exception s’applique et qu’elle peut recevoir des prestations d’assurance-emploi?
[43] Non. Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’une exception s’applique à elle et qu’elle peut donc recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de congé. Par conséquent, elle est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er juillet 2024.
Conclusion
[44] L’appel est rejeté.