[TRADUCTION]
Citation : CS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 147
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | C. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (700807) datée du 17 décembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Angela Ryan Bourgeois |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 24 janvier 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 7 février 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-85 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. La division générale n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. En d’autres mots, il n’a pas fourni d’explication acceptable selon la loi. Par conséquent, ses demandes ne peuvent pas être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.
Aperçu
[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, une personne doit en demander pour chaque semaine durant laquelle elle n’a pas travaillé et pour laquelle elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 1. Ainsi, la personne doit soumettre des déclarations à la Commission de l’assurance-emploi du Canada toutes les deux semaines. Le plus souvent, les demandes sont faites en ligne. Il y a des délais à respecterNote de bas de page 2.
[4] L’appelant a établi une période de prestations pour des prestations régulières d’assurance-emploi en décembre 2019. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi pour deux semaines en juillet 2020. Il souhaite maintenant demander des prestations supplémentaires qui remontent au 22 mars 2020.
[5] Pour ce faire, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard.
[6] La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas de motif valable et a refusé sa demande. Elle affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable, car il n’a pas démontré qu’il existait des circonstances exceptionnelles entre le début de 2023 et août 2024 qui l’auraient empêché de faire valoir ses droits auprès de la CommissionNote de bas de page 3.
[7] L’appelant n’est pas d’accord. L’appelant a demandé et reçu la Prestation canadienne d’urgence en vertu de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence. Comme il recevait cette Prestation canadienne d’urgence, il n’a pas demandé de prestations régulières d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’il soit mis à pied en juillet 2020. On lui demande maintenant de rembourser les versements de la Prestation canadienne d’urgence. Il dit avoir droit aux prestations régulières d’assurance-emploi qu’il aurait demandées en 2020 s’il n’avait pas reçu la Prestation canadienne d’urgence.
Question en litige
[8] L’appelant avait-il un motif valable justifiant son retard à demander des prestations régulières d’assurance-emploi?
Analyse
[9] L’appelant souhaite que ses demandes de prestations régulières d’assurance-emploi soient traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt, soit le 22 mars 2020. C’est ce que l’on appelle « antidater » des demandes.
[10] Pour qu’une demande soit antidatée, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écouléeNote de bas de page 4. Il doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.
[11] De plus, pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.
[12] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 6. Cela veut dire que l’appelant doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 7.
[13] L’appelant doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période écouléeNote de bas de page 8. Cette période s’étend de la date à laquelle il veut que sa demande soit antidatée jusqu’à la date à laquelle il a réellement présenté cette demande. Comme le système ne permettait pas à l’appelant de faire une demande, le retard prend fin le jour où il a demandé une antidatation à la Commission. Ainsi, pour l’appelant, la période du retard s’étend du 22 mars 2020 au 19 août 2024Note de bas de page 9.
[14] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Il croyait avoir droit à la Prestation canadienne d’urgence, donc il n’a pas demandé de prestations régulières d’assurance-emploi, sachant qu’il ne pouvait pas recevoir les deux. Il sait maintenant qu’il n’avait pas droit à la Prestation canadienne d’urgence et aimerait recevoir les prestations d’assurance-emploi auxquelles il avait droit à ce moment-là.
[15] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Elle explique qu’au début de 2023, l’appelant a appris la décision de l’Agence du revenu du Canada selon laquelle il n’avait pas droit à la Prestation canadienne d’urgence, mais il n’a pas communiqué avec la Commission avant août 2024. Elle affirme qu’en attendant si longtemps de communiquer avec la Commission, il n’a pas agi comme une personne soucieuse de s’informer de ses droitsNote de bas de page 10.
[16] L’appelant avait un motif valable pour une partie du retard, en raison de circonstances exceptionnelles. En 2020, de nombreuses personnes étaient confuses quant à leur droit aux prestations. Il y avait une confusion sur les prestations elles-mêmes, car deux types de prestations portaient le nom de prestation d’urgence. Parfois, il était difficile d’obtenir des renseignements et des conseils en raison de la forte demande. Ces circonstances exceptionnelles expliquent une partie du retard, mais pas la totalité.
[17] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écoulée, soit du 22 mars 2020 au 19 août 2024.
[18] J’estime que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard entre le 22 mars 2020, date à laquelle il souhaite que sa demande soit antidatée, et le 19 juillet 2020. En effet, l’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi pour les semaines du 19 juillet 2020 et du 26 juillet 2020. Puisque rien ne l’a empêché de demander des prestations d’assurance-emploi pour ces semaines, il est probable que rien ne l’aurait empêché d’en demander à compter du 22 mars 2020.
[19] J’ai pris en compte les explications de l’appelant. Il a reçu la Prestation canadienne d’urgence pendant la période pertinente. Il estimait qu’il valait mieux recevoir la Prestation canadienne d’urgence, car il ne savait pas combien de temps la pandémie allait durer et il voulait s’assurer de ne pas manquer l’occasion de demander la Prestation canadienne d’urgence.
[20] Toutefois, le devoir de prudence qu’ont les prestataires de déterminer leur droit aux prestations et de s’assurer de leurs droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est à la fois « sévère et strictNote de bas de page 11 ».
[21] L’appelant n’a pas satisfait à ce devoir sévère et strict, car il n’a pas démontré qu’il avait fait des efforts pour déterminer son droit aux prestations d’assurance-emploi entre le 22 mars 2020 et le 18 juillet 2020Note de bas de page 12. Le fait de ne pas savoir qu’il avait droit aux prestations ne suffit pas pour établir un motif valableNote de bas de page 13.
[22] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard du 9 mai 2024 au 19 août 2024.
[23] L’appelant a demandé une troisième révision de son droit à la Prestation canadienne d’urgence au début de 2024. Il a reçu la réponse de l’Agence du revenu du Canada le 9 mai 2024Note de bas de page 14. Il a envisagé de poursuivre le dossier, mais a ensuite décidé de demander des prestations d’assurance-emploi à Service Canada. La preuve montre que le premier appel téléphonique à Service Canada a eu lieu le 19 août 2024Note de bas de page 15.
[24] Je comprends que l’appelant ne voulait pas [traduction] « un avantage double » et qu’il voulait éviter de se retrouver dans une situation où il aurait à rembourser des prestations. Cependant, il n’a pas démontré qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations d’assurance-emploi après avoir reçu les résultats de sa troisième révision. Après un retard de plus de quatre ans, il a retardé de trois mois supplémentaires. Une personne raisonnable et prudente aurait, à tout le moins, communiqué avec Service Canada au sujet de son droit dès qu’elle aurait reçu les résultats de la troisième révision. L’appelant ne l’a pas fait. Il a attendu encore trois mois. De plus, il est plus probable qu’improbable qu’une personne prudente aurait communiqué avec Service Canada en 2023, lorsqu’elle aurait appris pour la première fois qu’elle n’avait peut-être pas droit à la Prestation canadienne d’urgence qu’elle avait reçue.
[25] Je comprends que le remboursement des versements de la Prestation canadienne d’urgence signifie qu’il n’aura reçu aucune prestation pour certains des mois où il était sans emploi en 2020. Cependant, cela n’est pas un motif valable justifiant son retard.
[26] L’appelant n’a pas démontré qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente pendant toute la période écoulée, et il n’y a pas de circonstances exceptionnelles pour expliquer l’ensemble du retard. L’appelant n’a donc pas démontré qu’il avait un motif valable pour toute la période écoulée.
Conclusion
[27] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de ses demandes de prestations pendant toute la période écoulée. Par conséquent, ses demandes ne peuvent pas être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.
[28] L’appel est rejeté.