[TRADUCTION]
Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 126
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. B. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (674830) datée du 24 juillet 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Audrey Mitchell |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 21 janvier 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 24 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | GE-24-4100 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli en partie. L’appelant n’était pas admissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Il a prouvé que, sans sa maladie, il aurait été disponible pour travailler pendant son séjour à l’étranger. Il doit tout de même rembourser un trop-payé (prestations versées en trop).
Aperçu
[2] La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 27 décembre 2018 au 29 mars 2019 parce qu’il était à l’étranger.
[3] Je dois décider si l’appelant était admissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Habituellement, on n’y est pas admissible pendant un séjour à l’étranger. Pour y être admissible, une personne doit prouver que sa situation correspond à l’une des exemptions prévues par la loi.
[4] La Commission affirme que l’appelant n’était pas admissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Toutefois, l’appelant affirme qu’il était seulement à l’étranger temporairement et que c’était une erreur de ne pas déclarer son voyage.
[5] L’appelant était incapable de travailler en raison d’une maladie. Pour recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi, l’appelant doit démontrer qu’il aurait été « sans cela disponible pour travaillerNote de bas de page 1 ». Autrement dit, sa maladie doit être la seule raison pour laquelle il n’était pas disponible pour travailler.
[6] La Commission affirme que l’appelant n’aurait pas été disponible pour travailler de toute façon parce qu’il était aux études à l’étranger.
[7] L’appelant explique que c’était la première fois qu’il demandait des prestations d’assurance-emploi et qu’il ne connaissait pas bien le processus. Il demande que le trop-payé soit annulé.
Questions en litige
[8] La Commission pouvait-elle réexaminer la demande de prestations de l’appelant ou était-il trop tard?
[9] L’appelant était-il admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était à l’étranger?
[10] Sans sa maladie, aurait-il été disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger?
[11] Doit-il rembourser le trop-payé?
Analyse
Réexamen de la demande de prestations
[12] La loi prévoit que la Commission peut, dans les 36 mois qui suivent le versement des prestations, réexaminer toute demande de prestationsNote de bas de page 2. Et si la Commission est d’avis que la personne a fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse, elle a 72 mois pour réexaminer la demandeNote de bas de page 3. La Commission n’a pas à prouver qu’une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faite sciemment; elle doit simplement avoir un motif raisonnable de croire qu’il y a eu une telle déclaration ou affirmationNote de bas de page 4.
[13] Le fait de passer d’un délai de réexamen de 36 à 72 mois est une « forme d’exception ». La Commission a donc le lourd fardeau de démontrer qu’elle a un motif raisonnable d’exercer son pouvoir. Elle est aussi tenue d’expliquer à la personne visée « pourquoi, précisément, […] la déclaration lui paraît fausseNote de bas de page 5 ».
[14] La Commission a appris par l’entremise de l’Agence des services frontaliers du Canada que l’appelant était à l’étranger. Elle a donc interrogé l’appelant à ce sujet. Il a confirmé qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était à l’étranger. Il a dit que c’était une erreur de sa part de ne pas avoir informé Service Canada de son séjour à l’étranger.
[15] La Commission a fourni les déclarations bimensuelles liées aux demandes de prestations de l’appelant pour la période du 23 décembre 2018 au 6 avril 2019. L’appelant devait répondre à une question lui demandant s’il était à l’extérieur du Canada du lundi au vendredi pendant la période de chacune des déclarations. Il a répondu « non » à cette question dans chaque déclaration bimensuelle. Cependant, il a envoyé à la Commission une copie de ses billets d’avion montrant qu’il était à l’étranger du 27 décembre 2018 au 30 mars 2019. J’estime donc que ses réponses étaient fausses.
[16] La Commission a terminé de réexaminer la demande de l’appelant en lui fournissant l’avis de décision le 17 mai 2024 et l’avis de dette le 18 mai 2024. Je conclus qu’il n’était pas trop tard pour un réexamen. En effet, la Commission avait 72 mois pour ce faire puisque l’appelant n’avait pas déclaré qu’il était à l’étranger lorsqu’il a demandé des prestations.
Séjour à l’étranger
[17] Une personne n’est pas admissible aux prestations pour toute période où elle est à l’étrangerNote de bas de page 6. Mais il y a quelques exceptionsNote de bas de page 7.
[18] La Commission a appris par l’entremise de l’Agence des services frontaliers du Canada que l’appelant était à l’étranger pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi et qu’il est revenu au pays le 30 mars 2019. En réponse aux questions de la Commission, l’appelant a déclaré qu’il était à l’étranger pour étudier. Il a admis que c’était une erreur de sa part de ne pas avoir dit qu’il était à l’étranger.
[19] À l’audience, l’appelant a confirmé qu’il était à l’étranger du 27 décembre 2018 au 30 mars 2019. Il a déclaré qu’il était à l’étranger pour une seule raison. Il a expliqué qu’il était inscrit à un programme d’études aux États-Unis, mais que ses cours se déroulaient surtout en ligne, alors il aurait pu rester au Canada.
[20] Comme l’appelant n’a donné aucune autre raison pour son séjour à l’étranger, je considère cette preuve comme un fait et je conclus qu’il a quitté le Canada pour étudier. Aucune exemption ne s’applique. Par conséquent, je conclus qu’il faut imposer une inadmissibilité à l’appelant du 27 décembre 2018 au 30 mars 2019 parce qu’il était à l’étranger.
Disponibilité sans sa maladie
[21] Il est certain qu’une personne malade ou blessée n’est pas disponible pour travailler. La loi entourant les prestations de maladie de l’assurance-emploi en tient compte. Toutefois, la loi exige que les personnes qui demandent des prestations de maladie soient sans cela disponibles pour travailler. Autrement dit, l’appelant doit démontrer que sa maladie est la seule raison pour laquelle il n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 8.
[22] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il aurait été disponible pour travailler sans sa maladie.
Disponibilité pour le travail
[23] La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour décider si une personne est disponible pour travailler. La personne doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 9 :
- a) elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
- b) elle fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
- c) elle n’a pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.
[24] L’appelant n’a pas à démontrer qu’il est vraiment disponible. Il doit montrer qu’il aurait été en mesure de satisfaire aux exigences des trois éléments s’il n’avait pas été malade. Autrement dit, il doit démontrer que sa maladie était la seule chose qui l’empêchait de satisfaire aux exigences de chaque élément.
Vouloir retourner travailler
[25] L’appelant a démontré qu’il aurait voulu retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert.
[26] Il a déclaré qu’il s’était blessé au dos en travaillant. Toutefois, il a dit qu’il cherchait du travail au Canada même s’il recevait des prestations de maladie. Il a ajouté que même s’il était inscrit à un programme d’études aux États-Unis, ses cours étaient en ligne.
[27] J’ai demandé à l’appelant quand il prévoyait de commencer à travailler. Il a répondu dès que possible. Il a ajouté que, comme ses cours étaient en ligne, il pouvait retourner au travail.
[28] J’estime que le témoignage de l’appelant est clair, concis et franc. Je n’ai donc aucune raison de douter de quoi que ce soit lorsqu’il dit qu’il cherchait du travail même s’il avait une blessure au dos et qu’il était aux études. Je suis donc convaincue qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[29] L’appelant a démontré qu’il aurait fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.
[30] Comme il était incapable de travailler et qu’il recevait des prestations de maladie, l’appelant n’aurait pas eu à prouver qu’il faisait des démarches pour se trouver un emploi. Mais comme je l’ai mentionné, l’appelant a déclaré qu’il cherchait du travail au Canada même s’il était malade et aux États-Unis. J’estime donc qu’il aurait fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable même s’il était à l’étranger et aux études.
Limiter indûment ses chances de retourner travailler
[31] L’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.
[32] L’appelant a déclaré qu’il cherchait du travail même s’il était aux études. Et malgré son programme d’études à l’extérieur du Canada, il a dit que s’il avait trouvé un emploi, il l’aurait accepté et serait revenu au pays.
[33] Je n’ai aucune raison de douter du témoignage de l’appelant. Comme il était aux États-Unis, je considère qu’il aurait raisonnablement pu revenir rapidement au Canada pour accepter un emploi. Et je ne trouve pas que ses études en ligne étaient un obstacle. Je conclus donc que ses études à l’étranger n’étaient pas une condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.
Alors, l’appelant aurait-il été disponible pour travailler?
[34] Selon mes conclusions sur les trois éléments à examiner, je considère que l’appelant a démontré qu’il aurait été disponible pour travailler.
[35] Sans sa maladie, l’appelant aurait satisfait aux exigences des trois éléments.
L’appelant doit-il rembourser le trop-payé?
[36] Oui, l’appelant doit rembourser le trop-payé.
[37] La loi prévoit qu’une personne qui touche des prestations auxquelles elle n’est pas admissible est tenue de les rembourserNote de bas de page 10.
[38] Comme l’appelant n’a pas déclaré qu’il était à l’étranger, il a reçu des prestations de maladie auxquelles il n’était pas admissible. Par conséquent, un trop-payé de 7 330 $ a été établi.
[39] L’appelant a déclaré qu’il ne connaissait pas bien le processus d’assurance-emploi. Il a dit que c’était une erreur de ne pas avoir déclaré qu’il était à l’étranger. Il a ajouté qu’il éprouve des difficultés financières parce que son épouse a une invalidité de longue durée. Il demande donc au Tribunal de la sécurité sociale d’annuler sa dette.
[40] La Commission a affirmé que la responsabilité de l’appelant de rembourser le trop-payé ne relève pas de sa compétence.
[41] En réponse à la demande de l’appelant, je ne peux pas annuler le trop-payé. Je peux seulement vérifier si la Commission l’a bien calculé. Mais ce n’est pas ce que l’appelant demande.
[42] La Commission peut décider d’annuler un trop-payé dans certaines situations, par exemple si le remboursement causerait un préjudice abusif à la personne. L’appelant peut demander à la Commission d’annuler le trop-payé. Il peut aussi discuter de modalités de remboursement avec l’Agence du revenu du Canada.
[43] Comme j’ai établi que l’appelant n’était pas admissible aux prestations qu’il a reçues pendant qu’il était à l’étranger, je conclus qu’il doit rembourser le trop-payé. Même si je suis sensible à sa situation, je ne peux pas changer la loi Note de bas de page 11.
Conclusion
[44] L’appelant n’a pas démontré qu’il était à l’étranger pour l’une des raisons énumérées dans la loi.
[45] Il a démontré que, sans sa maladie, il aurait été disponible pour travailler au sens de la loi.
[46] L’appelant doit rembourser le trop-payé.
[47] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.