[TRADUCTION]
Citation : LL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 321
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | L. L. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision (0) datée du 20 février 2025 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Gary Conrad |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 17 mars 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-599 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’examiner la demande de l’appelante parce qu’elle n’a pas tenu compte des facteurs pertinents.
[3] J’ai rendu la décision que la Commission aurait dû rendre. J’en suis arrivé à la conclusion que la Commission n’aurait pas dû revenir en arrière et examiner la demande de l’appelante.
[4] Par conséquent, la décision selon laquelle l’appelante était à l’étranger et non disponible pour travailler, et qu’elle a sciemment fait de fausses déclarations entraînant une pénalité et une violation, est annulée.
Aperçu
[5] La Commission affirme avoir appris que l’appelante se trouvait à l’étranger et que celle-ci ne l’avait jamais déclaré.
[6] La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations à l’appelante pour la période où elle se trouvait à l’étranger. Elle a également conclu que l’appelante n’était pas disponible pendant cette période et qu’elle avait sciemment fourni de faux renseignements. Par conséquent, elle a imposé une pénalité et une violation.
[7] L’appelante soutient que la Commission a rendu sa décision sans lui parler.
Question que je dois examiner en premier
Mode d’audience
[8] L’appelante a demandé que son audience se déroule par écritNote de bas de page 1.
[9] Ainsi, en gardant à l’esprit les décisions (non contraignantes) de la division d’appel qui soulignent l’importance de respecter le choix d’audience d’une partie l’appelanteNote de bas de page 2, et le fait qu’une audience par écrit est équitable sur le plan procédural pour cette dernièreNote de bas de page 3, ce que je juge être des motifs convaincants, j’ai procédé par écrit.
Questions en litige
[10] La Commission peut-elle revenir en arrière et examiner la demande de l’appelante?
[11] Si oui, l’a-t-elle fait correctement?
[12] Dans le cas où elle a procédé correctement, l’appelante a-t-elle reçu des prestations en trop?
Analyse
Examen de la demande
[13] La loi prévoit que la Commission peut examiner une demande de prestations, pour quelque raison que ce soit, dans les 36 mois suivant le versement des prestationsNote de bas de page 4.
[14] La période de prestations examinée s’étend du 20 juillet 2022 au 19 août 2022Note de bas de page 5.
[15] La décision de la Commission de ne pas pouvoir verser de prestations à l’appelante et d’imposer une pénalité a été rendue le 19 juin 2024Note de bas de page 6, et l’avis de dette a été envoyé le 22 juin 2024Note de bas de page 7.
[16] Selon la jurisprudence, la Commission doit examiner la demande, effectuer tout nouveau calcul et aviser l’appelante de sa décision et de tout montant à rembourser dans le délai de 36 moisNote de bas de page 8.
[17] Je conclus que la Commission avait le droit d’examiner la demande parce qu’il y a moins de 36 mois entre le 20 juillet 2022 et le 22 juin 2024, de sorte que le délai ne s’était pas écoulé.
Conformité de l’examen
[18] Ce n’est pas parce que la Commission pouvait revenir en arrière et examiner la demande que l’analyse est terminée. La décision d’examen est discrétionnaire. Selon la jurisprudence, tout pouvoir discrétionnaire doit être exercé de façon judiciaire.
[19] Pour qu’une décision soit rendue « de façon judiciaire », la décideuse ou le décideur (dans cette affaire, la Commission) ne peut pas agir de mauvaise foi ou dans un but ou pour un motif irrégulier, prendre en compte un facteur non pertinent, ignorer un facteur pertinent, ou agir de façon discriminatoire. Toute décision discrétionnaire qui n’est pas rendue « de façon judiciaire » doit être annuléeNote de bas de page 9.
[20] La Commission affirme avoir obtenu des renseignements de l’Agence des services frontaliers du Canada indiquant que l’appelante se trouvait à l’étranger. Elle dit avoir comparé cette information aux déclarations de l’appelante et avoir constaté que celle-ci avait répondu « non » à la question de savoir si elle se trouvait à l’étranger.
[21] La Commission affirme que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses et qu’elle a le pouvoir d’examiner sa demande conformément à la loiNote de bas de page 10.
[22] J’estime que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire, car elle a ignoré un facteur pertinent lorsqu’elle a pris sa décision d’examiner la demande de l’appelante.
[23] La section 17.3.3 du Guide de la détermination de l’admissibilité de la Commission prévoit qu’un examen est effectué seulement dans les situations suivantes :
- il y a un moins-payé de prestations;
- des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi;
- des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
- la personne aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droitNote de bas de page 11.
[24] La Commission n’a jamais affirmé, et il n’y a aucune preuve que des prestations potentiellement payables n’ont pas été versées à l’appelante ni que l’appelante aurait dû savoir qu’elle n’avait pas droit aux prestations.
[25] Un séjour à l’étranger et une période de non-disponibilité sont clairement mentionnés dans le Guide comme des choses qui ne sont pas considérées comme contraires à la structure de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12.
[26] Il reste donc la situation selon laquelle des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse. Le Guide précise que si une déclaration fausse ou trompeuse est en cause, une demande peut être examinée sur la base de questions qui ne sont pas liées à la structure de la Loi.
[27] La Commission soutient que l’appelante était à l’étranger du 20 juillet 2022 au 19 août 2022 et qu’elle ne l’a jamais dit. Elle affirme que cela signifie que l’appelante a fait de fausses déclarations lorsqu’elle a dit qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle n’était pas à l’étranger dans ses déclarations du prestataireNote de bas de page 13.
[28] J’estime que la Commission n’a pas démontré selon la prépondérance des probabilités qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite.
[29] La Commission croit que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses au sujet de sa disponibilité pour travailler et de son absence du Canada, car l’Agence des services frontaliers du Canada a affirmé que l’appelante était à l’étranger du 20 juillet 2022 au 19 août 2022Note de bas de page 14.
[30] Toutefois, la Commission n’a pas fourni les éléments de preuve à l’appui de cette affirmation.
[31] L’appelante ne peut pas prouver un fait négatif, à savoir qu’elle n’a pas voyagé à l’extérieur du Canada du 20 juillet 2022 au 19 août 2022Note de bas de page 15. De plus, l’appelante n’a pas déclaré qu’elle était à l’étranger.
[32] De plus, si la Commission a effectivement obtenu des renseignements de l’Agence des services frontaliers du Canada sur le séjour de l’appelante à l’étrangerNote de bas de page 16, elle disposait alors de cette preuve et aurait donc pu la fournir.
[33] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale, la Commission est tenue de produire des preuves de ses affirmations, et non de se contenter d’affirmer que l’appelante était à l’extérieur du Canada du 20 juillet 2022 au 19 août 2022Note de bas de page 17. Cependant, elle ne l’a pas fait.
[34] Étant donné que la Commission n’a pas fourni la preuve que l’appelante était à l’étranger (ses affirmations n’étant pas suffisantes), cela signifie qu’elle n’a pas démontré que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses.
[35] Autrement dit, en l’absence de déclarations fausses ou trompeuses, le fait de revenir en arrière et d’examiner une demande de prestations pour vérifier la disponibilité de l’appelante ou pour voir si elle se trouvait à l’étranger est une chose que le Guide dit que la Commission ne fera pas.
[36] Comme la Commission n’a pas suivi son Guide, cela signifie qu’elle a ignoré un facteur pertinent. Elle n’a donc pas agi de façon judiciaire. Je vais donc rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 18.
La décision que la Commission aurait dû rendre
[37] J’ai rendu la décision que la Commission aurait dû rendre. J’en suis arrivé à la conclusion que la demande de l’appelante n’aurait pas dû être examinée.
[38] Compte tenu du Guide de la Commission, puisque la preuve n’appuie pas les déclarations fausses ou trompeuses de l’appelante, qu’il n’y a aucune preuve que des prestations potentiellement payables ne lui ont pas été versées et que personne n’a soutenu qu’elle aurait dû savoir qu’elle n’avait pas droit aux prestations, seule une situation contraire à la structure de la Loi entraînerait un examen.
[39] Comme un séjour à l’étranger et une période de non-disponibilité sont clairement mentionnés dans le Guide comme des choses qui ne sont pas considérées comme contraires à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi, il n’y a pas lieu d’examiner la demande de prestations de l’appelante.
[40] Par conséquent, la décision selon laquelle l’appelante était à l’étranger et non disponible pour travailler, et qu’elle a sciemment fait de fausses déclarations entraînant une pénalité et une violation, est annulée.
Conclusion
[41] L’appel est accueilli.
[42] La Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’examiner la demande de l’appelante. Cela signifie que je peux rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. Et j’ai conclu que la demande de l’appelante ne devrait pas être examinée.
[43] Par conséquent, la décision selon laquelle l’appelante était à l’étranger et non disponible pour travailler, et qu’elle a sciemment fait de fausses déclarations entraînant une pénalité et une violation, est annulée.