[TRADUCTION]
Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c NB, 2025 TSS 25
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante ou représentant : | Nikkia Janssen |
Partie intimée : | N. B. |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 5 septembre 2024 (GE-24-2681) |
Membre du Tribunal : | Elizabeth Usprich |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 2 décembre 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Représentante de l’appelante Intimée |
Date de la décision : | Le 14 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-632 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] La division générale n’a pas offert un processus équitable. L’affaire doit être renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience.
Aperçu
[3] N. B. est la prestataire dans cet appel. Elle a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle a partagé ses prestations parentales avec son mari.
[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé la prestataire qu’elle avait reçu quatre semaines de prestations parentales de trop et qu’elle devait donc rembourser un trop-payé.
[5] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a déclaré avoir communiqué régulièrement avec elle et s’être renseignée sur sa date de retour au travail. La Commission a maintenu sa décision.
[6] La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a décidé que la Commission avait pris une décision discrétionnaire lorsqu’elle avait réexaminé la demande de la prestataire. La division générale a conclu que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Elle a déclaré que la Commission avait commis des erreurs dans cette affaire et que la prestataire ne devait pas être tenue de payer pour celles-ciNote de bas de page 1.
[7] La division générale a convenu que la prestataire n’était pas admissible à 24 semaines de prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle a toutefois estimé que la Commission n’aurait pas dû réexaminer la demande de la prestataire. Elle a donc annulé le trop‑payé.
[8] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale. Elle affirme que la division générale a commis de nombreuses erreurs. Elle dit que la division générale n’a pas offert un processus équitable, a commis une erreur de droit et a tiré des conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire.
[9] J’accueille l’appel de la Commission. La division générale n’a pas offert un processus équitable aux deux parties. Je renvoie l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience.
Questions en litige
[10] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :
- a) La division générale a-t-elle manqué à son obligation d’offrir un processus équitable en n’informant pas les parties de la question importante de savoir si la Commission avait réexaminé la demande de prestations d’assurance‑emploi de façon judiciaire?
- b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?
Analyse
[11] Je peux intervenir seulement si la division générale a commis une erreur. Je ne peux prendre en considération que certaines erreursNote de bas de page 2. La Commission soutient que la division générale a agi de façon inéquitable, a commis une erreur de droit et a commis des erreurs de fait importantes.
Renseignements généraux
[12] La prestataire a présenté une demande de prestations le 30 avril 2023. Elle a demandé 20 semaines de prestations parentales standardsNote de bas de page 3. Des parents peuvent se partager un maximum de 40 semaines de prestations parentales standards.
[13] Le mari de la prestataire a déclaré à la division générale qu’il ne se souvenait pas du nombre de semaines de prestations d’assurance-emploi qu’il avait demandées. Il pensait qu’il n’avait pas à retourner au travail avant la fin du mois d’octobre 2023, mais cela aurait représenté plus 20 semaines de prestations.
[14] Le mari de la prestataire a décidé de retourner au travail à la fin de septembre 2023Note de bas de page 4. Il croyait avoir droit à quatre semaines additionnelles de prestations. La prestataire et lui ont téléphoné à la Commission pour demander que les quatre semaines figurant dans son compte soient transférées à celle-ci.
[15] Cependant, les chiffres ne fonctionnaient pas. Si le mari de la prestataire prenait 20 semaines de prestations parentales, la prestataire ne pouvait alors recevoir que 20 semaines de prestations au maximum.
[16] La prestataire a déclaré avoir communiqué avec la Commission plus d’une fois. Elle essayait de savoir quand elle devait retourner au travail. Comme les appels n’ont pas été enregistrés, on ne sait pas exactement quelles questions elle a posées ni quelles réponses elle a reçues. En fin de compte, la prestataire a reçu par erreur quatre semaines additionnelles de prestations d’assurance-emploi.
[17] La Commission s’est rendu compte de l’erreur et a avisé la prestataire qu’elle avait reçu quatre semaines de prestations de tropNote de bas de page 5. Cela a donné lieu à un trop-payé que la prestataire devait rembourser.
[18] La prestataire estime avoir fait preuve de diligence raisonnable et qu’elle ne devrait pas être tenue responsable des erreurs de la Commission. La division générale a déclaré que la Commission n’avait pas réexaminé la demande de prestations de façon judiciaire.
La division générale n’a pas offert un processus équitable
[19] Au début de l’audience, la division générale a formulé la question en litige différemment de la prestataire et de la Commission. Elle a informé la prestataire que la question qu’elle trancherait était de savoir si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle avait réexaminé sa demandeNote de bas de page 6. Cette question n’avait pas été soulevée avant l’audience. Cela a rendu le processus inéquitable.
[20] La division générale peut décider quelles questions doivent être examinéesNote de bas de page 7. Elle doit toutefois aussi s’assurer de juger les appels de façon à ce toutes les parties puissent pleinement participer au processus d’appelNote de bas de page 8. Un processus équitable protège toutes les parties.
[21] La Commission fait valoir qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter des observations sur la question de savoir si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour réexaminer la demande. Elle affirme que même si la division générale a déclaré que la prestataire avait soulevé cette question, l’enregistrement de l’audience suggère le contraireNote de bas de page 9.
[22] Au début de l’audience, la division générale a déclaré que la Commission avait estimé que la question en litige avait trait au nombre maximal de semaines de prestations parentales. La division générale a ensuite affirmé qu’elle croyait que la question en litige était plus subtile, à savoir si la Commission avait agi de façon judiciaire lorsqu’elle avait réexaminé la demande de la prestataire. La division générale a dit à la prestataire qu’il s’agissait d’un concept technique et juridique. Elle a expliqué qu’elle ne s’attendait pas à ce que la prestataire présente des arguments à ce sujet et qu’elle lui poserait plutôt des questions.
[23] Ces déclarations plaident en faveur du fait que la division générale a soulevé cette question avant l’audience. Elle a donné à la prestataire la possibilité de répondre à des questions et de présenter des observations sur celle-ci. La Commission n’a pas eu la même possibilité.
La division générale n’a donné qu’à une seule partie la possibilité de présenter des observations
[24] La division générale a jugé qu’elle n’avait pas à donner à la Commission la possibilité de présenter des observationsNote de bas de page 10. Elle estime que les règles de justice naturelle et d’équité procédurale ne l’exigeaient pas. Elle a déclaré que la question de savoir si la Commission a agi de façon judiciaire était inhérente à toute décision de réexamen.
[25] Je ne suis pas d’accord. La décision de la division générale portait sur la question de savoir si la Commission avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer la demande de la prestataireNote de bas de page 11. Celle-ci n’avait pas soulevé directement cette question dans son avis d’appel. La Commission a répondu aux questions soulevées explicitement par la prestataire.
[26] La Commission n’a pas contesté le fait qu’elle doit réexaminer les demandes de façon judiciaire. Le problème est que la division générale a soulevé une question, puis a tiré des conclusions fondées sur ses présomptions sans demander d’informations à la Commission. Il est établi en droit que les décisions discrétionnaires de la Commission doivent être respectées, sauf s’il peut être démontré que la Commission a agi de façon non judiciaireNote de bas de page 12.
Il existe une obligation d’équité envers les deux parties
[27] La division générale examine un appel avant de tenir une audience. Il serait logique qu’elle informe alors les parties des questions qu’elle juge importantes. Cela leur permettrait de décider en connaissance de cause si elles souhaitent assister à l’audience ou présenter des observations écrites supplémentaires.
[28] Il ne ressortait pas clairement de l’avis d’appel de la prestataire qu’elle soulevait une question d’équitéNote de bas de page 13. Comme le souligne la division générale, la prestataire a déclaré que le trop-payé résultait d’une erreur de la Commission et non de sa propre fauteNote de bas de page 14. La division générale a extrapolé en concluant que [traduction] « sans le dire de manière aussi précise, [la prestataire] prétendait que la Commission n’avait pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé sa demandeNote de bas de page 15 ».
[29] La division générale aurait dû informer les parties avant de faire cette extrapolation. La Cour suprême du Canada affirme que l’obligation d’équité est variable et doit être examinée au cas par casNote de bas de page 16. Mais l’obligation prépondérante est l’équité. Il aurait été simple, rapide et équitable que la division générale avise les deux parties de ce qui s’est avéré être une question importante.
[30] La Commission n’a pas eu l’occasion d’aborder la question ni de fournir des éléments de preuve ou des informations. La décision reposait sur cette question. La Commission s’est vu refuser l’équité procédurale parce qu’elle ne savait pas ce qu’elle devait établir.
[31] Puisque j’ai conclu à une erreur, je ne vais pas examiner les autres erreurs alléguées par la Commission.
Réparation
[32] Il y a deux principales façons de corriger l’erreur que j’ai relevée. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale si je juge que l’audience n’a pas été équitableNote de bas de page 17.
[33] Dans la présente affaire, la division générale savait qu’il y avait une question clé qu’aucune des parties n’avait soulevée. La Commission n’a pas eu l’occasion d’aborder cette question ni de fournir des éléments de preuve ou des informations. La décision reposait sur cette question. Je juge que la seule façon de corriger cette erreur est de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience.
Conclusion
[34] L’appel est accueilli.
[35] La division générale n’a pas offert un processus équitable. L’affaire doit être renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience.