Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a perdu son emploi. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. Une période de prestations a été établie et il a reçu des prestations.

Ensuite, l’employeur du prestataire a demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) de réviser la demande. La Commission a recueilli des renseignements supplémentaires. Elle a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été congédié en raison de son inconduite. Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale. Elle s’est dite d’accord avec la Commission et a déterminé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il avait été congédié en raison de son inconduite. Le prestataire a alors fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Celle-ci a accueilli l’appel et conclu que la division générale n’avait pas offert un processus équitable au prestataire.

Au début de l’audience, le prestataire a dit à la division générale qu’il était atteint d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). À aucun moment, la division générale n’a demandé au prestataire s’il avait besoin de quoi que ce soit pour participer pleinement au processus d’audience. Aucun renseignement n’a été recueilli pour savoir si le prestataire aurait besoin de mesures d’adaptation pendant l’audience. Il a expliqué à la division d’appel que son TSPT affecte sa façon de parler et sa capacité à rester concentré. La division d’appel a établi que pour veiller à ce que le processus soit équitable, après que le prestataire a divulgué qu’il a un TSPT, la division générale aurait dû prendre des mesures pour s’informer de l’incidence que le processus d’audience pourrait avoir sur lui. Elle aurait aussi pu examiner si une mesure d’adaptation lui permettrait de tenir compte du TSPT du prestataire.

La division d’appel a conclu que la durée de l’audience ne peut pas servir de principe directeur pour savoir si une personne a eu pleinement l’occasion de fournir tous les éléments de preuve pertinents. Si une partie divulgue un problème de santé qui pourrait avoir une incidence sur la façon dont les renseignements sont transmis, il faut réfléchir à ce qui constituerait un processus équitable pour cette personne.

La division d’appel a établi qu’il est impossible de soutenir que le prestataire a eu l’occasion de dire tout ce qu’il avait à dire sur le fond de l’affaire. La division générale a posé plusieurs questions afin d’obtenir l’information qu’elle souhaitait, et ce après avoir dit au prestataire qu’il serait mis en sourdine plus droit de parole. La division générale a posé des questions pertinentes. Elles l’étaient parce qu’elles portaient sur des allégations mises de l’avant par l’employeur concernant la prétendue inconduite du prestataire. Celui-ci a dit que comme son TSPT a été déclenché, il peut devenir désorienté et être incapable de témoigner de manière cohérente. La division générale n’a pas pris le TSPT du prestataire en considération et n’a jamais cherché à savoir s’il avait besoin de mesures d’adaptation.

La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 162

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : G. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : D. Kopitas

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 10 septembre 2024 (GE-24-2686)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 25 février 2025
Numéro de dossier : AD-24-672

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le prestataire n’a pas bénéficié d’une procédure équitable. Il faut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle la juge à nouveau.

Aperçu

[3] G. D. est le prestataire. Il a perdu son emploi. Il a donc demandé des prestations d’assurance-emploi. Une période de prestations a été établie pour lui et il a reçu des prestations.

[4] Par la suite, l’employeur du prestataire a demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada de réviser la demande de prestations. La Commission a recueilli plus de renseignements. Elle a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été congédié pour inconduite.

[5] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle s’est dite d’accord avec la Commission. Elle a affirmé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire a donc fait appel à la division d’appel du Tribunal. J’accueille l’appel. La procédure de la division générale n’était pas équitable envers le prestataire.

Question en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La procédure de la division générale était-elle inéquitable durant l’audience?
  2. b) Si oui, comment faut-il corriger l’erreur?

Analyse

[8] Je peux apporter un changement seulement si la division générale a fait une erreur pertinente. Je peux tenir compte uniquement de certaines erreursNote de bas de page 1. En bref, je peux vérifier si la division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • Elle a fait quelque chose d’injuste.
  • Elle a tranché une question alors qu’elle n’aurait pas dû le faire ou elle n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire.
  • Elle n’a pas suivi la loi ou elle l’a mal interprétée.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[9] Cette affaire portait sur une inconduite, telle que définie par la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire a eu l’impression que la procédure de la division générale n’était pas équitable envers lui.

La procédure de la division générale n’était pas équitable

[10] Quand on parle de procédure équitable, on parle aussi de justice naturelle. Les principes de justice naturelle incluent l’obligation de veiller à ce que les parties aient la possibilité juste et équitable de présenter leurs arguments et le droit d’être entenduesNote de bas de page 2.

[11] Le prestataire a dit à la division générale qu’il a un trouble de stress post-traumatique et que cela a une incidence sur sa façon de communiquerNote de bas de page 3. Pendant l’audience, il a dit à la division générale que ça lui prendrait une semaine pour se remettre de l’audienceNote de bas de page 4.

[12] Le prestataire soutient maintenant que son trouble de stress post-traumatique a empiré quand la membre de la division générale [traduction] « m’a menacé de couper le son de mon micro pendant l’audience, ce qui a beaucoup limité ma capacité de participer pleinement à l’audience et de présenter mes argumentsNote de bas de page 5 ». Selon le prestataire, en faisant cela, la division générale n’a pas assuré l’équité de l’audience.

[13] La division générale a dit au prestataire qu’il fallait terminer l’audience. La membre a aussi dit au prestataire qu’elle couperait son micro s’il ne la laissait pas [traduction] « passer aux dernières étapes » de l’audienceNote de bas de page 6. Le prestataire a répondu qu’il n’avait pas entendu ce qu’elle avait ditNote de bas de page 7.

[14] La Commission ne croit pas qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Elle affirme que l’audience a duré longtemps. Elle dit que la division générale a donné bien assez de temps et de chances au prestataire pour qu’il puisse présenter ses argumentsNote de bas de page 8. La Commission explique que le Tribunal doit s’assurer que l’appel se déroule d’une façon simple, rapide et dans le respect des principes d’équité.

[15] Selon la Cour suprême du Canada, l’obligation d’équité est variable et s’applique selon le casNote de bas de page 9. Mais l’obligation qui prime est l’équité. Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale prévoient que la procédure du Tribunal doit être simple, rapide et équitableNote de bas de page 10. Les Règles précisent aussi que le [traduction] « Tribunal entend les appels de façon à ce que les parties puissent pleinement participer [je souligne] au processus d’appelNote de bas de page 11 ». Le texte est clair : le Tribunal doit s’assurer que l’appel se déroule de façon simple et rapide, mais le processus doit demeurer équitable. Autrement dit, on ne peut pas compromettre l’équité.

[16] Au début de l’audience, le prestataire a dit à la division générale qu’il avait un trouble de stress post-traumatique. La division générale ne lui a jamais demandé s’il avait besoin de quelque chose pour participer convenablement à l’audience. On n’a pas cherché à savoir si le prestataire avait besoin de mesures d’adaptation pour l’audience. Le prestataire a expliqué à la division d’appel que son trouble a des répercussions sur sa façon de parler et sa capacité à rester concentré. Pour veiller à ce que l’audience à la division d’appel soit équitable, j’ai expliqué de vive voix et par écrit comment les choses allaient se dérouler. Si le prestataire s’écartait du sujet, je le ramenais à la question à laquelle il devait répondre. Pour assurer l’équité de la procédure après que le prestataire a parlé de son trouble de stress post-traumatique, la division générale aurait dû tenter de comprendre comment l’audience pouvait affecter le prestataire. Elle aurait aussi pu voir si des mesures d’adaptation permettraient d’atténuer les effets du trouble du prestataire.

[17] Le prestataire affirme que son trouble de stress post-traumatique peut lui faire perdre ses repèresNote de bas de page 12. Il explique que son trouble a été exacerbé après que la membre de la division générale a dit qu’elle couperait son micro. Le prestataire a changé de façon marquée après cet incident. Il a dit à la membre qu’il avait de la difficulté à suivre la conversationNote de bas de page 13.

[18] De plus, après l’audience, la division générale a refusé d’accepter les autres documents envoyés par le prestataireNote de bas de page 14. Elle n’a pas expliqué si elle avait tenu compte de l’article 42 des Règles. L’article 42(2) prévoit que le Tribunal tiendra compte de tout facteur pertinent au moment de décider d’accepter ou non les éléments de preuve déposés en retard. On ne sait pas trop si la division générale a tenu compte des facteurs indiqués. On ne sait pas non plus si l’une ou l’autre des observations présentées en retard avait un lien avec ce que le prestataire essayait de dire pendant l’audience de la division générale. Ce point se rapporte à la question de savoir si le prestataire a bénéficié d’une procédure équitable. Le prestataire essayait peut-être de terminer ce qu’il avait essayé de dire pendant l’audience.

[19] La durée de l’audience ne peut pas servir de principe directeur pour savoir si une personne a eu toutes les chances de présenter les éléments de preuve pertinents. Si une partie dit avoir un problème de santé qui pourrait changer sa façon de transmettre l’information, il faut se demander quelle marche à suivre serait équitable pour cette personne. Par exemple, l’audience pourrait inclure des pauses ou on pourrait prendre toute autre mesure d’adaptation qui conviendrait à la partie.

[20] Dans le présent dossier, on ne peut pas dire que le prestataire a eu l’occasion de dire tout ce qu’il devait dire au sujet du bien-fondé de l’affaire. La division générale a posé plusieurs questions sur des choses qu’elle devait savoir, après avoir dit au prestataire que son micro serait coupéNote de bas de page 15. La division générale a posé des questions pertinentes. Elles étaient pertinentes parce qu’elles portaient sur les allégations de l’employeur au sujet de la prétendue inconduite du prestataire. Le prestataire affirme que le déclenchement de son trouble de stress post-traumatique a pu lui faire perdre ses repères et l’empêcher de livrer un témoignage cohérentNote de bas de page 16. La division générale n’a pas tenu compte du trouble du prestataire et elle n’a jamais cherché à savoir s’il avait besoin de mesures d’adaptation.

[21] Le prestataire dit que son trouble de stress post-traumatique a été déclenché pendant l’audience. Il affirme que cela a affecté son comportement et sa capacité à participer convenablement à l’audience. Il s’est écarté du sujet pendant l’audience. Mais si la division générale avait tenté de comprendre les répercussions du trouble de stress post-traumatique du prestataire, elle aurait peut-être su comment répondre aux besoins du prestataire. Si elle l’avait fait, le prestataire aurait peut-être pu participer pleinement à l’audience. La division générale aurait aussi pu appliquer les principes de la prise de décision active pour veiller à ce que le prestataire comprenne mieux l’objectif de l’audience et les choses qu’elle devait savoir.

Réparation

[22] J’ai jugé qu’une erreur est survenue. Je peux donc y remédier (la corriger) principalement de deux façons. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi lui renvoyer l’affaireNote de bas de page 17.

[23] Après avoir demandé à la division d’appel que la procédure se déroule par écrit, le prestataire lui a aussi demandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[24] J’ai conclu que la procédure n’était pas équitable envers le prestataire. J’accepte sa position, soit qu’il n’a pas pu participer pleinement à l’audience ni présenter tous ses arguments. Comme il affirme que sa participation était incomplète, je juge que la seule solution est de renvoyer l’affaire à la division générale.

[25] Le prestataire doit comprendre que le renvoi de l’affaire à la division générale veut dire qu’il aura une nouvelle audience. Pour que le Tribunal puisse mettre en place les mesures d’adaptation appropriées, il devrait réfléchir à ce qui pourrait l’aider à bien participer à l’audience. Il a l’obligation de contribuer à la sélection des mesures d’adaptation.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

[27] La procédure de la division générale n’était pas équitable envers le prestataire. Il faut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle l’examine à nouveau.

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