[TRADUCTION]
Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 114
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (670918) datée du 25 juillet 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Katherine Parker |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 7 janvier 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 23 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | GE-24-3799 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. La demande de l’appelant ne satisfait pas à l’une des exceptions pour recevoir des prestations pendant qu’il était à l’étranger.
[2] La Commission a agi équitablement lorsqu’elle a examiné cette demande.
Aperçu
[3] L’appelant était à l’étranger pendant deux périodes d’environ un mois chacune. Pendant qu’il était à l’étranger, il a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il a indiqué qu’il n’était pas à l’étranger dans ses déclarations d’assurance-emploi.
[4] L’Agence des services frontaliers du Canada a signalé à la Commission que l’appelant était à l’étranger du 16 octobre au 7 novembre 2019 (période A)Note de bas de page 1 et du 2 février au 4 mars 2020 (période B)Note de bas de page 2.
[5] Compte tenu des nouveaux renseignements, la Commission a mené une enquête et a conclu que l’appelant n’avait pas déclaré son absence du Canada. Elle a établi qu’il n’avait pas droit aux prestations pendant ces périodes. Un avis de dette lui a été envoyé pour un trop-payé de 4 496 $.
[6] L’appelant n’était pas d’accord avec la décision de la Commission. Il a dit qu’il s’était blessé lorsqu’il était à l’étranger pendant la période A. Il n’avait donc pas le choix de rester parce qu’il était incapable de prendre l’avion pour rentrer chez lui. Il a dit que pendant la période B, il a dû se rendre à l’étranger pour recevoir des soins médicaux plus abordables que ceux offerts au Canada.
[7] Il a dit que son service des finances [sic] produisait ses déclarations hebdomadaires et qu’elle [sic] n’avait pas bien lu la question sur le fait d’être à l’étranger. Il a donc déclaré qu’il n’était pas à l’étranger et qu’il était disponible pour travailler. Il a fourni une attestation confirmant que les informations dans sa demande étaient véridiques et qu’il connaissait et acceptait ses droits et responsabilitésNote de bas de page 3.
Questions en litige
[8] L’appelant a-t-il droit à des prestations pendant son séjour à l’étranger?
[9] La Commission a-t-elle agi équitablement lorsqu’elle a réexaminé cette demande?
Analyse
[10] La règle générale est qu’une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle se trouve à l’étrangerNote de bas de page 4. Toutefois, le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit une liste limitée d’exceptions à cette règleNote de bas de page 5. L’appelant affirme que l’une de ces exceptions s’applique à son cas. Il a dit qu’il cherchait des soins médicaux.
[11] L’article 55(1)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi indique ceci :
Sous réserve de l’article 18 de la Loi, le prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour l’un des motifs suivants :
- a) subir, dans un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l’étranger, un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où il réside au Canada, si l’établissement est accrédité pour fournir ce traitement par l’autorité gouvernementale étrangère compétenteNote de bas de page 6 (je souligne).
[12] Il incombe à la partie prestataire de démontrer qu’elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il n’existe aucune circonstance qui la rendrait inadmissible ou l’exclurait du bénéfice des prestations, y compris les exigences de disponibilité prévues à l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.
L’appelant avait-il droit à des prestations pendant qu’il était à l’étranger?
Période A : la raison pour laquelle il était à l’étranger
[13] L’appelant a déclaré que la raison pour laquelle il était à l’étranger pendant la période A était exceptionnelle. Il a dit que rien dans la Loi sur l’assurance-emploi ne porte sur les blessures subies à l’étranger. Il a affirmé qu’il était à l’étranger pendant la période B pour se faire soigner, mais qu’il était toujours disponible pour travailler.
[14] L’appelant a affirmé avoir quitté le pays le 16 octobre 2019 pour s’inscrire à un cours en ligne. Il a décidé de s’inscrire à ce cours qui se donnait en Inde parce que c’était beaucoup moins cher que celui qui était offert au Canada. Le cours était également offert en ligne. Cependant, l’appelant craignait qu’il s’agisse d’une arnaque, alors il voulait se présenter en personne pour vérifier.
[15] Un des amis de l’appelant qui travaillait pour Air Canada lui a donné un billet sans réservation. L’appelant a décidé de passer deux jours en Inde. Il avait l’intention d’y aller et de revenir tout de suite.
[16] L’appelant affirme qu’il n’a pas signalé son séjour à l’étranger dans sa déclaration d’assurance-emploi parce qu’il n’y avait pas d’option permettant d’indiquer qu’il n’y était que quelques jours.
[17] L’appelant a dit qu’il s’est bloqué le dos dès son arrivée en Inde. Il ne pouvait pas voyager. Il a dit qu’il n’avait d’autre choix que de rester en Inde pour recevoir un traitement médical. On a soigné sa douleur au bas du dos. Il s’agissait de traitements médicaux disponibles au Canada, mais il a dit qu’il était immobilisé en Inde, alors il n’avait pas le choix.
[18] Il a dit qu’il était immobilisé en Inde et recevait des soins médicaux; il ne pouvait pas revenir au Canada avant de se remettre de ses douleurs au bas du dos. Il est revenu au Canada le 6 novembre 2019 ou autour de cette date.
[19] L’appelant a dit qu’il n’a aucune preuve montrant qu’il prévoyait seulement passer deux jours en Inde parce qu’il a voyagé sans réservation.
Période B : la raison pour laquelle il était à l’étranger
[20] L’appelant a déclaré qu’il s’est rendu en Inde au cours de la période B pour obtenir des soins médicaux. Il a dit qu’il avait apprécié les soins médicaux qu’il avait reçus la dernière fois et que les traitements étaient beaucoup moins coûteux que ceux offerts au Canada. Il a dit qu’il était disponible pour travailler pendant son absence. Il a fait des recherches d’emploi en ligne et était prêt à retourner au Canada s’il recevait une offre d’emploi.
[21] Il a reconnu que le traitement médical qu’il voulait recevoir était facilement accessible où il vivait au Canada. Mais c’était cher et il ne voulait pas attendre.
[22] Il a fait valoir qu’étant donné qu’il faisait des recherches d’emploi pendant qu’il était à l’étranger, il ne devrait pas être inadmissible au bénéfice des prestations.
Les circonstances présentes lorsque l’appelant était à l’étranger
[23] L’appelant a demandé à sa fiancée de présenter ses déclarations hebdomadaires de prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’avait pas accès au portail à l’étranger. Il a dit qu’elle avait mal compris la question concernant le fait d’être à l’étranger.
[24] Pour chaque déclaration présentée au cours des périodes A et B, l’appelant a répondu NON à la question suivante : [traduction] « Étiez-vous à l’étranger du lundi au vendredi pendant la période visée par la présente déclaration?Note de bas de page 8 » Il a dit que la question ne lui permettait pas d’indiquer qu’il ne serait que quelques jours à l’étranger, alors il a répondu NON au cours de sa première semaine à l’étranger (période A).
[25] Pour chaque déclaration présentée au cours des périodes A et B, l’appelant a répondu OUI à la question suivante : [traduction]« Étiez-vous prêt, disposé et capable de travailler chaque jour, du lundi au vendredi, pendant chaque semaine visée par la présente déclaration ». Il n’a pas communiqué avec la Commission pour l’informer qu’il était malade. Il a reçu des prestations régulières alors qu’il était malade et incapable de se déplacer au cours de la période A.
[26] Il était à l’étranger pendant la période B, mais il n’était pas atteint d’une incapacité. Il a dit avoir quitté le pays pour obtenir des soins médicaux. Il a dit que le traitement médical était disponible au Canada, mais qu’il était coûteux. Il n’était pas à l’étranger pour trouver un emploi ou pour rencontrer des employeurs.
[27] L’appelant a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi pendant la période A, alors qu’il se trouvait à l’étranger. À ce moment-là, il était atteint d’une incapacité pour des raisons médicales et ne pouvait pas travailler. Il a reçu des prestations régulières pendant la période B, alors qu’il suivait un traitement médical à l’étranger.
[28] Je conclus que les circonstances de l’appelant pendant les périodes A et B ne satisfont pas à l’une des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi. Voici pourquoi.
[29] L’appelant a quitté le Canada au cours de la période A afin de s’inscrire à un cours en ligne en Inde. Il a dit qu’il ne prévoyait y passer que quelques jours, mais qu’il s’était blessé le premier jour et qu’il devait rester sur place le temps de se faire soigner. Il n’a pas dit à la Commission qu’il était malade. Il a plutôt continué de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi et n’a pas dit la vérité dans ses déclarations hebdomadaires. Il a soutenu qu’il avait mal compris les questions.
- La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que des prestations peuvent être versées lorsqu’une partie prestataire est à l’étranger seulement si la raison de quitter le pays relève de l’une des exceptions énumérées à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi. Quitter le pays pour s’inscrire à un cours n’est pas l’une des exceptions prévues par la loi.
- Si une partie prestataire quitte le pays pour une raison autre que ce que la loi permet, elle est inadmissible aux prestations pendant qu’elle est à l’étranger.
- Si la partie prestataire se blesse après avoir décidé de voyager pour une raison qui n’est pas acceptable selon la loi, elle doit en aviser la Commission. L’appelant n’a pas déclaré sa maladie et a continué de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Il a dit qu’il ne pouvait ni travailler ni voyager, donc il n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler lorsqu’elle reçoit des prestations régulières. Néanmoins, la disponibilité de l’appelant pendant qu’il était à l’étranger n’est pas une question à trancher dans son appel.
- L’appelant a dit qu’il ne comprenait pas la question. Cependant, l’ignorance de la loi n’est pas une excuseNote de bas de page 9. Une personne raisonnable aurait téléphoné à la Commission pour signaler sa situation lorsqu’il s’est blessé à l’étrangerNote de bas de page 10.
[30] L’appelant a quitté le pays pendant la période B pour se faire soigner. Il a dit que le traitement était disponible au Canada, mais qu’il était plus cher.
[31] L’article 55(1)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi énumère des situations où une partie prestataire qui se trouve à l’étranger pendant une période de sept jours peut demander des prestations d’assurance-emploi. Le fait de suivre un traitement médical fait partie de ces situations acceptables. Les traitements médicaux visés à l’article 55(1)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi ne doivent pas être immédiatement ou promptement disponibles au CanadaNote de bas de page 11. L’appelant était absent pendant environ un mois au cours de la période B, ce qui dépasse de loin les sept jours prévus. Il a aussi demandé un traitement médical qui est promptement disponible au Canada.
[32] Les circonstances du voyage pendant la période B ne correspondent pas aux exceptions pour les voyages à l’extérieur du Canada. C’était une décision personnelle.
[33] L’appelant a continué de déclarer qu’il n’était pas à l’étranger. Il a dit qu’il avait fait des recherches d’emploi pendant qu’il était à l’étranger et que les postes étaient au Canada.
[34] J’estime que les raisons pour lesquelles l’appelant était à l’étranger du 16 octobre au 7 novembre 2019 (période A) et du 2 février au 4 mars 2020 (période B) ne correspondent pas à l’une des exceptions prévues par la loi. Ces exceptions se trouvent à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi. Il n’y a aucune référence à une exception dans le cas où une personne qui se trouve à l’étranger pour des raisons personnelles se blesse.
[35] Je trouve convaincant le raisonnement d’une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Bien que je ne sois pas liée par ces décisions, je peux choisir de les suivre.
[36] La division d’appel a accueilli l’appel de la Commission dans la décision Commission de l’assurance-emploi du Canada c GD, 2024 TSS 779. Les faits sont très semblables à ceux dans la présente affaire. Le prestataire dans cet appel a pris des vacances à l’étranger. Pendant ses vacances, il s’est blessé. Il a soutenu que la raison pour laquelle il avait quitté le pays n’était pas importante. La division d’appel n’était pas d’accordNote de bas de page 12.
[37] La division d’appel a déclaré que la raison du départ est importante et que le fait de partir en vacances est une décision personnelle qui ne satisfait pas au critère juridique pour l’une des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi. Je suis d’accord avec cette conclusion de la division d’appel. C’est la même conclusion que j’ai tirée dans le présent appel.
[38] L’appelant a quitté le pays pour des raisons personnelles et il s’est blessé pendant qu’il était à l’étranger. C’est le risque qu’il a pris lorsqu’il a décidé de voyager pendant deux jours pour s’inscrire à un cours. Par la suite, il a pris la décision personnelle d’obtenir un traitement médical moins coûteux que celui offert au Canada et il a continué d’induire la Commission en erreur en déclarant qu’il n’était pas à l’étranger.
La Commission a-t-elle agi équitablement lorsqu’elle a réexaminé cette demande?
[39] L’Agence des services frontaliers du Canada a signalé à la Commission que l’appelant était à l’étranger pendant les périodes A et B. Il s’agissait de nouveaux renseignements fournis à la Commission. Cette dernière a décidé de réexaminer la demande de l’appelant.
[40] La Commission peut réexaminer une demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement des prestations. Si elle estime qu’une fausse déclaration a été faite, le délai peut être prolongé à 72 moisNote de bas de page 13. Dans le présent appel, la Commission a rendu sa décision finale le 25 juillet 2024. Elle a refusé les prestations à partir de la semaine du 16 octobre 2019. La Commission a terminé son réexamen dans le délai prévu pour les demandes où elle soupçonne qu’il y a eu de fausses déclarations.
[41] La Commission a annulé sa décision concernant les fausses déclarations et elle n’a pas donné d’avertissement ni infligé de pénalité. Cela ne change rien à ma conclusion selon laquelle la Commission avait 72 mois pour réexaminer la demande.
[42] L’appelant a déclaré qu’il était malade pendant la période A. Cependant, il a continué de déclarer qu’il n’était pas à l’étranger et qu’il était disponible pour travailler alors qu’il a témoigné que ce n’était pas le cas. Pendant la période B, il a continué de déclarer qu’il n’était pas à l’étranger et qu’il était disponible pour travailler. Il semble que l’appelant savait qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit. Il n’a pas dit la vérité dans ses déclarations de prestataire.
[43] Il a dit qu’il n’y avait pas d’option lui permettant de déclarer qu’il n’était à l’étranger que quelques jours. J’ai lu la question du formulaire à l’appelant durant l’audience. On demande précisément si la partie prestataire était à l’étranger pendant une partie de la semaine. La question est donc claire : la personne doit déclarer si elle était à l’étranger pendant la semaine, quelle que soit la durée de cette absence. Il a dit qu’il avait mal lu la question, mais son témoignage manque de crédibilité. Même s’il a mal lu la question la première semaine qu’il était à l’étranger, il est peu probable qu’il l’ait mal lue chaque semaine (cinq jours ouvrables) qu’il était à l’étrangerNote de bas de page 14.
[44] Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelant. Des prestations ont été versées parce que l’appelant n’a pas déclaré qu’il était à l’étranger du 16 octobre au 7 novembre 2019 (période A)Note de bas de page 15 et du 2 février au 4 mars 2020 (période B).
[45] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet de fournir une aide temporaire aux personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent sans emploi. Elle prévoit qu’aucune prestation n’est payable si la personne se trouve à l’étranger, sauf exception. Rien dans la Loi sur l’assurance-emploi ne prévoit le versement de prestations à une partie prestataire du fait qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant plusieurs années.
[46] Dans cette affaire, l’appelant a quitté le pays le 16 octobre 2019 pour s’inscrire à un cours en ligne en Inde. Lors de son séjour, il s’est blessé et a dû attendre un mois avant de revenir. Il n’a pas déclaré cela à la Commission. Il a soutenu qu’il devrait avoir droit à des prestations pendant qu’il était à l’étranger parce qu’il devait se faire soigner.
[47] L’appelant a quitté de nouveau le pays le 2 février 2020 pour suivre un traitement médical moins coûteux que celui offert au Canada. Il s’agissait d’une décision personnelle. Cela ne correspond pas à l’une des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi.
Conclusion
[48] L’appel est rejeté.