Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DK c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2025 TSS 173

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : D. K.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (671505) datée du 27 septembre 2024 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada).

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 2 décembre 2024
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 8 janvier 2025
Numéro de dossier : GE-24-3601

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi, car d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui.

[3] Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’appelant a quitté son emploi, puis il a présenté une demande de prestations d’AE. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a jugé qu’il était parti de son plein gré (c’est-à-dire qu’il a quitté volontairement) sans justification, et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable.

[6] Selon la Commission, l’appelant aurait pu essayer de résoudre ses problèmes liés au milieu de travail ou attendre de trouver un nouvel emploi au lieu de quitter volontairement comme il l’a fait.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que son départ était la seule option possible.

Question en litige

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour trancher cette question, je dois d’abord examiner les raisons du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider si le départ de l’appelant était justifié.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[10] Je suis d’avis que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant convient qu’il a quitté son emploi le 31 mars 2024. Aucune preuve du contraire n’a été présentée, par conséquent je tiens ce fait pour avéré.

Qu’est-ce qu’un départ justifié?

[11] Les parties ne s’entendent pas sur le caractère justifié du départ volontaire de l’appelant au moment où il a quitté son emploi.

[12] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter son emploi pour prouver que le départ était justifiéNote de bas de page 2.

[13] Selon le droit applicable, une personne est « fondée » à quitter volontairement son emploi si, eu égard à toutes les circonstances, elle n’avait pas d’autre choix raisonnableNote de bas de page 3.

[14] L’appelant doit prouver que son départ était justifiéNote de bas de page 4. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer que le départ volontaire était fort probablement la seule solution raisonnableNote de bas de page 5.

[15] Je dois examiner toutes les circonstances entourant le départ de l’appelant pour décider s’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Le droit applicable énonce certaines de ces circonstancesNote de bas de page 6. Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui‑ci devra démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce momentNote de bas de page 7.

[16] À la fin de l’audience, l’appelant m’a demandé d’accorder plus de poids à ses déclarations qu’aux éléments de preuve présentés par la Commission. Il me demande de conclure que son employeur n’est pas crédible. Il allègue que son employeur a menti, car le premier employé de l’entreprise à qui la Commission s’est adressée était un comptable et non un spécialiste des ressources humaines.

[17] L’appelant fait valoir que [traduction] « l’affirmation de l’employeur (GD3-40) selon laquelle G. S. était employé aux ressources humaines est contredite par les éléments de preuve [qu’il a] fournis, y compris son profil LinkedIn, qui montre clairement que son rôle se limitait à la comptabilité et à la paie. Cette déclaration inexacte est importante parce qu’elle montre qu’il n’y avait pas de service des ressources humaines indépendant ou impartial pour répondre à [ses] préoccupations. Cette situation a eu une incidence directe sur l’incapacité [de l’appelant] à résoudre les problèmes en milieu de travail au sein de l’entreprise ». L’appelant poursuit en affirmant qu’il s’agit d’un [traduction] « énoncé inexact » qui « ne doit pas être négligé » et que « le fait de représenter faussement le rôle de G. S. comme celui d’un spécialiste des RH crée une fausse impression quant aux mécanismes de soutien disponibles, ce qui est très pertinent pour juger des solutions de rechange dont [il] disposait avant de démissionnerNote de bas de page 8 ».

[18] À l’audience, j’ai prévenu l’appelant que je n’accepterais aucun élément de preuve supplémentaire concernant le rôle de G. S., car cette question n’était pas pertinente pour son appel. Les antécédents de G. S. ne sont pas en cause, car l’appelant n’a pas tenté de résoudre ses doléances avec qui que ce soit, y compris avec la haute direction. Le fait que l’entreprise ne disposait pas de véritable structure des RH pour soutenir l’appelant n’est pas pertinent, car ce dernier disposait d’autres solutions pour faire part de ses préoccupations.

[19] Malgré ma décision de refuser le dépôt d’éléments de preuve supplémentaires concernant cette question particulière, l’appelant a déposé la signature électronique du courriel de G. S., en alléguant que [traduction] « le fait d’ignorer cet élément de preuve risque d’entraîner la négligence d’aspects essentiels de mon dossier, ce qui pourrait constituer une erreur de droit. Cet élément de preuve est essentiel pour démontrer que [sa] seule solution était de démissionner en raison de l’absence de mécanismes impartiaux et de la présentation erronée des faits par [son] employeur (GD3-40)Note de bas de page 9. »

[20] J’ai déjà conclu que ce point n’était pas pertinent, mais je vais expliquer les problèmes liés à la thèse de l’appelant. Premièrement, son employeur n’a pas prétendu que G. S. était un spécialiste des ressources humaines – la pièce GD03-40 montre les résumés des appels téléphoniques de la Commission qui indiquent que la personne avec laquelle l’agent s’est entretenu s’occupait [traduction] « de la comptabilité, de la paie et des ressources humaines ». Il s’agit de la personne-ressource figurant sur le relevé d’emploi de l’appelant. L’employeur n’a jamais affirmé que G. S. travaillait aux ressources humaines, et G. S. a conseillé à la Commission de contacter le supérieur hiérarchique de l’appelant pour obtenir des détails sur les raisons du départ de l’appelant.

[21] Deuxièmement, selon le témoignage même de l’appelant, les employés géraient plusieurs responsabilités au sein de l’entreprise, ainsi rien ne prouve que le fait que G. S. soit un comptable qualifié qui s’occupe de la paie l’empêche de gérer également des questions de ressources humaines, le cas échéant.

[22] Enfin, comme la preuve qui porte sur G. S. se résume à un total de trois phrases, ni la personne ni ses déclarations ne sont [traduction] « nécessaires pour démontrer que [l’appelant] n’avait pas d’autre choix que de quitter son emploi ».

[23] La preuve dont je dispose ne me permet pas de douter de la crédibilité de l’employeur. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas besoin d’accorder une grande importance aux déclarations de l’employeur, car il incombe à l’appelant de prouver que son départ était justifié, ce qu’il n’a pas fait. L’argumentation de l’appelant repose sur la raison de son départ, mais pour démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi, il doit démontrer pourquoi il ne pouvait pas rester. Le fardeau de l’appelant ne consiste pas à prouver que le fait de quitter volontairement son emploi était raisonnable, il doit démontrer qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’il poursuive la relation de travail.

Les circonstances entourant le départ de l’appelant.

[24] L’appelant affirme qu’en vertu du droit applicable, plusieurs circonstances s’appliquent à son appel. Il fait valoir qu’un ensemble de facteurs étaient présents au moment où il a démissionné, notamment des changements importants de fonctions, des conditions de travail posant un danger pour la santé ou la sécurité, des pratiques illégales de l’employeur et l’hostilité du superviseurNote de bas de page 10.

Modifications des fonctions

[25] L’appelant fait valoir que son rôle d’ingénieur en applications énergétiques a été continuellement élargi au-delà des fonctions prévues dans son contrat de travail. Il affirme qu’on lui a [traduction] « attribué unilatéralement » des rôles « tout à fait inappropriés » qui n’étaient pas liés à l’ingénierie, tels que ceux de surveillant de chantier et de coordinateur de projet, qui nécessitaient un travail manuel, la planification et l’exécution d’installations en collaboration avec d’autres entrepreneurs, la programmation, le contrôle des stocks, la gestion logistique et le contrôle des procédures de sécurité. L’appelant estime que [traduction] « ces fonctions ne sont pas à la hauteur du rôle d’un ingénieur », qu’elles ne relèvent pas de sa description de poste et qu’elles compromettent son rôle professionnelNote de bas de page 11.

[26] L’appelant a présenté deux offres d’emploi associées à son poste. L’une d’entre elles date du moment où il a posé sa candidature en 2016 et l’autre concerne le poste qu’il a quitté. Il ne précise pas laquelle est laquelle. Toutefois, il fait valoir que le refus de l’employeur de modifier les fonctions associées au poste montre que son départ était justifié.

[27] Dans la première description de poste, les [traduction] « responsabilités principales » comprennent la gestion de projets, les propositions et les analyses de projets, la sélection des équipements et les soumissions afférentes, le soutien à la clientèle, les ventes et le service à la clientèle. Les fonctions vont de la rencontre avec diverses parties prenantes à la gestion du site, en passant par la gestion de la sécurité, la coordination de l’expédition et de la réception, l’établissement de devis et la présentation de projets, la gestion des techniciens et des entrepreneurs, et le rôle de personne-ressource pour les ventes et le service à la clientèleNote de bas de page 12.

[28] Dans la deuxième description de poste, les « fonctions essentielles » comprennent la conception et la gestion de plusieurs projets jusqu’à leur achèvement, le service à la clientèle, plusieurs visites de représentants hebdomadaires, la commercialisation lors de salons professionnels et la gestion des relations à tous les niveaux de l’industrie. Les fonctions comprennent l’élaboration de l’avant-projet et la conception, la fixation des prix, l’approvisionnement et la gestion de projetNote de bas de page 13.

[29] Peu importe laquelle des descriptions de poste était celle de 2016, il est clair que le poste de l’appelant exigeait plus que de simples fonctions de génie mécanique. L’appelant était d’avis que les fonctions de gestionnaire de projet et de surveillant de chantier sont [traduction] « complètement inappropriées », mais les deux descriptions de poste indiquent clairement que ces fonctions font partie du quotidien du poste. En outre, l’offre d’emploi de l’appelant indiquait qu’une partie de sa rémunération serait une [traduction] « commission fondée sur le rendement» et que son rôle consisterait à [traduction] « travailler en vue d’obtenir une commission fondée sur la croissance des ventes »Note de bas de page 14. Ainsi, l’appelant savait dès le départ que ses fonctions n’incluraient pas seulement des tâches d’ingénierie, et qu’elles comprendraient notamment la vente.

[30] Dans ses observations, l’appelant explique « lorsque j’ai commencé à travailler il y a huit ans, le contexte était très différent –, le cabinet de Vancouver ne comptait que trois personnes et nous devions tous assumer plusieurs responsabilités en raison du manque de personnel. J’ai accepté d’autres rôles à cette époque, car c’était un élément nécessaire à la croissance et à la survie du cabinet à ses débuts. » (mise en évidence par le soussigné) Il poursuit en disant qu’il [traduction] « a fait preuve de bonne foi dans l’espoir que les rôles évoluent et que la répartition des tâches se précise avec la croissance de l’entreprise, notamment entre les tâches d’ingénierie et celles qui n’en font pas partie »Note de bas de page 15.

[31] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il avait quitté son emploi parce que ses fonctions étaient restées les mêmes, alors qu’il s’attendait à ce qu’elles changent, et il a confirmé cette information lorsqu’on lui a demandé des précisions. En témoignage, il a déclaré qu’à ses débuts à Vancouver, il savait qu’il devrait accomplir une grande variété de tâches, car le cabinet était petit et qu’il venait de démarrer, mais il s’attendait éventuellement à pouvoir se consacrer uniquement aux tâches d’ingénierie. La décision de l’appelant de quitter son emploi reposait en grande partie sur le fait que ses fonctions n’avaient pas changé.

[32] Ainsi, par définition, cette circonstance ne s’applique pas puisqu’il n’y a pas eu de changement dans les fonctions de l’appelant. De plus, la Cour d’appel fédérale a établi que le prestataire qui connaît les critères d’embauche au moment d’accepter un emploi ne peut invoquer ces critères par la suite pour justifier sa décision de quitter son emploiNote de bas de page 16.

Conditions de travail dangereuses

[33] L’appelant soutient que le fait de ne pas pouvoir prendre de vacances, d’être [traduction] « surchargé » de responsabilités en matière d’ingénierie et autres et qu’il n’y ait aucune mesure pour promouvoir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée constitue des conditions de travail dangereuses pour la santé et la sécurité. Il affirme que [traduction] « la surcharge chronique de travail est bien documentée dans la littérature canadienne sur la santé et la sécurité au travail, notamment par le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST) et l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM)Note de bas de page 17 ».

[34] L’appelant fait valoir que [traduction] « le fait de ne pas pouvoir prendre l’intégralité de ses vacances signifie qu’il n’a pas pu bénéficier de cette période de repos essentielle. Les vacances ont plutôt été payées, ce qui indique que l’entreprise accorde davantage de valeur à la productivité qu’à la santé des employés ». Il affirme que [traduction] « qu’il [lui] était impossible de prendre des vacances en raison de la la charge de travail écrasante » et que [traduction] « les fiches de paie indiquant les sommes versées en indemnités de vacances prouvent que l’entreprise savait qu’il ne prenait pas de congés, mais qu’elle n’a rien fait pour alléger le fardeau en redistribuant les tâches ou en recrutant du personnel supplémentaire. Il est de la responsabilité de l’employeur d’assurer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privéeNote de bas de page 18. »

[35] Le stress et l’épuisement professionnel sont des préoccupations valables en matière de santé et de sécurité, mais l’appelant n’a pas démontré que ses conditions de travail étaient telles qu’elles mettaient sa santé en danger. Le stress est un facteur présent dans presque toutes les professions, mais tous les niveaux de stress ne constituent pas un danger pour la santé ou la sécurité. De plus, le niveau de stress qui affecte la santé varie d’une personne à l’autre.

[36] L’appelant n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer qu’il souffrait de troubles ou de maladies liés au stress ou qu’il a consulté un professionnel de la santé concernant le danger que sa charge de travail représentait pour sa santé. L’appelant fait valoir qu’il souffre d’hypertension artérielle, mais il n’a pas démontré qu’elle pouvait être provoquée par son milieu de travail, ou que son travail pouvait provoquer de l’hypertension artérielle, et il n’a pas demandé de mesures d’adaptation à son employeur. Il n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son allégation voulant qu’il se soit plaint auprès de WorkSafe BC ou qu’il ait sollicité leur aide. En fait, l’appelant a dit à la Commission que son état de santé n’était pas suffisamment grave pour demander un congé, et qu’il avait simplement besoin d’un meilleur équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privéeNote de bas de page 19.

[37] Il est important de souligner que l’appelant n’a pas démontré qu’on lui avait refusé un congé, il a simplement affirmé qu’il estimait ne pas pouvoir le prendre. S’il croit vraiment que les vacances sont essentielles pour gérer le stress et qu’il mettait sa santé en danger en continuant de travailler, on aurait pu s’attendre à ce qu’il présente des demandes de congé. Toutefois, la preuve dont je dispose concernant les vacances se limite au fait que l’appelant était sur le point de partir pour un congé de trois semaines qui devait commencer le lendemain de son départ volontaireNote de bas de page 20.

[38] Ainsi, bien que l’appelant ait pu subir un stress lié au travail, rien ne prouve qu’il était suffisamment élevé pour constituer une menace pour la santé ou la sécurité, ou que la charge de travail était inhabituellement élevée ou stressante comparativement à un emploi similaire dans un domaine similaire.

[39] L’appelant fait valoir que l’embauche d’un technicien sans vérification appropriée constituait un danger pour sa santé et sa sécurité parce que cette personne avait accès à une [traduction] « propriété intellectuelle de grande valeur » et que son supérieur hiérarchique n’a pas protégé [traduction] « des renseignements essentiels dans des secteurs qui sont régulièrement la cible d’acteurs internationaux à des fins d’espionnage ». Il explique que cette personne a été [traduction] « gravement blessée au travail en raison de l’absence d’équipements de protection individuelle (EPI) appropriés, comme des gants »Note de bas de page 21.

[40] Il ne s’agit pas d’un danger pour la santé ou la sécurité de l’appelant. Le défaut de l’employeur de protéger sa propre propriété intellectuelle ne concerne pas l’appelant. Ni lui ni ses intérêts personnels ne sont menacés, à moins qu’il envisage un scénario dans lequel il serait accosté ou pris en otage par un de ces [traduction] « acteurs internationaux » pour accéder aux données de l’entreprise, ce qui est hautement improbable. En outre, le fait que cette personne ait été licenciée pour s’être blessée alors qu’elle ne portait pas l’EPI approprié n’a rien à voir avec la sécurité personnelle de l’appelant, puisque l’EPI était disponible et que l’employeur s’attendait à ce que les gens l’utilisent. Rien ne prouve que l’employeur a refusé de fournir un EPI à l’appelant alors qu’il en avait besoin, ou qu’il l’a encouragé à travailler sans EPI.

[41] L’appelant fait également valoir que l’alarme incendie dans l’un des bureaux partagés n’était pas assez forte pour être entendue lorsque la porte était fermée, et que cela rendait l’environnement de travail dangereux. En témoignage, il a déclaré qu’il avait fait part de ce problème de sécurité au gestionnaire de l’immeuble et que la réponse avait été insatisfaisante. Il a déclaré qu’il n’avait pas porté le problème à l’attention de son supérieur hiérarchique ou du commissaire aux incendies, mais que peu de temps après sa plainte, un entrepreneur avait effectué des travaux sur le système d’alarme incendie.

[42] Je conclus que la santé ou la sécurité de l’appelant n’était pas en danger, car rien ne prouve que l’alarme incendie était inopérante à l’époque du départ de l’appelant. L’appelant n’a pas indiqué à quel moment ce problème s’est produit et il n’a pas expliqué s’il a eu une incidence sur sa décision de quitter son emploi. En fait, il semble que la direction de l’immeuble ait tenu compte de ses préoccupations, même s’il n’était pas satisfait des mesures qui ont été prises. En outre, en tant qu’ingénieur professionnel conscient de l’importance de systèmes comme les alarmes incendie pour la sécurité publique, l’appelant aurait eu l’obligation éthique de soulever la question auprès du service des incendies, mais il n’a pris aucune 'autre mesure.

[43] Je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucun danger pour la santé ou la sécurité de l’appelant au moment de son départ.

Pratiques contraires au droit applicable

[44] L’appelant affirme que son employeur s’est livré à de multiples pratiques [traduction] « véritablement inacceptables et contraires à l’éthique professionnelle et au droit applicable ». Plus précisément, il cite le mécontentement de l’employeur lorsqu’il a dû louer une plate-forme élévatrice à ciseaux pour un projet, l’absence de reconnaissance pour la [traduction] « contribution importante [de l’appelant] à un projet universitaire majeur », l’absence de communication claire, le manque de soutien professionnel et de formation, les attaques contre le jugement professionnel de l’appelant et la violation des limites professionnelles comme des pratiques de l’entreprise qui sont contraires au droit applicableNote de bas de page 22.

[45] L’appelant semble avoir ajouté l’expression [traduction] « éthique professionnelle » à l’article 29(c)(xi) et a adopté une interprétation extensive et excessivement libérale de son application. Aucune des plaintes de l’appelant ne vise une pratique contraire au droit applicable. L’appelant n’a pas démontré que son employeur a commis des actes illégaux, qu’on lui a demandé de participer à des actes illégaux ou qu’il s’est livré à des pratiques de travail illicites.

[46] L’appelant a cherché à faire valoir qu’en lui demandant d’être un gestionnaire de projet ou un surveillant de chantier, y compris pour les tâches «qui ne sont pas à la hauteur » de son rôle, comme conduire les gens à l’aéroport, mettre des verrous sur les équipements sécurisés, afficher les horaires et être sur place [traduction] « en tout le temps », son employeur l’a forcé à violer son éthique professionnelle. Il affirme que cela constitue une violation du principe du code de déontologie de l’Engineers and Geoscientists of British Columbia (EGBC) selon lequel il faut [traduction] « connaître ses limites ». Cet argument, tout comme les précédents, est voué à l’échec.

[47] Selon le code de déontologie de l’EGBC, les ingénieurs ne peuvent exercer que dans des [traduction] « domaines où leur formation et leurs aptitudes leur confèrent une compétence professionnelle ». Selon le code de déontologie, [traduction] « les personnes inscrites doivent également reconnaître les différences entre les diverses disciplines de l’ingénierie et des géosciences. Compte tenu de la diversité des travaux exercés au sein des différentes disciplines, le titulaire ne peut posséder une expertise dans tous les domaines. La compétence dans une discipline de l’ingénierie ou des géosciences exige un niveau suffisant de formation ou d’expérience dans ce domaine. Les titulaires doivent déclarer eux-mêmes leurs domaines de pratique dans le cadre de leur processus de renouvellement annuelNote de bas de page 23. »

[48] Cette règle tirée du code de déontologie vise clairement à empêcher les ingénieurs d’exercer en dehors de leur domaine d’expertise. Par exemple, un ingénieur mécanicien ne serait pas autorisé à certifier un dessin structurel de fermes de toit. Rien dans le code de déontologie n’indique qu’un ingénieur exercerait hors de son domaine d’expertise en balayant, gérant des horaires, posant des verrous sur des équipements, transportant des équipements ou des personnes, ou en gérant un site.

[49] L’appelant a invoqué d’autres exigences éthiques imposées aux titulaires de l’EGBC et aux bureaux d’études, à savoir [traduction] « se conduire avec équité, courtoisie et bonne foi envers les clients, les collègues et les autres, reconnaître la contribution de ceux qui le méritent, et faire part de commentaires professionnels honnêtes et justesNote de bas de page 24 ». L’appelant fait valoir que les nombreuses doléances qu’il a formulées contre son supérieur hiérarchique et l’entreprise concernant la toxicité de l’environnement de travail signifient qu’ils ont enfreint le code de déontologie de l’EGBG en tant que titulaire et bureau d’études.

[50] À l’audience, la question de savoir si l’appelant avait signalé quoi que ce soit à son organisme de réglementation a été posée. Il a confirmé ne pas l’avoir fait. Étant donné que le principe 9 du code de déontologie exige que les membres signalent à l’EGBC les décisions ou pratiques contraires à l’éthique d’autres personnes, sur le fondement de [traduction] « motifs raisonnables et probables », et que l’appelant n’a pas fait un tel rapport, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’y ait pas eu de pratiques contraires à l’éthique professionnelle de l’appelant.

Hostilité de la part d’un supérieur

[51] L’appelant fait valoir qu’il a été soumis à un environnement de travail hostile et toxique parce qu’il a été intimidé par son supérieur hiérarchique.

[52] Je ne dispose d’aucun élément de preuve concernant le comportement hostile ou inapproprié du supérieur hiérarchique de l’appelant. L’appelant fait état de la microgestion et critique ‑le transfert de responsabilité, la mauvaise communication et les problèmes de prise de décision comme raisons pour lesquelles il trouvait son supérieur hiérarchique hostile.

[53] L’appelant affirme que son supérieur hiérarchique a [traduction] « déplacé les échéances de projets clés pour provoquer des conflits avec des échéances préexistantes, et qu’il était donc impossible de répondre à toutes les demandes ». Il affirme que son supérieur hiérarchique doutait de ses [traduction] « compétences et mettait la direction en copie de ces courriels, créant ainsi une pression et un stress excessifs », au lieu d’ajuster la charge de travail de l’appelant. L’appelant a été blâmé pour avoir égaré des tableaux de contrôle dans le cadre d’un projet qu’il gérait, alors que le problème avait été causé par un entrepreneur. De plus, les techniciens posaient des questions sur l’installation et l’équipement à l’appelant plutôt qu’à son supérieur hiérarchique, ce qui, selon l’appelant, démontrait [traduction] le « climat de peur omniprésent au sein du cabinetNote de bas de page 25 ».

[54] L’appelant a interprété le comportement habituel des cadres comme étant hostile, mais le fait de diriger, d’évaluer et de corriger le travail et le rendement des employés fait partie du travail de la direction et ne constitue pas de l’intimidation. L’appelant a pu penser qu’il n’était pas responsable de la perte des tableaux de contrôle, mais en tant que gestionnaire de projet et surveillant de chantier, sa responsabilité était engagée. De même, il est logique que les techniciens s’adressent à l’ingénieur qui gère le projet pour obtenir des éclaircissements, de l’aide et des conseils, plutôt qu’au directeur général.

[55] L’appelant était peut-être mécontent de la manière dont son supérieur hiérarchique gérait sa charge de travail, mais un décalage concernant les attentes et les priorités entre un subordonné et un supérieur ne constitue pas de l’hostilité ou du harcèlement. Il s’agit d’une question de gestion.

[56] L’appelant a lui-même déclaré que les problèmes qu’il a eus avec la direction relevaient de la gestion. Il affirme qu’il s’agissait d’un [traduction] « milieu de travail dysfonctionnel et intolérable où régnait une dynamique toxique qui empêchait la collaboration saine entre les membres de l’équipe et qui avait été créée par le directeur et la mauvaise gestion au sein de l’entrepriseNote de bas de page 26. » (mise en évidence par le soussigné)

[57] L’appelant affirme que la proposition de son supérieur hiérarchique de lui écrire une lettre de recommandation après son départ était [traduction] « manipulatrice » et « hypocrite » étant donné l’environnement de travail hostile et toxique, et ajoute que [traduction] « cela contraste fortement avec la maltraitance et le manque de respectNote de bas de page 27 ».

[58] Il est clair que l’appelant éprouve des sentiments très forts à l’égard de son ancien milieu de travail, et en particulier de son supérieur hiérarchique, mais rien dans le dossier d’appel ne vient étayer ses présomptions selon lesquelles son supérieur hiérarchique était irrespectueux, agressif, méprisant ou hostile. Il n’y a certainement aucun fondement factuel permettant de conclure que l’offre de référence du supérieur hiérarchique était manipulatrice ou fallacieuse.

[59] Dans le pire des cas, l’appelant a brossé le tableau d’un travail exigeant qui comporte de nombreuses responsabilités et dans le cadre duquel il faut mener de nombreux projets à mener de front tout en respectant des délais serrés, et où il s’est senti débordé et surmené.

Démissionner ou être licencié

[60] L’appelant fait valoir qu’il était contraint de quitter au moment où il l’a fait, car il pensait qu’il serait bientôt licencié. L’appelant affirme que le fait d’être licencié en tant qu’ingénieur était l’équivalent d’un [traduction] « suicide professionnel » et qu’il ne pourrait plus jamais travailler. Il soutient que son supérieur hiérarchique [traduction] « a créé une situation où l’échec semblait inévitable » et que [traduction] « le droit applicable à l’assurance-emploi reconnaît l’existence d’une justification lorsque les conditions de travail sont intolérables et que le maintien en poste aurait un résultat négatif, comme le licenciementNote de bas de page 28 ».

[61] L’appelant n’a pas présenté de jurisprudence ou d’articles de la Loi sur l’assurance-emploi ou du Règlement sur l’assurance-emploi pour étayer sa thèse voulant que selon [traduction] « le droit applicable en matière d’assurance-emploi », le départ du prestataire est justifié s’il quitte son emploi avant d’être licencié. Je souligne que l’appelant craignait précisément d’être licencié pour [traduction] « incompétence ou inconduite ». Dans le premier cas, il ne s’agit pas d’une exclusion du bénéfice des prestations, car l’inaptitude au travail n’est pas une inconduite. Le dernier cas entraîne les mêmes conséquences qu’un départ sans justification, à savoir l’exclusion. En outre, il est de jurisprudence constante que le fait de quitter volontairement son emploi au lieu d’être congédié pour inconduite équivaut à un congédiement pour inconduite, car l’employé n’a pas le choix de rester ou de quitterNote de bas de page 29.

[62] L’argumentation de l’appelant me laisse perplexe, car il tente de justifier son choix d’être au chômage par la peur de le devenir. En échange de leur participation au programme d’assurance-emploi, les assurés doivent veiller à ne pas transformer ce qui n’était qu’un risque de chômage en une certitude. En d’autres termes, le fait de croire que le congédiement est probable ne justifie pas de forcer les choses en démissionnantNote de bas de page 30.

[63] L’appelant n’a présenté aucun élément de preuve pour appuyer son affirmation selon laquelle un licenciement serait un [traduction] « suicide professionnel », mais cela ne constituerait pas un motif valable, car les tribunaux ont fermement établi que le fait de quitter un emploi pour améliorer sa situation personnelle n’est pas justifiéNote de bas de page 31. « S’il est légitime pour un travailleur de vouloir améliorer son sort en changeant d’employeur ou la nature de son travail, il ne peut faire supporter le coût de cette légitimité par ceux et celles qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploiNote de bas de page 32. » Aussi admirable ou légitime que soit le désir d’un demandeur d’améliorer son sort dans la vie, ce désir de quitter volontairement son emploi n’est pas justifié au regard du droit applicableNote de bas de page 33. De plus, « la bonne foi et l’insuffisance du revenu ne constituent pas une justification au sens de l’article 30 de la Loi l’autorisant à abandonner son emploi et à en faire supporter le coût au système d’assurance-emploi »Note de bas de page 34.

[64] Quoi qu’il en soit, l’appelant n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer son hypothèse selon laquelle il était sur le point d’être licencié.

[65] L’appelant soutient que la réunion a été convoquée à sa demande et que la réponse a été [traduction] « votre rendement pose problème », mais les horodatages de la chaîne de courriels racontent une histoire différente. Le 26 mars 2024 à 18 h 20, il a envoyé des fichiers à son supérieur hiérarchique. À 18 h 26, son supérieur hiérarchique répond qu’ils [traduction] « auront une réunion plus tard en avril ». À 18 h 51, l’appelant a répondu que [traduction] « ce serait certainement une bonne idée de nous rencontrer plus tard en avril et de discuter de la façon dont on peut mieux définir les responsabilités professionnelles des ingénieurs par rapport aux techniciens chez Aqua Air. J’attends cette discussion avec enthousiasmeNote de bas de page 35. »

[66] Ainsi, la réunion a été convoquée par le supérieur hiérarchique compte tenu des problèmes liés au rendement, et l’appelant a répondu en faisant part de ses préoccupations et de son désir de participer.

[67] Le supérieur hiérarchique de l’appelant a affirmé que [traduction] « son rendement était préoccupantNote de bas de page 36 », mais cette information n’est pas surprenante. L’essentiel des éléments de preuve présentés par l’appelant, ainsi que ses propres déclarations, montre que l’appelant avait du mal à satisfaire aux attentes de son employeur. Cela ne prouve pas que l’appelant était sur le point d’être licencié, d’autant plus qu’il travaillait dans l’entreprise depuis 2016 sans aucun antécédent disciplinaire.

[68] En témoignage, le supérieur hiérarchique a déclaré à la Commission que [traduction] « vers la fin de son dernier jour de travail, [il a] convoqué [l’appelant] à une réunion parce [qu’il voulait] parler du rôle de [l’appelant] dans l’entreprise, mais il a démissionné dans les 12 heures suivantes, de sorte [qu’ils] n’ont jamais eu l’occasion de discuter de ce que ressentait [l’appelant]Note de bas de page 37 . » Il semble donc que le supérieur hiérarchique était préoccupé par le rendement de l’appelant et qu’il était ouvert à discuter de ses problèmes.

[69] De plus, le comptable, avec lequel la Commission s’est initialement entretenue à l’égard de la démission de l’appelant, a déclaré que [traduction] « tout le monde était choqué et pris de courtNote de bas de page 38 ». Il était donc peu probable que l’appelant soit sur le point d’être licencié.

[70] Je conclus qu’aucune des circonstances énoncées dans le droit applicable ne s’applique au départ de l’appelant.

Des solutions de rechange s’offraient à l’appelant

[71] Je dois maintenant examiner la question de savoir si le départ de l’appelant constituait la seule solution raisonnable.

[72] L’appelant affirme qu’il n’avait pas de solution de rechange raisonnable parce que son environnement de travail était intolérable.

[73] La Commission n’est pas de cet avis et fait valoir que l’appelant aurait pu discuter de ses préoccupations avec son supérieur hiérarchique ou la haute direction, demander un congé ou chercher un autre emploi avant de démissionner.

[74] L’appelant fait valoir que toute demande de congé aurait été refusée et qu’il n’y a donc pas lieu de s’attendre à ce qu’il en ait présenté une. Cependant, l’appelant n’a aucun moyen de savoir avec certitude que sa demande sera refusée sans en avoir présenté une. Si l’appelant souffrait réellement d’épuisement professionnel et de problèmes de santé liés au stress, il aurait pu demander un congé pour raison médicale, que son employeur aurait été tenu d’accorder dans la mesure où un certificat médical approprié était présenté.

[75] Je conclus donc que le fait de présenter une demande de congé aurait constitué une solution de rechange raisonnable à la démission.

[76] L’appelant fait valoir qu’il n’était pas raisonnable de changer d’emploi parce que ses horaires de travail ne lui permettaient pas d’en chercher un nouveau. En témoignage, il a déclaré que la recherche d’un emploi est une activité à temps plein, et qu’il ne serait pas en mesure de le faire tout en travaillant pour son employeur. Il explique qu’il devait rechercher des employeurs, se préparer aux entretiens d’embauche, contacter des agences de placement et être en mesure d’accepter des entretiens à la dernière minute. Il fait valoir que son employeur ne lui aurait pas accordé le temps nécessaire pour trouver un nouvel emploi, et que si son supérieur hiérarchique avait su qu’il cherchait à partir, il aurait probablement été licencié par vengeanceNote de bas de page 39.

[77] Je ne souscris pas à l’argumentation de l’appelant. Je comprends que ses horaires de travail ont fortement limité sa capacité à rechercher activement un emploi, mais ils ne l’ont pas empêché entièrement. Son argument selon lequel il ne pouvait commencer la recherche d’un nouvel emploi parce qu’il craignait d’être licencié si son employeur l’apprenait me rend tout aussi perplexe que le fait de démissionner par crainte d’être licencié. L’appelant avait déjà décidé de quitter son emploi, de sorte que sa crainte de voir l’employeur accélérer le processus est sans objet.

[78] L’appelant fait valoir que [traduction] « rester dans cette situation jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi n’était pas possible, car le comportement toxique permanent, le manque de respect pour [ses] responsabilités professionnelles et les problèmes de santé et de sécurité rendaient impossible son maintien en poste sans mettre en péril [son] intégrité professionnelle et [son] bien-êtreNote de bas de page 40 ». Il ajoute que [traduction] « l’absence de demandes d’emploi n’annule pas le fait que la démission était justifiée » et que ce raisonnement « simplifie à l’excès les réalités du marché de l’emploi pour les ingénieurs ». L’envoi de CV sans recherche ni préparation adéquates pourrait l’amener à accepter un autre poste inadapté, ce qui aggraverait sa situation ».

[79] Mais rien n’empêchait l’appelant d’au moins mettre son CV à jour et de le soumettre à des [traduction] « chasseurs de têtes » et à des agences de placement à la recherche d’ingénieurs. Dans cette situation, c’est à l’agence qu’incombe la tâche de mettre l’appelant en relation avec des employeurs potentiels appropriés. Toutefois, l’appelant n’a commencé à chercher un autre emploi qu’après avoir démissionné.

[80] En outre, si l’appelant avait demandé un congé parce qu’il était submergé, et que ce congé lui avait été accordé, ses préoccupations concernant le temps nécessaire pour rechercher un emploi n’auraient pas été pertinentes.

[81] Je conclus donc que l’appelant aurait pu chercher un nouvel emploi avant de démissionner. Ne pas être en mesure de chercher du travail dans des circonstances idéales n’est pas la même chose que d’en être totalement incapable.

[82] L’appelant fait valoir qu’il ne pouvait pas communiquer ses préoccupations concernant la charge de travail, le stress et les problèmes interpersonnels à son supérieur hiérarchique parce que l’entreprise était petite et familiale. Il était convaincu que, dans le meilleur des cas, rien ne changerait, et il estimait que la possibilité de répercussions était réelle. Il affirme que les réponses qu’il a données à un consultant externe sur les problèmes de l’entreprise n’ont pas été considérées sérieusement, ce qui prouve que l’employeur n’avait ni considération ni respect pour lui.

[83] Je ne suis pas du même avis que l’appelant. Tout d’abord, l’appelant n’a aucun moyen de savoir ce que le consultant externe a communiqué à l’employeur. Il est fort probable que ses commentaires étaient anonymes. Il est également possible que l’appelant ait été le seul membre de l’équipe à se sentir débordé et mal géré. Deuxièmement, il a démissionné après avoir fait part de ses préoccupations par courrier électronique, mais avant d’en discuter avec son supérieur hiérarchique lors d’une réunion qui avait été prévue à cet effet. Enfin, si l’appelant ne se sentait pas à l’aise pour discuter de ses problèmes avec son supérieur hiérarchique, il aurait pu s’adresser à la haute direction.

[84] Le fait est que son employeur ne savait pas à quel point l’appelant était malheureux au travail. Selon ce que le supérieur hiérarchique a dit à la Commission, l’appelant n’avait jamais formulé de plaintes et n’avait pas dit qu’il était submergé, et le comptable qui s’occupait de la paie a déclaré que tout le monde avait été choqué et pris de court par sa décision de quitter son emploiNote de bas de page 41. Les employeurs ne peuvent corriger les problèmes dont ils n’ont pas connaissance. L’appelant ne peut justifier son refus de parler de ses problèmes à la direction en faisant valoir qu’il savait comment la conversation se déroulerait. Si l’hypothèse de l’appelant était fondée, il aurait alors épuisé la voie raisonnable pour tenter de résoudre ses problèmes professionnels, et serait alors en mesure d’invoquer la démission justifiée.

[85] Avant de quitter, le prestataire est tenu de rechercher des solutions, même si les conditions sont intolérablesNote de bas de page 42. Le requérant a généralement l’obligation d’essayer de résoudre les conflits en milieu de travail avec l’employeur, ou de démontrer qu’il s’efforce de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploiNote de bas de page 43.

[86] L’appelant a affirmé que [traduction] « l’accent mis par le Tribunal sur l’envoi de CV et la communication des préoccupations à la direction est trop réducteur et ne tient pas compte de l’ensemble de ma situation. L’environnement toxique, le manque de soutien interne et les risques pour ma réputation professionnelle et ma santé mentale ont rendu mon maintien en poste intenable. Ma décision de démissionner a été prise en dernier recours, après avoir épuisé toutes les solutions raisonnables. » Il affirme que [traduction] « selon le droit applicable, la question de savoir si le départ était justifié ne se limite pas aux efforts exhaustifs déployés, il faut également déterminer si le maintien en poste est raisonnable dans les circonstances. En ce qui me concerne, ce n’était pas le casNote de bas de page 44. »

[87] L’appelant se trompe dans son interprétation du droit applicable. Sa thèse est à l’opposé de l’application correcte du droit applicable sur le départ volontaire. Le départ justifié exige spécifiquement que les requérants épuisent toutes les solutions de rechange raisonnables avant de quitter. En outre, selon le droit applicable, la question à trancher n’est pas celle de « savoir si le maintien en poste est raisonnable », mais si la poursuite de la relation de travail est déraisonnable parce que toutes les autres options raisonnables ont été épuisées.

[88] En l’espèce, l’appelant était manifestement très mécontent de son emploi, mais sa situation professionnelle n’était certainement pas intolérable. La preuve dont je dispose montre qu’il n’y aurait pas eu d’effets catastrophiques si l’appelant avait poursuivi sa relation de travail un jour de plus, ou au-delà de ses vacances prévues. L’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que la seule option raisonnable qui s’offrait à lui était de démissionner, car il avait d’abord la possibilité de partir en vacances pendant trois semaines et de prendre la décision à son retour.

[89] Les tribunaux ont souligné que le système d’assurance-emploi existe pour assurer les demandeurs qui ont perdu leur emploi en raison de circonstances échappant à son contrôle. Les fondements et les principes mêmes de l’assurance s’appliquent à la manière dont la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. L’assurance proposée par le système d’assurance-emploi est fonction du risque encouru par un employé de perdre son emploi. Presque toutes les circonstances énumérées à l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi qui justifient le départ volontaire requièrent l’intervention d’un tiers – en d’autres termes, quelqu’un d’autre fait quelque chose qui oblige le demandeur à démissionner. Par conséquent, sauf exception, il incombe aux demandeurs de ne pas créer un risque de chômage ou de ne pas transformer en certitude ce qui n’était qu’un risque de chômageNote de bas de page 45.

[90] L’appelant était d’avis que ses fonctions ne correspondaient pas vraiment à ses objectifs à long terme, mais cela ne l’autorisait pas à devenir un fardeau pour le système d’assurance-emploi. L’insatisfaction de l’appelant concernant son emploi ne justifie pas qu’il l’abandonne et qu’il oblige les autres à le soutenir par des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 46.

[91] En fin de compte, le critère juridique n’a pas pour objet de déterminer si une personne raisonnable et prudente aurait quitté son emploi dans des circonstances similaires, mais de savoir si le fait de démissionner était la seule chose raisonnable à faire pour l’appelant. Le caractère raisonnable peut être un [traduction] « motif valable », mais il ne constitue pas nécessairement une « justification ». L’appelant a quitté son emploi en invoquant ce qu’il estime être une bonne raison, mais les tribunaux ont clairement établi qu’une bonne raison et un départ justifié ne sont pas la même chose. Il ne suffit pas que l’appelant prouve que sa décision de quitter son emploi était tout à fait raisonnableNote de bas de page 47.

[92] Compte tenu des circonstances entourant la démission de l’appelant, et pour les motifs énoncés précédemment, des solutions de rechange raisonnables autres que le départ s’offraient à l’appelant.

[93] Cela signifie que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[94] L’appelant a quitté son emploi volontairement et il disposait de plusieurs autres solutions de rechange raisonnables. Il avait peut-être de bonnes raisons au plan personnel, mais ce n’est pas la même chose qu’une justification selon le droit applicableNote de bas de page 48. À cet égard, les requérants doivent généralement essayer de résoudre les problèmes liés au milieu de travail ou trouver un nouvel emploi avant de quitterNote de bas de page 49.

[95] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[96] L’appel est donc rejeté.

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