Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 190

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (684511) datée du 6 novembre, 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Harkamal Singh
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier, 2025
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 29 janvier, 2025
Numéro de dossier : GE-24-4021

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi chez X. L’employeur l’a d’abord mise à pied en raison d’un manque de travail, mais a par la suite modifié la raison du congédiement pour une inconduite, affirmant qu’elle avait harcelé une collègue en publiant des messages désobligeants sur les médias sociaux et qu’elle avait déjà apporté un bâton de baseball au travail.

[4] L’appelante reconnait avoir publié des messages sur les médias sociaux au sujet de sa collègue et avoir apporté un bâton de baseball au travail. Cependant, elle explique cependant qu’elle n’a publié ces messages qu’après l’échec des négociations en vue de son retour au travail. Elle affirme aussi qu’elle a seulement apporté le bâton de baseball pour se protéger après avoir été menacée par la fille de sa collègue lors d’une fête de Noël organisée par l’entreprise. L’appelante soutient qu’elle a en fait été congédiée parce qu’elle cherchait un autre emploi pendant sa mise à pied, et non en raison d’une inconduite.

[5] La Commission a accepté la position de l’employeur selon laquelle l’appelante a été congédiée pour avoir enfreint sa politique sur le harcèlement en publiant des messages sur les médias sociaux et en se comportant de manière inappropriée au travail. La Commission a décidé que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et l’a exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[8] J’estime que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a enfreint la politique de l’entreprise sur le harcèlement en publiant des messages désobligeants sur les médias sociaux au sujet de sa collègue après avoir été avertie concernant le harcèlement.

[9] La Commission et l’appelante ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle elle a perdu son emploi. Selon la Commission, l’employeur a déclaré que l’appelante avait été congédiée parce qu’elle avait enfreint sa politique sur le harcèlement à plusieurs reprises, allant jusqu’à publier du contenu désobligeant sur les médias sociaux au sujet de sa collègue malgré avoir été avertie à plusieurs reprises concernant le harcèlementNote de bas page 2. L’employeur a déclaré qu’il avait congédié l’appelante principalement pour cette raison, et non parce qu’elle cherchait un autre emploiNote de bas page 3.

[10] L’appelante n’est pas d’accord. Elle maintient qu’on lui a dit qu’elle avait [traduction] « démissionné de manière déguisée » parce qu’elle avait publié qu’elle cherchait un emploi pendant sa mise à piedNote de bas page 4. Elle affirme qu’elle cherchait un emploi seulement parce qu’elle devait payer ses factures en attendant de terminer la formation sur la gestion de la colère qu’elle devait suivre pour retourner au travailNote de bas page 5.

[11] Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus que l’appelante a été congédiée pour avoir enfreint la politique sur le harcèlement pour les raisons suivantes :

  1. a) L’employeur a toujours soutenu que l’appelante avait été congédiée pour ses publications sur les médias sociaux concernant sa collègue, et non ses publications liées à sa recherche d’emploiNote de bas page 6.
  2. b) Le document de politique sur le harcèlement indique que l’entreprise a une politique de tolérance zéro à l’égard des menaces, de la violence verbale ou physique, du harcèlement et de l’intimidation envers les collèguesNote de bas page 7.
  3. c) L’appelante a admis avoir publié du contenu négatif sur sa collègue et a reconnu qu’elle n’aurait pas dû publier ce contenuNote de bas page 8.
  4. d) Il y a des preuves documentées d’avertissements antérieurs concernant le harcèlement, y compris un rapport d’incident du 15 décembre 2023 indiquant que l’appelante [traduction] « intimide et rabaisse sa collègue régulièrement dans les bureaux de l’entrepriseNote de bas page 9 ».
  5. e) L’employeur a fourni une chronologie claire montrant qu’après l’incident de la fête de Noël, l’appelante a été avertie que si elle continuait à se livrer à du harcèlement, elle serait congédiéeNote de bas page 10.
  6. f) Bien qu’il y ait des messages textes où il est question de recherche d’emploiNote de bas page 11, l’employeur a explicitement déclaré que ce n’était pas la raison du congédiementNote de bas page 12.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

[12] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelante est une inconduite.

[13] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 13. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 14. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 15.

[14] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 16.

[15] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 17.

[16] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante a volontairement enfreint la politique de l’entreprise sur le harcèlement à plusieurs reprises. Tout d’abord, l’appelante a harcelé sa collègue avant l’incident de la fête de NoëlNote de bas page 18. Puis, pendant la fête de Noël, elle a lancé une serviette à sa collègue et l’a poussée contre une table. Après avoir été avertie à propos de son comportement et avoir été obligée de suivre une formation sur la gestion de la colère, elle a aggravé la situation en apportant un bâton de baseball et en frappant sur les bureaux tout en faisant des bruits menaçants. Enfin, malgré des avertissements explicites la prévenant que tout harcèlement supplémentaire entraînerait son congédiement, elle a publié sur Facebook une photo et des commentaires désobligeants à l’égard de sa collègueNote de bas page 19. La Commission fait valoir que cette conduite est une inconduite délibérée, puisque l’appelante savait que sa conduite était interdite, mais a choisi de continuer à harceler sa collègueNote de bas page 20.

[17] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle a publié son message sur les médias sociaux alors que les négociations sur son retour au travail étaient en cours, après avoir été incapable de parvenir à un accord avec son employeurNote de bas page 21. Elle dit avoir supprimé la publication immédiatement lorsqu’on le lui a demandéNote de bas page 22. Elle maintient qu’elle a en fin de compte été congédiée parce qu’elle cherchait un autre emploi pendant sa mise à pied, et non à cause de harcèlementNote de bas page 23.

[18] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  1. a) La preuve montre un comportement hostile de plus en plus marqué. Lors de la fête de Noël, l’appelante a lancé une serviette à sa collègue S. et l’a peut-être poussée contre une table. L’appelante a déclaré que ses souvenirs étaient flous en raison de sa consommation d’alcool. Ce qui est clair, c’est que la situation est devenue physique, indépendamment de son intention.
  2. b) À la suite de cet incident, plutôt que de prendre des mesures pour améliorer ses relations au travail, l’appelante a apporté un bâton de baseball et s’est comportée de manière intimidante en frappant sur les bureaux et en claquant les tiroirsNote de bas page 24.
  3. c) Même après avoir été avertie concernant le harcèlement et obligée de suivre une formation sur la gestion de la colère, l’appelante a délibérément choisi de publier du contenu désobligeant sur les médias sociaux au sujet de sa collègue. De son propre aveu, elle a déclaré qu’elle avait « explosé » de rage en ligne et a reconnu qu’elle n’aurait pas dû publier le contenu concernant sa collègueNote de bas page 25.
  4. d) Bien que l’appelante ait déclaré qu’elle n’avait pas lu ou signé le guide à l’intention du personnel contenant la politique sur le harcèlement, cela n’excuse pas sa conduite. L’entreprise avait une politique claire sur le harcèlement, et le simple fait de ne pas consulter les politiques en milieu de travail n’exempte pas une personne de les suivre. Le document de politique indiquait que l’entreprise avait une politique de tolérance zéro à l’égard des menaces, de la violence verbale ou physique, du harcèlement et de l’intimidation envers les collèguesNote de bas page 26. Le fait que l’appelante ait enfreint cette politique à plusieurs reprises, malgré les avertissements et les occasions qui lui ont été données de corriger son comportement, constitue une inconduite délibérée.
  5. e) Le moment et la nature des messages de l’appelante sur les médias sociaux suggèrent qu’il s’agissait de représailles visant à nuire à la réputation de sa collègue. Il ne s’agissait pas d’un accès de colère impulsif, mais d’une série d’actions délibérées : obtenir une photo, écrire des commentaires désobligeants et les publierNote de bas page 27.
  6. f) Même si la raison de la cessation d’emploi sur le relevé d’emploi a changé au fil du temps, la preuve montre clairement que le harcèlement répété de l’appelante à l’encontre de sa collègue, qui a culminé avec ses publications sur les médias sociaux, était la principale raison de son congédiement le 10 janvier 2024.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[19] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[20] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’appelante est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[21] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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