[TRADUCTION]
Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 128
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | A. L. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance- emploi du Canada (696537) datée du 20 décembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Linda Bell |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 22 janvier 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 28 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-61 |
Sur cette page
Décision
[1] A. L. est l’appelant dans cette affaire. Je rejette son appel.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas de raison acceptable selon la loi pour le faire) au moment de son départ. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] Le dernier jour de travail de l’appelant était le 15 août 2024. Il a cessé de travailler en raison d’un manque de travail et pour un congé de maladie. Il a reçu des prestations d’invalidité de courte durée. Ensuite, le 3 septembre 2024, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a établi sa demande le 15 septembre 2024.
[4] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’appelant n’est pas retourné au travail après son rétablissement. Elle a conclu qu’il a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi. Elle a donc arrêté les paiements (imposé une exclusion) à partir du 15 septembreNote de bas de page 1. Lors de la révision, la Commission a maintenu sa décision.
[5] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Je dois décider si l’appelant a prouvé que le départ de son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.
Questions en litige
[6] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?
[7] Si oui, était-il fondé à quitter son emploi?
Analyse
Départ volontaire
[8] Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 5 septembre 2024.
[9] L’appelant a déclaré qu’il avait choisi de ne pas retourner au travail après son congé de maladie. Il sentait que son employeur l’avait induit en erreur, lorsque celui-ci avait demandé de venir chercher son relevé d’emploi et un chèque de paie. Il s’attendait à recevoir un chèque de Manuvie pour son invalidité de courte durée, mais il n’y avait pas d’argent. Il y avait seulement un talon de paie et son relevé d’emploi. Ainsi, lorsqu’on lui a demandé de reprendre le travail après la fin de son congé de maladie, il a choisi de démissionnerNote de bas de page 2.
[10] Je considère donc comme un fait établi que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 5 septembre 2024.
Justification
[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment de son départ
[12] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations régulières si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire.
[13] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable d’après toutes les circonstancesNote de bas de page 4.
[14] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 5.
[15] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploiNote de bas de page 6. Ensuite, l’appelant doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 7.
Les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi
[16] L’appelant a déclaré avoir quitté son emploi pour les raisons suivantes:
- Il estime que son employeur l’a induit en erreur, lorsque celui-ci avait demandé de venir chercher son relevé d’emploi et un chèque de paie. Il pensait qu’il s’agissait d’un chèque de son assurance-salaire, mais en arrivant, il a seulement trouvé son relevé d’emploi et un talon de paie, sans chèque.
- Son relevé d’emploi indique un manque de travail et un congé de maladie, et non une démission. Il pense donc qu’il devrait être admissible aux prestations.
- Il n’avait pas d’argent pour le carburant afin de parcourir les 20 km jusqu’à son lieu de travail. De plus, il trouvait que l’environnement de travail était chaotique et a affirmé que son employeur collaborait avec un gouvernement étranger pour empoisonner son camion.
- Il avait des abcès cutanés depuis trois ans et pense que ces problèmes de santé étaient causés par un produit chimique dans le camion qu’il conduisait pour son travailNote de bas de page 8.
[17] L’appelant a déclaré qu’il n’a pas demandé d’aide financière à son employeur. Il était frustré d’avoir dû utiliser son essence pour aller chercher son relevé d’emploi et un talon de paie, alors qu’il n’avait pas d’argent. Il a donc pris la décision personnelle de quitter son emploi.
[18] L’appelant a aussi confirmé que le personnel médical ne lui avait pas conseillé de quitter son emploi. Il lui avait donné seulement deux semaines de congé. Il soutient que son employeur a minimisé son état en parlant d’une [traduction] « petite infection cutanée », alors qu’il avait en réalité plusieurs abcès importants.
[19] Lors de l’audience, l’appelant a fourni une nouvelle raison pour laquelle il a quitté son emploi. Il a dit que son employeur avait fait preuve de discrimination à son égard. Plus précisément, il a lu dans les documents d’appel que l’employeur avait informé la Commission qu’il avait un problème de santé mentale, ce qu’il considère comme une discrimination.
[20] L’appelant a également déclaré que l’environnement de travail était chaotique parce que le camion qu’il conduisait était stationné sur le bord de la route, à proximité de passants. Parfois, il devait conduire un autre camion tandis que quelqu’un d’autre conduisait son camion habituel.
[21] Pour voir si sa démission était justifiée, je peux seulement prendre en compte les faits qui existaient au moment où l’appelant a quitté son emploiNote de bas de page 9. Or, il a démissionné le 5 septembre 2024 et l’employeur n’a pas parlé à la Commission avant le 4 septembre 2024, soit après sa démission. Aucune autre preuve de discrimination n’a été soulevée. Cela signifie que la plainte pour discrimination de l’appelant ne peut pas être considérée ici, car elle n’existait pas au moment de sa démission.
[22] De plus, ce n’est pas le code inscrit sur le relevé d’emploi qui décide si l’appelant a quitté son emploi ou s’il existe une autre circonstance excluante. Même si le relevé d’emploi peut indiquer une raison de fin d’emploi litigieuse ou non, ce sont les faits de l’affaire qui permettent de conclure à un départ volontaire sans justification et à une exclusion du bénéfice des prestationsNote de bas de page 10.
[23] Par conséquent, j’estime que ce sont les raisons suivantes qui ont finalement poussé l’appelant à démissionner : sa croyance selon laquelle ses abcès cutanés étaient causés par quelque chose dans le camion de l’entreprise, ainsi que sa colère d’avoir fait le trajet jusqu’au travail pour trouver seulement un talon de paie et non un chèque. Je dois maintenant décider si quitter de son emploi était la seule solution raisonnable à ce moment-là.
D’autres solutions raisonnables
[24] Après avoir pris en compte toutes les circonstances existant au moment où l’appelant a quitté son emploi, même en les considérant cumulativement, j’estime qu’il disposait d’autres solutions raisonnables à la démission. Cela signifie que l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi.
[25] Je suis d’accord avec les observations de la Commission selon lesquelles l’appelant avait d’autres solutions raisonnables qui lui auraient évité de quitter son emploi. Plus précisément, il aurait pu consulter le personnel médical pour savoir s’il pouvait prolonger son congé d’invalidité de courte durée, qui était initialement approuvée jusqu’au 15 septembre 2024. Il aurait également pu demander un congé officiel ou d’autres mesures d’adaptation à son employeur. De plus, il aurait pu explorer d’autres options de transport pour faire face à ses contraintes financières et discuter avec son employeur des problèmes de santé liés à son environnement de travail afin de trouver des solutions possibles.
[26] Si l’appelant ne pouvait pas organiser un autre moyen de transport pour se rendre au travail, il aurait pu demander une avance sur salaire à son employeur afin de continuer à travailler, pendant qu’il cherchait et se procurait un autre emploi avant de partir.
[27] Il n’y a aucune preuve médicale objective démontrant que l’emploi de l’appelant a causé son problème de santé ou empêché celui-ci d’être bien traité. De plus, il n’y a pas de preuve objective indiquant que ses problèmes de santé étaient si graves qu’il ne pouvait pas continuer à travailler. L’appelant lui-même a reconnu avoir déjà travaillé malgré de forts maux de tête et plusieurs infections cutanées.
[28] Il n’y a pas assez de preuves pour prouver que l’appelant a dû quitter son emploi à cause de harcèlement. Le seul exemple qu’il a mentionné était la réponse de l’employeur aux questions de la Commission sur les raisons de sa démission. Cela ne constitue pas du harcèlement au sens de la loi sur l’assurance-emploi. Si l’appelant souhaite déposer une plainte pour harcèlement, il existe d’autres instances où il peut demander réparation.
[29] Il est évident que l’appelant était contrarié de ne pas avoir reçu d’argent lorsqu’il est allé récupérer son relevé d’emploi, ce qui l’a poussé à démissionner immédiatement. J’estime donc qu’il a fait un choix personnel en quittant son emploi à ce moment-là.
[30] Même si quitter son emploi peut être un bon choix personnel pour l’appelant, cela ne prouve pas qu’il était fondé à quitter son emploi. Les tribunaux ont toujours soutenu que l’objectif général de l’assurance-emploi est d’accorder des prestations aux personnes qui se retrouvent involontairement sans emploi, et non à celles qui ont provoqué leur propre chômage, alors qu’il existait d’autres solutions raisonnablesNote de bas de page 11.
[31] Pour les raisons que j’ai mentionnées, j’estime qu’en tenant compte de toutes les circonstances au moment où l’appelant a démissionné, même cumulativement, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifie que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi. Il est donc exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.
Conclusion
[32] L’appel est rejeté.
[33] L’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.