[TRADUCTION]
Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1605
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | A. D. |
Représentante ou représentant : | T. D. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante ou représentant : | Jessica Murdoch |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 12 août 2024 (GE-24-1945) |
Membre du Tribunal : | Glenn Betteridge |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 30 décembre 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-597 |
Sur cette page
Décision
[1] J’accueille l’appel d’A. D.
[2] La division générale a commis une erreur de droit. Je corrige cette erreur en renvoyant l’affaire à la division générale pour réexamen, avec des directives pour qu’elle examine trois questions.
[3] J’encourage fortement A. D. à choisir une audience de vive voix (en personne, par téléconférence ou par vidéoconférence) devant la division générale. Cela pourrait permettre à celle-ci d’obtenir des informations pertinentes pour les questions juridiques qu’elle doit trancher.
Aperçu
[4] A. D. est la prestataire dans cet appel. En mars 2021, son employeur a réduit ses heures de travail et elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Cela s’est produit pendant la pandémie de COVID-19.
[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a versé des prestations en 2021 et en 2022.
[6] La Commission a ensuite réexaminé sa demande. Elle a décidé qu’elle n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant ses études secondaires à temps plein. Elle était en 9e année de mars à juin 2021 et en 10e année de septembre 2021 à février 2022.
[7] La Commission a maintenu sa décision à l’étape de la révision. La prestataire a donc fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel. Elle a conclu qu’elle n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. De plus, elle n’avait pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi en répondant aux trois éléments de la décision Faucher.
[8] La prestataire soutient maintenant que la division générale a commis une erreur de droit et des erreurs de fait importantes. Elle dit que je devrais rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. Elle soutient avoir prouvé qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle n’était donc pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[9] La Commission affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur. Elle me demande de rejeter l’appel.
Questions en litige
[10] Je dois trancher les deux questions suivantes :
- La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne décidant pas clairement ce qui constituait un emploi convenable pour la prestataire?
- Dans l’affirmative, comment dois-je corriger cette erreur?
Analyse
[11] Le rôle de la division d’appel est différent de celui de la division générale. La loi m’autorise à intervenir et à corriger une erreur de la division générale si elle n’a pas assuré l’équité du processus ou si elle a commis une erreur de droit, une erreur de compétence ou une erreur de fait importanteNote de bas page 1.
La division générale a commis une erreur de droit en ne décidant pas clairement ce qui constituait un emploi convenable pour la prestataire
[12] La notion d’emploi convenable fait partie du critère juridique de la disponibilité prévu à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle figure aussi dans les éléments de la décision Faucher utilisés pour établir la disponibilité d’une personne au titre de cet article. Les tribunaux l’ont également incluse dans la présomption de non-disponibilité qui s’applique aux personnes aux études à temps plein qui suivent une formation ou un cours vers lesquels elles n’ont pas été dirigées.
[13] Cela ne veut pas dire que la notion d’emploi convenable est toujours en cause dans un appel en matière de disponibilité. En d’autres termes, la division générale n’a pas toujours à examiner ce qui constitue un emploi convenable pour une personne.
[14] Il s’agissait toutefois d’une question en litige dans cet appel. La preuve et les arguments des parties montrent qu’elles n’étaient pas d’accord sur ce qui constituait un emploi convenable pour la prestataire.
[15] La prestataire a soutenu qu’un emploi convenable était un emploi à temps partiel. Or, la Commission a déclaré qu’elle devrait chercher un emploi à temps plein pour démontrer qu’elle était disponible pour travailler. Et elle lui a demandé à plusieurs reprises si elle était prête à abandonner ses études pour travailler à temps plein.
[16] Ce qui constitue un emploi convenable pour une personne dépend de sa situation. La Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi donnent des indications sur les types d’emploi qui sont convenables ou nonNote de bas page 2. Ces articles expliquent qu’un emploi convenable pour une personne dépend de son occupation ordinaire avant qu’elle ne demande des prestations d’assurance-emploi, y compris son taux de rémunération, ses conditions de travail et sa situation personnelle. De plus, ces articles précisent que ce qui est considéré comme un emploi convenable pour une personne peut changer à mesure que sa période de chômage se prolongeNote de bas page 3.
[17] La Cour d’appel fédérale a récemment souligné que le régime d’assurance‑emploi définit l’admissibilité d’une personne par rapport à l’emploi qu’elle occupait avant de le perdreNote de bas page 4. De plus, le fait de permettre aux étudiantes et étudiants qui se trouvent dans des circonstances exceptionnelles de toucher des prestations d’assurance-emploi est conforme au régime d’assurance-emploi qui les oblige à verser des cotisations sur le salaire qu’elles tirent d’un emploi à temps partielNote de bas page 5.
[18] La division générale n’a pas tiré de conclusion sur ce qui constituait un emploi convenable pour la prestataire. Elle n’a pas non plus abordé franchement la question. Elle a utilisé alternativement un emploi temps partiel et un emploi à temps plein dans son analyse juridique de la présomption de non-disponibilité et des éléments de la décision FaucherNote de bas page 6. La division générale semble reconnaître que la prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations parce qu’elle avait déjà travaillé à temps partiel la fin de semaine. Cependant, elle semble également accepter l’argument de la Commission selon lequel la prestataire devait prouver qu’elle était disponible pour travailler à temps plein.
[19] Cela me montre que la division générale a commis une erreur de droit.
[20] Il s’agit d’une erreur de droit parce que les motifs de la division générale ne sont pas clairs quant à ce qui constitue un emploi convenable pour la prestataire. En d’autres termes, ils sont insuffisants. Il s’agit également d’une erreur de droit parce que la division générale n’a pas tranché la question. Elle devait la trancher pour décider si la prestataire était disponible au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, c’est-à-dire pour décider si elle avait réfuté la présomption de non-disponibilité et si elle était inadmissible au bénéfice des prestations au titre de l’article 18(1)(a).
Corriger l’erreur en renvoyant l’affaire à la division générale
[21] Comme j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, la loi me donne le pouvoir de la corrigerNote de bas page 7.
[22] La prestataire m’a demandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Malheureusement pour elle, je n’ai pas les renseignements dont j’ai besoin pour trancher les questions juridiques soulevées dans son appel.
[23] Je ne peux pas décider valablement de ce qui constitue un emploi convenable pour la prestataire. Il y a peu ou pas d’éléments de preuve pertinents au sujet de l’emploi que je dois prendre en compte pour évaluer son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Il n’y a pas de relevé d’emploi et son témoignage sur ses heures de travail et son salaire horaire est vague et contradictoire. La prestataire a continué à travailler pour son employeur habituel (ou est retournée travailler pour lui) et ses heures ont varié d’une semaine à l’autre.
[24] Il est possible que la prestataire ait occupé un emploi convenable tout en étudiant pendant les semaines visées par sa demande. Juridiquement, si elle occupait un emploi convenable, elle n’aurait pas à démontrer qu’elle était disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 8.
[25] De plus, il y a peu ou pas d’éléments de preuve concernant la question de savoir si la prestataire a déjà travaillé tout en étudiant à temps plein. Ces éléments de preuve sont pertinents pour établir si elle peut réfuter la présomption selon laquelle les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler.
[26] L’audience de la division générale s’est déroulée par écrit. La division générale a écrit à la prestataire et lui a posé des questions. Certaines questions portaient sur ses antécédents professionnels et visaient à savoir si elle avait déjà travaillé tout en étudiant à temps pleinNote de bas page 9.
[27] Les réponses de la prestataire au sujet de ses heures de travail et de son salaire étaient vagues. Elle a mélangé les périodes où elle étudiait et celles où elle n’étudiait pas. Elle a également écrit qu’elle n’avait plus l’information requise.
[28] Comme l’audience s’est déroulée par écrit, la division générale et la prestataire n’ont pas clarifié les éléments de preuve sur ces questions.
[29] Je renvoie le dossier de la prestataire à la division générale pour réexamen. Je vais également me servir de mon pouvoir pour donner des directives à la division générale.
Directives à la division générale
[30] La division générale doit examiner et trancher les trois questions suivantes :
- La prestataire a-t-elle démontré qu’elle a subi un arrêt de rémunération? Pour établir une période de prestations, la prestataire doit démontrer qu’elle a subi un arrêt de rémunération au sens des articles 2(1) et 7(2)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’article 14(1) du Règlement sur l’assurance-emploi. Le dossier de la division générale comprend des éléments de preuve contradictoires au sujet de la rémunération de la prestataire à la fin de février et au début de mars 2021, à peu près au moment où elle a demandé des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 10.
- Qu’est-ce qui constituait un emploi convenable pour la prestataire?
- La prestataire a-t-elle occupé un emploi convenable pendant certaines semaines de sa période de prestations? Autrement dit, y a-t-il des semaines où elle n’avait pas à prouver qu’elle était disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi? Les semaines pertinentes sont celles du 1er mars 2021 au 28 juin 2021 et du 7 septembre au 11 février 2022.
[31] La division générale peut examiner et trancher toute autre question soulevée par la prestataire dans son appel de la décision de révision de la Commission.
Conclusion
[32] La division générale a commis une erreur de droit. Je corrige cette erreur en renvoyant lui renvoyant l’affaire pour réexamen avec des directives.