[TRADUCTION]
Citation : ZL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 160
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | Z. L. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 15 janvier 2025 (GE-24-4155) |
Membre du Tribunal : | Janet Lew |
Date de la décision : | Le 24 février 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-109 |
Sur cette page
Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] Le demandeur, Z. L. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale.
[3] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi du 19 novembre 2023 au 27 juillet 2024. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas fourni une explication acceptable selon la loi pour justifier son retard. Pour cette raison, la division générale n’a pas pu traiter sa demande comme s’il l’avait présentée plus tôt. Le prestataire n’a donc pas reçu de prestations pendant la période écoulée.
[4] Le prestataire soutient qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Il affirme que la division générale a commis des erreurs de fait importantes. Il a de nouveaux éléments de preuve à ajouter à son dossier. Il fait également valoir que Service CanadaNote de bas de page 1 ne lui a pas fourni les renseignements qu’il cherchait. Il soutient que Service Canada ne lui a pas dit quand et comment il devait présenter ses demandes en ligne. Il affirme aussi que le service de déclaration en ligne ne lui a pas permis de mettre ses renseignements personnels à jour.
[5] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 3.
[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.
Question en litige
[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante?
Analyse
Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel
[8] La permission de faire appel est refusée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a possiblement commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 4.
[9] Pour ce type d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 5.
Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes
[10] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Le prestataire veut présenter de nouveaux éléments de preuve
[11] Le prestataire veut fournir de nouveaux éléments de preuve à ajouter à son dossier. Il affirme que le 11 mars 2024, il s’est blessé au pouce gauche. Il a dû consulter un médecin. Un mois plus tard, son pouce était toujours enflé. La situation s’est aggravée, alors il est allé à l’hôpital pour obtenir un traitement. Le prestataire soutient qu’à cause de sa blessure au pouce gauche, il n’a pas pu demander des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6.
[12] La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuve. Comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé :
[13] [...] selon les règles fixées par le législateur, les audiences devant la division d’appel ne sont pas de nouvelles audiences fondées sur des éléments de preuve à jour par rapport à ceux dont disposait la division générale. La division d’appel procède au contrôle des décisions de la division générale en utilisant les mêmes éléments de preuveNote de bas de page 7.
[13] Il existe quelques exceptions à cette règle générale. De nouveaux éléments de preuve peuvent être pris en considération lorsqu’ils fournissent des renseignements d’ordre général, révèlent l’existence de vices de procédure ou, exceptionnellement, lorsque les deux parties conviennent qu’un document important devrait être pris en compte. Il n’y a aucune circonstance de cette nature dans la présente affaire.
[14] Les nouveaux éléments de preuve ne sont pas permis lorsqu’ils servent à appuyer la thèse d’une partie, en particulier lorsque cette partie aurait pu produire ces éléments de preuve auparavant. Le prestataire ne m’a donné aucune raison qui me permettrait d’accepter ces nouveaux éléments de preuve.
[15] De plus, même si on me permettait de prendre en considération les nouveaux éléments de preuve du prestataire, ils ne démontreraient pas qu’il avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période allant du 19 novembre 2023 au 27 juillet 2024. La blessure du prestataire n’est survenue que le 11 mars 2024.
[16] La division générale a établi qu’une personne raisonnable et prudente se serait rendue dans un Centre Service Canada et aurait parlé de sa demande à une agente ou un agent. Même si le prestataire avait des douleurs et une enflure au pouce gauche et qu’il devait consulter un médecin, il était peu probable que ces considérations à elles seules l’aient empêché de se renseigner au sujet de sa demande.
Le prestataire affirme que Service Canada ne lui a pas fourni des renseignements adéquats
[17] Le prestataire soutient que Service Canada ne lui a pas fourni des renseignements adéquats. Il reconnaît avoir reçu une lettre de Service Canada, mais affirme qu’elle ne lui disait pas comment et quand il devait produire des déclarations. Il dit que si la division générale avait tenu compte de ces éléments de preuve, elle aurait accepté qu’il avait un motif valable justifiant son retard à produire ses déclarations.
[18] De ce fait, le prestataire semble affirmer que la division générale a mal interprété ou a complètement ignoré cette preuve. Le prestataire n’a aucun argument défendable à ce sujet. La division générale a pris note de la preuve du prestataire, selon laquelle il avait reçu une lettre, datée du 8 décembre 2023, de la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 8.
[19] La division générale a souligné que la lettre de la Commission disait : [traduction] « Puisque ces montants ont déjà été appliqués à vos prestations, ne les inscrivez pas dans vos déclarationsNote de bas de page 9 » (c’est la division générale qui souligne). La division générale a essentiellement conclu que la Commission rappelait au prestataire qu’il devait produire des déclarations.
[20] La lettre de la Commission n’indiquait pas au prestataire la façon et le moment où il devait produire ses déclarations. Cependant, il ressort clairement de la décision de la division générale qu’elle a conclu que la Commission n’était pas tenue de fournir ces renseignements. En fin de compte, il revenait au prestataire de se renseigner sur ses obligations et sur ce qu’il devait faire. Comme la Cour fédérale l’a écrit dans une affaire intitulée KarvalNote de bas de page 10 :
Il est certain que bon nombre de programmes de prestations gouvernementales sont complexes et assortis de conditions d’admissibilité strictes. Il est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explications. Si un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronés, la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiques. Cependant, lorsqu’une prestataire comme Mme Karval n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguës, il n’y a aucun recours possible en droit. Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questions [...] Ces éléments d’information étaient clairement énoncés dans le formulaire [...]Note de bas de page 11
(c’est moi qui souligne)
[21] La lettre de la Commission ne contient rien de trompeur.
[22] Même si le prestataire insiste pour dire que la Commission aurait dû fournir plus de renseignements dans sa lettre, certains figuraient dans la demande de prestations d’assurance-emploi. Par exemple, à la rubrique « Quelles sont les prochaines étapes? », les parties prestataires peuvent lire qu’après avoir demandé des prestations d’assurance-emploi, elles doivent commencer à remplir des déclarations toutes les deux semaines par Internet ou par téléphone dès qu’elles reçoivent leur code d’accès par la posteNote de bas de page 12. Autrement dit, il y a eu d’autres occasions où la Commission (ou Service Canada) a pratiquement dit au prestataire ce qu’il devait faire.
[23] Le prestataire n’a pas reçu de code d’accès en 2023. Il affirme que Service Canada ne lui a pas donné de code d’accès en 2023. Si on lui avait envoyé le code d’accès en 2023, il aurait probablement produit ses déclarations à temps.
[24] Toutefois, la preuve démontre que la Commission n’était pas mise en cause parce que l’on n’avait pas envoyé de code d’accès au prestataire à sa nouvelle adresse. Le prestataire n’avait tout simplement avisé Service Canada ou la Commission de sa nouvelle adresse que plusieurs mois suivant son déménagement. Pourtant, le formulaire de demande de prestations d’assurance-emploi indiquait la façon dont les parties prestataires peuvent mettre leur adresse postale à jourNote de bas de page 13.
[25] Le prestataire affirme qu’il a été induit en erreur parce que son compte en ligne n’a pas été mis à jour et parce qu’il n’avait pu joindre personne à Service Canada par téléphoneNote de bas de page 14. Cependant, il ne précise pas ce qui était trompeur. En l’occurrence, le compte en ligne du prestataire n’avait pas été mis à jour parce qu’il n’avait produit aucune déclaration. Et le fait que le prestataire n’ait réussi à parler à personne ne signifie pas qu’il a reçu des renseignements trompeurs. Il n’a simplement pas reçu de renseignement du tout.
[26] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a mal interprété ou ignoré un élément de preuve quelconque montrant que la Commission ou Service Canada n’avait pas fourni plus de renseignements au prestataire. La division générale a pris note de cette preuve. Par ailleurs, la loi exige qu’une partie prestataire s’informe de ce qui lui est demandé.
Le prestataire affirme que Service Canada n’a pas répondu à ses questions
[27] Le prestataire fait valoir que même s’il s’est rendu en personne aux bureaux de Service Canada, personne n’a répondu à ses questions ni ne lui a donné les renseignements qu’il cherchait.
[28] Je ne suis pas convaincue qu’il existe un argument défendable à ce sujet, car la preuve montre que le prestataire ne s’était pas rendu dans un bureau de Service Canada pour obtenir de l’aide. Il a mentionné avoir essayé de téléphoner à Service Canada, mais il n’a dit dans aucune de ses lettres ou de ses conversations téléphoniques avec la Commission qu’il avait essayé de se rendre dans un bureau de Service CanadaNote de bas de page 15. En fait, les notes de la Commission donnent à penser qu’elle a demandé au prestataire s’il s’était rendu dans un Centre Service Canada pour obtenir de l’aide et qu’il a répondu que nonNote de bas de page 16.
[29] La preuve ne soutient pas les arguments du prestataire selon lesquels il n’a reçu aucune aide d’un bureau de Service Canada.
Le prestataire affirme que le processus en ligne de Service Canada ne lui permettrait pas de mettre à jour ses renseignements personnels
[30] Le prestataire soutient que le processus en ligne de Service Canada ne lui permettrait pas de mettre ses renseignements personnels à jour. Le prestataire dit que la division générale n’a pas pris ces éléments de preuve en considération. Selon lui, si elle avait pris cette preuve en compte, elle aurait conclu qu’il avait un motif valable justifiant son retard.
[31] Cependant, la division générale a bel et bien pris ces éléments de preuve en considération. La division générale a reconnu le témoignage du prestataire selon lequel il a essayé de mettre à jour son compte en ligne, Mon dossier Service Canada, mais qu’il recevait toujours des messages d’erreurNote de bas de page 17. Cependant, comme la division générale l’a établi, le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente. Elle a conclu qu’une personne raisonnable et prudente aurait parlé à une agente ou un agent de Service Canada, par téléphone ou en allant dans un Centre Service Canada, pour essayer de savoir pourquoi elle n’avait pas reçu de prestations.
[32] Essentiellement, le prestataire me demande de réexaminer la preuve et de trancher l’affaire en sa faveur. Il demande à la division d’appel de convenir avec lui qu’il avait un motif valable justifiant son retard à produire ses déclarations.
[33] Cependant, la division d’appel ne réexamine pas la preuve dont disposait la division générale pour en arriver à une conclusion différente. Le rôle de la division d’appel dans une demande de permission de faire appel se limite à décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.
Conclusion
[34] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.