Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 151

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. L.
Représentante ou représentant : B. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (538377) datée du 22 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Date de la décision : Le 18 février 2025
Numéro de dossier : GE-24-547

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant n’a pas satisfait aux exigences pour présenter une contestation constitutionnelle. Par conséquent, sa contestation constitutionnelle n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a réparti la pension du Régime de pensions du Canada de l’appelant sur les semaines pendant lesquelles il recevait des prestations d’assurance-emploi. Cependant, les paiements qu’il a reçus au titre de sa pension ont réduit les prestations hebdomadaires auxquelles il avait droit. Comme l’appelant avait déjà reçu des prestations à un taux plus élevé, cela a entraîné un trop-payéNote de bas de page 1.

[3] L’appelant a porté cette décision en appel à la division générale du TribunalNote de bas de page 2. La division générale était d’accord avec la Commission pour dire que la rémunération devait être répartie, mais que la répartition devait commencer à une date ultérieureNote de bas de page 3.

[4] L’appelant a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 4. La division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas commis d’erreur en répartissant la pension du Régime de pension du Canada, mais qu’elle avait agi injustement. En effet, elle a déclaré qu’il était injuste que la division générale rejette sommairement les préoccupations de l’appelant au sujet de la Charte sans lui donner l’occasion de demander des conseils et de présenter une contestation fondée sur la Charte en bonne et due formeNote de bas de page 5.

[5] La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour que l’appelant ait l’occasion de présenter une contestation fondée sur la Charte. Il s’agit de la seule question qui a été renvoyée à la division générale. La division d’appel a confirmé que la contestation doit être présentée à la division générale en bonne et due formeNote de bas de page 6.

Question en litige

[6] Je dois décider si la contestation constitutionnelle de l’appelant satisfait aux exigences de la loi. Autrement dit, l’appelant a-t-il présenté une contestation constitutionnelle en bonne et due forme?

Analyse

[7] Pour que l’appel de l’appelant puisse être traité comme une contestation constitutionnelle, il doit déposer un avis qui comprend les renseignements énoncés à l’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale. C’est ce que j’appelle l’avis de contestation fondée sur la Charte.

[8] L’appelant n’a pas déposé d’avis de contestation fondée sur la Charte. Les renseignements qu’il a déposés ne répondent pas aux exigences énoncées à l’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale. Cela signifie que son appel ne peut pas aller de l’avant à titre de contestation constitutionnelle. Comme la question constitutionnelle est la seule question en litige dans son appel, celui-ci est rejeté.

[9] J’explique ma décision ci-dessous. Cependant, je vais d’abord expliquer ce qui s’est passé depuis que l’appel a été renvoyé à la division générale.

Ce qui s’est passé

[10] L’appel a été renvoyé à la division générale le 31 janvier 2024.

[11] Dans une lettre datée du 26 février 2024, le membre du Tribunal a expliqué les exigences relatives à la présentation d’une contestation constitutionnelleNote de bas de page 7. La lettre était accompagnée d’un formulaire d’avis de contestation fondée sur la Charte et d’une fiche d’information sur la façon de contester la Charte au Tribunal. L’appelant a eu jusqu’au 25 mars 2024 pour déposer l’avis.

[12] Comme aucun avis n’a été reçu, la division générale a programmé des conférences préparatoires en date du 18 avril 2024, du 14 mai 2024 et du 26 juin 2024Note de bas de page 8. Cependant, il a été difficile de faire parvenir les invitations à l’appelant, ce qui a empêché la représentante de l’appelant d’y participer en raison du préavis trop court.

[13] Comme nous n’avons pas pu nous entretenir dans le cadre d’une conférence préparatoire, j’ai envoyé une lettre à l’appelant. Cette lettre, datée du 27 juin 2024, indiquait ce que l’appelant devait fournir pour que son appel soit traité comme une contestation fondée sur la CharteNote de bas de page 9. La lettre précisait qu’il devait déposer un avis de contestation fondée sur la Charte au plus tard le 30 août 2024Note de bas de page 10.

[14] J’ai organisé une autre conférence préparatoire en date du 12 août 2024Note de bas de page 11. La représentante de l’appelant y a assisté. Nous avons alors discuté de l’avis de la contestation fondée sur la Charte et des prochaines étapes. À sa demande, j’ai reporté au 4 octobre 2024 la date limite pour déposer l’avisNote de bas de page 12.

[15] Le 1er octobre 2024, l’appelant a demandé une nouvelle prolongationNote de bas de page 13. Il a expliqué qu’il essayait de rencontrer sa députée, afin qu’elle puisse le représenter dans cette affaire.

[16] Le 3 octobre 2024, j’ai accepté de donner à l’appelant plus de temps pour déposer son avis de contestation fondée sur la Charte. J’ai reporté la date limite au 18 novembre 2024Note de bas de page 14.

[17] Le 21 novembre 2024, la représentante de l’appelant a écrit qu’ils essayaient toujours de rencontrer la députée pour obtenir de l’aide dans le cadre de l’appelNote de bas de page 15.

[18] Le 5 décembre 2024, j’ai accepté d’accorder à l’appelant une autre prolongation jusqu’au 5 février 2025Note de bas de page 16. Je lui ai cependant expliqué que s’il ne respectait pas ce délai, son dossier pourrait être fermé sans autre préavis.

[19] Le 9 décembre 2024, l’appelant a déposé des copies de lettres datées du 6 février 2024 et du 12 mars 2024Note de bas de page 17. Ces lettres comprennent une demande d’annulation en raison de difficultés financières. Le tampon « reçu » apparaissant sur ces lettres montre qu’elles ont également été déposées auprès de Service Canada. L’appelant a aussi inclus des lettres qu’il a envoyées à la division d’appel, datée du 13 mars 2024 et du 15 mars 2024.

[20] La date limite du 5 février 2025 est maintenant dépassée. L’appelant n’a déposé aucun document depuis le 9 décembre 2024. Il n’a pas déposé de formulaire d’avis de contestation fondée sur la Charte non plus.

Ce que la loi exige

[21] L’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit qu’une partie qui veut contester la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi ou de ses règles ou règlements doit déposer un avis auprès du Tribunal.

[22] L’avis doit énoncer les trois éléments suivants :

  • la disposition qui sera contestée;
  • les faits importants invoqués à l’appui de la contestation constitutionnelle;
  • un résumé de l’argument juridique à présenter à l’appui de la contestation constitutionnelleNote de bas de page 18.

[23] Pour aider les prestataires qui veulent déposer une contestation constitutionnelle, le Tribunal a préparé un formulaire, que nous appelons l’avis de contestation fondée sur la Charte. Il n’est pas nécessaire que l’avis soit présenté sous cette forme, mais c’est généralement le cas.

[24] Pour passer aux prochaines étapes d’une contestation constitutionnelle, l’appelant doit déposer un avis qui satisfait aux trois exigencesNote de bas de page 19.

L’appelant ne satisfait pas aux exigences

[25] L’appelant n’a pas déposé de formulaire d’avis de contestation fondée sur la Charte. Cependant, comme il n’est pas nécessaire que l’avis soit présenté sous une forme précise, je vais examiner les autres documents déposés pour voir si les renseignements au dossier d’appel sont suffisants pour satisfaire aux trois exigences.

[26] La première exigence que je vais examiner est celle de savoir si l’appelant a identifié la disposition législative qu’il veut contester.

La disposition qui sera contestée

[27] L’appelant a mentionné pour la première fois une violation constitutionnelle dans les documents qu’il a déposés après l’audience de la division générale sur le fond de son appelNote de bas de page 20. Par la suite, la division d’appel a conclu qu’il n’avait pas présenté une contestation fondée sur la Charte en bonne et due formeNote de bas de page 21. Je vais donc me concentrer sur les documents déposés après la décision de la division d’appel. Il s’agit des documents déposés après que la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale. J’ai reproduit les commentaires antérieurs de l’appelant uniquement dans le but de les replacer en contexte.

[28] À la division générale, l’appelant a écrit : [traduction] « Nous estimons que nos droits garantis par la Charte ont été violés par l’assurance-emploi », et il a cité l’article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 22. Dans cette lettre, l’appelant explique pourquoi il estime avoir été privé de l’accès à la justice.

[29] À la division d’appel, l’appelant a écrit : [traduction] « Nos droits et libertés garantis par la Charte ont été violés, nous n’avons pas été traités équitablementNote de bas de page 23 ». L’appelant a soutenu qu’il incombait à la Commission et au Régime de pension du Canada d’être équitables et d’éduquer le public.

[30] Depuis, l’appelant a réitéré les mêmes sentiments. Il soutient que ses droits garantis par l’article 15 ont été violésNote de bas de page 24. Il affirme qu’il a été traité injustement par l’assurance-emploi et le Régime de pension du Canada, car ces derniers ne l’ont pas informé que sa pension du Régime de pension du Canada pourrait avoir une incidence sur le montant des prestations d’assurance-emploi auquel il aurait droitNote de bas de page 25.

Article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi

[31] Lorsqu’il parle de la violation de ses droits garantis par l’article 15, l’appelant mentionne souvent l’article 56(1)(f)(ii) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 26. J’ai donc examiné si l’appelant avait présenté une contestation constitutionnelle en bonne et due forme relativement à cet article de loi.

[32] La compétence du Tribunal pour examiner les contestations constitutionnelles est limitée aux questions de droit nécessaires pour trancher l’appelNote de bas de page 27. De plus, la Cour suprême du Canada affirme que les tribunaux administratifs, comme le Tribunal, ont le « pouvoir de résoudre les questions constitutionnelles se rapportant aux affaires dont ils sont régulièrement saisisNote de bas de page 28 ».

[33] Je n’ai pas la compétence nécessaire pour rendre des décisions concernant l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi. Voici pourquoi :

  • L’article 112.1 de la Loi sur l’assurance-emploi précise que les décisions de la Commission rendues en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi qui concernent l’annulation de pénalités à payer, de sommes dues ou d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes ne peuvent pas faire l’objet d’une révision au titre de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi.
  • L’article 113 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les décisions rendues en application de l’article 112 peuvent faire l’objet d’un appel au Tribunal. Autrement dit, le Tribunal peut seulement entendre les appels de décisions rendues en application de l’article 112.
  • Comme les décisions qui concernent une annulation ne peuvent pas faire l’objet d’une révision au titre de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi, elles ne peuvent pas faire l’objet d’un appel au Tribunal non plus. Autrement dit, les demandes d’annulation et les décisions qui concernent une annulation ne sont pas des questions qui peuvent être portées devant le Tribunal.

[34] Comme je l’ai expliqué plus haut, la loi précise que je suis seulement autorisé à examiner une contestation constitutionnelle qui est nécessaire pour trancher l’appel et qui est liée aux questions dont je suis dûment saisie.

[35] Je ne peux pas examiner la constitutionnalité de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi, parce que je n’ai pas le pouvoir d’entendre les appels relatifs à l’article 56. En d’autres termes, les contestations constitutionnelles de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi ne peuvent pas être portées devant le Tribunal.

L’appelant n’a mentionné aucun autre article de loi

[36] L’appelant n’a pas fourni de formulaire d’avis et n’a pas précisé quel autre article de la loi viole, selon lui, ses droits garantis par l’article 15Note de bas de page 29.

[37] Je ne peux pas deviner quel article de loi l’appelant veut contester. Il incombe à l’appelant de satisfaire aux exigences énoncées à l’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[38] L’appelant n’a pas satisfait à la première exigence, à savoir énoncer la disposition législative qui sera contestée. Le seul article de loi que l’appelant a mentionné est l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi, mais il ne s’agit pas d’un article de loi qui peut être contesté devant le Tribunal.

[39] Je n’ai pas à examiner si l’appelant a satisfait aux deux autres exigences prévues à l’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale parce qu’il doit satisfaire aux trois exigences pour que sa contestation fondée sur la Charte aille de l’avant.

Conclusion

[40] L’appelant n’a cerné aucune disposition de la loi qu’il peut contester en vertu de l’article 1 du Règlement de 2022 sur le Tribunal de la sécurité sociale, alors il ne satisfait pas aux exigences de cet article de loi.

[41] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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