Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 116

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de
l’assurance‑emploi du Canada (690854) datée du
9 octobre 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 janvier 2025
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 8 janvier 2025
Numéro de dossier : GE-24-3859

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite (comme ce terme est défini ci-dessous). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique d’assiduité de son employeur. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission affirme qu’elle ne peut pas verser de prestations à l’appelant parce qu’il a été congédié en raison d’une inconduite. L’appelant n’est pas d’accord.

[5] L’appelant soutient qu’il a techniquement enfreint la politique d’assiduité, mais que c’était parce son employeur avait injustement refusé de prolonger son congé sans solde. L’appelant dit que son employeur aurait dû prolonger son congé comme il le lui avait demandé. Si cela avait été fait, il aurait respecté la politique d’assiduité.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[7] Si tel est le cas, il est alors exclu du bénéfice des prestations.

Analyse

[8] Je conclus que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été congédié?

[9] Je conclus que l’appelant a été congédié pour avoir enfreint la politique d’assiduité de son employeur.

[10] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a été congédié pour avoir enfreint la politique d’assiduité de son employeur. C’est la raison qu’il a fournie dans sa demande de prestationsNote de bas de page 2.

[11] L’appelant reconnaît également qu’il a enfreint la politique d’assiduité, mais affirme l’avoir fait parce que son employeur a injustement refusé de lui accorder un congé personnel.

[12] L’appelant affirme qu’avant qu’il n’enfreigne la politique d’assiduité, son employeur avait soulevé des problèmes concernant son rendement. Il dit que ces problèmes ont été inventés de toutes pièces dans le but de tenter de se débarrasser de lui. Cependant, l’employeur n’a pas invoqué de problèmes de rendement pour justifier le congédiement de l’appelant. Et à mon avis, aucun élément de preuve crédible ne permet d’affirmer qu’ils étaient la véritable raison de son congédiement.

[13] En l’absence d’éléments de preuve crédibles démontrant que le non-respect par l’appelant de la politique d’assiduité n’était qu’un prétexte, je dois conclure que c’est la raison de son congédiement. Je dois donc décider si la loi considère cette raison comme une inconduiteNote de bas de page 3.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] Je conclus que le non-respect par l’appelant de la politique d’assiduité était une inconduite au sens de la loi.

La loi

[15] Le terme inconduite, tel qu’il est utilisé dans la Loi sur l’assurance-emploi, n’a pas le même sens que dans le langage courant. Il n’est pas nécessaire qu’une personne ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[16] Il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et entraîner son congédiementNote de bas de page 5. Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée (c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle)Note de bas de page 6 ou si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7.

[17] Une personne qui perd son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8.

Les circonstances qui ont mené au congédiement de l’appelant

[18] Le 2 décembre 2023, l’appelant est parti en congé sans solde autorisé pour assister aux funérailles de sa grand-mère. Il devait revenir au travail le 8 janvier 2024Note de bas de page 9.

[19] Avant son congé, l’appelant a eu des différends avec son gestionnaire. Il affirme que ce dernier le harcelait et l’intimidait. Il a déposé une plainte contre lui.

[20] À la suite du dépôt de sa plainte contre son gestionnaire, l’appelant a reçu un avertissement écrit concernant son rendement au travail. Il affirme que l’avertissement était sans fondement. Il dit que ses problèmes de rendement étaient liés à une blessure dont il se remettait encore. Il pense qu’il a reçu cet avertissement en représailles pour avoir déposé une plainte contre son gestionnaire. Il avait aussi l’impression que son employeur voulait se débarrasser de lui après sa blessure.

[21] L’appelant a contesté l’avertissement auprès de la direction, mais sans succès.

[22] À la suite de cette contestation infructueuse, l’appelant s’est vu imposer un plan d’amélioration du rendement en lien avec l’avertissement qu’il avait reçu. Il estimait que ce plan d’amélioration du rendement était injuste et il a refusé de le signer.

[23] L’appelant a expliqué qu’après les funérailles de sa grand-mère, il a dû régler certaines questions de succession avant de retourner au travail.

[24] Bien qu’il aurait pu retourner au travail le 8 janvier 2024 comme prévu, il était mécontent de la façon dont son employeur le traitait. Il était contrarié par le conflit qui l’opposait à son gestionnaire, par le fait que la direction refusait de le résoudre et par le plan d’amélioration du rendement. Il a donc décidé de donner la priorité à ses affaires familiales plutôt qu’au travail et de prendre un congé supplémentaire pour s’occuper de la succession de sa grand-mère. Il a demandé à son employeur de prolonger son congé sans solde jusqu’au 31 janvier 2024 dans ce but.

[25] L’employeur de l’appelant a refusé de prolonger son congé. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas le faire parce que l’appelant n’était pas en règleNote de bas de page 10.

[26] L’appelant affirme que l’employeur aurait dû accepter de prolonger son congé.

[27] Malgré le refus de son employeur, l’appelant a tout de même pris congé. Il n’est retourné au travail que le 31 janvier 2024. Il a donc pris 12 jours d’absence non approuvés.

[28] Le 13 février 2024, l’appelant a reçu un avertissement écrit l’informant qu’il avait enfreint la politique d’assiduité. On lui a rappelé que selon la politique, il n’avait droit qu’à 6 jours d’absence non approuvés. On l’a informé qu’il en avait pris 17. On lui a dit que s’il ne remédiait pas à son infraction à la politique d’assiduité en faisant approuver ses absences, il serait congédiéNote de bas de page 11.

[29] L’appelant affirme ne pas avoir eu la possibilité de remédier à son infraction. Il fait valoir que son congé aurait dû être approuvé. Il prétend qu’il avait le droit de prendre jusqu’à trois mois de congé sans solde pour quelque raison que ce soitNote de bas de page 12.

[30] L’appelant souligne qu’il a été informé que son congé n’était pas prolongé en raison de l’avertissement qu’il avait reçu au sujet de son rendementNote de bas de page 13. Il fait valoir que son employeur ne pouvait pas refuser de prolonger son congé sans solde en se basant sur un avertissement qu’il considérait comme non fondé. Il dit que si son congé avait été approuvé, comme il aurait dû l’être, il n’y aurait pas eu d’infraction à la politique.

[31] Le 15 février 2024, bien qu’ayant reçu un avertissement l’informant qu’il enfreignait la politique d’assiduité, l’appelant a pris trois jours de congé supplémentaires. Il soutient que l’évier de son appartement débordait chaque fois que le locataire vivant dans l’appartement du dessus ouvrait le robinet. Il affirme qu’il devait rester chez lui jusqu’à ce que le problème soit résolu.

[32] L’appelant prétend qu’il avait le droit de prendre ces trois jours de congé supplémentaires malgré l’avertissement qu’il avait reçu l’informant qu’il enfreignait la politique d’assiduité. Il affirme qu’il pouvait le faire parce que son employeur était censé lui accorder 80 heures (8 jours) de congé personnel par année pour les urgencesNote de bas de page 14. Il soutient avoir signalé ses absences, comme l’exige la politique d’assiduitéNote de bas de page 15.

[33] Le 21 février 2024, l’appelant a été informé qu’il était congédié pour ne pas s’être présenté au travail depuis le 15 février 2024 et pour ne pas avoir remédié à son infraction à la politique d’assiduité dont il avait été avisé le 13 février 2024.

La conduite de l’appelant est une inconduite au sens de la loi

[34] L’appelant fait valoir que son employeur l’a congédié injustement. Mais même si c’était le cas, sa conduite constitue une inconduite au sens de la loi.

[35] L’appelant admet qu’il connaissait la politique d’assiduité. Il savait qu’il n’avait droit qu’à six jours d’absence et que toute autre absence devait être compensée de l’une des quatre façons prévues dans la politique d’assiduitéNote de bas de page 16.

[36] L’appelant dit qu’il n’a pas enfreint la politique d’assiduité en s’absentant du travail du 15 au 17 février 2024 pour s’occuper d’une urgence. Il affirme avoir signalé ces jours de congé et utilisé les heures de congé personnel auxquelles il avait droit pour justifier son absence.

[37] Étant donné que l’appelant enfreignait déjà la politique d’assiduité à ce moment‑là, je n’accepte pas son argument. Cependant, même s’il avait eu le droit de prendre ces trois jours de congé, il aurait tout même enfreint la politique d’assiduité en prolongeant son congé sans autorisation.

[38] L’appelant prétend qu’il a techniquement enfreint la politique d’assiduité en s’absentant du travail du 8 janvier au 31 janvier 2024, mais que c’était uniquement parce ce que son employeur avait injustement refusé de prolonger son congé sans solde. Selon lui, ce refus était fondé sur un avertissement injustifié concernant son rendement. Il fait valoir qu’il avait droit à la prolongation de son congé dans les circonstances.

[39] La jurisprudence est claire : je ne dois pas tenir compte de la conduite de l’employeur pour décider si une personne a été congédiée en raison d’une inconduite, sauf dans les circonstances où une personne doit choisir entre la désobéissance et une perte ou un préjudice inévitablesNote de bas de page 17.

[40] Il ressort clairement de la preuve que l’appelant n’avait pas à rester en congé jusqu’au 31 janvier 2024 pour ne pas subir une perte ou un préjudice inévitable. Il a pris la décision de prolonger son congé parce qu’il était en colère contre son employeur. Il jugeait que son employeur le traitait injustement. Il n’était pas prêt à faire passer le travail avant ses affaires familiales dans ces circonstances. Il a donc décidé de rester en congé sans autorisation pour s’occuper de la succession de sa grand-mère.

[41] De plus, l’appelant a choisi de rester en congé malgré le fait qu’on lui ait dit que la prolongation de son congé n’avait pas été approuvée et qu’on s’attendait à ce qu’il revienne au travail. Il a ignoré la directive de son employeur de retourner au travail. À mon avis, sa conduite était délibéréeNote de bas de page 18.

[42] L’appelant prétend qu’il ne croyait pas que la prolongation de son congé, même sans autorisation, entraînerait son congédiement. Il dit qu’il était certain de pouvoir convaincre son employeur que son refus de prolonger son congé n’était pas justifié parce qu’il était fondé sur un avertissement injustifié.

[43] Je considère que cela est un vœu pieux. L’appelant avait contesté l’avertissement et n’avait pas obtenu gain de cause. Il était déraisonnable et imprudent de sa part de croire qu’il serait finalement annulé et que son congé prolongé serait approuvé rétroactivement.

[44] À mon avis, l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié qu’il ne retournait pas au travail le 8 janvier 2024 comme prévu. Il devait savoir qu’en ne retournant pas au travail ce jour-là, il enfreindrait la politique d’assiduité et les exigences claires de son employeur à son égard. Le courriel qu’il a reçu l’informant du refus de prolonger son congé le dit expressémentNote de bas de page 19.

[45] Ainsi, même si le refus de l’employeur de prolonger le congé de l’appelant n’était pas justifié, la conduite de celui-ci est néanmoins une inconduite au sens de la loi. Il aurait dû retourner au travail le 8 janvier 2024 comme prévu plutôt que de prolonger son congé sans autorisation.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté.

[47] Je conclus que la Commission a prouvé que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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