Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi lorsqu’elle a cessé de travailler.

La Commission de l’assurance-emploi du Canada a établi que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 10 mars 2024, car, à son avis, celle-ci avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La division générale a tiré la même conclusion. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle s’était présentée en retard au travail. De plus, la division générale a conclu que la conduite de la prestataire constituait un acte délibéré d’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. Pour cette raison, elle était exclue du bénéfice des prestations. La prestataire a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

Selon la prestataire, la division générale n’a pas suivi un processus équitable, car sa mère n’a pas été autorisée à témoigner à l’audience. La prestataire a fait valoir que sa mère avait une connaissance directe et pouvait témoigner au sujet d’une conversation téléphonique qu’elle avait eue avec la superviseure de sa fille.

Dans sa décision écrite, la division générale a signalé que la mère de la prestataire participait à titre de personne de soutien. D’après la division générale, la mère n’a pas prêté serment à titre de témoin parce qu’elle n’avait aucune connaissance directe des faits et que celle-ci se limitait à ce que lui avait dit la prestataire. C’est pourquoi la division générale a indiqué qu’elle n’a pas permis à la mère de témoigner, mais elle l’a autorisée à inciter sa fille à parler des faits durant l’audience.

Dans la présente affaire, la division d’appel a établi que la division générale avait commis une erreur, car elle n’a pas suivi un processus équitable. La mère de la prestataire a été désignée comme témoin au début de l’audience de la division générale, et l’on s’attendait à ce qu’elle témoigne au sujet d’une discussion qu’elle avait eue avec la superviseure. La division générale n’a pas permis à la mère de témoigner.

La décision écrite de la division générale indique que la mère de la prestataire n’avait aucune connaissance directe des événements. Cela dit, la division générale ignorait ce que la mère allait dire puisqu’elle n’a pas permis à celle-ci de témoigner. Elle n’a pas non plus cherché à préciser si le témoignage était pertinent ou non. Si la mère a parlé à la superviseure, alors son témoignage peut être pertinent à la question de l’inconduite que la prestataire aurait commise. Pendant l’audience, la division générale a bien donné une certaine marge de manœuvre à la mère de la prestataire en lui permettant d’aider sa fille. Cependant, cela n’équivaut pas à livrer son propre témoignage au sujet de la discussion qu’elle avait eue avec la superviseure.

La division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen par une ou un autre membre.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 89

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : T. P.
Représentant ou représentante : L. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant ou représentante : Dionisios Kopitas

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 septembre 2024 (GE-24-2930)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 janvier 2025
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 5 février 2025
Numéro de dossier : AD-24-676

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour qu’une ou un autre membre la réexamine.

Aperçu

[2] T. P. est la prestataire dans la présente affaire. Elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi après avoir cessé de travailler.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 10 mars 2024 parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale a tiré la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle est arrivée en retard au travail et que sa conduite constituait une inconduite délibérée au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. Pour cette raison, elle était exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 4.

[5] Je conclus que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure parce qu’elle n’a pas permis à la mère de la prestataire – une témoin – de témoigner à l’audience. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Questions préliminaires

La mère de la prestataire était présente à titre de représentante

[6] La prestataire n’a pas assisté à l’audience de la division d’appel. Toutefois, sa mère était présente à titre de représentante. Lorsque je fais référence à la prestataire dans la présente décision, je fais référence aux arguments que sa mère a présentés en son nom en tant que représentante.

La prestataire a déposé quatre documents après l’audience de la division d’appel

[7] La prestataire a déposé les quatre documents suivants (non sollicités) auprès du Tribunal après l’audience de la division d’appel :

  1. a) Une copie d’une lettre d’accusé de réception du Tribunal datée du 12 septembre 2024 (elle porte la mention AD10 et fait partie du dossier de la division générale).
  2. b) Un courriel qui répète les raisons pour lesquelles elle ne veut pas que l’affaire soit renvoyée à la division générale (il porte la mention AD11).
  3. c) Un courriel reprenant ses arguments et présentant d’autres arguments (il porte la mention AD12).
  4. d) Un courriel présentant une capture d’écran du site Web « quora.com » au sujet du congédiement pour inconduite (il porte la mention AD13).

[8] Après avoir examiné tous les documents déposés après l’audience, j’ai communiqué par écrit avec la prestataire pour confirmer que j’accepterais seulement deux de ces documentsNote de bas de page 5. J’ai accepté et pris en considération les documents portant les mentions AD10 et AD11 parce que la prestataire ne fait que reprendre ses arguments. Il ne s’agit donc pas de nouveaux renseignements. J’estime que le fait d’accepter ces documents après l’audience ne cause aucun préjudice à la Commission.

[9] Toutefois, je n’accepte pas deux des documents, soit ceux qui portent les mentions AD12 et AD13. Bien que la prestataire répète en partie ses arguments, elle les élabore considérablement et en a soulevé de nouveaux.

[10] Le Tribunal doit s’assurer que le processus d’appel est simple et rapide, tout en respectant les principes d’équitéNote de bas de page 6. Les deux parties ont droit à un processus équitable. Il serait injuste pour la Commission de permettre à la prestataire de présenter des arguments étoffés et de nouveaux arguments après l’audience. Cela entraînerait également d’autres retards. De plus, certains des arguments de la prestataire ne semblent pas pertinents (ils portent sur des allégations de congédiement injustifié et sur la légalité de la lettre d’avertissement de l’employeur)Note de bas de page 7.

[11] Je n’accepte pas les documents AD12 et AD13; je ne les ai donc pas pris en considération pour rendre cette décision. La prestataire a eu une occasion équitable et complète de se préparer et de présenter ses arguments à l’audience de la division d’appel le 31 janvier 2025Note de bas de page 8.

Questions en litige

[12] Je me suis concentrée sur la question suivante :

  1. a) La division générale a-t-elle omis de suivre une procédure équitable lorsqu’elle a refusé d’entendre le témoignage de la mère de la prestataire?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une autre erreur révisable?
  3. c) Si c’est le cas, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[13] Je peux intervenir si la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure, a commis une erreur de droit ou une erreur de faitNote de bas de page 9.

[14] La prestataire soutient que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure et qu’elle a commis d’autres erreurs révisablesNote de bas de page 10. Je vais donc commencer par vérifier si la division générale a assuré l’équité de la procédure.

La division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure

[15] Les principes de justice naturelle sont les piliers de l’équité de la procédure. Le droit à une audience équitable devant le Tribunal comprend certaines garanties procédurales. Par exemple, le droit des parties d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale, le droit de connaître les arguments avancés contre soi et d’avoir la possibilité d’y répondre.

[16] La prestataire affirme que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure parce qu’on n’a pas permis à sa mère de témoigner lors de l’audienceNote de bas de page 11. Elle soutient que sa mère avait une connaissance directe d’une conversation téléphonique qu’elle avait eue avec sa superviseure et qu’elle pouvait témoigner à ce sujet.

[17] La Commission affirme que la division générale pourrait avoir omis d’assurer l’équité de la procédure en refusant de permettre à la mère de témoigner. Toutefois, elle soutient que le résultat aurait été le même (l’inconduite a été prouvée).

[18] La décision de la division générale indique que la mère de la prestataire participait à l’audience à titre de personne de soutienNote de bas de page 12. Elle indique qu’elle n’a pas prêté serment comme témoin parce qu’elle n’avait pas une connaissance directe des faits et que son témoignage se limiterait à ce que la prestataire lui avait dit. Pour cette raison, la division générale a déclaré qu’elle n’était pas autorisée à témoigner. Toutefois, elle a accepté que la mère incite la prestataire à inclure certains faits dans son témoignage.

[19] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Voici un résumé des parties pertinentesNote de bas de page 13 :

  • Au début de l’audience, la mère de la prestataire s’est présentée comme témoin, mais a aussi dit qu’elle était là pour fournir un [traduction] « soutien moral ». La division générale a expliqué que si elle témoignait, elle devrait plus tard prêter serment comme témoin.
  • La mère de la prestataire a commencé à parler longtemps au cours de l’audience. La membre de la division générale a expliqué qu’elle était en train de témoigner et qu’elle devrait prêter serment comme témoin.
  • La mère de la prestataire était d’accord, mais la membre de la division générale l’a interrompue pour dire qu’elle ne semblait pas avoir une connaissance directe des événements et qu’il serait donc préférable d’entendre le témoignage de la prestataire.

[20] Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale prévoient qu’un témoin témoigne à une audience orale afin de fournir des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 14.

[21] Je conclus que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas assuré l’équité de la procédure dans la présente affaireNote de bas de page 15. La mère de la prestataire s’est présentée comme témoin au début de l’audience de la division générale et s’attendait à témoigner au sujet d’une discussion qu’elle avait eue avec la superviseure. La division générale ne lui a pas permis de le faire.

[22] La décision de la division générale indique que la mère de la prestataire n’avait pas une connaissance directe des événements, mais la membre ne pouvait pas savoir ce que la mère allait dire. La membre n’a pas non plus cherché à savoir si son témoignage était pertinent ou non.

[23] Si la mère de la prestataire a parlé à la superviseure, il se peut que son témoignage soit pertinent à la question de l’inconduite présumée de la prestataire.

[24] Certes, la division générale a donné une certaine marge de manœuvre à la mère pour qu’elle aide la prestataire pendant l’audience. Cependant, cela n’équivaut pas à un témoignage à part entière au sujet de la discussion qu’elle a eue avec la superviseure.

[25] Par conséquent, la division générale a commis une erreur, car elle a omis d’assurer l’équité de la procédure. En effet, elle n’a pas permis à la mère de la prestataire de témoigner. Cela a porté atteinte au droit de la prestataire de présenter ses arguments.

[26] La prestataire a présenté d’autres arguments au sujet d’erreurs révisables que la division générale aurait commises. Cependant, il n’est pas nécessaire que je les aborde parce que j’ai déjà trouvé une erreur, alors je peux intervenir.

Correction de l’erreur

[27] Il y a deux façons de corriger une erreur de la division généraleNote de bas de page 16. Je peux renvoyer le dossier à la division générale pour qu’elle le réexamine ou je peux rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

[28] La prestataire veut que j’annule la décision de la division générale. Elle aimerait que je la remplace par ma propre décision et que je conclue qu’il n’y a pas eu d’inconduite afin qu’elle puisse recevoir des prestations. Elle ne voit pas l’utilité de renvoyer l’affaire à la division générale parce qu’elle conteste leur interprétation du terme « inconduite », qui ne lui inspire pas confianceNote de bas de page 17.

[29] La Commission veut que l’appel de la prestataire soit rejeté. Elle affirme que même si la mère de la prestataire avait témoigné, le résultat serait le même (l’inconduite a été prouvée).

L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen

[30] Je reconnais que les parties veulent que je substitue ma propre décision à celle de la division générale, mais je ne le ferai pas dans la présente affaire. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen. Je donne plus de détails ci-dessous.

[31] Le facteur principal dont je dois tenir compte est la question de savoir si les parties ont eu une occasion pleine et équitable de présenter leurs éléments de preuve à la division générale sur toutes les questions pertinentes. Si le dossier est incomplet d’une façon ou d’une autre, il convient de le renvoyer à la division générale pour réexamen.

[32] La prestataire n’a pas eu une occasion pleine et équitable de présenter ses arguments sur toutes les questions pertinentes et elle devrait avoir l’occasion de le faire. Sa mère n’a pas eu l’occasion de témoigner au sujet de la conversation qu’elle a eue avec la superviseure, ce qui était peut-être pertinent pour la question de l’inconduite présumée de la prestataire.

[33] Je signale que le dossier pourrait ne pas être complet pour une autre raison. L’un des autres arguments soulevés par la prestataire était que certains documents importants qui avaient été soumis à la division générale ne faisaient pas partie du dossierNote de bas de page 18. Elle affirme qu’il y a eu des problèmes techniquesNote de bas de page 19.

[34] Je n’ai tiré aucune conclusion sur la question des documents manquants, mais je souligne simplement son argument parce qu’il pourrait aussi appuyer le fait que le dossier est incomplet. De plus, la division d’appel ne peut pas accepter de nouveaux éléments de preuve (sauf dans des circonstances limitées) parce qu’elle doit en principe examiner la décision de la division générale, laquelle est fondée sur les mêmes éléments de preuveNote de bas de page 20.

[35] L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen. La mère de la prestataire aura maintenant l’occasion de témoigner (et elle peut entretemps présenter de nouveau les documents manquants).

Conclusion

[36] L’appel de la prestataire est accueilli. La division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour qu’une ou un autre membre la réexamine.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.