Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 172

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : D. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 janvier 2025
(GE-24-3601)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 27 février 2025
Numéro de dossier : AD-25-96

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] D. K. est le demandeur. Je l’appellerai « le prestataire » parce que la présente demande porte sur sa demande de prestations d’assurance-emploi. La défenderesse est la Commission de l’assurance-emploi du Canada, que j’appellerai « la Commission ».

[3] Le prestataire a quitté son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La défenderesse a conclu qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Le prestataire était d’avis que son départ était justifié et a demandé une révision à la Commission. La Commission a refusé de modifier sa décision.

[4] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci a rejeté son appel. Il demande maintenant la permission de faire appel auprès de la division d’appel.

[5] Je refuse la permission de faire appel. Le prestataire n’a pas soulevé d’arguments défendables selon lesquels la division générale a agi injustement ou a commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante.

Questions en litige

[6] Peut-on soutenir que la division générale a agi injustement en :

  • acceptant le caractère pertinent et suffisant de l’enquête de la Commission?
  • ne cherchant pas à obtenir des éléments de preuve supplémentaires?
  • faisant preuve de partialité en privilégiant le témoignage de l’employeur sans explication?
  • faisant preuve de partialité en présumant de l’importance des préoccupations du prestataire en matière de sécurité?
  • faisant preuve de partialité en ne tenant pas compte de l’importance des fonctions et des obligations en matière de déontologie de l’ingénieur professionnel?

[7] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en :

  • appliquant la jurisprudence de façon erronée?
  • ne tenant pas compte du fait qu’une violation du code de déontologie de l’EGBC était illégale?
  • n’appliquant pas d’autres lois pour se prononcer sur la transgression des lois?

[8] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en :

  • se méprenant sur le statut du service ou du représentant des ressources humaines (RH) de l’employeur?
  • se méprenant sur le nombre d’ingénieurs au bureau de Vancouver?
  • affirmant que le prestataire n’avait pas clairement identifié les deux documents de description de poste?
  • se méprenant sur les éléments de preuve concernant l’évolution des fonctions professionnelles?
  • se méprenant sur la signification de [traduction] « vérification » ou sur l’importance de l’équipement de protection individuelle?
  • se méprenant sur les actions prises par le prestataire à la suite de préoccupations qu’il avait au sujet de l’alarme incendie?
  • ne tenant pas compte de l’incidence de la charge de travail sur la capacité du prestataire de prendre des vacances?
  • laissant de côté le talon de paye déposé en preuve pour étayer les jours de vacances manqués?
  • ne tenant pas compte des éléments de preuve étayant que l’environnement de travail était toxique?
  • ne tenant pas compte des éléments de preuve montrant que le congédiement du prestataire était imminent?

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[9] Pour que la demande de permission de faire appel du prestataire soit accueillie, ses motifs d’appel devraient correspondre aux « moyens d’appel ». Les moyens d’appel sont les types d’erreurs que je peux prendre en considération.

[10] Je peux examiner seulement les erreurs suivantes :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droitNote de bas de page 1.

[11] Pour accueillir la demande de permission de faire appel et permettre au processus d’appel d’aller de l’avant, je dois conclure que l’appel du prestataire a une chance raisonnable de succès sur la base d’un ou de plusieurs de ces moyens d’appel. Selon les tribunaux, avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une « cause défendable »Note de bas de page 2.

[12] Le prestataire a invoqué tous les motifs d’appel à l’exception de l’erreur de compétence. Je les examinerai tour à tour.

Équité procédurale

[13] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur d’équité procédurale.

[14] Les parties devant la division générale ont droit à certaines protections procédurales comme le droit d’être entendues et de connaître les arguments avancés contre elles, et le droit à un décideur impartial. C’est ce qu’on entend par « équité procédurale ».

L’équité procédurale porte strictement sur le processus de la division générale

[15] La division d’appel a compétence pour se pencher uniquement sur les erreurs commises par la division générale. Certains des arguments du prestataire donnent à penser que celui-ci estime que le processus d’enquête et de prise de décision de la Commission était inéquitable.

[16] Le prestataire est peut-être d’avis que le processus de la Commission était inéquitable, mais la division d’appel ne peut se pencher que sur la question de savoir si la division générale a agi injustement. La division d’appel n’exerce pas de surveillance sur la façon dont la Commission administre la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

L’équité ne comprend pas une obligation d’enquêter

[17] Le processus d’audience de la division générale n’est pas une enquête. La division générale est un organisme juridictionnel qui rend des décisions fondées sur les éléments de preuve dont elle dispose. Il incombe aux parties devant la division générale de présenter les éléments de preuve qui, selon elles, étayeront leur position relative à l’appel.

[18] La division générale a le pouvoir, en vertu des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale (Règles), de demander à la Commission d’enquêter et de faire rapport sur toute question relative à une demande de prestationsNote de bas de page 3. Toutefois, ce pouvoir est discrétionnaire, ce qui signifie que la division générale ne peut être contrainte de poser des questions à la Commission. La Cour suprême du Canada a confirmé que les tribunaux contrôlent leurs propres procédures et sont « maîtres chez eux »Note de bas de page 4. La division générale peut diriger le processus d’appel comme elle l’entend, à condition que cela soit de manière licite et équitable pour les parties.

[19] La division générale apprécie les éléments de preuve qui lui sont présentés et tire les inférences ou conclusions factuelles nécessaires. Toutefois, elle n’a pas l’obligation de chercher à obtenir des éléments de preuve supplémentaires ni n’est tenue à la [traduction] « diligence raisonnable » à cet égard. Elle n’avait pas à [traduction] « vérifier » si l’employeur avait un représentant des RH désigné, ni à chercher à corroborer les déclarations de l’employeur ou tout autre élément de preuve.

Partialité

[20] Le prestataire soutient que la membre de la division générale a été partiale.

[21] La partialité est une allégation grave. Il est de jurisprudence constante que la personne doit s’opposer à une injustice procédurale perçue à la première occasion. L’omission de le faire équivaut à une renonciation implicite au droit de porter en appel cette injustice plus tard. La Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit : « La personne qui croit que le juge président a fait naître une crainte raisonnable de partialité doit le faire savoir à la première occasion. On ne peut entretenir secrètement une crainte raisonnable de partialité en vue de la faire valoir en cas d’issue défavorableNote de bas de page 5. »

[22] Étant donné que ce n’est qu’une fois la décision rendue que le prestataire a soulevé une crainte de partialité, je présume que cette crainte ne repose sur aucun autre motif que la décision et les motifs en eux-mêmes.

[23] Un esprit partial est un esprit fermé, qui résiste à la raison et à la preuve. Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité, et la charge d’établir la partialité incombe à la personne qui en allègue l’existence. La Cour suprême du Canada a déclaré que le critère à appliquer pour déterminer la présence de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 6? »

[24] On ne peut soutenir que la membre de la division générale a été partiale.

[25] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué la crédibilité de façon équitable en acceptant comme crédibles les affirmations de l’employeur, sans vérifier ou examiner les faits contestés. Il attire l’attention sur son propre témoignage au sujet de la [traduction] « véritable structure des RH » de son employeur et sur les divergences entre ce témoignage et les affirmations de son supérieur quant au nombre total d’ingénieurs au bureau de Vancouver.

[26] La décision de la division générale selon laquelle d’autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire reposait (en partie) sur sa conclusion selon laquelle le prestataire aurait pu parler de ses préoccupations à son employeur. Cette conclusion faisait fond sur le fait que le prestataire n’avait pas tenté de régler ses doléances avec quiconque chez l’employeur. Il n’acceptait le statut de membre des RH de quiconque, ni les compétences ou l’indépendance de ces personnes, et il ne s’y fiait pas. Quand bien même la structure interne des responsabilités liées aux RH chez l’employeur avait joué dans la décision du prestataire, la division générale n’était pas tenue d’enquêter ou de vérifier cet élément de preuve. L’omission de le faire n’est pas un signe de partialité.

[27] La conclusion de la division générale selon laquelle il n’y avait pas eu de changement important dans les fonctions du prestataire reposait sur le fait que ce dernier s’était acquitté de fonctions n’ayant pas de lien avec l’ingénierie depuis qu’il occupait son poste. La conclusion ne reposait pas sur les éléments de preuve liés au nombre d’ingénieurs au bureau de Vancouver. La division générale n’a pas accordé sa préférence à la preuve de l’employeur selon laquelle il y avait trois ingénieurs au bureau de Vancouver, plutôt qu’à celle du prestataire selon laquelle il n’y en avait que deux. En fait, elle n’a rien conclu au sujet du nombre d’ingénieurs qui travaillaient à ce bureau.

[28] Le prestataire soutient également que la division générale a agi injustement en rejetant [traduction] « d’emblée » ses préoccupations relatives à la sécurité, ce qui semble être un argument présenté pour faire valoir que la division générale a préjugé de l’ampleur de ses préoccupations relatives à la sécurité et n’était pas disposée à entendre ses éléments de preuve.

[29] La décision de la division générale n’a pas écarté d’emblée les préoccupations du prestataire relativement à la sécurité. La division générale s’est expressément demandé si des conditions de travail dangereuses avaient eu une incidence sur l’existence de solutions autres que celle de quitter son emploi. Elle s’est penchée sur les éléments de preuve du prestataire au sujet de ses préoccupations relatives à la sécuritéNote de bas de page 7.

[30] Enfin, le prestataire soutient que la division générale a rejeté l’importance des obligations professionnelles et déontologiques des ingénieurs.

[31] La division générale a analysé en détail les préoccupations du prestataire au sujet de ses responsabilités professionnelles et déontologiquesNote de bas de page 8. Lorsque le prestataire affirme que la division a [traduction] « rejeté » l’importance de ses obligations professionnelles et déontologiques, il conteste en fait la façon dont la division générale a évalué les éléments de preuve.

[32] Toutefois, c’est à la division générale que revient le rôle de soupeser les éléments de preuve, de tirer des conclusions de fait et d’appliquer le droit. Le prestataire peut être d’avis que la division générale n’a pas accordé suffisamment d’importance aux éléments de preuve qu’il a déposés pour étayer ses préoccupations relatives à la sécurité ou à ses obligations professionnelles et déontologiques. Toutefois, cela ne signifie pas que le prestataire n’a pas eu une occasion équitable de faire valoir son point de vue ni que la membre de la division générale s’est fermée à l’un ou l’autre des éléments de preuve.

[33] Je comprends que le prestataire conteste les conclusions de la division générale et sa décision, et qu’il a peut-être l’impression d’avoir été traité injustement dans cette décision. Cela dit, l’équité procédurale a trait à l’équité du processus. Elle ne concerne pas le sentiment d’une partie au sujet du caractère juste ou injuste de la décision.

[34] Lorsque je lis la décision et examine le dossier d’appel, je ne décèle pas de signe que la division générale a fait quoi que ce soit, ou omis de faire quoi que ce soit, qui me ferait douter de l’équité du processus.

Erreur de droit

Application erronée de la jurisprudence

[35] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son application de la jurisprudence.

[36] La division générale a cité une décision de la Cour d’appel fédérale et certaines décisions du juge-arbitreNote de bas de page 9. Elle a cité ces décisions parce qu’elles appuyaient le principe selon lequel [traduction] « le prestataire qui connaît les critères d’embauche au moment d’accepter un emploi ne peut invoquer ces critères par la suite pour justifier sa décision de quitter son emploi. ».

[37] Le prestataire affirme que la division générale n’aurait pas dû invoquer ces décisions, parce que bon nombre des fonctions qu’il devait assurer n’étaient pas mentionnées dans la description initiale de son poste, et parce que ses fonctions ont évolué au fil du temps, ce qui a [traduction] « progressivement amoindri » son rôle d’ingénieurNote de bas de page 10. Il affirme que ces fonctions supplémentaires ou élargies ne faisaient pas partie des [traduction] « critères d’embauche ».

[38] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[39] La division générale a cité la jurisprudence qui s’appliquait aux faits tels qu’elle a conclu qu’ils étaient. Elle avait conclu que le prestataire savait depuis le début que ses fonctions ne se limiteraient pas à celles d’un ingénieur. Elle a conclu que le prestataire avait accepté des rôles autres (que celui d’un ingénieur) après avoir commencé à travailler. La division générale a également conclu que le prestataire s’attendait à ce que son rôle évolue pour lui permettre de se concentrer sur des tâches d’ingénierieNote de bas de page 11.

[40] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit dans son recours à la jurisprudence. Elle a appliqué la jurisprudence qui convenait compte tenu de ses conclusions quant aux faits. Ultérieurement dans la présente décision, j’examinerai la question de savoir si la division générale a commis des erreurs dans ses conclusions quant aux faits.

Pratiques illégales de l’employeur

[41] Le prestataire affirme que les pratiques illégales de son employeur ont joué dans sa décision de quitter son emploi.

[42] Il soutient que la division générale a commis une erreur de droit en n’acceptant pas qu’un manquement au code de déontologie de l’Engineers and Geoscientists of British Columbia (Code de déontologie de l’EGBC) de la part d’un membre inscrit constitue également une violation de la loi. Le prestataire affirme que la division générale aurait dû accepter que les manquements de son employeur au Code de déontologie de l’EGBC étaient contraires à la loi.

[43] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[44] Le prestataire a porté à l’intention de la division générale deux dispositions du Code de déontologie de l’EGBC que l’employeur, selon lui, a enfreint. L’une de ces dispositions prévoit que le membre inscrit exerce sa profession [traduction] « seulement dans ses domaines de compétence ».

[45] La deuxième disposition porte sur l’obligation du membre inscrit de se conduire [traduction] « avec équité, courtoisie et bonne foi, et de faire part de commentaires professionnels honnêtes et justesNote de bas de page 12. »

[46] Dans son plaidoyer devant la division d’appel, le prestataire présente autrement les manquements de l’employeur au Code de déontologie de l’EGBC. En plus d’affirmer que l’employeur a remis en question son jugement professionnel et a fait fi de ses préoccupations, il soutient que l’employeur n’a pas fourni de formation professionnelle ou soutenu la formation professionnelle, qu’il n’a pas tenu compte d’obligations déontologiques envers les employés et les clients et qu’il n’a pas accordé la priorité à la sécuritéNote de bas de page 13.

[47] Bon nombre des conclusions qui auraient dû être tirées quant aux faits pour établir si l’employeur du prestataire avait contrevenu au Code de déontologie de l’EGBC, ou autrement enfreint la loi, ne relèvent pas de la compétence de la division générale. Il aurait fallu que la division générale fasse preuve d’une extrême prudence au moment de se pencher sur de telles questionsNote de bas de page 14.

[48] Le prestataire a déclaré que son employeur lui demandait de [traduction] « gérer » les problèmes liés aux contrôles et qu’il n’était pas qualifié (ou compétent) pour travailler en ingénierie des contrôlesNote de bas de page 15. Pour évaluer si l’employeur a manqué à ses obligations déontologiques ou s’il a amené le prestataire à le faire, la division générale aurait eu besoin d’éléments de preuve sur les limites réelles circonscrivant la compétence professionnelle du prestataire et d’éléments de preuve étayant que le prestataire a été contraint d’exécuter des tâches transgressant ces limites.

[49] Pour établir si l’employeur du prestataire n’avait pas fait preuve de retenue suffisante au regard de son jugement professionnel ou n’avait pas favorisé comme il se devait la formation nécessaire, la division générale aurait eu besoin d’une norme quelconque par rapport à laquelle évaluer ces allégations.

[50] Il en va de même pour les autres préoccupations du prestataire. La division générale ne pouvait établir si l’employeur avait agi de façon contraire à la déontologie en se fiant seulement à l’affirmation du prestataire selon laquelle le son de l’alarme incendie n’était pas [traduction] « assez fort » ou que les techniciens de l’employeur n’avaient pas fait l’objet de [traduction] « vérifications suffisantes », ou à son opinion voulant que l’employeur [traduction] « aurait dû » louer une plateforme élévatrice à ciseaux à une occasion particulièreNote de bas de page 16.

[51] Le prestataire soutient que la division générale a omis de tenir compte du fait qu’un manquement au Code de déontologie de l’EGBC est un acte illégal.

[52] Je souligne qu’au titre de la Professional Governance Act (Loi sur la gouvernance professionnelle – PGA), le membre inscrit doit seulement [traduction] « tenir compte » des lignes directrices. Les lignes directrices incluent le Code de déontologie de l’EGBCNote de bas de page 17.

[53] Le prestataire n’a mentionné aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune décision d’une cour de justice ou d’un tribunal administratif selon laquelle le membre inscrit ayant contrevenu au Code de déontologie de l’EGBC peut être coupable d’une infraction ou faire l’objet de sanctions administratives. Il n’a pas décrit le critère juridique lié à une telle infraction ou contravention, ni montré en quoi les actions de l’employeur satisfont à ce critère.

[54] À l’instar de la membre de la division générale, je ne suis pas expert en matière d’inconduite professionnelle. Je m’attends à ce qu’il y ait des circonstances dans lesquelles un manquement au Code de déontologie de l’EGBC puisse impliquer l’illégalité. Par exemple, je pense qu’il serait illégal de la part de l’employeur inscrit d’insister pour que ses employés adoptent des pratiques de travail dangereuses ou travaillent dans des conditions dangereuses. Cependant, l’illégalité dans un tel cas ne découlerait pas du manquement au Code de déontologie, mais du fait que ce manquement serait aussi contraire à une disposition de la PGA ou d’autres lois ou règlements.

[55] Le prestataire n’avait fourni aucun élément de preuve donnant à penser que l’employeur avait fait l’objet d’une enquête ou d’accusations pour ses actes. Il n’y avait aucun élément de preuve étayant l’existence d’une décision judiciaire (ou d’une décision rendue par un comité de discipline de l’EGBC ou un autre tribunal administratif) voulant que les actions de l’employeur avaient été contraires à la loi ou que l’employeur avait contraint le prestataire à agir illégalement.

[56] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de considérer comme étant illégales les infractions au Code de déontologie de l’EGBC signalées par le prestataire. La simple affirmation du prestataire quant à l’illégalité des infractions n’établit pas que les actes de l’employeur étaient illégaux.

Autres lois

[57] Le prestataire soutient également que la division générale a interprété erronément la nature des fonctions de l’ingénieur professionnel et que son interprétation sous-entendait que les descriptions de poste sont sans importance. Il soutient que la division générale n’a pas mesuré l’importance des contrats d’emploi et de la réglementation sur la sécurité au travailNote de bas de page 18. Il n’est pas clair si le prestataire pense qu’il s’agit d’une erreur de fait ou bien d’une erreur de droit.

[58] Dans un cas comme dans l’autre, la division générale n’était pas tenue de définir le champ d’exercice de l’ingénieur ni d’analyser les fonctions d’ingénieur par rapport aux autres types de fonctions qui étaient attendues du prestataire. La division générale n’a pas dit ni laissé entendre que les descriptions de poste sont [traduction] « sans importance ». Elle a seulement déclaré qu’il [traduction] « était clair » (d’après les deux descriptions de poste) que le poste du prestataire comportait des fonctions allant au-delà du génie mécanique [traduction], « peu importe laquelle des descriptions de poste était celle de 2016 ». (Autrement dit, peu importe laquelle des descriptions décrivait le plus fidèlement les fonctions attendues du titulaire du poste au moment où le prestataire a été embauché.)

[59] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit dans sa façon d’interpréter le contrat ou d’appliquer le droit du travail.

[60] Le contrat initial du prestataire pourrait être pertinent pour déterminer si le poste du prestataire a changé comme il l’affirme, à la faveur d’une comparaison avec ses fonctions et responsabilités les plus récentesNote de bas de page 19. Cependant, le droit des contrats n’est pas l’expertise de la direction générale. Cette dernière n’était nullement tenue d’interpréter ou de circonscrire les obligations contractuelles des parties, et elle n’était pas autorisée à trancher un éventuel différend entre le prestataire, en tant qu’employé, et son employeur. Le [traduction] « droit du travail », comme les lois régissant les normes du travail, ne serait pertinent que si le prestataire avait établi que l’employeur n’avait pas respecté la loi, par exemple en refusant de rémunérer des heures supplémentaires alors que la loi l’exigeait. Aucun élément de preuve ne donne à penser que l’employeur a contrevenu à une disposition législative régissant sa relation avec ses employés.

[61] En ce qui concerne la pertinence des règlements en matière de sécurité au travail, j’ai expliqué que le prestataire n’a pas présenté d’éléments de preuve étayant l’illégalité, par exemple des éléments de preuve montrant que les règlements en matière de sécurité au travail ont été enfreints. Comme je l’ai expliqué, l’affirmation du prestataire selon laquelle certaines actions sont illégales ne prouve en rien que ces actions sont, de fait, illégales.

[62] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ce qui concerne les règlements relatifs à la sécurité.

[63] La division générale devait examiner tous les éléments de preuve en appliquant le critère juridique de la « justification » au sens de la Loi sur l’AE. Comme la division générale l’a expliqué à l’audience et dans sa décision, la décision du prestataire de quitter volontairement son emploi sera « justifiée » seulement s’il n’y a aucune autre solution raisonnable.

[64] Le prestataire croit qu’on lui demandait d’effectuer des tâches et d’assumer des rôles qui n’étaient ni appropriés pour un ingénieur professionnel ni conformes à son contrat de travail. Selon lui, certaines actions de l’employeur étaient contraires à l’éthique ou l’ont obligé à agir de façon contraire à l’éthique. Il estime également que l’employeur n’a pas affirmé son engagement à l’égard de la sécurité. Compte tenu de ces préoccupations et d’autres, le prestataire a peut-être l’impression qu’il avait de bonnes raisons de quitter son emploi ou qu’on ne pouvait raisonnablement pas s’attendre à ce qu’il reste.

[65] Cependant, le prestataire devait démontrer qu’il avait épuisé toutes les solutions raisonnables autres que celle de quitter son emploi. Les lois et les lignes directrices associées au statut professionnel du prestataire ou aux responsabilités professionnelles et déontologiques qui viennent avec ce statut ne seraient pertinentes que si elles pouvaient aider le prestataire à démontrer qu’aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi s’offrait à lui. Il en va de même pour les modalités de son contrat de travail et pour les régimes réglementaires applicables en matière de sécurité ou de travail.

[66] Le prestataire n’a pas soulevé d’arguments défendables selon lesquels la division générale a appliqué, incorrectement appliqué ou refusé d’appliquer une loi qui avait ou aurait pu avoir une incidence sur les solutions raisonnables qu’elle a relevées.

Erreur de fait importante

[67] La division générale commet une erreur de fait importante seulement lorsqu’elle fonde sa décision sur une conclusion qui ne tient pas compte ou qui saisit mal les éléments de preuve pertinents ou sur une conclusion qui ne découle pas logiquement des éléments de preuveNote de bas de page 20.

[68] Ainsi, le prestataire doit démontrer qu’il est possible de faire valoir que la division générale a commis une erreur de fait qui était pertinente au regard des conclusions sur lesquelles la décision était fondée.

[69] Le prestataire n’aurait pu obtenir gain de cause dans son appel devant la division générale en faisant seulement la démonstration que ses doléances liées à l’emploi étaient raisonnables, ou qu’il était raisonnable qu’il quitte son emploi. Pour prouver qu’il était fondé à quitter son emploi, le prestataire devait démontrer qu’aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à lui. Comme je me suis employé à le souligner, il s’agit du critère juridique à appliquer en matière de justification.

[70] Je ne peux faire droit à l’appel du prestataire au motif que la direction générale a peut-être commis une quelconque erreur de fait. Il aurait fallu que je conclue que la division générale a commis une erreur de fait ayant pu avoir une incidence sur sa décision selon laquelle d’autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire au moment où il a démissionné.

[71] La division générale a conclu que plusieurs solutions raisonnables autres que le départ s’offraient au prestataire à ce moment-là. Selon elle, le prestataire aurait pu se tourner vers la direction au sujet de ses préoccupations concernant sa charge de travail. Il aurait pu prendre ses vacances à venir et réfléchir à sa situation. Il aurait aussi pu demander un congé de maladie pour composer avec le stress et l’épuisement professionnel qu’il vivait. Enfin, il aurait pu tenter d’obtenir un autre emploi avant de quitter celui qu’il occupait à ce moment-là.

[72] Pour que son appel ait une chance raisonnable de succès, il faudrait que le prestataire établisse une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur ou des erreurs de fait qui, si elles étaient bien comprises, signifieraient qu’aucune de ces solutions de rechange n’était raisonnable.

Éléments de preuve concernant les discussions avec la direction au sujet des préoccupations

Représentation des RH

[73] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que l’employeur n’avait pas de service ou de représentant des RH. Il prétend que le comptable de l’employeur, « GS », n’était pas un professionnel des RH désigné et que la division générale n’a pas reconnu ce faitNote de bas de page 21.

[74] En fait, la division générale a pris acte du témoignage du prestataire selon lequel GS n’avait pas de rôle de RH et selon lequel l’employeur n’avait pas de [traduction] « service des RH indépendant ». Elle a fait observer que les notes de la Commission laissent supposer que l’agent de la Commission, qui a parlé à GS, comprenait que GS avait un certain lien ou une certaine fonction quant aux RH. Cependant, la division générale a aussi précisé que l’employeur n’avait pas laissé entendre que GS était un spécialiste des RHNote de bas de page 22.

[75] La division générale n’a pas conclu que GS travaillait en RH ou que l’employeur avait un service des RH. Elle a plutôt conclu que la classification du poste de GS n’était pas pertinente. En définitive, elle a conclu que le prestataire aurait dû faire un effort pour porter plainte auprès de son supérieur immédiat ou de quelqu’un de plus haut placéNote de bas de page 23.

[76] Je comprends que le prestataire était peut-être plus à l’aise de parler de ses préoccupations en faisant une démarche officielle en matière de RH, et il a peut-être craint de nuire à son milieu de travail en faisant part de ses préoccupations à son supérieur ou à la haute direction. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’aurait pas pu tenter de discuter de ses préoccupations avec ses supérieurs avant de quitter son emploi. La question de l’existence d’un service des RH indépendant n’était pas pertinente pour déterminer s’il aurait été raisonnable qu’il parle de ses préoccupations.

[77] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en omettant de tenir compte des éléments de preuve selon lesquels GS n’était pas le représentant des RH de l’employeur.

Éléments de preuve liés à la charge de travail et à la modification des fonctions

Deux ingénieurs ou trois ingénieurs à Vancouver

[78] Le supérieur du prestataire a dit à la Commission qu’il y avait cinq employés au bureau de Vancouver au moment où le prestataire a quitté son emploi, dont un autre ingénieur en mécanique qui faisait exactement le même travail que le prestataire et luiNote de bas de page 24. Les éléments de preuve divergent à cet égard. Le prestataire a déclaré à la division générale que son supérieur et lui étaient les seuls ingénieurs du bureau de VancouverNote de bas de page 25.

[79] La division générale n’a pas corrigé la divergence dans les éléments de preuve. Même si la division générale n’est pas tenue de [traduction] « vérifier » les éléments de preuve, elle est généralement tenue de concilier des éléments de preuve contradictoires qui sont pertinents eu égard aux principales conclusions.

[80] Cependant, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait ne conciliant pas ces éléments de preuve contradictoires particuliers.

[81] Je dis cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la division générale n’a fait référence qu’à la version du prestataireNote de bas de page 26. Si la préférence a été accordée à une version plutôt qu’à une autre, il semble que ce soit celle du prestataire qui ait été privilégiée. Si tel est le cas, l’omission de la division générale de résoudre la contradiction n’a pas porté préjudice au prestataire.

[82] Deuxièmement, le nombre d’ingénieurs au bureau de Vancouver ne fournit aucune explication sur la charge de travail du prestataire. Cette information n’a aucune valeur probante (utile pour établir un fait important) si elle n’est pas assortie d’une mesure de l’ampleur de la charge de travail totale au bureau de Vancouver, comme le nombre total d’heures de travail exigées.

[83] Troisièmement, un nombre inférieur d’ingénieurs implique que chaque ingénieur aura plus de travail « d’ingénierie » (en supposant que le volume total du travail d’ingénierie soit resté le même ou ait augmenté). Toutefois, cela ne pouvait appuyer l’argument du prestataire selon lequel les tâches autres que le travail d’ingénierie représentaient, ou en étaient venues à représenter, une proportion inacceptable de sa charge de travail totale.

[84] Quatrièmement, et c’est le plus important, la division générale n’a pas eu besoin de déterminer combien d’ingénieurs se partageaient le travail d’ingénierie au bureau de Vancouver, parce que cela n’est pas pertinent eu égard à la solution de rechange raisonnable cernée par la division générale. Le nombre d’ingénieurs peut avoir eu une incidence sur la charge de travail du prestataire, sur sa santé ou sur sa capacité de prendre des vacances. Toutefois, cela n’a pas eu d’incidence sur sa capacité de communiquer avec la direction pour discuter de ses préoccupations au sujet de sa charge de travail, ou de commencer à chercher un autre emploi.

Affirmation au sujet des descriptions de poste

[85] Deux descriptions de poste ou [traduction] « résumés de poste » ont été déposés en preuve. Le prestataire affirme que ces deux descriptions concernent le poste duquel il a démissionné. L’une d’elle était apparemment d’actualité au moment où le prestataire a été embauché, et l’autre était une version révisée ayant été utilisée pour embaucher la personne qui le remplacerait.

[86] Le prestataire affirme avoir fait une distinction entre les deux descriptions de poste et que la division générale a commis une erreur en affirmant que le prestataire n’avait pas dit [traduction] « laquelle est laquelle ». Le prestataire affirme que cette erreur a eu une incidence directe sur la conclusion de la division générale.

[87] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a déclaré que le prestataire n’avait pas précisé quelle description était laquelle.

[88] Comme le prestataire l’a admis, il a identifié les deux documents par les noms qu’il avait attribués aux fichiers .pdf joints à sa demande devant la division générale. Le prestataire croit que cela suffisait pour préciser [traduction] « laquelle était laquelle ».

[89] Les observations du prestataire ont été fournies par courriel. La liste des pièces jointes figure immédiatement sous la ligne d’objet du courriel. Trente et un fichiers « .pdf » distincts étaient joints au courriel. Ces fichiers ont été ouverts par le greffe du Tribunal à la réception du courriel, et leur contenu complet a été associé au courriel sans ordre particulier.

[90] Maintenant que le prestataire a soulevé la question, je constate que les deux [traduction] « résumés de poste » sont probablement les fichiers joints nommés [traduction] « X (nouvel employé).pdf » et [traduction] « Ingénieur en applications énergétiques – Vancouver2016.pdf », respectivementNote de bas de page 27. Aucune date ni aucun autre moyen d’identification ne figure dans le document complet associé à l’un ou l’autre de ces fichiers.

[91] Je crois que le prestataire me demande de conclure que la division générale a commis une erreur de fait parce que :

  • Elle ne s’est pas aperçu, ou n’a pas tenu compte, du fait que son résumé de poste initial était associé au fichier .pdf dont le nom comportait la mention Vancouver2016 ou que le plus récent résumé de poste était associé au fichier .pdf dont le nom comportait la mention [traduction] « (nouvel employé) ».
  • Elle n’a pas compris que la mention « 2016 » dans le nom du fichier .pdf faisait référence à une date et qu’il s’agissait de la date (ou d’une date) à laquelle le résumé de poste en question était en vigueur.
  • Elle n’en a pas déduit non plus qu’à partir de la date de 2016, il s’agissait de la description de poste qui était en vigueur lorsqu’il a été embauché.
  • Elle n’a pas déduit que le terme [traduction] « nouvel employé » signifiait que le résumé avait été rédigé en vue de l’embauche de la personne qui le remplacerait, à la différence de la description de poste utilisée pour tout nouvel employé en tout temps.

[92] Bien qu’il aurait peut-être été raisonnable que la division générale fasse toutes ces déductions, je ne crois pas que celles-ci soient toutes nécessaires. À première vue, rien dans les documents téléversés n’indiquait quelle description de poste était laquelle. Le prestataire n’a pas fait la distinction entre les deux documents dans son témoignage. L’affirmation de la division générale selon laquelle le prestataire [traduction] « n’a pas précisé laquelle était laquelle » n’était pas inéquitable ou inexacte.

[93] Même si l’on pose que la division générale aurait dû comprendre laquelle des descriptions était laquelle, à la lumière du nom des fichiers . pdf, on ne peut soutenir qu’il s’agissait d’une erreur, parce que cela ne revêtait aucune importance pour la décision. La conclusion de la division générale selon laquelle le poste du prestataire était assorti de fonctions allant au-delà de celles d’un ingénieur ne dépendait pas de la question de savoir lequel des deux résumés était la version originale. La division générale a affirmé que le poste du prestataire comportait des fonctions allant au-delà du génie mécanique [traduction], « peu importe laquelle des descriptions de poste était celle de 2016 ». Elle a également mentionné que les deux descriptions de poste indiquent clairement que le titulaire du poste doit agir à titre de gestionnaire de projets et de surveillant de chantierNote de bas de page 28.

Éléments de preuve concernant l’évolution des fonctions du prestataire après 2016

[94] Le prestataire conteste la conclusion de la division générale selon laquelle ses fonctions n’avaient pas beaucoup changé depuis son arrivée dans le poste. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte des faits passés, c’est-à-dire que c’est seulement au début de son emploi, pour favoriser la croissance de l’entreprise, qu’il avait accepté d’assumer plusieurs rôles (et des tâches autres que celles d’un ingénieur). Il soutient également qu’on lui a confié de plus en plus de tâches autres que celles d’un ingénieur, malgré les préoccupations qu’il avait exprimées. Le prestataire fait référence à son plan de formation continue de 2023-2024 dans lequel il a déclaré qu’il s’attendait à [traduction] « se voir attribuer des tâches et des responsabilités plus précises et segmentées en ingénierie ».

[95] La division générale a conclu que le prestataire s’était toujours vu attribuer des tâches autres que des tâches d’ingénierie et que cet aspect de son travail n’avait pas changé. Elle a également conclu que le prestataire s’attendait à pouvoir se concentrer sur le travail d’ingénieur, et que le fait que l’employeur n’ait pas répondu à cette attente avait grandement joué dans sa décision de quitter son emploi.

[96] Ces conclusions étaient valables. La division générale s’est penchée sur ce que les observations du prestataire révélaient sur la façon dont le prestataire avait accepté des rôles supplémentaires après son embauche, et elle a également tenu compte du témoignage du prestataire qui se disait insatisfait parce qu’il s’était attendu à ce que ses fonctions changent, sans résultatNote de bas de page 29.

[97] Toutefois, le prestataire conteste la conclusion de la division générale selon laquelle il n’avait pas vécu de changement important. Il soutient que la division générale a mal compris sa description de travail initiale. Il dit qu’elle a tenu compte de rôles et de tâches qui étaient différents de ceux qui l’attendaient à son entrée en fonction. Le prestataire affirme également que la division générale n’a pas tenu compte de l’attente [traduction] « raisonnable » qu’il avait de voir son rôle et ses fonctions évoluer par rapport à ce qu’ils étaient à son entrée en fonction chez l’employeur.

[98] La division générale a reconnu que le prestataire s’attendait à ce que son rôle évolue, sans résultat. Elle n’a pas fait d’analyse pour déterminer si cette attente était raisonnable, comme l’affirme le prestataire, mais, encore une fois, la division générale n’avait pas à se demander s’il était raisonnable pour lui de rester dans son poste, mais seulement s’il y avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi.

[99] Peu importe ce que le prestataire attendait de son poste au moment où il a été embauché en 2016, ou peu importe s’il s’attendait à ce que ses fonctions évoluent pour ne comporter que des tâches d’ingénierie, il existait des éléments de preuve à l’appui de la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire avait quitté son emploi parce que ses fonctions n’avaient pas changé (comme il s’y attendait) et non parce qu’elles avaient changé.

[100] Cela dit, j’accepte que la division générale a eu une vision trop étroite de l’évolution des fonctions du prestataire. Elle s’est seulement attardée au fait que les fonctions du prestataire avaient toujours comporté des tâches autres que celles d’un ingénieur, sans tenir compte des éléments de preuve montrant que le volume ou la proportion des tâches n’ayant pas de lien avec l’ingénierie avaient pu évoluer de façon importante au fil du temps.

[101] Par exemple, la division générale a interprété les deux descriptions de poste fournies comme exigeant à la fois des fonctions de gestion de projets et des fonctions de surveillance de chantierNote de bas de page 30. Selon la description de poste que le prestataire désigne maintenant comme étant la description originale de son poste d’ingénieur en applications énergétiques, le poste est assorti de fonctions de gestion de projets, et que l’ingénieur occupant ce poste aurait à [traduction] « gérer plusieurs projets, depuis la phase de conception jusqu’à la mise en service ». Il n’est pas manifeste dans la description que le poste impliquait ou nécessitait des fonctions de [traduction] « surveillance de chantier ».

[102] De plus, la division générale n’a pas tenu compte de la mesure dans laquelle les fonctions du prestataire avaient changé pour faire plus de place à la surveillance de chantier.

[103] La division générale a pris acte du fait que le prestataire croyait que ses fonctions professionnelles avaient été élargies, et qu’il considérait que la surveillance de chantier et la gestion de projets ne faisaient pas partie de sa description de poste. Elle a souligné que le prestataire considérait ces rôles comme [traduction] « tout à fait inappropriés », parce qu’il était ingénieur. Elle a également mentionné que la surveillance de chantier impliquait d’autres tâches n’ayant pas de lien avec l’ingénierie, y compris des tâches manuellesNote de bas de page 31.

[104] Cependant, la division générale n’a pas mentionné que le volet de son travail consacré à la surveillance de chantier avait pris beaucoup plus de place au cours des deux dernières années. Le prestataire a déclaré que son employeur l’avait obligé à [traduction] « assurer la totalité de la surveillance de chantier » au cours des deux dernières années. Il a dit que cela comprenait la surveillance de chantier pour de multiples projets, notamment des projets à long termeNote de bas de page 32. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait eu à surveiller des chantiers avant les deux dernières années, il a répondu [traduction] « pas spécialement », [traduction] « occasionnellement » et qu’il n’avait « pas vraiment eu à faire de la surveillance de chantier » avant les deux dernières annéesNote de bas de page 33.

[105] En d’autres termes, la division générale a laissé de côté ou a mal compris des éléments de preuve qui étaient utiles pour établir si les fonctions professionnelles du prestataire avaient changé de façon importante.

[106] Malgré cela, le prestataire n’a pas soulevé d’arguments défendables selon lesquels la division générale a commis une erreur de fait importante. Les conclusions de la division générale n’étaient pas tributaires de la question de savoir si elle acceptait ou non le témoignage du prestataire selon lequel des fonctions autres s’étaient ajoutées à son travail d’ingénieur ou l’avaient remplacé.

[107] Il avait toujours été attendu du prestataire qu’il exécute certaines tâches autres que celles d’un ingénieur. Au fil du temps, l’employeur a modifié les responsabilités du prestataire pour y inclure plus de fonctions de gestion de projets et de surveillance de chantier. Cela ne s’est peut-être pas produit soudainement ou d’un seul coup, mais la situation de travail du prestataire a changé.

[108] Cependant, le fait que des modifications avaient été apportées aux fonctions professionnelles du prestataire n’établit pas que la charge de travail du prestataire ou la nature de son travail étaient devenues insupportables. Peu d’éléments de preuve sur la façon dont l’employeur a structuré ou attribué les fonctions permettraient de penser que le prestataire, en raison de la modification de ses fonctions, n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Rien ne permet de penser que cela l’empêchait de discuter de ses préoccupations avec son employeur, de chercher un autre emploi ou d’envisager les autres solutions de rechange proposées.

[109] Une décision de la Cour d’appel fédérale appuie mon raisonnement. Dans la décision Canada (Procureur général) c White, la Cour a examiné un cas où le conseil arbitral a conclu à l’absence de modifications importantes des fonctions de la prestataire. Cette dernière avait interjeté appel auprès du juge-arbitre, qui avait conclu à des modifications importantes des fonctions. La Commission avait ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 34.

[110] Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la décision du conseil arbitral reposait essentiellement sur sa conclusion selon laquelle la prestataire ne s’était pas acquittée de l’obligation de démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi, n’ayant pas parlé avec son employeur parce que cela aurait été une « perte de temps », et n’ayant pas cherché un autre emploi. La CAF a accueilli la demande de la Commission.

[111] La Cour a déclaré ce qui suit :

La jurisprudence de la Cour impose dans la plupart des cas au prestataire l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploiNote de bas de page 35.

[112] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante. J’ai accepté que la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve qui auraient pu appuyer une conclusion selon laquelle les modifications apportées aux fonctions du prestataire étaient importantes. Cependant, même si la division générale avait conclu que les fonctions du prestataire avaient été modifiées de façon importante, cela n’aurait pas eu d’incidence sur sa conclusion selon laquelle des solutions raisonnables autres que celle de quitter son emploi s’offraient au prestataire.

Éléments de preuve concernant les conditions de travail présentant un danger pour la santé ou la sécurité

[113] Le prestataire soutient que la division générale s’est méprise sur ses préoccupations en matière de santé et de sécurité et qu’elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents au sujet de l’existence de conditions de travail présentant un danger pour la santé ou la sécurité.

Nouvel employé

[114] La division générale a compris l’argument du prestataire selon lequel l’employeur avait embauché un technicien qui, plus tard, a été blessé. Elle a compris que le prestataire ne croyait pas que le technicien avait fait l’objet d’une [traduction] « vérification » en bonne et due forme ou qu’il possédait l’équipement de protection individuelle (EPI) qui convenait.

[115] La division générale a conclu que ces préoccupations n’avaient rien à voir avec la sécurité du prestataire lui-même. Elle a souligné que de l’EPI était accessible et que l’employeur s’attendait à ce qu’il soit utilisé. Elle a déclaré que rien ne prouvait que le prestataire s’était vu refuser l’accès à de l’EPI ou avait été encouragé à travailler sans EPI.

[116] La conclusion de la division générale fait fond sur les éléments de preuve, et le prestataire n’a désigné aucun élément de preuve que la division générale aurait pu laisser de côté ou mal comprendre. Le prestataire soutient maintenant que cette situation s’ajoutait à des préoccupations antérieures en matière de sécurité, et que l’employeur a minimisé ou rejeté ces préoccupations. Cela dit, il n’en a pas dit davantage sur ces préoccupations antérieures et celles-ci ne sont pas étayées par des éléments de preuve.

[117] Le prestataire a parlé de la [traduction] « vérification » du nouveau technicien seulement pour ce qui avait trait à la sécurité de la propriété intellectuelle, une information que la division générale a rejetée parce qu’elle n’était pas utile pour trancher la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter son emploi. Il dit maintenant que la division générale s’est méprise sur son argument, mais on ne sait pas très bien ce que la division générale était censée comprendre de cet élément de preuve. Le prestataire n’a pas précisé ce qu’il voulait dire par [traduction] « vérification » et [traduction] « propriété intellectuelle ».

Alarme incendie

[118] Le prestataire a également parlé d’une préoccupation qu’il avait, sur le plan de la sécurité, au sujet d’une alarme incendie qui se trouvait dans l’un des bâtiments où il surveillait ou gérait un projet. Il s’était plaint que l’alarme n’était pas assez bruyante pour qu’il l’entende à travers une porte fermée.

[119] La division générale a déclaré que le prestataire n’avait pas fait part de ses préoccupations à son supérieur ou au commissaire aux incendies. Le prestataire affirme que la direction générale a mal compris cet élément de preuve. Il dit en avoir parlé à son supérieur. Il soutient également que le raisonnement de la division générale était erroné, laissant entendre que, puisqu’il n’avait pas transmis l’information au commissaire aux incendies, sa préoccupation ne pouvait être authentique.

[120] J’ai écouté l’enregistrement audio de la division générale, et le prestataire a raison. Le prestataire a déclaré avoir parlé au gestionnaire de l’immeuble et à son supérieur également, mais ne pas avoir assuré de suivi auprès de ce dernierNote de bas de page 36. Ainsi, la division générale s’est méprise lorsqu’elle a affirmé que le prestataire n’avait pas transmis l’information à son supérieur.

[121] Toutefois, la décision de la division générale n’était pas fondée sur une mauvaise compréhension des éléments de preuve. La division générale a souligné qu’un entrepreneur avait travaillé sur le système d’alarme après que le prestataire s’était plaint. Elle a mentionné que la direction de l’immeuble avait donné suite aux préoccupations du prestataire et qu’aucun élément de preuve ne montrait que l’alarme d’incendie ne fonctionnait pas au moment où il a quitté son emploi. Par conséquent, elle a conclu que l’alarme incendie ne présentait pas de danger pour sa santé ou sa sécurité au moment où il a quitté son emploi. La méprise de la division générale n’a pas eu d’incidence sur l’issue de l’appel, parce qu’elle ne rendait pas moins raisonnable l’une ou l’autre des solutions de rechange mentionnées.

[122] Je souligne également que la division générale n’a pas laissé entendre que la préoccupation du prestataire sur le plan de la sécurité n’était pas authentique du fait qu’il ne s’était pas tourné vers le commissaire aux incendies. Elle a simplement repris le témoignage du prestataire. La division générale a fondé sa décision sur son point de vue selon lequel la préoccupation de prestataire en matière de sécurité n’avait pas joué dans sa décision de quitter son emploi, car la question avait déjà été réglée à ce moment-là.

Incapacité de prendre des vacances

[123] Le prestataire a fait valoir à la division générale qu’il ne pouvait prendre toutes ses vacances et que cela avait un effet négatif sur sa santé. La division générale n’a accepté ni l’un ni l’autre des arguments. Elle a déclaré que le prestataire n’avait pas fourni d’éléments de preuve étayant qu’il s’était vu refuser des vacances; seulement qu’il n’avait pas l’impression de ne pas pouvoir prendre de vacances. Elle a également affirmé qu’aucun élément de preuve ne donnait à penser que le prestataire était devenu stressé au point que cela posait un danger pour sa santé ou sa sécurité.

[124] Le prestataire affirme que la division générale [traduction] « a supposé » qu’il devait présenter une demande officielle pour prouver un [traduction] « refus ». Il dit que son employeur, par d’autres moyens, n’encourageait pas les vacances. Il soutient qu’il a effectivement essuyé un refus parce que la charge de travail était trop lourde, qu’il avait des échéances à respecter et qu’aucun de ses collègues ne pouvait assumer ses responsabilités.

[125] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en ne tenant pas compte du témoignage du prestataire au sujet de son incapacité de prendre des vacances, ou en se méprenant sur ce témoignage.

[126] La division générale a eu raison de dire qu’il n’y avait aucun élément de preuve étayant que l’employeur avait refusé une demande de vacances. Le prestataire n’a pas présenté d’éléments de preuve montrant qu’il a demandé des vacances et que celles-ci lui ont été refusées, ou qu’on lui a refusé un congé annuel auquel il avait droit.

[127] L’argument du prestataire selon lequel il lui était impossible de prendre des vacances à cause ses diverses obligations professionnelles est le même argument que celui selon lequel il n’avait pas l’impression de pouvoir prendre de vacances. La division générale a abordé les préoccupations du prestataire selon lesquelles il ne pouvait prendre de vacances en raison de ses obligations professionnelles, et ce, lorsqu’elle a fait remarquer que le prestataire n’avait pas l’impression de pouvoir prendre de vacances.

[128] Le prestataire soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de son talon de paye. Dans sa décision, la division générale a pris acte du fait que le prestataire s’appuyait sur les renseignements figurant sur son talon de paye pour démontrer qu’il était incapable de prendre des vacances, sans analyser davantage cet élément de preuve.

[129] Cependant, le prestataire affirme avoir présenté le talon de paye pour prouver qu’il n’avait pas pris 28 jours de vacances en trois ans. Il avait fait valoir à la division générale que cela montrait qu’il était surchargé et que l’entreprise ne permettait pas un équilibre raisonnable entre le travail et la vie personnelle.

[130] Le talon de paye concorde avec le témoignage du prestataire selon lequel il lui était difficile de prendre des congés en raison de ses priorités au travail (bien qu’il ne s’agisse pas de la seule raison pour laquelle les employés se font payer leurs congés plutôt que de prendre des vacances). Parallèlement, la division générale n’a pu établir que l’employeur du prestataire lui avait refusé le congé annuel auquel il avait droit.

[131] On ne peut soutenir que la division générale a fait fi du talon de paye déposé en preuve. Sans preuve que l’employeur avait refusé la demande de congé du prestataire ou qu’il avait pour politique de refuser toutes les demandes de congé, le talon de paye n’avait guère de valeur probante.

[132] La division générale n’est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve qui, selon le prestataire, devraient être pris en considération. Il est normalement présumé que la division générale a examiné et pris en considération l’ensemble de la preuveNote de bas de page 37. L’élément de preuve n’avait pas une importance telle qu’il aurait pu être attendu de la division générale qu’elle montre expressément qu’elle en a tenu compte.

Éléments de preuve concernant les relations conflictuelles avec un supérieur

[133] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui montraient que son environnement de travail était toxique. Il a fait cette affirmation pour contester la conclusion de la division générale selon laquelle son superviseur n’était pas hostile envers lui.

[134] Le prestataire a déclaré que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son supérieur avait retiré les adresses de courriel des techniciens de sa demande de commentaires sur les échéances du projetNote de bas de page 38. La division générale a également omis de mentionner que son supérieur lui avait demandé de présenter quatre documents de projet [traduction] « prêts à être diffusés » tout en bloquant son accès à des renseignements techniques. De l’avis du prestataire, les demandes de son supérieur et les échéances liées aux documents de projet avaient pour but de le placer en situation d’échec.

[135] Il affirme également que la division générale n’a pas tenu compte de la déclaration de témoin de son épouse au sujet d’une conversation ayant eu lieu entre deux anciens collègues du prestataire environ trois mois après sa démission. Selon cette déclaration, les anciens collègues du prestataire ont confirmé que les projets auxquels le prestataire était affecté n’avaient toujours pas été achevés et qu’il n’y avait pas de date d’achèvement officielle pour ces projets.

[136] La division générale n’a pas fait référence à cet élément de preuve dans son analyse de la question de savoir s’il y avait de l’hostilité de la part du supérieur du prestataire. Cependant, on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que les éléments de preuve ne montraient pas que le prestataire subissait de l’hostilité de la part de son supérieur.

[137] La division générale a seulement souligné ceci : [traduction] « rien dans le dossier d'appel [du prestataire] ne vient étayer ses présomptions selon lesquelles son supérieur hiérarchique était irrespectueux, agressif, méprisant ou hostile ». C’est ce que semble confirmer le dossier d’appel.

[138] Malgré cela, le prestataire soutient que son supérieur était hostile envers lui et qu’il a cultivé un environnement de travail toxique. Son argument laisse entendre qu’on ne peut que conclure à l’existence de relations conflictuelles à la lumière des éléments de preuve concernant les courriels et les échéances. Or, c’est loin d’être le cas. Le prestataire occupait un poste stressant dans une profession exigeante. Compte tenu de cela, les limites et les exigences qu’il décrit — ou auxquelles il est possible de conclure au vu de la déclaration de son épouse — n’établissent pas que les actions ou les demandes du supérieur étaient déraisonnables, et ne montrent pas que le prestataire a nécessairement été ciblé pour faire l’objet d’un traitement déraisonnable, ou que le supérieur du prestataire était motivé par l’hostilité. Cet élément de preuve n’est pas particulièrement probant quant à la question de savoir si le supérieur du prestataire était hostile envers ce dernier.

[139] Quelle que soit la raison pour laquelle elle a omis de faire référence à la déclaration de l’épouse, la division générale n’est pas tenue de mentionner chaque élément de preuve, comme je l’ai mentionné précédemment dans la présente décision.

Éléments de preuve concernant le congédiement imminent du prestataire

[140] Le prestataire a dit à la division générale qu’il avait dû quitter son emploi avant d’être congédié. Il a expliqué qu’un congédiement aurait été un [traduction] « suicide professionnel ». Il a dit qu’il n’aurait plus jamais pu travailler comme ingénieur s’il avait été congédié.

[141] La membre de la division générale a reconnu que le prestataire avait de la difficulté à répondre à toutes les attentes de l’employeur et que l’employeur avait des préoccupations au sujet de son rendement au travail. Toutefois, elle a dit qu’aucun élément de preuve n’étayait que le congédiement du prestataire était un « suicide professionnel » ni n’appuyait l’allégation selon laquelle le prestataire était sur le point d’être congédié. Elle a rejeté son argument, affirmant que le prestataire n’avait pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle il était sur le point d’être congédié ou qu’il n’aurait plus été en mesure de travailler s’il avait été congédié.

[142] Si le prestataire avait présenté des éléments de preuve qui auraient permis d’établir que son congédiement était imminent et que sa carrière aurait été détruite en cas de congédiement, ces éléments de preuve seraient pertinents pour établir si les solutions autres que celle de quitter son emploi étaient vraiment raisonnables. Toute solution autre que celle de quitter son emploi aurait à tout le moins retardé le départ du prestataire, ce qui aurait pu permettre à l’employeur le temps de le congédier avant qu’il démissionne.

[143] Le prestataire affirme que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels son congédiement était imminent. Il affirme que des éléments de preuve montraient que l’employeur avait intentionnellement créé un milieu de travail qu’il considère toxique, imposant selon lui des délais irréalistes, et que le but de ces actions était de le faire échouer. Ces allégations sont le reflet des perceptions personnelles du prestataire et de l’évaluation subjective qu’il fait de ces perceptions. Il faudrait des éléments de preuve pour étayer ces allégations.

[144] Dans les déclarations qu’il a faites à la Commission, le prestataire a affirmé qu’il craignait d’être congédié lors d’une rencontre planifiée avec son supérieur. Il a déclaré que son supérieur avait convoqué une rencontre le 21 avril, invoquant une préoccupation au sujet de son rendementNote de bas de page 39. Le prestataire a répondu en proposant qu’ils abordent aussi sa propre préoccupation au sujet de ses rôles et responsabilités, qui devaient être définis. Selon lui, le supérieur a décidé de devancer la rencontre d’avril au 28 mars, soit l’une des dates d’échéance de son projet. Le prestataire a dit qu’il craignait que son supérieur décide de le congédier ce jour-làNote de bas de page 40. Il a expliqué qu’il croyait qu’il pourrait être congédié parce qu’il avait raté une échéance dans un projet. Il a dit que son supérieur lui avait envoyé un courriel lui reprochant de ne pas avoir respecté l’échéance et qu’il avait transmis une copie de ce courriel au gestionnaire de son bureau principal à EdmontonNote de bas de page 41.

[145] La division générale a compris que le supérieur du prestataire, préoccupé par le rendement du prestataire, avait convoqué une rencontre pour qu’il soit discuté de ses préoccupations. Elle a également compris que le prestataire souhaitait que ses préoccupations au sujet de son rôle et de ses responsabilités soient aussi abordées lors de la rencontre. Elle a tenu compte des éléments de preuve déposés par l’employeur pour montrer qu’il était ouvert au dialogue au sujet des préoccupations du prestataire, mais que ce dernier avait démissionné avant la rencontre qui était prévue. La division générale a pris en considération le fait que le prestataire travaillait pour l’entreprise depuis 2016 et qu’il n’avait pas d’antécédents disciplinaires, et elle a tenu compte de la déclaration de GS selon laquelle les autres employés de l’entreprise ne s’attendaient pas à sa démission soudaine.

[146] Le prestataire soutient que la division d’appel a laissé de côté des éléments de preuve. Dans ses observations devant la division d’appel, il a énuméré les éléments de preuve qui avaient été laissés de côté, notamment ce qu’un technicien lui aurait dit après qu’il a eu quitté son emploi. Le technicien lui a apparemment dit que les échéances de projet (qu’il jugeait irréalistes) n’étaient pas critiques, du moins pas autant qu’on lui avait fait croire. Le prestataire a de nouveau expliqué que son employeur avait décidé de ne pas inclure d’autres techniciens en copie dans les courriels qu’il lui avait envoyés. Il soutient que l’employeur lui a attribué des tâches manuelles inappropriées et qu’il n’a pas défini clairement ses fonctions.

[147] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en concluant qu’il était peu probable que le prestataire était sur le point d’être congédié.

[148] Je reconnais que la division générale n’a pas fait référence à cet autre élément de preuve que le prestataire a souligné dans ses observations. Toutefois, cet élément de preuve ne donne pas à penser que le prestataire était poussé à démissionner ou que son congédiement était imminent. Il n’y avait pas non plus le moindre élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle sa carrière professionnelle serait terminée s’il laissait l’employeur le congédier.

[149] Il se peut que le prestataire croyait sincèrement qu’il était sur le point d’être congédié. Si tel est le cas, il contesterait naturellement la façon dont la division générale a examiné les diverses circonstances ayant donné naissance à cette conviction, et aussi la conclusion de la Commission selon laquelle il était peu probable qu’il était sur le point d’être congédié.

[150] Toutefois, le fait que le prestataire conteste la façon dont la division générale a apprécié ou évalué les éléments de preuve ne permet pas d’établir qu’il y a eu erreur de fait. La division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir dans la façon dont la division générale apprécie ou évalue les éléments de preuveNote de bas de page 42. Elle ne peut que conclure à une erreur de fait, et ce, si une conclusion de fait (sur laquelle la décision était fondée) n’a aucune assise dans la preuve, fait fi d’éléments de preuve pertinents ou repose sur une mauvaise compréhension de ceux-ci.

[151] Le prestataire n’a pas soulevé d’arguments défendables selon lesquels la division générale a agi injustement ou a commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante. L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[152] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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