[TRADUCTION]
Citation : GD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1687
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | G. D. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision (665604) rendue le 16 juillet 2024 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Ambrosia Varaschin |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 21 août 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 10 septembre 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-2686 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi).
[3] Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.
Aperçu
[4] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a expliqué qu’il l’avait congédié parce qu’il était agressif verbalement envers une entreprise qui lui fournissait des services et que cette tierce partie refusait d’avoir d’autres contacts avec l’appelant. Par conséquent, l’appelant ne pouvait plus remplir l’une de ses principales fonctions.
[5] L’appelant dit qu’il n’a eu aucun comportement inapproprié envers qui que ce soit au travail, pas plus qu’envers la tierce partie fournisseuse de services.
[6] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Question que je dois examiner en premier
J’ai refusé les documents déposés après l’audience
[7] Après l’audience, l’appelant pouvait déposer seulement des éléments de preuve qui portaient sur les incidents impliquant X et Y. Il a tout de même présenté des éléments qui ne portaient pas sur ces deux questions. On a avisé l’appelant qu’aucun autre élément de preuve ne serait acceptéNote de bas de page 2. Il a envoyé des documents après qu’on lui a dit que l’audience était terminée, alors les documents ont été rejetés.
Question en litige
[8] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?
Analyse
[9] Pour savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle il a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.
Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
[10] L’appelant a perdu son emploi parce qu’on lui a interdit tout accès à la tierce partie qui s’occupe de préparer la paie pour l’employeur. En conséquence, l’appelant ne pouvait plus remplir ses obligations envers son employeur, qui l’a congédié.
[11] L’appelant et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi. Selon la Commission, la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. Ce dernier a dit à la Commission qu’il avait reçu une lettre de l’entreprise qui s’occupe de la paie. L’entreprise accusait [l’appelant] d’être régulièrement harcelant et agressif envers son personnel. L’entreprise refusait donc de travailler avec lui à l’avenir. Elle voulait aussi que l’employeur coupe les liens avec l’appelant. L’employeur a expliqué que, comme il aurait dû lui retirer toutes les tâches relatives à la paie, qui faisaient partie de son travail, il devait mettre fin à son emploi.
[12] L’appelant n’est pas d’accord. Il a soulevé diverses raisons pour expliquer son congédiement. Au début, il affirmait avoir été congédié parce qu’il n’arrivait pas à accomplir ses tâches et fonctions dans le délai fixé par son employeur. Il dit que ce n’était pas sa faute, car l’employeur avait pris de l’expansion plus rapidement que prévu. Il avait donc du mal à payer ses factures à temps et refusait d’apporter les changements qui auraient aidé l’appelant à répondre aux attentes.
[13] Je conclus que l’appelant a été congédié parce que l’entreprise qui s’occupait de la paie lui a retiré ses droits d’accès et refusait d’interagir avec lui. L’employeur a dit ceci à la Commission : [traduction] « La goutte d’eau qui a fait déborder le vase était la lettre de l’entreprise qui fait la paie. Elle refusait de travailler avec [lui] parce qu’il avait un comportement agressif et racisteNote de bas de page 3. » L’appelant a expliqué qu’il a commencé à avoir des problèmes avec cette entreprise le 4 janvier 2024. La situation a duré quelques semaines. La lettre envoyée par l’entreprise ne comporte aucune date, mais elle demande à l’employeur de respecter ses volontés au plus tard le 12 février 2024Note de bas de page 4. Elle a donc été rédigée après les échanges de l’appelant avec l’entreprise. Si la lettre a été envoyée à l’employeur le 22 janvier, ce dernier aurait eu trois semaines pour s’y conformer, ce qui est généreux, mais non déraisonnable.
[14] Même si l’employeur a reconnu que l’appelant avait des problèmes de rendement et d’assiduité, il a souligné que ce n’était pas la raison de son congédiement. Il a été congédié parce que sa personnalité agressive et hostile posait problème. L’incident déclencheur a été la perte de ses accès et l’interdiction de communiquer avec les services de paie.
Qu’est-ce qu’une inconduite au sens de la loi?
[15] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Il peut aussi y avoir inconduite quand le comportement est si insouciant qu’il est presque délibéréNote de bas de page 6. Ainsi, même en l’absence de toute intention coupable (c’est-à-dire même si l’on ne veut rien faire de mal), un comportement peut quand même être considéré comme une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.
[16] Pour qu’il y ait inconduite, la loi dit que l’appelant devait savoir ou aurait dû savoir que la possibilité de perdre son emploi en raison de sa conduite était bien réelle ou que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeurNote de bas de page 8.
[17] La Commission doit prouver selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la perte de l’emploi est due à l’inconduiteNote de bas de page 9.
[18] Comme l’inconduite fait exception à la règle générale, qui veut que les personnes admissibles aient droit aux prestations, l’interprétation qu’on en fait doit être rigoureuse. L’exclusion prévue par la Loi punit les prestataires qui perdent leur emploi après avoir commis une fauteNote de bas de page 10. Une conclusion d’inconduite entraîne la perte de toutes les heures accumulées dans le cadre de l’emploi assurable que les prestataires ont perdu. C’est une conséquence très grave. C’est pourquoi le fardeau de la preuve, qui appartient à la Commission, est élevé.
[19] La Commission doit prouver qu’il y a eu inconduite à l’aide d’éléments de preuve clairs et de faits qui ont un lien direct avec l’inconduite. Elle ne peut pas faire de suppositions ou d’hypothèses ni se fier à l’avis de l’employeur pour établir l’existence de l’inconduiteNote de bas de page 11.
La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?
[20] La raison pour laquelle l’appelant a été congédié est une inconduite au sens de la loi.
[21] Selon la Commission, l’inconduite est définie comme un comportement délibéré ou intentionnel qui nuit aux intérêts de l’employeur. Cela comprend les gestes qui sont d’une telle insouciance qu’ils sont presque délibérés et ceux qui ne tiennent pas compte des normes de comportement exigées par l’employeur.
[22] Selon la Commission, l’appelant était régulièrement agressif envers le personnel, les fournisseurs et les entreprises partenaires. Il tenait des propos dégradants et peu respectueux. La Commission affirme que l’employeur a averti l’appelant au sujet de son comportement inapproprié et lui a dit qu’il risquait de se faire congédier si cela continuait. Malgré cet avertissement, le comportement de l’appelant ne s’est pas amélioré. La persistance du comportement violent démontre un mépris délibéré des directives et des attentes de son employeur.
[23] Selon l’appelant, il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’a jamais été violent, menaçant, déplacé ou harcelant envers qui que ce soit. Il affirme que toutes les personnes qui se sont plaintes de son comportement ont exagéré, qu’elles [traduction] « en ont fait une montagne » et qu’elles ont induit son employeur en erreur. L’appelant soutient qu’à plusieurs occasions, il obéissait aux ordres directs du propriétaire et qu’en fait, c’est le propriétaire et son épouse qui ont agi de façon violente, harcelante, déplacée et raciste.
[24] Je rejette l’argument de la Commission voulant que l’appelant ait reçu un avertissement au sujet de sa conduite et qu’on lui ait dit qu’il perdrait son emploi si son comportement ne s’améliorait pas. La Commission cite la page GD03-28 en preuve, mais je remarque que ce courriel a été envoyé le 6 février, c’est-à-dire après le congédiement de l’appelant, et que le comportement mentionné s’est produit après son congédiement. L’employeur a déclaré au cours du processus de révision que l’appelant avait été averti que son comportement ne serait pas toléré, mais rien ne le prouve. De plus, cette déclaration semble contredire la position initiale de l’employeur, soit qu’il avait décidé de [traduction] « laisser les choses aller » et qu’il avait [traduction] « essayé de travailler avec lui ».
[25] Je ne retiens aucune des déclarations et aucun des arguments de l’appelant parce que je juge que son témoignage manque totalement de crédibilité.
L’appelant n’est pas crédible
[26] Là où la preuve de l’appelant contredit celle fournie par la Commission et l’employeur, je préfère les déclarations de l’employeur. En termes simples, j’accorde plus de crédibilité aux déclarations de l’employeur compte tenu de l’ensemble de la preuve portée à ma connaissance.
[27] L’appréciation de la crédibilité n’est pas une science exacte. Déterminer la crédibilité d’une personne est « un exercice difficile et délicat qui ne se prête pas toujours à une énonciation complète et précise » de « l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faitsNote de bas de page 12 ».
[28] Il existe tout de même des principes qui peuvent aider à évaluer la crédibilité d’une personneNote de bas de page 13 :
- a) les incohérences dans son témoignage – ce qui inclut le manque de concordance avec ses déclarations antérieures, les divergences entre son témoignage et d’autres éléments de preuve, l’omission ou la présentation sélective des faits et un comportement incohérent;
- b) les contradictions entre la preuve produite par la personne et la preuve de source indépendante;
- c) le caractère plausible ou raisonnable de son témoignage;
- d) sa manière d’être, y compris sa sincérité et sa façon de parler;
- e) tout motif potentiel de vouloir inventer ou manipuler des éléments de preuve ou de vouloir en exagérer ou en minimiser l’importance.
[29] Le témoignage de l’appelant comprenait des déclarations incohérentes et contradictoires ainsi que des divergences importantes par rapport à ce qu’il a déclaré par le passé. Par exemple, il a d’abord dit à la Commission qu’il avait été congédié essentiellement parce qu’il n’était pas la bonne personne pour ce poste et qu’il ne recevait pas l’aide dont il avait besoin de la part de la directionNote de bas de page 14. Ensuite, quand on lui a fait part de la déclaration de l’employeur, l’appelant a dit à la Commission qu’il avait été congédié parce qu’il [traduction] « avait accumulé environ 900 heures supplémentaires et son employeur le harcelait tout le temps à ce sujet vu qu’il avait menacé d’aller devant la commission du travail pour régler çaNote de bas de page 15 ». C’est à partir de ce moment-là que l’appelant revêt les habits de victime et commence à pointer son employeur du doigt comme étant la partie violente et harcelante.
[30] Les déclarations de l’appelant sur les raisons de son congédiement ont continué d’évoluer tout au long du processus de révision. Il a alors dit à la Commission qu’il avait été congédié parce qu’il [traduction] « a téléphoné à l’actionnaire principal pour lui dire que son fils était en train de ruiner son entreprise » et l’actionnaire principal avait répondu qu’il [traduction] « était allé voir un avocat pour savoir comment expulser B. de l’entreprise ». Il a aussi dit que [traduction] « la situation de l’entreprise a commencé à se détériorer encore plus en septembre ou en octobre 2023, quand l’employeur a embauché une personne pour faire les achatsNote de bas de page 16 ». À partir de là, non seulement l’appelant a tenté de dépeindre l’employeur comme étant la partie coupable, mais il a aussi commencé à accuser l’employeur de conduite indécente, y compris de brûler des documents comptables et de lui demander de cacher 500 000 $ de recettes provenant de la TPSNote de bas de page 17. Il a ajouté qu’il avait porté plainte contre l’employeur et qu’il parlait avec la police au sujet des activités illégales. En revanche, l’employeur a dit à la Commission avoir porté plainte pour un vol de plus de 5 000 $ parce que le nouveau comptable avait découvert que l’appelant avait détourné des fonds de l’entreprise vers ses comptes personnelsNote de bas de page 18.
[31] À l’audience, la position de l’appelant sur les raisons de son congédiement a changé. Il avançait maintenant qu’il avait été [traduction] « traumatisé et torturé psychologiquement » par son employeur, ce qui l’a conduit [traduction] « à [se] comporter comme jamais [il] ne l’aurai[t] fait auparavant ». Il a ajouté que son patron était directement à l’origine d’une bonne partie de son comportement. Cependant, quand il a su qu’il devrait présenter les preuves médicales appropriées pour appuyer ses affirmations selon lesquelles ses accès de colère étaient causés par le stress, il n’était pas en pleine possession de ses moyens et il avait des symptômes de trouble de stress post-traumatique, l’appelant est revenu à ce qu’il disait avant, soit qu’il n’avait jamais eu de comportement déplacé envers qui que ce soit.
[32] À mon avis, la crédibilité de l’appelant est sérieusement entachée quand il prétend une chose avant de dire le contraire. C’est d’autant plus vrai quand cela se produit au bout d’une série d’explications sorties de nulle part sur les raisons de son congédiement.
[33] Durant son témoignage, l’appelant a dit qu’il [traduction] « déteste les conflits ». Il a expliqué que [traduction] « je ne crie pas, je lève le ton » et « j’ai l’air de crier, mais j’ai juste changé de ton ». Je ne suis pas sûre de comprendre l’idée que l’appelant se fait de quelqu’un qui crie, mais il vient justement de donner la définition même de [traduction] « crier après quelqu’un ». Il a ajouté que hausser le ton et interrompre quelqu’un, ce n’est [traduction] « rien », mais le fait qu’il ait fait une telle chose est [traduction] « épouvantable ». Quant à ses interactions avec l’entreprise de développement de logiciels, l’appelant a expliqué qu’il a agi comme un enfant et a été offensé par ses gestes, mais que son comportement n’était [traduction] « pas très grave ». Ainsi, de son propre aveu, il s’est comporté [traduction] « comme un enfant » et « de façon offensante » et « épouvantable ». Il décrit tout de même ces comportements-là comme étant totalement inoffensifs. Je juge que ces incohérences nuisent à la crédibilité globale de l’appelant.
[34] Certaines parties du témoignage de l’appelant sont invraisemblables et déraisonnables compte tenu des circonstances et de la preuve de source indépendante. Il soutient n’avoir jamais été violent ni harcelant envers qui que ce soit et que tout ce qui est dit à son endroit est faux ou grandement exagéré. Comme preuve, l’appelant a présenté de multiples « témoins de moralité », mais il n’a déposé aucun élément de preuve ni déclaration qui contredit directement les éléments de preuve au dossier ou les allégations formulées contre lui. La preuve montre que l’appelant a des antécédents assez remarquables de comportement déplacé, agressif et violent :
- Le 28 décembre 2023, un employé d’une société qui fabrique des logiciels s’est plaint aux gestionnaires de l’appelant parce qu’il avait eu une discussion animée avec lui au sujet de produits livrables et que les choses s’étaient envenimées au point d’en venir aux jurons et à la violence verbale avant que l’employé raccrocheNote de bas de page 19.
- L’entreprise qui s’occupait de la paie pour l’employeur l’a avisé que l’appelant avait [traduction] « à plusieurs reprises crié et utilisé un langage dégradant et peu respectueux à l’égard de plusieurs personnes de [son] service à la clientèle ». L’appelant a été [traduction] « contacté à maintes reprises par la haute gestion de [Y] pour discuter de son comportement déplacé et de ses commentaires inappropriés. Monsieur [D.] a aussi été averti que tout autre commentaire ou manque de respect ne serait pas toléré. Malheureusement, le comportement perdureNote de bas de page 20. »
- Une collègue de l’appelant a dit à la Commission que l’appelant se plaignait de tout au travail, y compris des gens, presque toutes les heures. Elle a raconté qu’il [traduction] « manque souvent de respect envers les gens et provoque même des conflits avec les autres ». Elle a dit qu’elle avait vu l’appelant faire pleurer l’épouse du propriétaire et que, très souvent, il manquait énormément de respect envers diverses personnesNote de bas de page 21.
- L’employeur a dit à la Commission que la moitié de son personnel ne voulait pas avoir à échanger avec l’appelant parce que les gens le trouvaient arrogant et toujours prêt à argumenter. L’appelant avait haussé le ton en parlant à l’employeur quand il a appris que ce dernier avait demandé à la clientèle des commentaires sur la qualité du travail de l’appelant. L’employeur a expliqué que les gens lui avaient dit que l’appelant était assez brusque et plutôt ignorantNote de bas de page 22.
- L’employeur a dit à la Commission qu’il devait parler à l’appelant de son comportement presque chaque mois et qu’à cause de la conduite de l’appelant, il devait toujours présenter des excuses à ses collègues, à la clientèle ou à un fournisseur de servicesNote de bas de page 23.
- L’employeur a dit à la Commission que l’appelant criait souvent et qu’il traitait les gens d’incompétents, y compris les propriétaires, le personnel et les fournisseurs. L’employeur a déclaré qu’au congédiement de l’appelant, ce dernier a voulu se battre avec l’un des propriétaires, B. L’appelant avait les poings levés et refusait de rendre la clé des locaux. Le propriétaire principal, P. M., avait dû intervenirNote de bas de page 24.
- Environ deux semaines après son congédiement, l’employeur a envoyé une mise en demeure par courriel à l’appelant pour l’intimer d’arrêter de téléphoner aux membres de son personnel pendant les heures de travail [traduction] « pour leur dire des choses déplacées, racistes et grossières ». Le courriel l’avertissait que l’employeur envisageait de porter plainte devant les tribunauxNote de bas de page 25.
- La première agente de la Commission a écrit que l’appelant est devenu très agressif verbalement durant leur conversation et qu’elle a dû lui dire à plusieurs reprises de tempérer sa colère et de faire attention à son langage, sinon elle mettrait fin à l’appel. Plusieurs fois pendant l’entrevue, l’appelant s’est mis à crier après l’agente. Il lui a dit qu’il [traduction] « ne peut même pas parler à [sa] famille parce qu[’il] est trop en colère après ses proches ». À un moment donné, l’appelant a senti que la décision de l’agente ne serait pas en sa faveur, alors il a recommencé à crier, se disant victime de violence de la part de BNote de bas de page 26.
- Durant le processus de révision, peu de temps après le début du premier appel téléphonique, on a dû calmer l’appelant et lui rappeler de bien vouloir se contrôler et améliorer son langageNote de bas de page 27. Même après cet avertissement, l’appelant a dit qu’il en avait [traduction] « crissement assez », qu’il était « tellement en tabarnak qu’il trembl[ait] ». Ensuite, il s’est mis à traiter ses employeurs de [traduction] « câlisses d’enculésNote de bas de page 28 ». Sa [traduction] « tirade » a duré un certain temps. L’appelant a ensuite dit que s’il s’était fait congédier à cause de sa façon d’interagir avec l’entreprise qui s’occupait de la paie, alors [traduction] « il devrait juste tirer sur tout le monde » et « B. mérite la corde ». On l’a averti que l’appel prendrait fin s’il continuait à se comporter de façon aussi alarmante, mais l’appelant a continué à faire des commentaires disant que lui ou quelqu’un d’autre devrait se faire tirer. Il traitait ses collègues et son employeur de tous les noms : [traduction] « crisses de trous de cul de menteurs », « câlisses d’imbéciles », « deux de pique » et « moins que rien sans éducationNote de bas de page 29 ».
- Durant un appel téléphonique, l’agente chargée de la révision cherchait à recueillir les faits et elle a été si perturbée par la conduite de l’appelant qu’elle a décidé de ne pas le rappeler pour discuter de sa décisionNote de bas de page 30.
- Dans le registre téléphonique, en date du 13 août 2024, le personnel du Tribunal a noté que l’appelant [traduction] « a recommencé à déblatérer comme la dernière fois que je lui ai parlé (le 26 juillet, ligne 40078 dans SharePoint) sur la façon dont il s’était “fait f***ré” par tout le monde, à commencer par ses collègues jusqu’au personnel de l’assurance-emploi ».
[35] Même sans les déclarations de l’employeur, il y a de multiples exemples d’un langage, au mieux, déplacé et, dans certains cas, d’un comportement menaçant et très inquiétant. Quand l’appelant dit que toutes les allégations qui le visent sont non fondées, il fait des déclarations qui sont totalement déraisonnables et invraisemblables. On peut difficilement croire que divers fournisseurs de services aient mis leurs sources de revenus en danger en menaçant de résilier des contrats ou en minant leurs relations avec la clientèle en raison de problèmes inventés de toutes pièces à propos de l’appelant. Il est aussi très improbable qu’au moins sept personnes différentes, dont trois travaillent pour le gouvernement du Canada, aient inventé ou exagéré les propos de l’appelant.
[36] La nature même d’un appel devant le Tribunal implique que l’appelant a un intérêt personnel dans l’issue de l’appel. En conséquence, on ne peut pas utiliser cela comme fondement principal pour déterminer sa crédibilité. Toutefois, les répercussions qu’aura l’issue de l’affaire sur l’appelant peuvent donner plus de poids aux conclusions sur la crédibilité. On peut dire la même chose de la façon dont les éléments de preuve font paraître l’appelant ou du rôle joué par l’appelant dans différentes situations ou divers événementsNote de bas de page 31. Dans la présente affaire, l’appelant tente de faire porter le blâme de son comportement à son employeur au lieu d’assumer sa propre responsabilité dans le déroulement des événements. Par exemple, l’appelant affirme qu’il suivait les ordres explicites de son employeur dans ses communications avec le représentant de la société qui fabrique des logiciels. Il va même jusqu’à dire : [traduction] « B. m’a obligé à le faire ». En revanche, il n’a pas dit que son employeur lui avait demandé de jurer, de crier et de proférer des menaces. Sans compter que B. n’était certainement pas debout derrière l’appelant pour le forcer à se comporter de cette façon.
[37] Contrairement aux éléments de preuve présentés par l’appelant, les déclarations de l’employeur ne contiennent aucune incohérence majeure. Elles sont cohérentes entre elles, même si elles proviennent de différentes personnes, et la version des faits qu’elles illustrent est non seulement plausible, mais aussi raisonnable et probable dans un tel contexte de travail. Dans les faits, je ne vois aucun motif qui aurait pu pousser l’employeur à faire une déclaration fausse ou trompeuse à la Commission, car il n’a aucun véritable intérêt dans l’issue de la présente affaire. À l’inverse, l’employeur pourrait être pénalisé s’il fait une déclaration fausse ou trompeuse à la CommissionNote de bas de page 32.
[38] La Cour d’appel de l’Ontario a expliqué que [traduction] « lorsque la norme de preuve repose sur la prépondérance des probabilités, croire la version d’une partie peut en effet vouloir dire ne pas croire la version de l’autre partie. De plus, si la personne qui juge les faits n’explique pas pourquoi elle a écarté le déni plausible des allégations par la partie visée, cela ne rendra pas les motifs insuffisants, pourvu que les motifs démontrent de façon générale que, quand les témoignages de la partie plaignante et de la partie accusée se contredisent, la ou le juge des faits a retenu celui de la partie plaignanteNote de bas de page 33. »
[39] La Cour suprême du Canada a précisé qu’« au civil, lorsque les témoignages sont contradictoires, le juge est appelé à se prononcer sur la véracité du fait allégué selon la prépondérance des probabilités. S’il tient compte de tous les éléments de preuve, sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie. Aussi, croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le demandeur formule des allégations que le défendeur nie en blocNote de bas de page 34. » Elle a aussi affirmé que rien n’oblige une ou un juge des faits à croire ou à rejeter en totalité le témoignage d’une personne. Elle dit qu’on peut croire une partie du témoignage ou ne pas le croire du tout, et on peut donner plus ou moins d’importance aux diverses parties du témoignageNote de bas de page 35.
La Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite
[40] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car le comportement de l’appelant était si déplacé qu’il aurait dû savoir qu’il pouvait perdre son emploi.
[41] Plus précisément, pour les incidents impliquant l’entreprise qui s’occupait des services de paie, la haute direction a communiqué à plusieurs reprises avec l’appelant pour discuter de son comportement et de ses commentaires inappropriés. De plus, il a été avisé que tout autre manque de respect dans ses propos ou sa conduite ne serait pas toléré. Malgré cela, l’appelant a continué à se comporter de façon inappropriée, forçant ainsi l’entreprise à lui retirer ses accès au système et à refuser de communiquer avec lui.
[42] Durant son témoignage, l’appelant a dit qu’il avait perdu patience avec les gens du service à la clientèle de Y et que les personnes qui supervisaient l’équipe lui ont dit qu’elles n’aimaient pas qu’il hausse le ton ou prononce des jurons. C’est à ce moment-là qu’une seule personne-ressource a été désignée pour échanger avec lui, mais cette personne a aussi décidé qu’elle ne voulait plus communiquer avec lui. En conséquence, de son propre aveu, il était des plus désagréables quand il devait s’adresser à Y.
[43] Se comporter avec agressivité, crier, lancer des jurons et dénigrer les autres est un choix. En tant qu’adulte tout à fait fonctionnel, l’appelant est en pleine possession de ses moyens quand il choisit d’utiliser certains mots et de parler sur un ton particulier dans ses interactions avec les autres. Ainsi, être agressif envers les gens, leur manquer de respect et dire des choses offensantes et déplacées sont des gestes délibérés.
[44] Je conclus donc que la conduite de l’appelant envers le personnel de Y découle d’un choix conscient et délibéré.
[45] Je considère aussi que l’appelant savait, ou aurait dû savoir, que son comportement pouvait entraîner la perte de son emploi parce que l’accès au logiciel de Y était essentiel dans l’exercice de ses fonctions. Son expulsion de la plateforme voulait dire qu’il ne pouvait plus remplir ses obligations envers son employeur, qui avait donc une raison de le congédier.
[46] La Cour d’appel fédérale a confirmé que les employeuses et employeurs n’ont pas l’obligation de modifier leurs politiques ou les exigences et tâches d’un poste pour répondre aux besoins des prestataires qui, par leur propre faute, ne peuvent plus remplir leurs obligations envers leur employeuse ou employeurNote de bas de page 36. Le type de comportement que l’appelant a eu envers l’entreprise qui faisait la paie lui permettait normalement de prévoir qu’il pouvait se faire expulser de la plateforme et donc être incapable d’accomplir les tâches essentielles à son emploi. La Cour a conclu que de telles situations constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que les prestataires peuvent normalement prévoir la perte de leur emploi quand il leur est impossible d’exercer leurs fonctionsNote de bas de page 37.
[47] Il n’est pas nécessaire d’avoir eu une intention coupable pour que son comportement soit une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 38. La personne qui demande des prestations et qui, par ses propres gestes, a fait en sorte de ne plus pouvoir fournir tous les services requis par son contrat de travail « ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que [celle] qui quitte son emploi volontairementNote de bas de page 39 ».
Somme toute, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?
[48] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.
[49] L’appelant a soulevé d’autres points que je n’ai pas abordés dans la présente décision. Je ne peux pas examiner certaines de ses allégations parce qu’elles dépassent la portée du critère juridique de l’inconduite. Selon la Cour, je n’ai pas à aborder les arguments qui dépassent la portée de mon mandatNote de bas de page 40. J’ai choisi de ne pas mentionner d’autres allégations parce qu’elles sont sans fondement et ne méritent pas d’être prises en considération.
Conclusion
[50] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.