[TRADUCTION]
Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 149
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. B. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (704441) datée du 6 décembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Ranjit Dhaliwal |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 3 janvier 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 28 janvier 2025 |
Numéro de dossier : | GE-24-4001 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli en partie. J’estime que l’appelant a quitté son emploi sans justification et qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.
[2] Toutefois, j’estime également que l’appelant cherchait un emploi et qu’il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pour cette raison.
Aperçu
[3] L’appelant a quitté son emploi en Alberta le 24 octobre 2024 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission a décidé qu’il avait démissionné sans justification et qu’il n’était pas disponible pour travailler.
[4] L’appelant affirme qu’il devait retourner en Ontario pour une réunion de probation et des rendez-vous médicaux. Il croyait aussi que son contrat prendrait fin en octobre 2024, date de son embauche.
[5] L’appelant soutient qu’il avait accepté cet emploi en raison d’un contrat verbal selon lequel il serait mis à pied en octobre 2024. Il a été surpris lorsque l’employeur lui a demandé de continuer à travailler jusqu’à la mi-décembre 2024.
[6] Lorsqu’il est retourné en Ontario, l’appelant a inscrit son nom sur la liste du bureau d’embauche syndicale et a cherché du travail.
[7] La Commission affirme que l’appelant avait d’autres options au lieu de démissionner. Elle ajoute qu’il ne cherchait pas vraiment du travail puisqu’il s’est surtout fié à la liste syndicale.
Questions en litige
[8] L’appelant a-t-il quitté son emploi sans justification?
[9] L’appelant cherchait-il un emploi?
Analyse
Question 1 : L’appelant a-t-il démissionné sans justification?
Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi
[10] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant reconnaît qu’il a quitté son emploi le 24 octobre 2024. Je n’ai trouvé aucune preuve du contraire.
[11] L’appelant avait demandé à être mis à pied, mais son employeur a refusé. Au lieu de rester en poste, il a démissionné pour se rendre à sa réunion de probation et à ses rendez-vous médicaux.
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi
[12] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.
[13] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.
[14] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable d’après toutes les circonstancesNote de bas de page 2.
[15] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances de son départ.
[16] Selon la loi, les parties prestataires doivent démontrer qu’ils n’avaient aucune autre solution raisonnable que de démissionner.
[17] J’estime que l’appelant avait d’autres options. Il aurait pu demander un congé temporaire au lieu de démissionner. Si un congé lui avait été refusé, il aurait dû continuer à travailler jusqu’à la mi-décembre 2024, comme le souhaitait son employeur. S’il devait absolument revenir pour une réunion de probation, il aurait dû le faire, quel que soit le coût du voyage.
[18] L’appelant affirme qu’il lui aurait coûté très cher de retourner chez lui seulement pour sa réunion de probation.
[19] Toutefois, même si les frais de déplacement étaient élevés, il connaissait ses rendez-vous avant d’accepter l’emploi en Alberta et aurait pu mieux planifier sa situation.
[20] La Cour d’appel fédérale a déclaré que démissionner pour des raisons personnelles, lorsque d’autres options sont disponibles, n’est pas considéré comme une justificationNote de bas de page 4.
[21] De plus, l’appelant n’avait pas d’emploi garanti lorsqu’il est retourné en Ontario.
[22] Il a quitté son emploi sans savoir quand il reprendrait le travail, ce qu’il aurait pu éviter en restant jusqu’en décembre.
[23] La Cour d’appel fédérale a également décidé qu’une personne doit essayer toutes les options raisonnables avant de quitter un emploiNote de bas de page 5.
Question 2 : L’appelant cherchait-il un emploi?
[24] Deux articles différents de loi exigent que les parties prestataires démontrent qu’elles sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc satisfaire aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.
[25] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les parties prestataires doivent prouver qu’elles font des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 6. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères pour déterminer ce que signifient ces démarchesNote de bas de page 7. Je vais examiner ces critères ci-dessous.
[26] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9. Je vais examiner ces éléments plus loin.
[27] La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions.
[28] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux dispositions pour voir si l’appelant était réellement disponible pour travailler.
Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi
[29] La loi énonce les critères dont je dois examiner pour décider si les démarches de l’appelant sont habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues dans le temps et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué à chercher un emploi convenable.
[30] Je dois aussi tenir compte des démarches de l’appelant pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi dresse la liste de neuf types d’activités de recherche d’emploi que je dois considérer. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas de page 11 :
- évaluer les possibilités d’emploi;
- rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
- s’inscrire à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois en ligne ou d’agences de placement;
- établir des contacts professionnels (réseautage);
- contacter des employeurs d’embauche.
[31] La Commission affirme que l’appelant n’en a pas fait assez pour trouver un emploi.
[32] L’appelant n’est pas d’accord. Il a inscrit son nom sur la liste du bureau d’embauche syndical dès son retour en Ontario, le 30 octobre 2024Note de bas de page 12.
[33] Il a également fait des recherches d’emploi, pris un emploi de peintre pendant deux semaines en novembre et utilisé des plateformes en ligne comme Indeed.
[34] L’appelant a fourni la preuve que son profil Indeed est à jour avec son curriculum vitae actuelNote de bas de page 13.
[35] De plus, il a pris contact avec des propriétaires d’entreprises locales et des agriculteurs qui pourraient avoir besoin de son aide pour des travaux de peinture.
[36] La jurisprudence a établi que les travailleuses et les travailleurs syndiqués ne doivent pas dépendre seulement de leur bureau syndical pour trouver un emploi sur une longue périodeNote de bas de page 14. Cependant, dans ce cas, il est clair que l’appelant n’a pas seulement compté sur le bureau d’embauche syndical pour obtenir un travail et qu’il a fait des démarches à l’extérieur de son syndicat pour se trouver un emploi.
[37] J’estime que l’appelant voulait travailler et qu’il a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable.
Capable de travailler et disponible pour le faire
[38] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 15 :
- a) Il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible.
- b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
- c) Il n’a pas imposé de conditions personnelles qui auraient indûment (c’est-à-dire excessivement) limité ses chances de retourner au travail.
[39] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de l’appelantNote de bas de page 16.
Vouloir retourner au travail
[40] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible.
[41] Il a inscrit son nom sur la liste du bureau d’embauche syndical dès son retour en Ontario, le 30 octobre 2024.
[42] Il a également cherché du travail, accepté un emploi de peintre de deux semaines en novembre et utilisé des plateformes d’emplois en ligne comme Indeed.
[43] Ces actions montrent qu’il voulait travailler.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[44] Je considère que l’appelant a fait des démarches réelles pour trouver un emploi. Il a :
- a) inscrit son nom au bureau d’embauche syndical;
- b) postulé à des emplois sur Indeed;
- c) accepté un emploi temporaire de peintre;
- d) contacté des entreprises locales pour obtenir des contrats de peinture.
[45] La recherche d’emploi de l’appelant répond à cette norme.
Limiter excessivement ses chances de retourner au travail
[46] La Commission affirme que la recherche d’emploi de l’appelant n’était pas suffisante parce qu’il s’est principalement fié à la liste syndicale.
[47] Cependant, l’appelant a utilisé d’autres méthodes pour chercher un emploi et a également accepté du travail temporaire.
[48] J’estime qu’il ne s’est donc pas limité uniquement au bureau d’embauche syndical.
Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire?
[49] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais qu’il n’a pas pu trouver d’emploi convenable.
Conclusion
[50] Je conclus que l’appelant a quitté son emploi sans justification et qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.
[51] Cependant, je conclus également qu’il cherchait du travail et qu’il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pour cette raison.
[52] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.